lundi 23 avril 2012

Nouveau roman de François Weyergans

L'an dernier, je vous avais déjà parlé de l'écrivain belge François Weyergans (Prix Goncourt 2005) à l'occasion de son entrée à l'Académie française :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2011/07/francois-weyergans-lacademie-francaise.html

Il vient d'accorder une interview au journal "Le Soir" pour la sortie de son roman "Royal Romance" (éditions Julliard) :

"Dans votre dernier roman, vous écrivez "Le vrai sujet, c'est comme toujours : à quoi riment nos vies?". C'est le sujet de vos livres?
- C'est une question qui n'a pas de réponse. En effet, la vraie souffrance, qui peut conduire jusqu'à des états que les psychiatres essaient de soigner, c'est de ne pas avoir de réponse à la question : à quoi rime ma vie? Mais si on ne parle que de moi, on peut dire que je suis content : je suis écrivain, je suis reconnu, je reçois des à-valoir comme peu de gens en reçoivent, je les dépense trop vite et c'est une autre histoire, je voyage et en même temps fondamentalement, çà ne sert à rien.

- C'est la seule vraie question de la littérature?
- On ne va pas prendre de telle décision si vite. Mais si vous prenez le théâtre de Shakespeare, que dit-il d'autre en fin de compte? Dans mon livre, c'est un propos que le type remue comme çà dans sa tête. Il fait aussi l'éloge de l'improviste, de l'inatttendu. Ce qui me plaît, c'est de mettre plein de signes de piste, d'énigmes, un peu comme quand on cache des oeufs de Pâques dans le jardin pour les gosses. Des choses qui font un peu penser, réagir le lecteur. Moi, mon plaisir de lecteur, c'est quand c'est moi qui invente le livre. Quand je lis, il y a dans ma tête des choses qui ne sont pas imprimées mais qui se cachent quand même derrière les phrases.

- Vous, pourquoi vous écrivez?
- Parce que çà m'occupe. Mais je suis content quand j'ai fini. On a l'impression alors qu'on a terminé un objet. Et je le termine au moment où j'arrive à le lire un peu vite et que rien ne m'arrête : c'est fluide, çà glisse, çà va... Ce qu'il y a dedans, je suis censé y avoir réfléchi avant. Et là, l'objet est bien poli. Après, on peut le trouver intéressant ou pas.

- L'accouchement de "Royal Romance", reporté plusieurs fois, semble avoir été difficile. L'avez-vous terminé à l'imprimerie?
- Non, avec les fichiers électroniques, on ne termine plus les livres à l'imprimerie. Et ils permettent d'intervenir encore plus tard. La "deadline", c'est quand on filme. La contrainte du dernier moment est un instrument de travail : elle oblige à prendre des décisions. Dans "Royal Romance", il y avait cinq, six lignes de description d'un restaurant dont je savais qu'il me faudrait les enlever ou les déplacer : on y perd le fil du livre. Mais je n'en avais pas envie. C'est trois heures avant le bouclage que je les ai retirées. Faire un livre, ce n'est pas faire un puzzle où il n'y a qu'une place possible pour les pièces. Les scènes que je déplace, c'est du montage, comme au cinéma.

- Mais avez-vous des difficultés à finir?
- Je me méfie de l'écrivain qui n'en a pas. Je fonctionne ainsi : j'ai un projet de livre, je signe un contrat, et j'applique cette phrase de Fellini, "Je tourne le film pour ne pas devoir rembourser l'argent que j'ai reçu". Tout çà pour dire que j'y vais à reculons. Je construis le roman par séquences : le premier voyage à Montréal, le second, le troisième. J'écris puis je recommence. Jamais je ne pourrai être tout à fait satisfait de ce que j'écris. Le passage en poche permet maintenant de réécrire. La réimpression aussi. Pour celle de "Royal Romance", je vais apporter deux modifications. Tout à la fin, il y a une répétition du mot "là" qui me dérange. Je le remplacerai par "ici". Et la typo finale tombe mal, en fin d'une page de droite. Je pourrais peut-être ajouter dix lignes quelque part avant?

- Daniel Flamm, le héros de "Royal Romance", c'est vous?
- C'est un écrivain, un confrère, un ami, quelqu'un dont je me sens proche. Quand on parle d'autobiographie, il faut savoir jusqu'où cela va. Quand j'écris "J'ai pris l'avion", c'est sûr que c'est autobiographique puisque je prends l'avion tout le temps. Le mélange de traits psychologiques venant de différentes personnes dans un même personnage est toutefois difficile. Il pose parfois problème. Pour éviter cela, j'ai fabriqué l'enfance à Daniel Flamm : un père dentiste, musicien d'avant-garde dans un quatuor amateur.

- Les histoires d'amour du livre sont-elles les vôtres?
- Non. Cela me fait penser au jour où j'ai interviewé Saul Bellow pour Herzog en lui posant la même question. Sa réponse a été l'air de dédain insupportable avec lequel il m'a regardé. Mais j'étais ainsi ancré dans la certitude qu'il avait dû vivre la scène qu'il racontait dans son livre.

- Vous parlez à un moment des "gens qui aiment la littérature, une secte"?
- C'est au second degré. Mais les librairies sont vides, les gens ne viennent plus acheter de livres. Si on ne s'occupe pas de la littérature, elle va peut-être mourir. Je plains ceux qui ne connaissent pas le plaisir de lire. La librairie est l'endroit où je passe le plus de temps de ma vie. J'en ferai toujours l'éloge. Et j'achèterai toujours des livres, quitte à payer des excédents de bagages lors de mes retours en avion".

jeudi 19 avril 2012

Interview d'Eric-Emmanuel Schmitt

A l'occasion de la sortie de "Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus", l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions de la journaliste Isabelle Monnart :

"Comment avez-vous approché cette spiritualité-là?
- J'ai rencontré des gens qui sont porteurs de cette conception du monde. Et puis, j'ai lu Confucius et beaucoup de littérature chinoise qui a çà comme une espèce de sang qui circule en elle. C'est un des thèmes du livre : les Chinois détruisent tout, démolissent les monuments, construisent des villes nouvelles mais il y a quelque chose d'antique qui reste. La mémoire n'est pas dans la pierre, elle est dans les esprits. La Chine a été cimentée par une sagesse sans dieu. C'est peut-être plus puissant.

- La Chine est un pays qui vous est devenu familier?
- Non, je ne vais pas vous mentir... La Chine, pour moi, est un objet d'investigation livresque. C'est une Chine connue plus que vécue.

- L'histoire que vous racontez - au-delà de la fable - est presque un thriller : on ne cesse de se demander si elle les a faits, ces enfants?
- Je suis d'abord un raconteur d'histoires. J'étais fasciné par cette loi sur la natalité qui existe depuis le début des années 80 en Chine qui veut qu'on ne fasse qu'un enfant. Par empathie pour les Chinois, je me suis toujours dit que çà devait être un grand malheur. Plus personne n'a le droit de fonder une grande famille. C'est comme çà qu'est née Madame Ming. Mon histoire cache, je l'espère, une grande histoire d'amour filial. Que ces enfants existent ou pas, Madame Ming les aime. Si ce n'est pas la vérité des faits, c'est sa vérité à elle. Le mensonge est artiste, il n'est pas faussaire. Il dit le monde tel qu'il devrait être.

- Tout autre chose : vous deviez tourner "Le sumo qui ne pouvait pas grossir". Où en êtes-vous?
- J'ai vécu l'avortement de ce projet parce que le tsunami est arrivé. J'avais travaillé un an et demi. Ca m'a abbatu, mais en même temps, je n'allais pas me mettre à pleurer : qu'est-ce qu'un film par rapport à ce qui est arrivé aux Japonais? Bref, du coup, j'ai beaucoup écrit... Je ne vais pas me plaindre : le monde du cinéma me courtise, les grands producteurs me demandent ce que je veux faire. Mais pour l'instant, je n'ai pas envie. J'espère que çà va revenir.

- Vous fonctionnez au manque et à l'envie?
- Les symptômes, c'est çà : je ne me supporte plus, je me vois comme le plus grand paresseux de la terre, je râle. Là, dans mon entourage, on me dit qu'il faut que je me mette à écrire. Et à partir de là, je deviens charmant!".

mardi 10 avril 2012

"Flore et Florence" (Colette Nys-Mazure et Françoise Lison-Leroy)

Mères, professeurs de français et auteurs dans le Tournaisis, Colette Nys-Mazure et Françoise Lison-Leroy ont écrit ce roman pour enfants. Elles nous racontent l'été du passage de l'école primaire aux études secondaires de Flore et Florence, amies depuis toujours. On les suit en vacances à Hardelot et en Bretagne, puis de retour chez elles dans le Hainaut occidental. Au cours de cet été doux et paisible, elles nous font partager leur quotidien : le départ de la grande soeur en Indonésie, leurs cours de théâtre, leurs premiers émois amoureux, la mort de leur beau moniteur, leurs relations avec leurs parents, les déceptions et satisfactions en amitié. Le roman se termine par leur entrée à l'école secondaire.

La lecture de "Flore et Florence" permettra aux professeurs d'aborder de nombreux thèmes avec des élèves du même âge que les deux héroïnes. Mon reproche est le manque de surprise et l'absence de rebondissement. Tout le roman est résumé dans la quatrième de couverture.

mardi 3 avril 2012

Nouveau roman d'Armel Job

"Loin des mosquées", le nouveau roman d'Armel Job, raconte l'histoire d'une famille turque dans nos Ardennes bien belges (l'an dernier, dans "Les eaux amères", c'est la communauté juive qui était à l'honneur). Armel Job a expliqué sa démarche à la journaliste Isabelle Monnart :

"Je ne suis pas du tout dans une démarche d'exotisme. Ce qui m'intéresse, c'est ce que je vois autour de moi. Je vis dans une petite ville des Ardennes où il y a des étrangers...comme dans les grandes villes. Nous nous croisons tous les jours. Quand je vais faire mes courses, je vois des femmes qui portent le voile, des hommes qui manifestement ne sont pas belges et je me pose des questions, tout simplement. Qui sont ces gens? Des étrangers? Non, ils sont là depuis très longtemps, souvent. J'ai été directeur d'école pendant de nombreuses années et j'accueillais ces enfants nés en Belgique. Ce sont nos enfants aussi. Nous sommes des gens civilisés, çà ne nous gêne pas mais en même temps, on les ignore. On ne veut pas les mettre à l'écart mais eux, c'est eux et nous, c'est nous. Et il n'y a pas véritablement de pont. Pourtant, ces gens, on pourrait à juste titre dire qu'ils sont notre prochain. Or, on les considère comme nos lointains. Il y a quelques années, j'ai été invité à un mariage turc. En quittant la fête, je discutais avec quelqu'un qui m'a dit qu'il s'agissait d'un mariage arrangé, mais pas forcé. La jeune femme, qui ne parlait pas du tout français, était arrivée d'Anatolie quelques jours plus tôt. Son mari, qui avait été un brillant élève, qui avait un excellent emploi, aurait certainement pu contracter une autre union mais non, il avait décidé de se marier conformément à la tradition. Qu'est-ce que le travail d'un romancier, finalement? De la réflexion sur la société, sur les gens qui vivent autour de moi : qui sont-ils? Comment vivent-ils? C'est un travail d'exploration".

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