mercredi 26 décembre 2018

"Maggie, une vie pour en finir" (Patrick Weber)

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Patrick Weber cumule de nombreuses activités :   historien de l'art, journaliste, chroniqueur, romancier, créateur du Club de l'Histoire et du Salon du Livre d'Histoire de Bruxelles, etc. Pour la première fois, dans "Maggie, une vie pour en finir",  il plonge dans son histoire familiale et nous raconte l'histoire de sa grand-mère. Maggie est une jeune fille des faubourgs de Manchester en Angleterre. Durant la première guerre mondiale, elle est infirmière et soigne un jeune militaire belge, Joseph Aerts, qu'elle épousera et suivra à Bruxelles à la fin de la guerre. Veuve assez jeune avec deux enfants, elle perd son fils, résistant pendant la deuxième guerre mondiale. Plus tard, dépressive, elle se jette dans un étang. Après ce drame, sa fille Joyce donne naissance à Patrick...

Patrick Weber a confié à la presse :   "Quand j'étais enfant, on me disait que ma grand-mère était morte de chagrin et je dois avouer que je n'avais pas cherché plus loin. Puis, je devais avoir 11 ou 12 ans, ma mère m'a avoué qu'elle était dépressive et s'était jetée dans un étang. Mais il a fallu longtemps pour que je cherche à en savoir plus. Ma mère avait l'âge des grands-mères de mes copains à l'école. Je ne m'entendais pas trop bien avec elle, j'avais l'impression qu'elle racontait toujours les mêmes choses, ce n'était pas très drôle. J'ai cherché très tôt à être indépendant. J'avais l'impression qu'elle ne s'intéressait pas à mon travail. Plus tard, j'ai découvert qu'elle gardait tous les articles que j'écrivais ou dans lesquels on parlait de moi, et qu'elle les envoyait à sa cousine en Angleterre. J'en ai pleuré... 

J'ai toujours été très féministe. Les injustices faites aux femmes, je ne supporte pas. Ma grand-mère, comme les autres femmes, elles ont fait vivre leur pays durant les guerres, mais elle n'avait aucun pouvoir de décision, ni droit de vote, ni argent en propre. C'est aussi toutes ces injustices que je raconte à travers la personne de Maggie. J'étais réticent au départ. L'autofiction, ce n'est pas trop mon truc. Puis, je me suis dit que si j'arrivais à toucher quelque chose d'universel à partir d'un cas particulier, ce serait une belle aventure". 

mercredi 19 décembre 2018

Vincent Engel, un auteur belge engagé

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Né en 1963 à Uccle, Vincent Engel est l'auteur de nombreux essais, romans et pièces de théâtre. Professeur à l'UCL et à l'IHECS,  c'est aussi un écrivain engagé qui tient des chroniques pour le journal "Le Soir" et la radio La Première.

Il y a quelques jours, Vincent Engel a donné son avis sur la politique et la société aux journaux du groupe L'Avenir :

"Les autorités redoutent des violences de la part des gilets jaunes. Le 2 décembre, 70.000 personnes manifestaient à Bruxelles pour le climat de manière très pacifique. Comment expliquer cette différence?
- Le mouvement du dimanche 2 décembre était préparé, relayé par une structure, des corps intermédiaires. Les gilets jaunes, c'est un mouvement spontané, qui est le fruit du travail de sape constant de ces corps intermédiaires. Le gouvernement se retrouve directement face à la population. Cela peut donner l'impression de partir dans tous les sens, mais ce n'est pas moins légitime que le mouvement du 2 décembre.

- L'expression des deux mouvements est différente, mais ne peut-on y voir un même malaise?
- Il y a un point commun : le sentiment dans la population que l'ordre politique s'occupe davantage des impératifs et des besoins de l'ordre financier que des priorités de la population. On fait peser le poids des mutations sur les plus fragilisés, sur ceux qui n'ont aucune alternative crédible. Et on demande que ce soit vous et moi qui fassions l'effort en matière d'écologie, mais dans le même temps, les compagnies aériennes et les plus grands pollueurs sont à peine taxés.

- Rien d'inédit dans cette attitude des gens de pouvoir?
- On est quand même à un point particulier dans l'attitude des gouvernants qui méprisent ce qui peut venir de la population. Ce mépris se marque fortement dans les écarts de richesse, surtout depuis les années 90. Les inégalités, les gens peuvent s'en accommoder, tant qu'elles restent raisonnables.

- La fracture sociale grandit.
- On a beau dire que le niveau de vie n'a jamais été meilleur, la discordance entre les chiffres avancés par les gouvernements et la réalité que les gens vivent est criante. Ce n'est pas une impression :  on peut le constater tous les jours. Ce qui est difficile, c'est l'arrogance et le mépris qu'on sent en face. Quand un président dit qu'il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, c'est une forme de violence. La violence n'est pas seulement celle qu'on nous montre dans les médias.

- En France, les gilets jaunes ont obtenu quelques concessions. Est-ce que la violence paie mieux que le pacifisme? 
- Macron a fait un petit pas en arrière, mais c'est temporaire. Il lâche un peu de lest pour gagner du temps, et table sur l'essoufflement d'un mouvement qui n'est pas structuré. Et il insiste énormément sur les débordements, sur les casseurs. On s'attend à une guerre civile. Il y a une dramatisation pour que tout débordement couvre tout le reste.

- La voie pacifique ne donne pas des effets plus concrets pour ce qui est du climat.
- C'est pour cela que le coup de gueule de Bouli Lanners est justifié. L'attitude de Marghem est invraisemblable. S'ils continuent à mépriser un mouvement et à criminaliser l'autre, ils vont se retrouver face à de la violence dont ils seront les seuls responsables. 

- Au fond, gilets jaunes et "gilets verts" ne sont-ils pas compatibles?
- Je ne vois pas pourquoi ils s'opposeraient. Bien sûr, si on se focalise sur la question du carburant, ils s'opposent. Mais si on propose aux gens une voie de lutte contre le réchauffement climatique avec une vraie politique de transports en commun efficaces et accessibles à tous, on répond à ces problèmes-là. Ceci dit, ces gens en gilet jaune ne manifestent pas seulement pour le prix du diesel.

- Que peut répondre le politique?
- Ce qu'il faut en face, c'est une attitude ouverte et pas seulement un petit saupoudrage cosmético-électoraliste. Ce n'est pas à ces mouvements de se structurer davantage, c'est au politique de modifier les structures pour laisser une place significative aux citoyens. C'est une nouvelle forme de démocratie.

- Nous ne vivons pas en démocratie?
- La réalité que nous vivons, c'est une démocratie qui, par bien des aspects, n'est plus trop démocratique. Et qui est en danger par un affaiblissement interne, davantage que par la menace de terroristes.

- Les mouvements citoyens peu structurés, sans tête, ne risquent-ils pas une récupération politique?
- Tout est récupérable. Cela va dépendre de la force morale des individus et de l'honnêteté du politique. La manipulation est une règle qui régit les rapports humains, mais le risque de récupération ne doit pas être l'argument pour ne rien faire. La seule piste est la vigilance, ça ne peut pas être le renoncement".

Cliquez ci-dessous sur "Engel Vincent" pour retrouver mes autres articles consacrés à cet auteur belge.


mercredi 12 décembre 2018

"Femmes de Rops" (Michaël Lambert)

                              

Né en 1975,  l'écrivain belge Michaël Lambert nous propose une enquête menée par un agent d'assurances chargé de calculer le préjudice subi par le Musée Félicien Rops de Namur suite à un entartage. Ce roman nous invite à (re)découvrir la vie et l'œuvre de l'artiste namurois.

Michaël Lambert s'est confié à la presse :   "Comment l'idée de ce roman m'est venue?  Eh bien, un jour, l'artiste liégeois Jacques Charlier m'a dit, à propos de Félicien Rops, qu'on méconnaissait son côté anticonformiste. En 2015, le philosophe Bernard-Henry Lévy a été entarté lors d'une exposition mettant en relation les artistes Jan Fabre et Félicien Rops. Eh bien, je me suis dit qu'à son époque, Rops aurait sans doute été du côté de ces gens qui entartent une personnalité venue récupérer son visage. Il ne faut pas oublier que l'artiste, même s'il venait d'un milieu bourgeois et qu'il avait vraiment très envie d'être reconnu à Paris, a toujours été transgressif. Il a entre autres caricaturé Napoléon III, et a d'ailleurs été provoqué en duel par un officier. A notre époque, il aurait sans doute choqué. De même que ses œuvres érotiques ne sont pas toujours comprises, sa vie amoureuse aurait interpellé. Après avoir été marié à Charlotte Polet de Faveaux et avoir eu deux enfants avec elle, après avoir eu aussi des maîtresses, Rops, installé à Paris, a vécu en ménage avec deux sœurs, Léontine et Aurélie Duluc qu'il aimait toutes les deux et qui se le partageaient de bon gré. Il leur a d'ailleurs fait à chacune un enfant". 

mercredi 5 décembre 2018

Les éditions du Rapois

A l'occasion du Salon du Livre de Mons en novembre, Jean-Yves Lardinois a présenté les éditions du Rapois ( www.editionsdurapois.com) dans le journal "La Province" :

"Avec l'aide de mon épouse, j'ai pu construire les éditions du Rapois alors que j'étais chômeur. A l'époque, j'avais 52 ans. J'ai trouvé plusieurs fois du travail dans l'enseignement mais je n'étais pas épanoui. J'avais le sentiment de ne pas avoir concrétisé mon rêve. De chômeur, je suis devenu chercheur d'emploi actif, puis je suis devenu créateur de mon propre emploi. Depuis ce 20 novembre, je suis indépendant dans un statut que l'on appelle le statut tremplin, qui est une passerelle entre le statut de chômeur et celui d'indépendant définitif.

Les éditions du Rapois sont nées en 2015 de façon amateur. J'ai commencé par éditer mes livres et ceux de mon épouse. Nous avons testé avec nos ouvrages et on a fait quelques erreurs, bien entendu. J'ai appris mon métier d'éditeur à la force du poignet, en autodidacte. En demandant toujours des conseils à des professionnels du milieu. Puis, après en avoir discuté avec mon épouse et nos économies nous le permettant, nous nous sommes lancés. Avec raison puisqu'à ce jour, nous avons plus de 300 manuscrits en attente. 

Ma volonté est d'essayer que celles et ceux qui ont écrit puissent avoir la chance d'être lus. J'ai lancé ce projet grâce à Vincent Vallée, auteur originaire de la région. Il m'avait confié le manuscrit de son livre. Bien que j'écrive depuis toujours, Vincent m'a donné l'occasion d'être éditeur. Je lui en serai éternellement reconnaissant de m'avoir lancé dans ce métier qui est devenu plus qu'une passion. Aujourd'hui, j'ai trouvé ma véritable voie. Je suis très heureux de toute cette évolution. Je m'amuse pour le moment 16h par jour!". 

mercredi 28 novembre 2018

Le 200ème numéro de la revue "Le Carnet et les Instants"

Vous le savez, je vous parle régulièrement de l'excellente revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir par courrier gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a été lancée en décembre 1982 et vient de fêter son 200ème numéro. A cette occasion, la revue revient sur son parcours :

"Pourquoi "Le Carnet et les Instants" s'appelle "Le Carnet et les Instants"?
- "Le Carnet et les Instants" est d'abord le titre d'un essai de Marcel Lecomte, préfacé par Jean Paulhan, paru au Mercure de France en 1964. Quand il s'est agi de donner un nom à la feuille d'information de l'Association Promotion des Lettres belges de langue française pour la première fois en 1982, c'est ce nom qui a été retenu. Non seulement parce qu'il rend hommage à l'un des grands noms de nos littératures, mais aussi parce qu'il définit au mieux la double composante du périodique :  "Le Carnet" pour les informations de longue durée (au départ les livres publiés, aujourd'hui les articles de fond) et "Les Instants" pour celles de portée plus immédiate (l'agenda des activités littéraires ou les critiques de livres).

- Qui fait "Le Carnet et les Instants"?
- La revue imprimée et le blog sont le fruit des efforts conjugués d'une petite équipe permanente (Thibault Carion, Michelle Dahmouche, Nausicaa Dewez) au sein du service général des Lettres et du Livres de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; de chroniqueurs et chroniqueuses dont quelques membres du service général des Lettres et du Livre et beaucoup de pigistes extérieurs à l'administration (Sarah Béarelle, René Begon, Véronique Bergen, Pascal Blondiau, Eric Brogniet, Eric Brucher, Audrey Chèvrefeuille, Eric Clemens, Ghislain Cotton, Victoire de Changy, Alain Delaunois, Rony Demaeseneer, Fanny Deschamps, Thierry Detienne, Marie Dewez, Salvatore Di Bennardo, Joseph Duhamel, Tito Dupret, Emilie Gäbele, Laurence Ghigny, Francine Ghysen, Mélanie Godin, Samia Hammami, Jean Jauniaux, Maud Joiret, Charline Lambert, Daniel Laroche, François-Xavier Lavenne, Sonia Lefèbvre, Christian Libens, Karel Logist, Pierre Malherbe, Nicolas Marchal, Christophe Meurée, Jeannine Paque, Estelle Piraux, Séverine Radoux, Anne-Lise Remacle, Philippe Remy-Wilkin, Mélissa Rigot, Marguerite Roman, Frédéric Saenen, Daniel Simon, Vincent Tholomé, Michel Torrekens, Primaëlle Vertenoeil, Natacha Wallez, Michel Zumkir) ; des opérateurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de France partenaires du "Carnet et les Instants" qui mettent leurs contenus à la disposition de notre revue et diffusent les nôtres ;  des graphistes et metteurs en page, chargés de la réalisation visuelle de la revue imprimée, et des imprimeurs. Impossible de citer ici toutes celles et tous ceux qui ont fait "Le Carnet" tout au long de son histoire. On se bornera à mentionner les membres de l'équipe actuelle.

- Qui lit "Le Carnet et les Instants" ?
- Les abonnés sont majoritairement des professionnels du livre, auteurs, libraires, bibliothécaires, maisons d'éditions et professeurs de français.  85% des abonnés sont domiciliés en Belgique. La revue imprimée trimestrielle est tirée à 2.100 exemplaires. Le blog le-carnet-et-les-instants.net attire chaque mois plus de 5.000 visiteurs uniques. Nos articles et chroniques sont, en outre, lus sur la plateforme Revues.Be et sur le site Actualitté". 

mercredi 21 novembre 2018

"La légende de Saint-Nicolas" (Xavier Deutsch)

                                        Aucun texte alternatif disponible.

Voilà une suggestion de cadeau pour vos enfants et petits-enfants...

Rappelons que l'écrivain belge Xavier Deutsch (né en 1965) a commencé sa carrière en 1989, a écrit de nombreux livres pour la jeunesse et les adultes, et a reçu le célèbre prix Victor Rossel. Et il vient d'être élu conseiller communal Ecolo dans sa commune de Chaumont-Gistoux.

Plus d'infos :  http://ecrivainsbelges.blogspot.com/search/label/Deutsch%20Xavier

mercredi 14 novembre 2018

"Le tiers sauvage" (Aliénor Debrocq)

Née en 1983 à Mons, Aliénor Debrocq a effectué des études en histoire de l'art avec une thèse sur le mouvement Cobra. Partie habiter à Bruxelles, elle a travaillé dans la communication pour Musiq'3 et dans l'enseignement, avant de se lancer dans le journalisme et l'écriture :

Elle a confié au groupe Vers l'Avenir :   "Au début, mon travail de journaliste s'exerçait plutôt dans les galeries d'art puis, depuis un an, je fais beaucoup de papiers littéraires. J'avais envie de m'amuser à mélanger les codes littéraires. J'estime que l'opposition entre littérature grand public et élitiste est une distinction factice. On peut aimer lire des choses différentes et on peut les combiner dans un seul roman. En commençant à écrire, j'avais plusieurs histoires dans la tête. Finalement, deux personnages ont émergé et j'ai mélangé les deux histoires.

En Belgique, l'imaginaire, que ce soit au cinéma ou en littérature, est quasi uniquement parisien ou américain. Si auparavant, je n'aimais pas trop ancrer mes histoires dans un contexte, ici, ça avait une importance. Car, une des questions posées par le roman concerne la place des auteurs belges dans la littérature. Pourquoi la Belgique ne leur accorde-t-elle pas une plus grande place? En Suisse, par exemple, les auteurs du pays sont systématiquement privilégiés et mis en avant. Je voulais parler de tout ça sur le ton humoristique. Je ne suis pas dans la revendication. Les belgicismes, par exemple, il faut les mettre en italique. Ca m'agace un peu car leur présence a du sens. J'ai envoyé mon manuscrit assez largement à la machinerie parisienne...mais finalement, c'est l'éditrice belge Luce Wilquin qui l'a publié. C'est une belle aventure.

Ecrire un second roman me paraît moins difficile. Je pense que le moment important, c'est celui où on prend la décision et le temps de se consacrer à l'écriture. Mettre le muscle en action. Après, ça vient plus facilement et ça continue à travailler tout seul...".

Vous pouvez retrouver un compte-rendu détaillé du roman "Le tiers sauvage" sur le site "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :   https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/10/08/debrocq-le-tiers-sauvage/

mercredi 7 novembre 2018

Nouveau livre de Gabriel Ringlet

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Né en 1944, Gabriel Ringlet a une vie bien remplie :  prêtre, poète, théologien, ancien professeur à l'Université Catholique de Louvain. Il est aussi membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.

Il vient de sortir un nouveau livre :  "La grâce des jours uniques : éloge de la célébration", publié par les éditions Albin Michel. A cette occasion, il a répondu aux questions des quotidiens du groupe Sud Presse :

"Vous parlez du rite et de son importance :  les rites religieux mais aussi les rites autour des grands matchs de foot ou au décès de stars (comme Johnny). Le rite s'est déplacé aujourd'hui?
- Le rite est en tout cas plus urgent et plus important que jamais. J'ai suivi le Mondial de tout près, et toutes les dimensions de la liturgie classique, de la messe et même d'une messe solenelle que le pape François peut célébrer place Saint-Pierre, on les retrouve dans le rituel footballistique d'aujourd'hui. Dans les événements publics, le rite est omniprésent. Dans les attentats, par exemple, pour moi, c'est très frappant et très touchant de voir qu'une personne, anonyme, peut sortir de chez elle avec sa petite fille pour aller déposer une fleur à l'endroit où quelqu'un a été tué, en silence, avec toute un rituel, une gestuelle. Et on peut avoir ces mêmes gestes lors de la disparition d'une vedette. Donc, de fait, le rite est partout.

- Et si le rite s'est déplacé, c'est parce que le rite religieux n'attire plus?
- C'est vrai que les lieux classiques qui nous donnaient du rite sont complètement désertés. Et le phénomène dépasse nos églises. J'ai parlé avec des musulmans pratiquants qui venaient du Maroc et me disaient que dans leur petite ville, il y a 200 ou 300 mosquées mais avec 5 pratiquants par semaine. Mais ce n'est pas parce que les lieux traditionnels de rites se voient désertés que le besoin de célébrer la naissance, l'alliance et la mort, eux, ont disparu. Alors, on cherche d'autres lieux, on invente d'autres rites, on va voir d'autres sagesses.

- Comment renouveler le rite?
- Nous voulons former des célébrants laïcs (hommes et femmes) qui n'auront pas du tout été ordonnés prêtres, qui n'auront pas fait de théologie, mais qui ont une très grande sensibilité et qui ont envie d'aller dans ce sens-là. Depuis que le livre est sorti il y a à peine un mois, des dizaines de gens m'ont dit qu'ils voulaient s'inscrire dans notre "école de célébration", qu'on annonce pour 2020. Ca veut dire que des tas de gens se sentent peut-être une vocation pour cela.

- Et l'Eglise, comment réagit-elle? 
- L'Eglise est à mon avis complètement perdue et elle a tout avantage à se réjouir que des lieux se mettent à inventer, à respirer et à dire qu'il faut que ça change. Et si l'Eglise veut survivre, elle ne pourra que suivre ces chemins qui vont s'ouvrir. On ne lui demande pas la permission mais on le fait volontiers en dialogue, si le dialogue est possible.

- Et dans quels lieux pratiquer ces rites?
- Moi, je crois au sacré laïc, comme au sacré juif ou musulman. Et il me paraît normal d'ouvrir l'église à tous ces rites. J'ai plein de réactions positives à cette idées, des gens qui préféreraient célébrer des funérailles laïques dans l'église de leur quartier plutôt que dans une salle de sport ou un funérarium. Même chez les francs-maçons, il y a des réponses favorables à cette proposition".

mercredi 31 octobre 2018

"Les dix-sept valises" (Isabelle Bary)

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A 50 ans, l'auteure belge Isabelle Bary vient de sortir un nouveau roman, "Les dix-sept valises", publié aux éditions Luce Wilquin. Elle a répondu aux questions du journaliste Bernard Meeus pour "Le Soir Mag" :

"Votre 10ème roman parle de l'avantage de voir les choses positivement. C'est si précieux à notre époque?
- Oui, je crois. Je suis toujours étonnée de voir des gens avec un passé difficile réagir parfois mieux que nous qui n'avons pas à nous plaindre. C'est un vrai talent de voir les choses de façon positive. Pour les autres, cela suppose un apprentissage pour se transformer, s'alléger, chausser les lunettes roses de la félicité. Cela permet de changer le regard qu'on porte sur le monde moins pesant. Mon héroïne,  Alicia, est ainsi. Elle est plus heureuse que Mathilde, qui est pourtant gâtée. Chez Alicia, c'est même inné ; elle n'en est pas consciente. Je suis parfois ainsi, moi aussi :  à privilégier ce qui ne va pas, comme ces parents qui voient un 15/20 sur le bulletin de leur enfant et cherchent les cinq fautes plutôt que de se dire que c'est déjà un bon résultat. Tout est une question d'approche.

- Le voyage occupe aussi une belle place dans cette fiction : vous vouliez traiter de la double appartenance, à deux pays, à deux cultures?
- Alicia est mi-algérienne, mi-marocaine. Comme beaucoup de femmes de sa génération, elle s'est sentie acculturée avec des parents nés là-bas et des valeurs d'ici. Elle est assise entre deux chaises. Elle balance entre ses racines et sa vie à Bruxelles. En fait, cette histoire est une histoire vraie, dictée par une amie. Elle voulait la partager mais ne savait pas comment s'y prendre. Elle m'a demandé de l'écrire mais je ne voulais pas d'un récit biographique, mais bien d'une fiction avec sa façon à elle de voir le monde, bienveillante, toujours ouverte en toutes choses, qui vise à cultiver le beau. Elle fut le terreau, la muse de cette fiction qui lui ressemble de près mais qui ne recoupe pas tout à fait son parcours, le tout dans un esprit de confiance mutuelle.

- Un mot sur les 17 valises?
- Elles existent vraiment!  Elles les suivent durant le voyage vers l'Algérie :  17 valises pour cinq, à trimballer en taxi, en train, en bateau, avec plein de cadeaux pour la famille. Ces 17 valises, Alicia va finir par les poser dans un geste qui n'est pas anodin.

- Un dernier mot sur le fond :   on voit affluer les livres incitant les lecteurs à être positifs. Etes-vous sur cette ligne?
- Pas tout à fait. Je laisse aux gens le soin de choisir. Ce n'est pas un guide, ni des conseils. Mais je n'aime pas les fins sombres. Je préfère laisser une porte ouverte. C'est un honneur d'être choisie par des lecteurs. Je ne les prends pas pour des idiots. Et je ne prends un thème (ce fut déjà le cas avec les secrets de famille ou les enfants à haut potentiel) que s'il est universel ou qu'il peut faire avancer la compréhension de nous-mêmes".

mercredi 24 octobre 2018

Prix Bourse de la Découverte 2018 pour Sébastien Ministru

                            Sébastien Ministru

Au début de cette année 2018, je vous avais parlé de la sortie de "Apprendre à lire", le premier roman de Sébastien Ministru, paru aux éditions Grasset :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2018/04/premier-roman-de-sebastien-ministru.html

La princesse Caroline de Monaco vient de lui remettre le Prix Bourse de la Découverte 2018, attribué par la Fondation Prince Pierre de Monaco. C'est la première fois qu'un auteur belge reçoit cette récompense dotée de 12.000 euros. Toutes nos félicitations à Sébastien Ministru !

Vous pouvez retrouver un compte-rendu détaillé de ce roman sur le site Le Carnet et les Instants du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :   https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/02/10/ministru-apprendre-a-lire

mercredi 17 octobre 2018

Nouvelle de Rémi Bertrand

                                       

Licencié en philologie romane, papa de deux garçons, Rémi Bertrand est un auteur belge de 36 ans dont je vous ai déjà parlé :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/search/label/Bertrand%20Rémi

Il vient de sortir une nouvelle d'une trentaine de pages, intitulée "24 secondes par image". C'est l'histoire d'un garçon demandeur d'emploi qui vient de vivre une rupture sentimentale. La veille de la Saint-Valentin, le facteur lui apporte un recommandé envoyé par son ex qui l'invite au restaurant....   "24 secondes par image" est publiée par les éditions Lamiroy (www.lamiroy.be) qui a un concept original :  chaque vendredi, ils sortent une nouvelle au prix de 4 euros.

mercredi 10 octobre 2018

"Les prénoms épicènes" (Amélie Nothomb)

A l'occasion de la rentrée littéraire, notre célèbre baronne Amélie Nothomb nous a sorti son 27ème roman :  "Les prénoms épicènes", publié aux éditions Albin Michel. Qu'est-ce qu'un prénom épicène? C'est un prénom qui n'a pas de genre, ce qui est le cas des trois héros principaux du roman (Claude, Dominique et Epicène). Il est un peu le livre miroir de "Frappe-toi le cœur", paru l'an dernier :  l'un évoque une petite fille rejetée par sa mère et l'autre une petite Epicène qui n'aime pas son père Claude(Amélie Nothomb précise que ce n'est pas autobiographique et qu'elle adore ses parents!).

Je vous propose de lire un compte-rendu très détaillé du roman et une interview-vidéo de l'auteure sur le blog "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles (vous y trouverez d'autres comptes-rendus d'écrivains belges) :   https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/08/23/nothomb-les-prenoms-epicenes/

Et vous, quels sont vos coups de cœur parmi les romans d'Amélie Nothomb?

mercredi 3 octobre 2018

"La vraie vie" (Adeline Dieudonné)

                          «Ce que j’aime chez mon héroïne, c’est sa façon de refuser le statut de proie».

En Belgique francophone, c'est incontestablement la grosse découverte de cette rentrée littéraire :  "La vraie vie", le premier roman d'une jeune Bruxelloise de 36 ans, publié par les éditions L'Iconoclaste. Elle a raconté son parcours à la presse :   "Mon parcours est assez chaotique. J'ai une formation de comédienne, mais ça n'a jamais vraiment marché. Alors, j'ai fait des tas de boulots :  assistante de production, travail dans un cabinet d'architectes, j'ai même vendu des sextoys! Puis, voici trois ans, la crise de la trentaine, les attentats, la violence, je me suis interrogée sur plein de choses. J'étais un peu désespérée face à toute cette violence, inquiète pour l'avenir de mes enfants. Et un jour, j'ai commencé à écrire....  Cette histoire, elle est un peu sortie de nulle part. J'ai fait beaucoup d'impro dans ma vie et j'ai fait la même chose en commençant mon roman. C'est comme ça qu'il est né. Puis, j'ai réfléchi : qu'avais-je voulu dire? Et j'ai écrit".

L'héroïne et narratrice du roman a 10 ans lorsque commence le récit et 15 ans lorsqu'il se termine. Elle vit dans un vieux lotissement avec son petit frère Gilles, sa maman transparente et craintive face au père, un homme violent. L'histoire bascule le jour où le siphon à chantilly du marchand de glace éclate littéralement la tête du pauvre homme face au petit Gilles tétanisé. L'enfant va perdre son sourire et verser petit à petit dans la violence, entraîné par son père. Pour redonner le sourire à son frère, la gamine va décider d'échapper à cette vie en cherchant à remonter le temps et empêcher le stupide accident du glacier. L'adolescente doit ensuite accepter que c'est dans la réalité qu'elle doit trouver une solution...

Adeline Dieudonné fait une entrée triomphale dans les Lettres Belges :  déjà Prix FNAC 2018,  "La vraie vie" est désormais en lice pour les prix Goncourt et Renaudot! Elle a répondu aux questions de la journaliste Lucile Poulain pour "Le Soir Mag" :

"Vous abordez des sujets graves tels que la violence conjugale. L'aspect engagé de votre histoire était-il voulu?
- Honnêtement, ce n'était pas prémédité. Le rapport de l'homme à la nature et ses pulsions animales font partie de ce que j'appelle "mes obsessions". Je me suis imprégnée de sa relation avec le monde vivant, l'état de prédation qu'il entretient en tant que chasseur et qu'il peut calquer sur sa famille ou son entourage, encore de nos jours. Ce qui est aussi palpable dans la tension du livre, c'est l'inquiétude que j'ai pour mes enfants et les générations à venir. Mais avec la chasse, il y a aussi la survie, et ma petite héroïne découvre peu à peu ce qu'elle a à disposition pour s'en sortir dans la vie. Quel métier, quels alliés... Finalement, c'est plein d'espoir.

- On découvre des personnages qui ressemblent à Monsieur et Madame Tout-le-monde. A quel point vous êtes vous inspirée de votre vraie vie?
- Le drame initial - que je ne vais pas révéler - se voulait être un souvenir d'enfance. Ensuite, j'ai fait des mélanges de plusieurs familles, c'est un grand melting-pot de gens que j'ai croisés. J'ai, par exemple, donné le prénom d'une femme que je connais à un des personnages pour lui rendre hommage :  Lyuba. Son histoire m'avait profondément bouleversée et j'ai fait en sorte qu'elle s'en tire mieux dans le livre que dans la vraie vie...

- Vous êtes mère de deux petites filles. Ont-elles été tentées de lire le récit de votre jeune héroïne?
- Non, elles sont trop jeunes. Par contre, l'autre jour, je ré-écoutais la version audio du livre que j'ai enregistrée il y a quelques semaines (j'ai même dû passer un casting!) et ma plus grande était près de moi. J'ai été très amusée de la voir rire aux éclats en écoutant, ça l'intrigue beaucoup, elle se demande qui sont ces gens et d'où viennent les horreurs que je raconte. J'ai d'ailleurs redécouvert le livre en enregistrant la lecture, c'était une expérience incroyable. J'ai beaucoup pleuré à certains passages, je ne m'y attendais pas du tout.

- Vous avez commencé à écrire il y a seulement deux ans. Quel a été votre déclic?
- Je traversais une sorte de crise de la trentaine. Un matin, alors que j'étais au chômage depuis peu, je me suis demandé ce que j'allais faire de ma journée. Une amie m'a conseillé par téléphone d'écrire ce que je ressentais, et c'est comme ça que ma première nouvelle a vu le jour. Ce dont je suis sûre, c'est qu'aujourd'hui, je n'ai plus envie de faire de choix. J'espère pouvoir continuer à être comédienne, à écrire, à rester éclectique dans mes activités, sans devoir me forcer à faire quoi que ce soit.

- Votre roman est apparu sur la liste des candidats au prix Goncourt. Comment avez-vous reçu la nouvelle?
- C'est mon éditrice qui m'a appelée en haut-parleur, avec toute son équipe de filles derrière elle. C'est une meute de louves, 100% féminine et féministe!  On a hurlé de bonheur toutes ensemble, c'était un superbe moment. Je dois dire qu'en ce moment, je m'amuse beaucoup, je fais de magnifiques rencontres. En réalité, je n'en reviens toujours pas...".

Souhaitons bon vent à Adeline Dieudonné pour la suite de sa carrière littéraire !



mercredi 12 septembre 2018

Interview de Thomas Gunzig

L'écrivain belge Thomas Gunzig enseigne également la littérature dans les écoles supérieures artistiques de La Cambre et de Saint-Luc à Bruxelles. Il a répondu aux questions de la revue "Profs" de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"Vous êtes écrivain mais aussi professeur dans deux hautes écoles :  est-ce un atout? est-ce complémentaire?
- Eh bien, cela dépend des moments. Parfois, je me dis que je préférerais consacrer mon temps à l'écriture. Et d'autres où j'observe que j'aime faire parler la littérature aux étudiants. Cela m'aide à voir clair, à organiser ma pensée, à me documenter, à mettre des mots sur des choses pas si évidentes que ça : ce qu'est la littérature, la création d'une ambiance, d'un code narratif, ... Mais avoir une totale liberté sur le contenu de mes cours est vital pour moi. Si je devais suivre un programme, je n'en serais pas capable et j'arrêterais.

- Vous accordez une place importante aux auteurs belges dans vos cours?
- Non. Je n'aime pas la segmentation en catégories. Je n'ai pas de formation en littérature et l'écriture est quelque chose que j'ai vraiment apprise sur le tas. Alors, je construis mes cours comme un cochon qui cherche des truffes, qui repère les odeurs, les parfums. A mes étudiants, je parle des auteurs, des livres qui m'ont donné du plaisir. L'émotion ressentie, c'est peut-être plus important que le contenu du cours. Plus qu'une série de connaissances apprises par cœur, à retenir, à répéter à l'examen. Ce qui reste des études, ce sont les émotions que l'enseignant a transmises à ses élèves.

- Faible en orthographe, vous avez conquis un diplôme universitaire et vous êtes devenu écrivain. Que pensez-vous de la place donnée à l'orthographe dans le cursus des élèves?
- C'est vrai qu'à partir de la 4ème secondaire où on cesse de ne faire que de la grammaire et de l'orthographe pour étudier des textes, j'ai adoré. Mais avant, je me suis pris des kilos de mépris, d'ironie, de remarques acerbes. En fait, la langue, c'est un outil génial, mais ça n'a rien à voir avec l'orthographe. La langue et l'orthographe, ce sont deux choses tellement différentes! La langue est vivante, elle porte plein de choses merveilleuses. L'orthographe, elle, sert à la codifier. Elle est pénalisante, excluante : ce qui reste dans les esprits, c'est que si vous n'avez pas une bonne orthographe, c'est que vous êtes idiot. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas l'apprendre : c'est un outil ingrat qu'il faut apprendre de la meilleure façon possible, par exemple en montrant qu'elle a varié au cours des siècles, comme le montrent bien les créateurs du spectacle "La convivialité". Pas en la présentant comme le mètre-étalon de la brillance ou de la non-brillance d'un élève. Combien de jeunes ont envie d'écrire plein de choses et n'osent pas parce qu'ils ont une mauvaise orthographe!

- Vos personnages sont souvent des antihéros et vos livres traduisent une critique de la société. L'école d'aujourd'hui prépare-t-elle les jeunes à y trouver leur place?
- Non. Je pense qu'elle essaie de faire des élèves prêts pour le monde du travail, la vie dans l'entreprise. Alors qu'elle devrait les ouvrir à la curiosité, aux arts, aux sciences. On apprend par la passion, la curiosité, pas en reproduisant des connaissances acquises avec ou sans plaisir. C'est peut-être une des causes de tant de décrochages et d'échecs. Et qu'on arrête de dire que les jeunes ne trouveront pas de travail! Les gens passionnés par une matière sont plus à s'intégrer que ceux qui sont performants. Pourquoi ne pas allonger le nombre d'années passées à l'école? Sortir du système de la succession de cours de cinquante minutes? Et pourquoi forcer des enfants à rester assis, à se concentrer, à apprendre pendant huit heures, alors que ce sont des boules d'énergie? Quand j'écris, j'ai des difficultés à me concentrer plus de deux heures d'affilée. 

- Le Pacte pour un Enseignement d'excellence propose un parcours d'éducation à la créativité et aux arts durant tout le parcours scolaire. Avec, notamment, de la pratique artistique, des rencontres avec des artistes. Un signe que la créativité et l'imaginaire seront davantage favorisés?
- Un premier pas intéressant. Mais il faut consacrer du temps à ces activités-là. Des blocs de cinquante minutes, cela ne suffit pas. Faire venir des auteurs en classe, c'est bien mais il faut aussi permettre aux élèves d'aller dans les lieux culturels, de sortir des classes. Il y a tellement de choses à faire en dehors!

- Vous maniez un humour décalé, caustique, parfois noir. Quelle place l'humour peut-il occuper à l'école? Quelles limites?
- A manier avec prudence. Si on se moque des faibles, c'est de la maltraitance. Dans mes chroniques matinales en radio,  je me moque de gens infiniment plus puissants que moi. C'est une sorte d'hygiène démocratique.

- Quel message adresseriez-vous aux enseignants à la rentrée?
- Courage!  Vous faites un métier proche de la création. Parfois, on ne trouve pas les mots, on n'arrive pas à susciter l'attention. Le professeur, il ne peut pas arriver en classe avec son sac à dos de problèmes. Pour les élèves, avant d'être quelqu'un, c'est un prof. Et un élève, c'est chaque fois particulier, c'est chaque fois une pochette surprise. Moi, j'ai eu de la chance de m'en sortir ; j'ai beaucoup travaillé et certains enseignants m'ont encouragé. On n'imagine pas l'effet que cela fait sur un enfant quand un enseignant lui dit, avec sincérité "C'est bien". Ce sont des déclarations importantes, des choses qui touchent".


mercredi 8 août 2018

"Dos au public" (Léo Beeckman)

Je vous ai déjà parlé de la maison d'édition belge Weyrich et de leur collection "Plumes du Coq", et j'ai choisi cette fois de lire  "Dos au public", le roman posthume de Léo Beeckman. Né dans une famille modeste de Gand en 1948, il se passionne pour le théâtre et la littérature en autodidacte. Installé en région bruxelloise, il travaille pendant plus de trente ans pour les Lettres belges francophones jusqu'à sa retraite, participant à de nombreux salons à l'étranger. Il est décédé à Schaerbeek en 2017, quelques mois avant la sortie de son premier roman.

"Dos au public" est un roman bien écrit et agréable à lire qui se passe entre Gand, Malines et Bruxelles. Il raconte la vie d'Arthur Degroot qui quitte sa ville natale de Gand pour faire son service militaire. Son supérieur Gaston lui propose de jouer de la contrebasse dans un petit orchestre, ce qui lui permettra d'éviter différentes corvées. Afin de surmonter sa peur, Arthur se place dos au public, ce qui explique le titre du livre. Le service militaire tant redouté devient une période très heureuse pour lui. Quelques années plus tard, afin de le sortir de sa dépression, son épouse Rachel retourne sur le passé d'Arthur à la recherche de ses amis musiciens. Et sans vouloir en dire trop, la fin du roman est totalement inattendue, et plus profonde que ce que le reste du livre aurait pu laisser croire. Bref, ce premier - et malheureusement dernier - roman de Léo Beeckman est plutôt réussi.

Cliquez ci-dessous sur "Editions Weyrich" pour découvrir d'autres livres de cette maison d'édition belge.

mercredi 1 août 2018

Exposition sur Paul Willems à Bruxelles

Jusqu'au 19 octobre, les Archives & Musée de la Littérature à Bruxelles proposent l'exposition "Paul Willems : le ludique et le tragique", consacré à ce grand écrivain et dramaturge belge décédé en 1997.

Né en 1912 dans le joli village de Missembourg en province d'Anvers, Paul est le fils du peintre Frans Willems et de l'écrivain Marie Gevers. C'est dans le décor du domaine familial qu'il organise des petits spectacles adaptés de contes, ce qui constitue ses premiers pas de dramaturge. Après la deuxième guerre mondiale, ses pièces de théâtre oscillent entre le ludique et le tragique. Il reçoit plusieurs prix littéraires importants, et devient membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.

Dans les années 1980, Paul Willems revient à la forme du récit et publie des nouvelles. Sa santé décline ne lui permet pas de terminer son dernier livre, "Le Musée des Epaves". Il décède en 1997 à Anvers.

mercredi 25 juillet 2018

Interview de Véronique Daine

Née en 1964 à Arlon, la poétesse Véronique Daine a effectué des études de philologie romane à l'Université de Liège, avant de devenir professeur de français. Elle a accordé une longue interview à la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Comment en êtes-vous arrivée à écrire de la poésie, alors qu'étudiante, vous étiez davantage attirée par la prose?
- Je n'ai jamais été particulièrement attirée par le romanesque, mais plutôt par le fragment. Depuis mes études en philologie romane, je suis une grande admiratrice de l'oeuvre de Pascal Quignard. Vers l'âge de trente ans, j'ai compris que la poésie manquait à ma vie. Je n'en lisais pas et pensais encore moins à en écrire un jour. Quand j'ai commencé à en lire, je n'y pensais pas en tant qu'écriture, mais au fur et à mesure, je me suis sentie captée, captivée, tentée. Le désir de m'y mettre est venu, tout en sachant que je n'irais pas vers une poésie versifiée, codifiée. Les fragments, eux, me touchaient depuis presque toujours et ils continuent à le faire, au point que je pense en écrire de plus en plus.

- Les textes de vos premiers recueils étaient courts et ne comptaient que quelques mots. Ils se sont allongés depuis R.B. en 2010. Est-ce à cela que vous faites allusion quand vous dites que votre écriture va davantage vers le fragment?
- Je crois que l'évolution de l'écriture est surtout, pour moi, une question d'audace. Au début, je n'osais pas trop. Je surveillais mes textes, ceux que je montrais étaient taillés, ciselés : je me censurais. Avec la publication de mes recueils et la reconnaissance, toute relative, qu'ils m'ont apportée, j'ai reçu comme une sorte d'autorisation à ne plus me surveiller, à aller de plus en plus loin dans mon écriture, à être davantage moi-même, à ne plus écrire des textes minuscules hyper travaillés.

- Ce serait le monde extérieur qui vous aurait permis d'atteindre une certaine liberté intérieure?
- Peut-être, oui. J'ai toujours l'impression que le langage est comme la terre, composée de strates. Lorsque j'en explore une et que j'ai l'autorisation de le faire, je peux continuer à m'enfoncer, à en creuser une autre. Si mon travail n'était pas reçu, s'il était condamné, je crois que je me condamnerais moi-même.

- Qu'a de spécifique, pour vous, la poésie?
- Elle est avant tout une recherche sur l'écriture, le langage. Sa matière première n'est pas le sens mais l'écriture. L'écriture est pour le poète le bois ou la pierre du sculpteur. Un romancier ne travaille pas que le langage, il travaille aussi une histoire. Mais quand je lis un roman, l'important pour moi reste la façon dont le langage est travaillé.

- Quel est ce travail sur le langage dont vous parlez?
- Le travail sur le langage, c'est avant tout la recherche d'une langue. J'ai l'impression que l'école, et plus particulièrement l'école primaire où on apprend à lire, à écrire, casse, mutile chez les enfants la langue qu'ils ont en eux. Il faut parfois toute une vie pour retrouver quelque chose de cette langue-là. Ce n'est pas qu'il existerait une langue de l'enfance, mais plutôt que chacun aurait une langue à soi. Travailler à retrouver cette langue, et la retrouver par moments, peut, peut-être, sauver la vie ; en tous les cas, elle a sauvé la mienne. Je me suis rendu compte, mais je ne sais pas la pertinence de cela, que lorsque j'écris, je parle à la langue comme si elle était ma mère. Est-ce que c'est cela la langue maternelle?  Je n'en sais rien. Je ne peux pas l'expliquer mais il y a quelque chose de ce rapport-là dans l'écriture, une question de survie, d'aller la chercher cette langue-là, cette langue dans laquelle survivre. La langue courante ou la langue académique ne permet pas de vivre, de survivre. Elle est blessante, elle ment. Elle a toujours menti. Il faut trouver celle qui ne ment pas. Mon travail est de me réinventer une langue à chacun de mes recueils. Si je regarde en arrière, l'impression que me laissent les recueils que j'ai publiés est que chacun d'entre eux s'avère être la recherche d'une langue. Au cours de l'écriture du recueil, je trouve cette langue, mais lorsqu'il est fini, elle n'est déjà plus valide, elle ne permet déjà plus de vivree. Je dois, alors, à nouveau, repartir en quête d'une langue nouvelle. Je n'écris pas en pensant au livre que je suis en train de faire. Mais à un moment, j'écris un texte, et il s'avère qu'il sera le dernier du recueil, sans que je sache pourquoi. Après lui, la langue que j'ai trouvée ne parle plus".

Vous pouvez retrouver la suite de cette longue et intéressante interview dans la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

mercredi 18 juillet 2018

Michel Joiret et la littérature belge

L'auteur Michel Joiret est le vice-président de l'Association des Ecrivains Belges de langue française (www.ecrivainsbelges.be). Il s'est confié sur son rôle et sur la littérature belge à la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :              

"C'est une manière d'être plus près encore des auteurs de notre communauté, de développer positivement l'aspect associatif de l'Association des Ecrivains Belges de langue française, de participer activement à la diffusion des oeuvres récentes et aussi de veiller à ce qu'une maison d'écrivains reste fidèle à sa double nature (accueillir les écritures nouvelles et honorer les anciennes). Rien de nouveau sans doute, mais le passage au concret exige davantage que de l'attention : il suppose une gestion des ressources et une programmation significative à travers les thèmes, rencontres et événements.

"La littérature belge n'existe pas. Personne ne m'en a jamais parlé" s'irritait Michel de Ghelderode dans sa correspondance. L'avenir s'est évidemment dédit d'une telle provocation. Depuis l'abbé Camille Hanlet, on n'a cessé de gloser sur une littérature tout à la fois détachée des sinuosités politiques mais en même temps profondément secouée par les accidents de l'Histoire, comme l'occupation espagnole, la révolution belge, la question linguistique, l'occupation allemande, l'émergence d'une littérature wallonne, le phénomène de belgitude, le malaise voire le complexe auprès de notre grand voisin français, et puis l'inverse, l'affirmation de l'identité belge parfaitement décomplexée. Des noms, des oeuvres, des positions, des plaidoyers fameux comme :  "Sire, il n'y a pas de Belges"  de Jules Destrée, Franz Hellens, Charles Bertin, Jean Muno, Robert Frickx, Marc Quaghebeur, Jacques De Decker, ... Et puis les auteurs surréalistes si heureusement jaloux de leur indépendance d'esprit. Sans oublier, dans "La nouvelle histoire de Belgique" de Roger Avermaete, le profil du Belge, apparemment soumis mais résistant aux impostures par l'humour, la gouaille et en même temps profondément épris de liberté. Tyl Uylenspiegel entre les mythes reconnus de notre Etat précaire. Pourquoi maintenant? Parce que rien ne va jamais de soi dans un pays où les écritures sont prodigieusement diversifiées.

On évoque souvent la Belgique comme un pays de sociétés. Cependant, les mouvements littéraires ont le plus souvent été contrariés par un souci d'individualisme rémanent. De fait - et nous devons sans doute nous en réjouir - la littérature va dans tous les sens. Le sentiment d'appartenance à une nation, à un projet commun, à une philosophie, est plutôt rare (mais il y a Charles Plisnier...). Pour avoir fréquenté en son temps "Le Groupe du Roman", j'ai été frappé et séduit par l'extrême diversité des écritures qui y émergeaient entre Jean Muno, Gaston Compère, Thomas Owen, Anne Richter, Robert Frickx, Marianne Pierson-Piérard ou Henri Cornelus, pour ne citer que quelques membres.

C'est une littérature aux modèles multiples, le plus souvent distincts de la culture politique, particulièrement inventive, plus sensible aux paysages et aux gens (mer du Nord, polders, Ardenne touffue, villages oubliés) qu'à une hypothétique nation. Une littérature où poésie et peinture occupent la place des princes. Les têtes de ce corpus se distinguent clairement de la littérature française. C'est ainsi que réalisme magique et littérature fantastique occupent un vaste champ d'investigation".

Plus d'infos sur Michel Joiret :   www.michel-joiret.eu   

mercredi 11 juillet 2018

La maison d'édition belge Livr's Editions

Née en 1987,  Emilie Ansciaux est docteur en sciences biomédicales de l'Université de Mons. Mais à côté de sa vie professionnelle, elle est passionnée par l'écriture :    "J'écris depuis l'âge de huit ans et j'ai toujours gardé cette même passion. J'ai réussi à publier mon premier roman dans une édition parisienne avec un contrat de participation. J'ai sorti un deuxième roman en 2014, et pour mon troisième, j'ai décidé de l'éditer via ma propre maison d'édition en 2015 :  Livr's Editions. Ma maison d'édition ne se voulait pas autocentrée. J'ai vite commencé à éditer des ouvrages d'autres auteurs. J'ai participé à beaucoup de salons spécialisés pour me faire connaître :  en un an, j'ai reçu 150 manuscrits de Belgique et de France. C'est un gros travail personnel, mais mon but est d'en vivre et de créer une start-up". 

Depuis 2015, Livr's Editions propose diverses collections :  fantastique, jeunesse, nouvelles, photos, science-fiction et suspense. Son siège se trouve dans le village d'Erbisoeul, près de Mons. Voici son site Internet :    https://livrs-editions.com

Parmi les auteurs belges publiés par cette maison d'édition belge, citons un autre jeune Hennuyer :  Geoffrey Claustriaux, né en 1985. Actif depuis plusieurs années dans les critiques cinématographiques de science-fiction et de fantasy, il a écrit plusieurs tomes de sa série "Les Royaumes Ephémères". Plus d'infos sur son site Internet :   www.geoffreyclaustriaux.com

mercredi 4 juillet 2018

Prix littéraires de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 14 mai dernier,  la Fédération Wallonie-Bruxelles a remis cinq prix littéraires au Théâtre Royal du Parc à Bruxelles :

1. Prix de la première oeuvre en langue régionale

Ce prix récompense, chaque année, un premier texte, tous genres littéraires confondus, d'un auteur belge écrivant dans l'une des langues régionales reconnues par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Décerné sur proposition du Conseil des langues régionales endogènes,  le prix 2018 a été attribué à Pierre Noël . Né en 1951 à Mouscron, il écrit des textes en picard de sa région (contes, monologues, nouvelles, sketches, poèmes, p.ex.), et multiplie les activités pour la défense et l'illustration du picard. Il est ainsi membre de l'atelier de langue et culture régionale à la Maison de la Culture de Tournai, et auteur-interprète de textes pour l'émission "Hainaut Rachènes" sur Vivacité.

2. Prix triennal d'écriture dramatique en langue régionale endogène

Décerné sur proposition du Conseil des langues régionales endogènes,  ce prix récompense, tous les trois ans, une pièce de théâtre rédigée dans l'une des langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le prix a été attribué à "El vilaje insclumi" (Le village endormi) de Roland Thibeau . Né à Elouges en 1948, il a participé à de nombreux spectacles comme comédien, acteur ou metteur en scène, a été professeur à l'IHECS et membre du Conseil supérieur de l'art dramatique en Belgique. Il participe activement aux activités de la Roulotte théâtrale à Elouges.

3. Prix de la première oeuvre

Ce prix récompense, chaque année, un premier ouvrage d'un auteur belge ou vivant en Belgique, écrivant en français, tous genres littéraires confondus. Le prix 2018 a été attribué à Henri de Meeûs. Né à Bruxelles en 1943, il est docteur en droit et licencié en criminologie. Son premier livre s'intitule "Pitou et autres récits". Ce recueil atypique se compose de quinze récits et 640 pages surprenantes, où l'on croise le familier et l'étrange, la Belgique en francs belges, des récits fantastiques, les mariages et meurtres en famille....

4. Prix triennal d'écriture dramatique en langue française

Tous les trois ans, ce prix récompense un auteur pour un recueil poétique publié à compte d'éditeur. Le lauréat est "Loin de Linden" (éditions Lansman) de Veronika Mabardi.  C'est un dialogue entre les deux grands-mères de l'auteure, Clairette et Eugénie, dont les destins se croisent plusieurs fois dans le même village près de Louvain. L'une est fille de général et l'autre d'adjudant, l'une est francophone et l'autre flamande, l'une a parcouru le monde et l'autre ne s'est jamais éloignée de son lieu de naissance, .... et elles n'ont rien à se dire.  Veronika Mabardi est né à Louvain en 1962 et est comédienne de formation.

5. Prix triennal de littérature de jeunesse

Décerné sur proposition d'un jury indépendant, ce prix récompense, tous les trois ans, un auteur de littérature de jeunesse pour l'ensemble de son oeuvre. Il a été attribué à  Thomas Lavachery . Né en 1966, il s'est d'abord lancé dans la bande dessinée, publiant ses premières planches à 18 ans dans le magazine "Tintin", avant d'adapter en dessin la série d'animation "Téléchat". Après des études d'histoire de l'art à l'ULB, il est entré chez Y.C. Aligator Films en tant que conseiller littéraire. En 2004, c'est le lancement de "Bjorn le Morphir", une saga fantastique en huit tomes à ce jour. Il a aussi signé, en tant qu'auteur-illustrateur, plusieurs albums destinés à un public plus jeune.

mercredi 13 juin 2018

La Flandre à la Foire du Livre de Bruxelles 2019

La Foire du Livre (francophone) de Bruxelles fêtera son 50ème anniversaire en février 2019. A cette occasion, elle a choisi la Flandre comme invitée d'honneur. Le ministre flamand de la Culture Sven Gatz a déjà débloqué un budget de 400.000 euros pour préparer la venue des auteurs flamands ("Cela nous permettra de mieux nous faire connaître du public francophone, et de mieux rapprocher nos deux communautés dans une ville si diversifiée").

Voici 11 auteurs flamands vivants dont j'ai parlé sur ce blog :










Et vous, quels sont vos coups de cœur littéraires au nord du pays?

mercredi 30 mai 2018

L'auteure belge Lize Spit

Après des études de cinéma au RITS,  l'auteure belge Lize Spit (née en 1988 à Viersel) enseigne l'écriture de scénarios au sein de l'école Wisper. Depuis 2005, elle habite Bruxelles.

Son premier roman est sorti en 2016 :   "Het Smelt". Il raconte l'histoire d'une jeune fille souhaitant revenir sur son enfance malheureuse dans son village natal. Ce fut un succès :  180.000 exemplaires vendus en Flandre et aux Pays-Bas. Il a été traduit en 13 langues. La version française s'appelle "Débâcle" et a été publiée par les éditions Actes Sud.

Plus d'infos :    www.lizespit.be

mercredi 23 mai 2018

"Je t'aime", le nouveau roman de Barbara Abel

A l'occasion de la sortie de son nouveau roman aux éditions Belfond, l'auteure belge Barbara Abel a répondu aux questions de la journaliste Anne-Françoise Bertrand pour les quotidiens du groupe Vers l'Avenir :

"Alors, ce livre, il parle plutôt de l'amour, de la haine ou des deux?
- Il parle des deux. C'est vraiment un livre où j'ai voulu explorer le thème de l'amour, mais c'est un thriller, pas un roman d'amour. A un moment, je me suis fait la réflexion que la vraie haine qu'on peut porter à quelqu'un, c'est qu'en général, on l'a beaucoup aimé avant. On ne hait pas quelqu'un qui nous indiffère. Que, souvent, la haine découle de l'amour et quand on hait quelqu'un, vraiment fort, passionnément, c'est un sentiment assez proche du sentiment d'amour, dans son expression :  on pense souvent à cette personne, on a le ventre qui se noue, une boule dans la gorge, le cœur qui bat et tout ça, ce sont des choses qu'on éprouve aussi quand on aime. Plus j'avançais dans le roman, plus je sondais ces émotions de l'amour et de la haine, et plus je les trouvais hyper fort liées. Dans l'histoire, par exemple, si Maude et Simon finissent par se déchirer, c'est parce qu'ils s'aimaient au départ beaucoup. Si Maude déteste son ex-mari, c'est parce qu'elle l'a beaucoup aimé avant.

- Vos héros sont des gens normaux, pas des gens foncièrement méchants?
- C'était le challenge que je me suis mis. Dans mon précédent roman "Je sais pas", tous mes personnages étaient plutôt négatifs, noirs, et plusieurs lecteurs, en dédicace, m'ont dit "En tout cas, y en a pas un pour rattraper l'autre", et c'était vrai. Du coup, un peu comme une blague, je me suis dit : "Et si j'écrivais un thriller avec que des gentils?". J'avais envie d'écrire une histoire où, si on prenait chaque point de vue séparément, on les comprenait, on avait de l'empathie et même, on se disait qu'on aurait peut-être fait pareil. On peut s'identifier à chacun d'eux. Nicole, par exemple, ce n'est peut-être pas le personnage le plus séduisant, mais elle a perdu son fils, on peut la comprendre ou Maude, qui a caché à Simon que sa fille se droguait, on peut la comprendre aussi. Je voulais qu'on se dise face à chaque personnage : "Beh oui, j'aurais fait pareil". Mais que toutes les interactions mises les unes avec les autres provoquent un drame.

- Et tout cela se passe au sein d'une famille recomposée?
- J'ai toujours mis en scène des familles classiques, mais aujourd'hui, la majorité des familles sont recomposées. En plus, c'est un terrain de jeu extraordinaire! Sur ça aussi, j'ai fait un travail de documentation, je me suis demandé si on aimait autant les enfants de l'autre. Mais on ne peut pas les aimer autant, et ils sont l'expression d'une histoire d'amour qui a eu lieu avant. J'ai voulu parler d'une famille recomposée qui fonctionnait bien et raconter la déchéance. Quand un drame survient, qu'est-ce qu'on fait? Quelle est la situation qui fait qu'à un moment, on est obligé d'attaquer l'enfant de l'autre pour défendre son propre enfant? C'était clairement ça, mon idée de base :  partir d'une famille recomposée et devoir attaquer à un moment l'enfant de l'autre pour protéger sa tribu à soi.

- Non seulement on parle de haine dans "Je t'aime", mais aussi et peut-être surtout de vengeance. Est-ce que la haine amène nécessairement la vengeance?
- C'est un thème qui s'est imposé de lui-même au fil de la rédaction. Je ne pensais pas du tout parler de justice, de vengeance. Mais de par le personnage de Nicole qui est greffière et tout le truc qu'elle met en place pour faire payer Alice, qu'elle considère comme la véritable responsable, oui, je me suis permis une mini-réflexion sur la justice. Autant la tendresse, la passion, les mots d'amour sont l'expression de l'amour ; autant la vengeance est l'expression de la haine. Quand on hait parce qu'on nous a fait mal, on a besoin d'avoir réparation. J'ai du coup pas mal lu sur la justice et c'est clair qu'elle est hyper importante parce que la justice, c'est ce qui empêche la vengeance personnelle, c'est ce qui empêche de faire justice soi-même. La justice permet de donner réparation aux victimes de telle manière qu'elles n'aient pas à utiliser cette vengeance. Ce dont j'avais besoin aussi, c'est de remettre à leur juste valeur des trucs qu'on a tellement l'habitude de voir dans les romans, dans les films :  une perquisition, dans la vraie vie, c'est hyper violent. Dans la fiction, c'est devenu banal mais une garde à vue, c'est horrible. J'ai vu des documentaires et écouté des témoignages de gens normaux qui ont vécu une garde à vue, ils sont traumatisés parce que les fouilles à nu, c'est vrai, ça existe".

mercredi 16 mai 2018

"Madame Pylinska et le secret de Chopin" (Eric-Emmanuel Schmitt)

L'écrivain franco-belge Eric-Emmanuel Schmitt vient de présenter son nouveau livre à la presse :

"C'est vrai : ce roman est pour une grosse part autobiographique. J'ai vraiment connu cet éblouissement, enfant, quand j'ai entendu ma tante Aimée au piano. C'était comme une grande porte qui s'ouvrait pour moi vers la musique. Et puis toute  l'histoire de ma tante, ses secrets, c'est tout aussi réel. Mais certaines scènes sont imaginaires, comme ma dernière rencontre avec Aimée. J'aurais aimé qu'elle ait lieu, je corrige la vie en écrivant. 

A cet âge-là, j'étais fonceur, je voulais réussir vite. Mon professeur a vu arriver un malabar qui tapait du Rachmaninov sur un clavier et va devoir en faire quelqu'un qui joue du Chopin. L'étude de la musique va m'affiner, m'apprendre la patience, l'attention aux autres, à la nature. Et Chopin va m'initier à l'intime. J'aime l'écriture intime et intérieure plutôt que les effets de manche. Certaines personnes comme mon professeur de piano ont déposé des choses en nous et c'est seulement aujourd'hui, à 57 ans, que je comprends tout l'apport de cette dame. Ce que je raconte, ce sont les vertus de l'apprentissage. Connaître ses limites, comment les déplacer, découvrir ses qualités. Et aussi comment se concentrer et se déconcentrer. Un musicien doit avoir suffisamment de technique pour ne plus devoir y penser quand il entame un concert. 

Quand je commence à écrire, il faut que je libère complètement mon imagination. Mais auparavant, j'ai longuement préparé mon récit. L'idée de ce roman, par exemple, est née il y a des années, après une conférence consacrée à Chopin. J'écris vite mais je compose lentement. La musique a le privilège d'être au-delà des langues, mais la littérature a la vertu de la clarté de la pensée et de la précision du raisonnement. Elle est plus directement compréhensible". 

mercredi 9 mai 2018

Les Midis de la Poésie à Bruxelles

Les Midis de la Poésie existent depuis....1949 et se tiennent chaque mardi midi de 12h40 à 13h30 dans le petit auditorium des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, rue de la Régence à Bruxelles. C'est Mélanie Godin qui en est l'actuelle directrice, secondée par Victoire de Changy et Elisabeth Woronoff. Plus d'infos :  www.midisdelapoesie.be

Victoire de Changy (dont je vous ai parlé il y a peu à l'occasion de la sortie de son premier roman) est chargée de la communication des Midis de la Poésie :   "Nous sommes avant tout une institution engagée. La programmation est régulièrement faite en lien avec des questions actuelles de société à mettre en lumière, toujours par le biais de la poésie. Un spécialiste d'un sujet ou d'un auteur y développe une question littéraire en compagnie de comédiens qui lisent les textes des auteurs abordés. Nous ne nous focalisons jamais sur les actualités des auteurs, sur les dates de sorties de leurs livres. Aux Midis, un auteur ne viendra pas parler de son oeuvre mais de ce qui, dans le travail d'autrui, aura nourri le sien. En les invitant à parler de poésie, nous les emmenons, ainsi que nos spectateurs, sur un terrain différent des rencontres habituelles. C'est certes un challenge, mais également un rendez-vous auquel nos spectateurs tiennent :  une brèche poétique en plein milieu d'une journée de cavalcade et d'urgences. Par ailleurs, les Midis de la Poésie s'étendent de plus en plus à d'autres horaires : nous organisons régulièrement des apéros-poésie, pour lesquels nous invitons principalement de jeunes créateurs de la scène émergente belge, ainsi que des petits goûters de la poésie, des ateliers intergénérationnels et participatifs liant arts plastiques et poésie le samedi après-midi, à raison d'une fois par mois, depuis trois ans, à la Bellone-Maison du Spectacle. Les intervenants sont des artistes issus des arts plastiques et de la scène ; adultes et enfants s'y côtoient dans la création dont la poésie, si elle en est le prétexte principal, laisse la place à d'autres disciplines. Aux Midis de la Poésie, nous accordons une importance toute particulière au théâtre, à la déclamation et plus généralement à la mise en voix qui, tout entière, participe au processus poétique. D'autre part, nous envisageons la poésie dans un sens beaucoup plus large que celles des vers et des rimes :  elle est largement présente dans la littérature et dans la prose et, encore plus largement, dans la rue, la voix et le mouvement".  

mercredi 2 mai 2018

Deuxième roman de Jérôme Colin

                               

Né à Flawinne en 1974, le journaliste et animateur belge Jérôme Colin se partage entre la radio (La Première) et la télévision (l'émission "Hep Taxi" sur La Deux). En 2015, il a sorti son premier roman, "Eviter les péages", où il abordait la crise de la quarantaine. La crise d'adolescence est le thème de son deuxième roman.

Un sujet qu'il connaît en tant que papa de trois ados :  "Voir grandir des ados, ça me fascine :  les voir se transformer, trouver leur identité... Et en même temps, il y a quelque chose en moi qui n'aime pas ce moment, parce qu'en fait, ils partent petit à petit, ils se détachent de moi. Je me suis rendu compte que j'étais en deuil. J'ai adoré avoir des petits bouts : ça m'a passionné, ça m'a bouleversé. Et je crois que c'est le deuil de ne plus avoir de petits bébés qui m'a fait commencer ce livre-là. Cette espèce d'amour absolu qu'il y avait entre eux et moi, n'existe plus. On s'aime évidemment, mais ce n'est plus cet amour-là". 

Les enfants signifient-ils la mort du couple?   "C'était cela l'idée de départ, le postulat de mon personnage en tout cas. C'est un mec qui pense que si son couple est en train de mourir, c'est parce qu'il a eu des enfants et que ses enfants ont pris tellement de place qu'en fait, il n'a plus le temps d'aimer sa femme et que sa femme, dans cet espace-là, n'a plus le temps de l'aimer. C'est en tout cas ce qu'il croit, et il le dit :  "Quand on a torché leur cul, quand on a raconté des histoires, quand on les a lavés, quand on a préparé le souper, quand on a fait la vaisselle, quel temps reste-t-il pour s'aimer dans tout ça?". C'est juste une question de point de vue. Je pense que c'est vrai que si on veut s'aimer, avoir des enfants, ce n'est pas la meilleure solution. Je pense qu'une plage et un bungalow, c'est vachement mieux! Les enfants, y a rien à faire, ça met un couple en difficulté. Tu es crevé, tu vas te coucher, et tu ne fais plus l'amour. L'emploi à temps plein, c'est les enfants. Toute ton énergie est sur ta famille, et plus sur ton conjoint. Le soir, on n'a plus qu'une envie :  c'est se coucher parce que demain, il y a la guerre qui recommence".

Continuer à admirer ses ados, est-ce important?  "Avoir de l'émerveillement pour son petit enfant, c'est facile :  il nous aime tellement, d'un amour absolu, et moi, j'ai été bouleversé par cet amour absolu quand j'ai été père. Mais puis, j'ai été bouleversé par ce désamour-là. C'est-à-dire qu'à un moment, il ne t'admire plus, tu n'es plus un dieu, tu es quelqu'un qui est sur leur chemin pour les empêcher d'être heureux, en gros. Et donc, mon personnage, il doit faire le deuil d'être émerveillé par ses enfants, et que ses enfants soient émerveillés par lui. Et le moment où tout va changer, c'est quand enfin il réalise qu'il peut dire à son enfant, enfin :  "je suis fier de toi, je t'admire, tu es quelqu'un de bien"."

Est-ce une réaction plus masculine que féminine?   "Je pense que la panique familiale est en effet masculine, en tout cas chez moi. Je suis plus dans un état de panique alors que ma femme est plus sereine, plus confiante, plus posée. Et je pense que dans ce qu'on vit maintenant, dans ce féminisme, la position de l'homme a aussi changé. Il fait maintenant ce que font les femmes, on s'occupe des enfants comme elle, mais c'est nouveau. Je crois que c'est moins inscrit dans nos gènes, on est des parents en apprentissage et on doit encore apprivoiser ces difficultés-là".

Bilan de sa paternité?   "J'étais, je pense, trop protecteur. Ca m'a appris qu'ils sont devenus grands. Arrête de croire qu'ils sont incapables, arrête de croire qu'ils ne sont pas prêts, pas assez forts....et donc arrête de croire que tu es indispensable. Je pense que c'est ce que le livre m'a appris : un peu de laisser-aller. Quand tu te retrouves comme ça dans une famille close avec trois ados et que c'est compliqué, tu crois que tu es seul au monde, perdu. Et en fait, non, tu n'es pas seul, et ça, tu l'apprends dans les livres. Et ça m'a aidé. Savoir qu'on partage tout ça, ça m'a rassuré parce que je me suis dit que c'est normal. Les romans ont une capacité d'empathie de dingue. Autant avec des passages difficiles dans nos vies que des questionnements très importants, comme c'est quoi la vie avec les ados, vu du côté des parents aujourd'hui. Ca a beau être pénible, on n'est pas tout seul. Et moi, c'est ce qui m'intéresse dans l'écriture".

mercredi 25 avril 2018

Premier roman pour Eloise Tanghe (17 ans)

Eloise Tanghe a 17 ans et habite le village de Frasnes-lez-Buissenal dans le Hainaut Occidental. Elle est étudiante en rhéto au collège Saint-Julien à Ath et est passionnée de lecture ("Le fantastique et la fantasy, c'est ce que j'aime le plus!"). A 15 ans, elle participe au NaNoWriMo, un projet d'écriture créative sur le net, dans lequel chaque participant tente d'écrire cinquante mille mots en un mois ("Le soutien et les encouragements qu'on reçoit des autres membres de la communauté ainsi créée constituent une énorme motivation").  Elle commencera en septembre des études de sciences politiques.

Elle commence aussi à écrire son roman :   "Je ne savais vraiment pas où j'allais au niveau de l'histoire, j'ai donc commencé par le titre. Je voulais un terme qui définisse l'ambiance, quelque chose d'assez générique. J'ai toujours adoré ce mot, Nox. Il m'a toujours fasciné. Ca sonne bien, c'est court et percutant. Ce sont les Editions du Chat Noir qui m'ont trouvée sur wattpad, une plateforme en ligne où on m'avait conseillé de poster ce que j'avais fait. Mathieu Guibé m'a dit :  "On adore ce que tu fais, on veut te publier". Pourtant, je n'en étais encore qu'à la moitié de l'histoire. Cette jeune fille est enfermée depuis qu'elle est toute petite dans un hôpital parce qu'elle entend des voix. Quand elle en sort à 18 ans, elle va essayer de comprendre ce qui lui arrive, pourquoi elle est comme ça. Elle va croiser la route de deux personnages qui vivent dans un petit village très retiré où les mentalités sont encore très anciennes... Mon livre est peuplé de sorcières, des flash-back ramènent le lecteur au 17ème siècle et il est vrai que le décor est assez proche de celui du Pays des Collines". 

La couverture aux tons violets est signée Magdalena Pagowska, une artiste polonaise spécialisée dans le fantasy :  "On l'a vraiment choisie ensemble avec mon éditeur. Nous avons cherché un visuel et des couleurs qu'on aimait bien. Elle nous a présenté ses travaux. J'ai tout de suite accroché. On lui a proposé le projet en lui évoquant l'ambiance du roman et elle a accepté, même si elle était surbookée".

Eloise Tanghe a participé à la Foire du Livre de Bruxelles et au Salon du Livre de Paris. Souhaitons bon vent à cette jeune auteur belge ! 

mercredi 18 avril 2018

"Tant pis" (Jennifer Fordham)

"Tant pis" est le quatrième roman de l'auteur montoise Jennifer Fordham. Elle y raconte l'histoire de sœurs jumelles toutes deux amoureuses d'un homme d'affaires anglais. Elle a répondu aux questions du journal "La Province" :

"Pourquoi le titre "Tant pis"?
- "Tant pis", c'est regrettable, c'est dommage que la vie effrite le rêve, l'ébranle, l'échaude, suscite le regret et ne laisse qu'une survivance. "Tant pis" désappointé mais aussi "Tant pis" réconcilié, prêt à lâcher prise avec les rancoeurs du passé. En conclusion, "Tant pis" traduit bien, selon moi, l'écrabouillage résigné.

- Laura, personnage central de ce roman, vit à la fois des histoires d'amour et d'amité qui se nouent et se dénouent. Il y a tout de même un horizon assez sombre en toile de fond, quelque chose de pessimiste?
- Laura est un personnage qui correspond au parcours symbolique qui, au travers de l'écriture, fait défiler des périodes de vie, qui cernent ce qu'il y a d'insondable : l'état d'âme. Il reste susjacent aux événements, aux blessures indicibles de l'enfance et de l'âge adulte. Le désamour a une place importante dans la vie de Laura. Elle a été une petite fille mal comprise par sa mère, une sœur dominée par sa jumelle, et une épouse brimée par un homme qui ne savait pas aimer. Elle se tourne aussi vers les amours multiples, à savoir celui pour les animaux, pour les gens différents, et surtout l'amitié. En toile de fond, s'opposent les échecs face à une reconstruction difficile. Ce n'est pas du pessimisme mais une tristesse légitime qu'elle réussira à surmonter. 

- Comme l'image du funambule sur la couverture, les relations humaines peuvent être fragiles et tomber dans une forme de vide?
- Sur la couverture, le funambule illustre bien l'idée que j'ai voulu faire ressortir : à savoir on aime toujours à ses risques et périls. Le bonheur est fragile, marche sur une corde raide qui, à tout instant, peut le faire tomber dans le vide, celui-ci étant la rupture ou la déception. Oui, le funambule qui tient en équilibre sur sa corde sous un ciel bleu peut rencontrer de gros nuages noirs. J'ai voulu être symbolique, par cette vision poétique, qui donne la priorité au rêve puisqu'à la réalité. J'aurais pu aussi m'inspirer du mythe d'Icare qui se brûle les ailes en voulant se rapprocher trop près du soleil.

- Clairement, l'amitié entre deux personnages (Laura et Antoine) est indestructible. L'amitié semble être plus facile que l'amour pour Laura. Quelle est votre réponse?
- L'amitié est indestructible parce qu'elle ne se sert pas de l'amour pour en parfaire son expression. L'amour est un sentiment difficile, jamais parfait, inaccessible. Il se veut complémentaire, harmonieux, fusionnel. Il est juste exigeant. La passion ne dure pas, aveugle. Avec le temps, on reste stupéfaits devant l'union qui devient vite une désunion, une fade habitude, un goût vieilli de bonheur. C'est tout ce qui reste du couple passionné. Certes, la tendresse fait place à l'étrangeté, à l'envie de séduire. Est-ce de l'amour? Est-ce une consolation?

- Ostende est une ville que l'on découvre déjà dans vos livres précédents. Pourquoi cette ville côtière?
- Je suis tombée amoureuse de cette ville côtière. Comme les peintres de la mer du Nord, je reste inassouvie devant le mystère de la mer. Je m'y retrouve, elle est mienne. Rebelle, courageuse, grise et tourmentée, elle brave inlassablement les climats capricieux. Ostende parce que j'aime son passé artistique, chargé d'histoire. Petite, je regardais déjà passer les bateaux, avec qui je laissais glisser mes rêves d'enfant solitaire. Rien n'a changé.

- Pourquoi évoquer les attentats terroristes commis en France et en Belgique ces dernières années dans ce livre consacré avant tout à l'histoire d'une femme?
- Certes, l'histoire d'une femme mais qui se passe entre la Belgique, l'Angleterre et la France dans les années 2015-2016. On ne peut survoler cette période sans y donner place au terrorisme qui marque notre génération. Ecrire, ce n'est pas raconter une belle histoire. Ecrire, c'est aussi choquer, dénoncer, prendre parti et surtout ne jamais s'habituer ou ignorer ce qui est inadmissible. L'écriture est un passeport vers la connaissance et en même temps un moyen de témoigner des faits de l'époque en question. Dans mes livres, il n'y a rarement de happy end. J'aime les fins inattendues, parce que, comme la vie, elles ont toujours un côté fantasque auquel on doit faire face.

- Un nouveau livre en préparation?
- Oui. Il sera différent des précédents. Il sera non seulement la dénonciation du harcèlement sous toutes ses formes, mais aussi la certitude que l'enfance reste à portée de mains de l'adulte que l'on devient. Mais sachez que, quoi qu'on fasse, le désamour ou l'amour restent présents dans la sensibilité de chacun, quelle que soit l'histoire".

mercredi 11 avril 2018

"Une femme que j'aimais" (Armel Job)

L'écrivain belge Armel Job vient de sortir un nouveau roman :  "Une femme que j'aimais", publié par les éditions Robert Laffont. L'histoire se passe au milieu des années 90 à Charleroi. Alors qu'elle attend son neveu Claude à qui elle veut révéler un secret, Adrienne meurt brutalement en tombant dans sa cuisine. Accident ou meurtre? Claude décide de découvrir ce qu'elle voulait lui révéler...

Armel Job a répondu aux questions du groupe Vers l'Avenir :

"De Claude ou d'Adrienne, quel est le personnage principal de votre histoire?
- C'est bien sûr Adrienne. Claude, c'est le substitut de l'auteur qui se pose bien des questions sur Adrienne. Mais il est vrai que le lecteur apprend petit à petit à connaître Claude. Plus son enquête piétine ou emprunte des fausses pistes, plus lui-même se découvre et se livre. C'est souvent en s'intéressant à une autre personne qu'on découvre des choses en nous-mêmes.

- L'histoire d'Adrienne vous a été inspirée par un fait réel?
- Oui, en partie. C'est une lectrice qui m'en a donné l'idée. Une dame qui m'a raconté sa propre histoire. Elle était née sous X et ignorait qui étaient son père et sa mère qui lui avaient donné la vie. Et cette histoire était d'autant plus touchante que cette dame a découvert la vérité très tard (elle avait alors près de 68 ans). Ca m'a vraiment ému. Et je crois que quand on écrit un roman, on doit être touché par l'histoire que l'on raconte. Tout cela m'a donné envie d'écrire un récit autour d'une naissance mystérieuse.

- Adrienne est un personnage complexe, comme vous les aimez?
- Oui. Elle a un côté charmant et mystérieux face à son neveu. Elle le fascine aussi. Elle vit seule dans une grande maison, est assez secrète. Mais plus tard et petit à petit, on découvre son histoire et elle est comme toute vie humaine... Adrienne est émouvante dans sa passion de jeunesse sacralisée par la mort de l'homme qu'elle aimait, puis il y a toutes les retombées. Ses remords qui l'empêchent d'aimer même ses enfants. Elle passe toute sa vie à côté des autres. Il y a alors beaucoup d'égoïsme en elle et elle finit par faire énormément de tort autour d'elle.

- Jusqu'à l'arrivée de Claude?
- Je pense qu'elle a beaucoup aimé Claude. Elle a trouvé en lui un homme attentif à ce qu'elle était. Quelqu'un qui n'avait aucune ambition sexuelle vis-à-vis d'elle, qui ne portait pas un regard d'homme sur elle, mais celui d'un être humain sur un autre être humain.

- Claude le naïf?
- C'est vrai. C'est quelqu'un qui porte un regard sur les choses sans a priori, assez naïvement mais aussi sans se prendre au sérieux. Il a une grande qualité : son ouverture d'esprit. Il est prêt à accepter de remettre sans cesse en cause son interprétation de l'histoire tout en se moquant des élucubrations qu'il a lui-même échafaudées. Il représente l'humanité commune. Nous échafaudons sans cesse des théories sur les gens qui nous entourent. Mais Claude continue à chercher. En ce sens, il est le romancier parfait. C'est ce que devrait faire tout romancier :  refuser les explications stéréotypées et aller au bout de ses investigations. Nous nous contentons trop vite de banales explications.

- Vous donnez l'impression de n'être pas maître à bord de votre roman?
- Disons que je n'ai pas d'idée préconçue sur la façon dont l'histoire va se dérouler. Des personnages apparaissent, me poussent parfois à écrire des histoires secondaires. Et même me donnent souvent des idées que je développe dans d'autres romans!". 

mercredi 4 avril 2018

Premier roman de Sébastien Ministru

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Né à Mons en 1961,  Sébastien Ministru est journaliste, chroniqueur et auteur de théâtre. Il vient d'écrire son premier roman, intitulé "Apprendre à lire" et publié par les éditions Grasset. Il y aborde le rapport père-fils, l'analphabétisme et l'homosexualité. Comme beaucoup de premiers romans, il y a une bonne part d'autobiographique :   "C'est la vraie vie de mon père dans son enfance que je décris. Je voulais poser un regard sur un homme qui a vécu un vrai drame, enfermé dans son manque de dialogue. Le rapport père-fils est le thème principal de mon roman. J'ai vécu ce rapport entre deux hommes de façon particulière avec mon père, deux hommes qui n'ont pas appris à laisser tomber les murs de la gêne et de la pudeur".

Présentation du roman :   Antoine, directeur de presse sexagénaire, efficace et tyrannique, partage sa vie avec son ami Alex et dont le père italien en fin de vie, émet un jour le souhait d'apprendre à lire et à écrire. Ce privilège, il en a été privé dans une enfance vécue à la dure et personne n'a jamais soupçonné dans quelle souffrance ce manque l'a plongé. Mais Antoine se sent démuni pour apprendre à lire à son père que tout sépare de lui. Alors il demande à Ron, un jeune prostitué dont il loue les services sexuels, de s'atteler à cette lourde tâche d'apprentissage. C'est lui qui parviendra à rapprocher le père et le fils.
                         

mercredi 28 mars 2018

Luc Beyer de Ryke (1933-2018)

                               

Né en 1933 à Gand,  ce journaliste belge d'1m 92 ("la taille du général", disait-il) grandit dans une famille francophone de Flandre. Il porte les noms de son père Jean Beyer, chirurgien décédé quand il avait trois ans, et de son père de Ryke, avocat, qui l'a adopté. Il effectue des études de sciences politiques et de journalisme à l'Université Libre de Bruxelles, puis devient le présentateur vedette du journal télévisé de la RTBF de 1961 à 1979 sous le nom de Luc Beyer (le directeur de l'information ne voulant pas d'un nom à rallonges).

Luc Beyer de Ryke a raconté ses débuts :   "Un de mes profs de l'ULB, en sciences po et journalisme, m'avait averti du fait qu'on cherchait des commentateurs à la télé. J'ai téléphoné au rédacteur en chef, Paul Demol. Il m'a dit que ma voix était bonne en m'invitant à venir voir comment ça se passait à Flagey. C'était un dimanche, au printemps 1960. Et 24 heures plus tard, j'étais sur antenne. Ce ne fut pas une réussite. A l'époque, c'était "marche ou crève" puisque le stage se faisait à l'écran. Je constate qu'on trouve aujourd'hui comme hier d'excellents journalistes, mais qu'ils ont moins que nous ne l'avions probablement de culture générale. C'est tout et rien, ce qu'on conserve quand on a tout oublié, comme disait Edouard Herriot". 

Parallèlement, il commence sa carrière politique au sein du parti libéral :  il est conseiller provincial de Flandre Orientale de 1961 à 1965, puis conseiller communal à Gand de 1965 à 1979. Sur le plan privé, il est le papa de deux fils (Gilles et Benoît) et a six petits-enfants. Francophone de Flandre, il était attaché à défendre sa langue dans le nord de notre pays. Les yeux tournés vers la culture française, il est un grand admirateur du général de Gaulle et s'est marié à Colombey-les-Deux-Eglises!

De 1979 à 1989, Luc Beyer de Ryke est député européen libéral. Il a confié :  "J'ai siégé à Strasbourg pendant dix ans. Cela s'est malheureusement mal terminé. Ma carrière politique a été brisée par Jean Gol. En fait, j'ai effectué une mission en Palestine. A mon retour, j'ai rendu compte devant le Parlement Européen de la répression israélienne envers les Palestiniens. Ce rapport a fait grand bruit. Le Parlement Européen a demandé à Israël de permettre à l'Europe de commercer avec les Palestiniens. Jean Gol n'a pas du tout apprécié cette prise de position qui ne convenait pas à l'électorat juif. J'ai été relégué à une place de suppléant puis banni du parti libéral. Ce fut la fin de ma carrière politique. Un moment très difficile...".

Il sera conseiller communal à Uccle de 1983 à 2012. Soucieux du patrimoine de la commune, il est un ardent défenseur du Kauwberg, du Plateau Avijl et des marronniers de l'avenue Churchill. Lors des élections communales de 2000, la liste PRL-FDF se déchire entre les partisans d'Eric André et les soutiens du prince Stéphane de Lobkowicz (dont Luc Beyer de Ryke) ; aucun des deux n'obtiendra finalement le mayorat. Lors des élections de 2012, il se présente à la 15ème place sur la liste CDH à Uccle, mais n'obtient que 209 voix et n'est plus élu. 

Sur le plan professionnel, il retourne à la RTBF comme journaliste et correspondant de 1989 à 1998. Il écrit une dizaine d'ouvrages, dont "Tocsin pour la Belgique", "Les lys de Flandre : vie et mort des francophones de Flandre (1302-2002)", "La Belgique en sursis", "Chemins d'Orient : les déchirures (Algérie, Liban, Israël, Palestine)".

Ces dernières années, Luc Beyer de Ryke se partageait entre sa maison de Laethem-Saint-Martin et Paris, où habitait Françoise Germain-Robin, sa compagne depuis trente ans et reporter à "L'Humanité". Depuis 2008, il présidait l'Académie du Gaullisme, une association qui recevait régulièrement à Paris des figures politiques et culturelles de tous bords.

Luc Beyer de Ryke est décédé à Paris d'une rupture de l'aorte à l'âge de 84 ans. Ses obsèques ont eu lieu en l'église de Laethem-Saint-Martin. Un hommage lui a été rendu au conseil communal d'Uccle. Professeur à l'Ecole Européenne à Bruxelles, son fils Benoît a confié :   "Sa mort a surpris tout le monde. Il était en bonne santé. C'est brutal mais ce fut sans douleur, nous a dit l'hôpital où il a été emmené en urgence".

De mon côté, j'ai eu la chance de le rencontrer une fois à la Foire du Livre de Bruxelles, et il était très sympathique. J'ai lu un de ses livres, dont voici le compte-rendu ci-dessous.

"La Belgique et ses démons"  de Luc Beyer de Ryke (éditions Mols)

Alors que l'avenir du pays est incertain, le journaliste Luc Beyer de Ryke revient sur les mythes fondateurs et destructeurs de la Belgique. Tout commence au 15ème siècle lorsque les principautés, duchés et comtés se regroupent progressivement au sein d'un même Etat sous l'impulsion des ducs de Bourgogne, et commencent donc à avoir une histoire commune (à l'exception de la principauté de Liège). Ils nous ont laissé un riche patrimoine culturel :   Jan Van Eyck, Hans Memling, Roger de la Pasture, p.ex.  Charles le Téméraire et sa fille Marie de Bourgogne reposent à l'église Notre-Dame de Bruges.

La Bataille des Eperons d'Or en 1302 a été choisie comme fête régionale flamande dans les années 70, et le ministre-président Luc Van den Brande avait même évoqué l'indépendance de la Flandre pour son 700ème anniversaire en 2002. Que s'est-il réellement passé?  Furieux de l'alliance de son vassal le comte de Flandre avec l'Angleterre, Philippe le Bel (roi de France) l'emprisonne et occupe le comté. Soutenus par des troupes namuroises (alliées au comte de Flandre), les bourgeois et artisans remportent la victoire le 11 juillet 1302 contre les chevaliers français. A cette époque, le comté ne correspond pas à la Flandre actuelle, et comprend la Zélande et le Nord-Pas de Calais. Le terme "Flamand" désigne ses habitants, qu'ils parlent français ou la langue locale. Pendant longtemps, cette victoire est présentée comme une résistance "belge" à l'envahisseur, et le roi Albert Ier y fait allusion dans un discours en 1914 lors de l'invasion des Allemands. Puis, la Bataille des Eperons d'Or est reprise comme symbole par le mouvement nationaliste flamand alors que l'histoire démontre qu'ils ont peu de liens entre eux.

Au nord du pays, certains vénèrent Henri Conscience, auteur du "Leeuw van Vlaanderen" (Le Lion des Flandres) qui valorise la langue néerlandaise. Mais ils oublient de signaler qu'il a participé à la révolution belge de 1830, qu'il a reçu une aide financière du roi Léopold Ier pour publier ses oeuvres, et qu'il a eu droit à des funérailles nationales. Son amour de la Flandre et de la langue néerlandaise n'étaient pas incompatibles avec l'Etat belge.

La première fracture entre nos communautés a lieu lors de la première guerre mondiale. Le mythe des soldats flamands morts parce qu'ils ne comprenaient pas les ordres donnés par des officiers en majorité francophones s'installe ("L'image est exagérée mais pas inexacte" , fait remarquer Luc Beyer de Ryke). Pendant ce temps, le reste du pays est occupé par les Allemands qui tentent de diviser les Belges en appliquant la "Flamenpolitik" du gouverneur militaire von Bissing (création de l'université flamande de Gand, p.ex.). Après la première guerre mondiale, le mouvement nationaliste flamand qui était jusque là patriote et belge, commence à revendiquer l'indépendance de la Flandre.

Au sud du pays, la lettre de Jules Destrée en 1912 fait du bruit :   "Sire, il n'y a pas de Belges. Vous régnez sur deux peuples :  des Wallons et des Flamands".  Il se reconvertit cependant en grand patriote belge après la guerre. La Question Royale montre des différences de sensibilité entre le nord et le sud. Avant de mourir en 1962, le syndicaliste wallon André Renard lance l'idée du fédéralisme. L'auteur évoque les tentations rattachistes de l'écrivain Charles Plisnier et de certains responsables politiques francophones (Daniel Ducarme et Jean Gol, p.ex.).

Luc Beyer de Ryke s'intéresse aussi aux mythes entourant nos rois. Il montre comment "l'oeuvre civilisatrice congolaise" de Léopold II est présentée aujourd'hui différemment dans les manuels scolaires. Il dévoile ensuite un roi Albert Ier plus complexe que son surnom de "roi-chevalier", et cite les similitudes avec son fils Léopold III. Le règne du roi Baudouin est marqué par la transformation de la Belgique en un Etat fédéral.

De la célèbre citation de Jules César ("De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves") à la victoire électorale de Bart De Wever en 2010,  l'auteur nous retrace plusieurs siècles d'histoire dans cet ouvrage intéressant, objectif et agréable à lire.