mercredi 20 novembre 2019

Interview de Patrick Delperdange

A l'occasion de la sortie de "Coup de cœur" (éditions Mijade),  l'auteur Patrick Delperdange a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"Patrick, tu signes ton retour dans la littérature de jeunesse. Le plaisir reste-t-il ta principale motivation quand tu écris?
- Ce l'était en tout cas jusqu'il y a peu. Bien sûr, le plaisir que j'éprouve à écrire et le plaisir que j'essaie de faire éprouver à mes lecteurs restent essentiels à mes yeux. Pour moi, le plaisir, ce n'est pas juste être réjoui par ce qu'on lit. Ce qui m'intéresse, que j'écrive pour les adultes ou les jeunes, c'est procurer des sensations quasiment épidermiques. En tant que lecteur, avoir frissonné en lisant un livre me fait penser que l'auteur a réussi quelque chose d'assez rare, et c'est un peu ce que je cherche. Mais je vieillis, ce n'est pas très original, et avec le poids de l'âge, je me demande s'il ne faudrait pas lester un peu ce plaisir de dimensions différentes. En tant qu'écrivain, il commence à me manquer quelque chose. C'est une réflexion en cours, une évolution qui a lieu depuis quatre ou cinq ans peut-être. Mes derniers bouquins adultes sont des romans noirs, et les réactions des lecteurs m'ont fait sentir que, pratiquement à mon insu, j'avais écrit des choses qui ont touché des gens au-delà de cette idée de plaisir…  Cela tient surtout au fait qu'au cours des trois ou quatre dernières années, j'ai été invité dans de nombreux salons consacrés au polar, où on rencontre un public très mélangé. Je me suis rendu compte que les gens ont perçu dans mes livres des choses dont je n'étais pas tout à fait conscient, mais qui pour eux étaient essentielles. C'est curieux :  parfois, en tant qu'écrivain, ce n'est pas qu'on s'illusionne sur ce qu'on fait, mais on ne saisit pas nécessairement la portée de ce qu'on écrit et ce sont les lecteurs qui vous ouvrent les yeux. Voilà…  Plaisir, oui, mais avec quelque chose en plus. Une noirceur ou une gravité à laquelle tous les lecteurs n'ont pas envie d'être confrontés.

- Les rencontres avec les lecteurs sont donc importantes à tes yeux?
- En tout cas, cela demande de l'énergie. Jusqu'il y a trois ou quatre ans, la plupart des rencontres que j'effectuais se déroulaient en milieu scolaire. J'ai trouvé ça parfois un peu fastidieux. En un laps de temps très réduit, j'ai vu beaucoup de classes et j'ai eu l'impression de me répéter, d'avoir mis au point un répertoire de réponses pour des questions qui sont souvent les mêmes. Je récitais une sorte de texte, comme un vieil acteur de province qui ramène tout le temps le monologue d'Hamlet et qui finit par ne même plus comprendre ce qu'il déclame. Je me suis dit :  "Houlà, attention, tu n'y prends plus beaucoup de plaisir". Et je pense que du coup en face, le contact n'était plus le même. Depuis la parution de "Si tous les dieux nous abandonnent" dans la Série Noire, j'ai été invité à quantité de salons, et ça m'a permis d'échanger avec un public plus adulte :  l'éclairage est différent !

- Tu parles des relations avec tes lecteurs, mais qu'en est-il des relations entre auteurs?
- Les polardeux sont un peu plus destroy, mais les auteurs jeunesse ne sont pas en reste. Sans idéaliser ces deux communautés, leurs représentants s'apprécient la plupart du temps. Il y a des affinités et on ne se tire pas dans les pattes, ça reste bon enfant. L'ambiance est différente en littérature dite classique. En France, tout est fait pour ça :  quand vous dites que vous êtes auteur, on vous déroule le tapis rouge. Dans n'importe quel milieu, les gens sont impressionnés. Etre écrivain, cela fait partie du patrimoine national. On ne sent pas ça du tout en Belgique :  on n'est vraiment pas reconnu. Ici, quand on me demande ce que je fais dans la vie et que je dis que je suis écrivain, c'est à peine si on ne me tourne pas le dos. Mais ça nous permet justement de travailler dans les marges et de faire des choses que les écrivains français s'interdisent. Eux, c'est comme s'ils portaient une médaille, et ils sont tentés de s'autocensurer.

- Etre édité dans la Série Noire (pour "Si tous les dieux nous abandonnent") t'a ouvert des portes, et pourtant tu as décidé de suivre Aurélien Masson, ton directeur de collection, qui quittait Gallimard pour les Arène;
- J'ai dû prendre une décision très rapide, quasiment à brule-pourpoint. Le problème, c'était de quitter Gallimard et la Série Noire puisque dans le domaine où je travaille, c'était rouler en Rolls Royce, et là, il me demandait de rendre les clés de la Rolls pour partir à l'aventure. Mais rétrospectivement, je pense que j'ai fait le bon choix de suivre cet éditeur en particulier".

La suite de cette interview se trouve dans la revue "Le Carnet et les Instants"...
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mercredi 18 septembre 2019

Les maisons et musées d'écrivains belges

Au nord du pays, il existe plusieurs maisons d'écrivains (Guido Gezelle, Herman Teirlinck, Cyriel Verschaeve, Ernest Claes, René De Clercq, André Demedts), un espace consacré à Louis-Paul Boon à Alost, deux musées liés à des écrivains francophones de Flandre (Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck), ainsi qu'une exposition permanente à la Letterenhuis à Anvers.

Emile Verhaeren (décédé en 1916) est le plus honoré avec un hommage dans les trois régions du pays :

- aux Archives et Musée de la Littérature (Bruxelles) :  on trouve son cabinet de travail tel qu'il se trouvait dans sa maison de Saint-Cloud

- le Musée Emile Verhaeren à Sint-Amands (province d'Anvers) :  http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2019/04/rik-hemmerijck-conservateur-du-musee.html

- l'Espace Emile Verhaeren à Roisin (province de Hainaut) :
http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2009/07/sauvons-le-musee-emile-verhaeren-roisin.html

Mais il existe d'autres maisons et musées d'écrivains belges francophones :

- la maison de Maurice Carême (décédé en 1978) qui la créa de son vivant via une fondation

- la maison natale d'Adolphe Hardy (décédé en 1954) à Dison, devenue un musée dédié à cet auteur trente ans après sa mort

- le musée Camille Lemonnier accueille aussi le siège de l'Association des Ecrivains Belges

- le cabinet Georges Rodenbach :  exposé au Musée du Folklore de sa ville natale de Tournai jusqu'en 2018, il devrait être désormais reconstitué au musée des Beaux-Arts de Tournai

- le cabinet Maurice Maeterlinck (Prix Nobel de Littérature 1911) à Gand

- le bureau de Charles Plisnier (Prix Goncourt 1937) à la Maison Losseau à Mons, où il a vécu sa jeunesse. Joyau de l'art nouveau, cette maison léguée par Léon Losseau abrite aussi le Centre de littérature hennuyère.

On pourrait s'étonner qu'il n'existe pas de musée consacré à Georges Simenon, mais il ne le voulait pas. Par contre, il a légué des choses à l'Université de Liège en demandant que ce ne soit accessible qu'aux étudiants, aux chercheurs et à ceux qui travaillent sur son œuvre.

Rappelons aussi que divers ouvrages "Sur les pas des écrivains…" permettent de retrouver des traces de nos auteurs belges. Il y aurait moyen de mettre beaucoup mieux en valeur tout ce patrimoine littéraire, mais les compétences culturelles étant réparties entre tellement de responsables politiques qu'il est difficile d'envisager un tel projet commun. Dommage...

mercredi 4 septembre 2019

Les Rendez-Vous de la Luzerne

En 2013, Pascale Toussaint, professeur de français, avait écrit le livre "J'habite la maison de Louis Scutenaire", publié par les éditions Weyrich dans leur collection "Plumes du Coq". Depuis 2017, sa maison (située 20, rue de la Luzerne à 1030 Bruxelles) est devenu aussi un rendez-vous littéraire.

Pascale Toussaint s'est confiée à la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Nous vivons dans la maison où Louis Scutenaire a passé la plus grande partie de sa vie. Nous en sommes les deuxièmes propriétaires. C'est donc une maison d'écrivains. L'idée était de prolonger, de réactualiser les rencontres d'écrivains et d'artistes dont la maison de Louis Scutenaire a été le théâtre, et d'organiser à notre tour des rencontres autour de la littérature et de la musique. Comme Louis Scutenaire et Irène Hamoir, nous sommes un couple d'écrivains. Particulièrement investis dans le monde de la littérature belge, nous aurions trouvé dommage, dans un tel contexte, de n'en rien partager. Nous avons donc décidé d'offrir ces "Rendez-vous de la Luzerne" gratuitement au public. 

Nous donnons à nos invités l'occasion de parler de leur travail, de le faire entendre, devant le public de plus en plus nombreux qui nous rejoint dans un cadre connoté culturellement mais convivial. Cela offre une proximité entre le public et le monde des arts et des lettres qu'on ne trouve pas ailleurs, dans des lieux plus commerciaux ou officiels. Les conversations à bâtons rompus, la rencontre de deux ou plusieurs intelligences, le style décontracté d'un modeste salon domestique permettent une familiarité avec le monde de la création, un abord simple et direct qui n'exclut pas la qualité. Nous choisissons avec l'invité celui qui mènera l'entretien. Nous laissons totalement carte blanche aux interlocuteurs en présence. Les entretiens sont ponctués de lectures ou de moments musicaux qui permettent une respiration et parfois une découverte de textes ou d'œuvres qu'on n'aurait peut-être pas l'occasion d'entendre autrement. La parole est donnée au public à la fin de l'entretien et le tout se prolonge autour d'un verre de vin.

Les gens que nous invitons sont jusqu'à présent des écrivains, éditeurs et artistes belges, ou ayant un lien avec le monde de la culture de Belgique. Connus ou moins connus. Nous sommes passionnés de littérature belge, qu'elle soit d'ordre patrimonial ou ancrée dans l'actualité. Mais il n'y a pas d'exclusive :  la Belgique n'est pas une tour d'ivoire.

Nous voyons la littérature belge comme très spécifique au sein de la francophonie. Elle est, comme on sait, issue d'une pensée originale à la charnière des sensibilités latine et germanique. Elle véhicule des modes d'expression d'une extrême richesse qui la distinguent clairement des autres. L'usage du français impose le rapprochement avec la littérature de France, mais c'est aussi ce qui permet de mieux l'en différencier. Ecrire dans le français des Belges, c'est écrire en bon français, puisque c'est le nôtre. La littérature belge tend actuellement à accentuer ce qui la caractérise, à mieux définir les balises d'une autonomie qui la dégage de son image vieillotte de "petite sœur" des Lettres françaises. Le réalisme magique, le fantastique, la poésie du quotidien, le goût des autres, l'amour d'une terre difficile, un humour fait d'autodérision et de bienveillance qui ne ressemble à aucun autre… Chaque lecteur, érudit ou non, complètera à sa guise".

mercredi 28 août 2019

La bibliothèque de Corinne Hoex

                           L'auteure belge Corinne Hoex est membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique depuis 2017. Elle a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

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"Quelles sont vos premières lectures marquantes? Ces lectures sont-elles associées pour vous à la matérialité du livre?
- Les textes qui m'ont marquée ont toujours été associés à la musicalité, à la sonorité, au rythme de la phrase, bien plus qu'à la matérialité du livre. J'ai découvert Tristan Corbière au lycée grâce au cours de déclamation (une dizaine d'année plus tard d'ailleurs, j'ai mis en chanson plusieurs poèmes des "Amours jaunes"). Je me suis passionnée pour La Fontaine suite à un stage donné par Charles Kleinberg. J'ai abordé "Plume" de Michaux à l'Académie des arts de la parole de Molenbeek, où je suivais le cours de Pascale Mathieu. C'est aussi là que j'ai travaillé "Marie-Madeleine ou le salut" de Yourcenar. Ces textes ont d'emblée pris corps et voix en moi. Et il en a été ainsi pour tous les auteurs que j'ai abordés par la suite, de Baudelaire à Sarraute, de Cendras à Flaubert, d'Apollinaire à Beckett, de Lilar à Calvino. Depuis l'adolescence, la chanson française me captive, Georges Brassens particulièrement et Barbara. Je les ai écoutés, ré-écoutés et chantés avec une attention de lectrice. J'avais la chance d'avoir des parents qui m'emmenaient à L'Ancienne Belgique. Grâce à eux, j'ai vu sur scène Brel, Bécaud, Aznavour, Brassens, Montand, Ferré et, même un soir dans un cabaret, Boby Lapointe.

- Dans votre enfance, y avait-il une bibliothèque familiale dans laquelle vous pouviez puiser?
- Non, pas de bibliothèque dans l'enfance. Quelques livres auxquels ma mère tenait beaucoup, enfermés dans l'armoire du bureau. Il n'était pas question d'y toucher. Un peu comme chez la petite fille de mon premier roman, "Le grand menu". Mes parents lisaient le Soir et, chaque semaine, le "Pourquoi pas?". J'y repérais les "Dialogues de la semaine" de Virgile. J'accompagnais mon père chez la marchande de journaux :  il m'y achetait le magazine "Belle du ballet" et, de temps à autre, un Bob et Bobette ou un Bessy (il refusait que je lise Tintin). J'avais l'autorisation de lire au lit avant de m'endormir. La lecture avait sans doute, aux yeux de mes parents, une vocation lénifiante, à visée soporifique. Je possédais à cet effet quelques volumes de la Bibliothèque Rouge et Or. Pour la même fonction, mes parents avaient leurs propres livres. Mon père privilégiait les récits d'exploration, et ma mère les policiers. Chez mes grands-mères (ma grand-mère et mon arrière-grand-mère maternelles), les livres étaient plus présents. Elles m'en offraient pour les anniversaires et les fêtes. Comme mes parents travaillaient, j'étais souvent chez elles. Mon arrière-grand-mère était une conteuse magnifique, intarissable. Ainsi, auprès d'elle, dès la petite enfance, c'est à travers la voix que mes mots m'ont structurée. J'évoque cette arrière-grand-mère dans "Décidément, je t'assassine".

- Prêtez-vous facilement vos livres? Mais surtout les récupérez-vous en général aussi facilement?
- Je préfère offrir les livres que les prêter. Cela m'évite d'attendre éternellement qu'on me les rende. Je les achète pour en faire cadeau, mais je ne me défais pas des miens. Depuis quelque temps, j'opère un grand tri dans ma bibliothèque. Je m'efforce de ne garder que peu de choses, les livres que j'aimerais lire ou relire. Ce "peu de chose" occupe tout de même encore douze étagères bien pleines qui montent jusqu'au plafond".

La suite de cette interview dans la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles...

mercredi 21 août 2019

Décès d'André Goosse

                     André Goosse, l'homme du «Bon Usage»

Considéré comme l'un des linguistes les plus importants de son époque,  André Goosse est décédé le 4 août dernier à Ottignies.

Né à Liège en 1926, il passe son enfance à Houffalize et effectue ses humanités gréco-latines à l'Institut Saint-Remacle de Stavelot durant la deuxième guerre mondiale. Il entreprend ensuite des études de philologie romane à l'Université Catholique de Louvain, où il rencontre Marie-Thérèse, la fille de Maurice Grévisse ("Le Bon Usage"). Ils obtiennent leur diplôme en 1949, se marient et ont deux fils (Jean-François et Etienne).

André Goosse transmet sa passion de la langue française dans l'enseignement secondaire, puis aux étudiants de l'Université Catholique de Louvain. A la mort de son beau-père, il s'attache à moderniser et à faire évoluer son œuvre "Le Bon Usage", qualifiée par certains de meilleure grammaire française. Son épouse Marie-Thérèse décède en 1985, et il se remarie ensuite avec la romancière et critique littéraire belge France Bastia (décédée en 2017), dont je vous ai déjà parlé :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2015/04/interview-de-lauteur-belge-france-bastia.html

De 1996 à 2001, André Goosse est secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique (www.arllfb.be). Il a aussi présidé le Conseil International de la langue française, et l'Association pour l'application des recommandations orthographiques.

André Goosse est décédé à l'âge de 93 ans, et a été inhumé à Hamme-Mille dans la province du Brabant wallon.

mercredi 14 août 2019

Les 85 ans de Pierre Coran

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1934 :  Naissance d'Eugène Delaisse à Saint-Denis en Brocqueroie près de Mons.

1940 :  Exode lors de la deuxième guerre mondiale, puis entrée dans la classe unique de Mr Clément qui sera mis en lumière dans la trilogie des "Pièces-à-Trous".

1943 :  Eugène écrit ses premier textes rimés qu'il cache sous l'aquarium de la classe.

1954 :  Diplômé instituteur, il enseigne, durant vingt ans, dans la mouvance de la pédagogie Freinet avant de diriger l'école d'application de l'Ecole Normale de l'Etat à Mons de 1974 à 1978.

1958 :  Eugène épouse Irène, institutrice et élève au Conservatoire Royal de Mons. Début d'une complicité artistique au sein de leur couple.

1959 :  Sortie de son premier livre de poésie, "Le Fiel" (en partage avec Michel Mairiaux, instituteur comme lui).

1960 :  Naissance de son fils Carl, adoption du pseudonyme de Pierre Coran, et publication de son premier livre pour enfants, "La mare aux fées".

1965 :  Parution de son premier roman, "Les incurables", où l'auteur exorcise la mort de son père, tailleur de silex.

1968 :  Création de la séquence "Ces chers Z'anges" à la télévision belge, dans laquelle Irène et Carl jouent.

1978 :  Pierre est nommé professeur d'histoire de la littérature et rejoint son épouse au Conservatoire Royal de Mons, où elle enseigne la phonétique.

1979 :  Lauréat du Prix Jean de La Fontaine

1986 :  Publication du premier album pour enfants de son fils Carl Norac

1989 :  Premier lauréat du Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse à Paris

1990 :  Edition du recueil de poésies "Jaffabules" qui en est à sa sixième édition.

1998 :  Sortie du court-métrage "Les Pièces-à-trous" avec Michel Galabru et Daniel Prévost, basé sur sa trilogie.

1998 :  Devient administrateur de la S.A.B.A.M.

1999 :  Naissance de sa petite-fille Else

2000 :  Lauréat du Prijs Kinder en Jeugdjury en Flandre. La section jeunesse de la bibliothèque communale de Fontaine-l'Evêque prend le nom du poète.

2003 :  Une école de Mons s'appelle désormais Ecole Pierre Coran.

2007 :  Prix de la Communauté française pour le rayonnement de la littérature de jeunesse

2008 :  Prix de la Pensée wallonne

2010 :  Nommé citoyen d'honneur de la commune de Jurbise, dans laquelle il habite

2011 :  Premier fablier, "Les antiFables" (éditions Grasset)

2015 :  Inauguration de l'Ecole communale Pierre Coran dans le village d'Erbisoeul où il réside

Cliquez ci-dessous sur "Coran Pierre" pour retrouver mes autres articles consacrés à cet auteur belge.

mercredi 7 août 2019

Enlivrons-nous à Uccle

Veuve du ministre d'Etat Armand De Decker et belle-soeur de l'écrivain Jacques De Decker,  Jacqueline Rousseaux est également active dans le milieu culturel de sa commune, où elle s'occupe du Centre Culturel d'Uccle (depuis 2001), de la Foire du livre belge (de 2003 à 2017) et des soirées "Enlivrons-nous" (depuis 2004).

Jacqueline Rousseaux s'est confiée à la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Déjà, à l'école, nos institutrices nous encourageaient à lire. C'est très important. Dans ma famille, la lecture était appréciée. J'ai toujours aimé cela aussi. La littérature est un merveilleux médium pour découvrir le monde et l'humain, voyager dans le temps, l'espace, l'histoire, les mentalités, et donner envie de découvertes plus concrètes ensuite. C'est magique. Je ne puis que féliciter ceux qui ont créé et encouragent le prix des lycéens. C'est important pour les auteurs qu'ils contribuent à faire connaître, et pour les jeunes qu'ils conduisent vers la lecture.

Le néologisme "Enlivrons-nous" fait allusion au livre, bien entendu, mais aussi au fait que l'invité "se livre" au fil de l'entretien, tout comme le public est susceptible de le faire lors des questions-réponses qui le suivent. Il n'y a pas nécessairement de livre sous-jacent à la rencontre. J'ai trop de magnifiques souvenirs que pour faire une sélection. Je suis très reconnaissante à Jacques Franck, alors rédacteur en chef de "La Libre Belgique", d'avoir inauguré cette tribune en 2004 pour parler de son ouvrage "Des lieux, des écrivains", livre magnifique où il décrit le cadre et les conditions de la naissance d'œuvres d'écrivains célèbres. Un petit bijou, fort bien écrit, où l'on voyage et où l'on apprend beaucoup.

L'entretien avec Maurice Béjart m'a particulièrement marquée. Le seul entretien "public" (hormis ses nombreuses interviews) que Béjart ait donné en Belgique, malgré ses longues années passées à Bruxelles, celles où il fit l'essentiel de sa carrière. C'était l'année précédant celle de son décès. J'ai compris que c'était pour lui une forme de remerciement et d'adieu au public bruxellois, auquel ce créateur de génie a montré ce soir-là son attachement. Y participaient Jacques Franck, qui a suivi l'œuvre de Béjart toute sa vie, et Michel Robert qui avait publié un livre d'entretiens avec lui.

La plus surprenante remarque qui me fut faite est :  "Vous avez lu mon livre! C'est formidable!". Vous comprenez ma surprise devant cette réaction étonnante. Si je prépare bien entendu l'entretien et mes questions, mon invité découvre celles-ci en même temps que le public. Je tiens à ce que la conversation et les réponses soient aussi spontanées que possible. Je vise généralement à présenter l'invité dans un contexte plus global que l'objet précis de la rencontre :  un livre, une pièce de théâtre, son parcours, sa personnalité, son "moteur culturel". J'essaie de communiquer une émotion ressentie, l'intérêt pour un talent, un domaine, un sujet. Donner au public l'envie, après l'entretien, d'aller plus loin, de découvrir l'œuvre de l'auteur ou de l'artiste, s'intéresser davantage à telle ou telle question abordée, à une forme d'art mise en évidence, à un pan de l'histoire.

Les caractéristiques de la littérature belge?  Plus d'un ont tenté de répondre à cette difficile question, et il y a autant de réponses que de personnes interrogées. Et sans doute les réponses sont-elles aussi fonction des genres auxquels on s'intéresse. Pour ma part, il me semble que la manière de s'exprimer des Belges est plus directe, moins formaliste, à l'image du cinéma belge, qu'ils font preuve d'une imagination fertile, originale, d'un humour particulier, l'autodérision étant fréquente chez nous, ce qui nous distingue de nos voisins. J'ai aussi constaté avec plaisir que désormais nos auteurs n'hésitent plus à situer leur action dans des villes, des quartiers de notre pays, et ainsi affirmer leur identité, leur nationalité, alors que cela ne se faisait quasiment pas auparavant. Nos écrivains ont chacun leur style et pourtant une forme d'identité commune en arrière-plan.

La Foire du Livre Belge est née d'un constat :  le fait que les auteurs belges n'étaient pas mis en avant ou très insuffisamment, et la tendance de nos compatriotes à se diriger quasi systématiquement, dans les foires comme lors de leurs achats en librairie, vers les grands noms français largement soutenus par les médias. Cette initiative a donc été prise pour tenter de changer le regard des lecteurs, d'attirer leur attention sur nos auteurs. Seuls des éditeurs belges pouvaient y avoir un stand. Car le travail de nos maisons d'édition est à soutenir également. Cette Foire a, du moins je le crois, permis au public de se rendre compte de l'existence de nombreuses maisons d'édition belges. A part quelques-unes, elles sont souvent petites, mais chacune a son style, sa spécificité, sa raison d'être. Ce qui est belge est devenu "tendance" pour nos grands voisins et on constate même que certains éditeurs français cherchent à racheter ou à développer une antenne en Belgique. Il me semble qu'après quinze ans d'efforts, le message selon lequel nous avons de nombreux auteurs de qualité, et qu'ils méritent que l'on s'y intéresse, est dorénavant bien mieux reçu, et que la presse et les libraires les soutiennent davantage. les distributeurs aussi doivent aider à cela".

mercredi 17 juillet 2019

Rencontre avec Jeroen Olyslaegers le 30/9 en français à Anvers

                   Jeroen Olyslaegers: “Ik weet dat dit een slecht begin is voor een stadscolumn over Antwerpen”

Le 30 septembre, l'écrivain belge Jeroen Olyslaegers sera l'invité de l'Alliance française d'Anvers pour un entretien animé par Antoine Boussin. A l'heure où le cordon sanitaire à l'égard du Vlaams Belang risque de disparaître, son roman est plus que d'actualité.

Né en 1967, Jeroen Olyslaegers est un écrivain et auteur de théâtre belge. Il a notamment collaboré avec Jan Fabre et a été joué au Festival d'Avignon. Son sixième roman ,"Wil", paru en 2016, a été salué par la presse néerlandophone (tant en Belgique qu'aux Pays-Bas), et est devenu un best-seller. Il est son premier livre traduit en français grâce au soutien à la traduction de Flanders Littérature, et a été publié par les éditions Stock sous le titre "Trouble".

Inspiré de faits réels, ce roman traite de l'occupation à Anvers pendant la deuxième guerre mondiale, de la collaboration des membres de la police anversoise et de relations douteuses de fonctionnaires avec le régime nazi. Le livre donne la parole à un homme âgé que sa famille ne veut plus voir aujourd'hui et qui a pour seule compagnie une aide-soignante. Puisque plus personne ne veut le voir, il décide d'écrire à son arrière-petit-fils qui aurait l'âge qu'il avait lui-même en 1940. Il va lui raconter sa drôle de guerre et cette époque nauséabonde comme s'il la revivait sous nos yeux, sans la distance des années. Il nous replonge dans ces années où le fascisme infiltrait nos institutions.

mercredi 10 juillet 2019

Interview d'Adeline Dieudonné

                  Les racines élémentaires

Adeline Dieudonné a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"Quel a été le déclic pour écrire votre pièce "Bonobo Moussaka"?
- A une époque, je bossais dans un bureau d'architectes d'intérieur. Je vendais des plaids et des coussins, et je me disais que ça n'avait aucun sens. Aujourd'hui, dans la plupart des textes que j'écris, il y a toujours un passage sur la décoration...ça a dû me rester! Je me sentais paumée. Pendant plusieurs mois, j'ai essayé de faire une reconversion dans le développement durable. Un jour, au bar du matin, à la table à côté de la mienne, il y avait Thomas Gunzig. On se connaissait peu, mais il trouvait intéressantes mes réflexions. Il m'a demandé pourquoi je n'écrirais pas. Je pensais que ça n'intéressait personne, le point de vue d'Adeline Dieudonné sur le monde. Il m'a rétorqué que lui, si, et que je n'avais de toute manière rien de mieux à faire à ce moment-là. Il m'a dit : "Essaie peut-être d'écrire pour la scène". Mes débuts sont vraiment nés d'une nécessité de changer les choses.

- Vous ressentez une forme de perte d'innocence? C'est un thème qu'on retrouve en filigrane dans l'ensemble de vos textes?
- A ce moment-là, je lisais pas mal d'essais sur l'écologie et la transition énergétique, et je prenais conscience que j'avais mis au monde deux enfants dans ce contexte-ci. Je voyais l'inertie politique et générale, et je ressentais l'urgence de réagir. Ce n'était pas longtemps après la COP21, j'étais allée jusqu'à Paris pour prendre le pouls de la situation. Je découvrais plein d'initiatives qui émergeaint, mais rien qui aboutissait. C'est aussi l'année où est sorti le documentaire "Demain". Ma prise de conscience de l'état du monde était un peu brutale. Notamment me rendre compte de l'aspect systémique :  que la crise était certes environnementale, mais que ça avait des impacts sociaux, économiques, etc. J'étais persuadée que c'est un tout qui doit changer radicalement. 

- Dans "Bonobo Moussaka", la narratrice dit à son enfant :  "Toi, tu n'es pas encore un chacal". Il y a déjà là, en germe, l'observation de la sauvagerie qui sera au cœur de "La vraie vie" ?
- Les métaphores animalières me viennent assez naturellement…  Je me vois comme un animal qui aurait évolué différemment des autres et qui serait en rupture avec le monde vivant, quand les autres vivent plutôt en symbiose. Notre façon de nous situer ou de réagir dans la hiérarchie et les rapports de domination ou même de prédation entre nous ou envers les plus faibles, les enfants ou les autres espèces, m'intéressent. Je trouvais instructif de donner à voir des crocs ou de voir apparaître des mimiques dans un contexte supposément aussi civilisé qu'un dîner.

- Quels retours avez-vous obtenus après ce spectacle?
- Pour "Bonobo Moussaka", je m'étais fixé un challenge :  la première étape était de terminer ce texte. Je m'étais souvent attelée à écrire, notamment des scénarios de films, mais sans jamais les terminer ou les envoyer à des tiers, voire des producteurs. C'était la première fois que j'entreprenais un projet toute seule. La deuxième étape était de le jouer deux fois, dans un petit café-théâtre à Bruxelles, et ça me paraissait accessible de remplir la salle, en rassemblant tous mes amis. Quand j'ai eu fini d'écrire, j'ai envoyé le texte à Nathalie Uffner :  vu mon manque de notoriété, elle ne pouvait pas me programmer au Théâtre de la Toison d'Or, et m'a plutôt conseillé de le monter et de le rôder dans des petites salles. Ma première représentation était au Rideau Rouge à Lasne. J'étais pétrifiée. Heureusement, Gaëtan Bayot, mon metteur en scène, était là pour m'insuffler du courage. Et il y a même eu une standing ovation. Ce public-là, tout de même particulier, s'est senti visé mais en a ri. Beaucoup de gens sont venus me voir en me disant :  "Waw, tu nous fais vaciller dans nos petites certitudes, ça fait du bien". Je ne suis pas certaine que ça ait bouleversé leurs habitudes, mais une petite impulsion après l'autre, eh bien… C'est en tout cas comme ça que moi, j'ai changé de regard.

- Après la pièce, nous voici à l'étape de "Pousse-Café", le thème du Grand Concours de Nouvelles 2017 de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
- J'avais pris une discipline d'écriture quotidienne et n'avais pas envie de m'arrêter. Je me suis dit que ça serait sans doute une bonne chose de confronter une de mes nouvelles à un jury de professionnels. J'étais persuadée qu'elle ne serait pas prise, mais je pensais que je recevrais peut-être quelques notes ou conseils en retour. J'avais déjà en partie ce texte en tête, et l'ai adapté pour qu'il puisse coller au thème, en intégrant le passage sur la liqueur que boit Juliette avec André. Comme j'ai fait beaucoup d'impro, gérer un thème n'est pas un souci. Je l'ai non seulement envoyé au concours mais aussi, de nouveau, à Thomas Gunzig. Il m'a répondu :   "Je dois donc t'annoncer que tu es écrivain. Mais un grand pouvoir implique une grande responsabilité : celle de continuer à écrire. Les nouvelles, ça n'intéresse pas grand monde, donc commence dès demain à écrire un roman!".  J'ai conservé ce mail, que j'ai relu quarante-cinq fois au moins, en me disant que ça valait sans doute la peine que je m'accroche. C'est à ce moment que j'ai entamé l'écriture de "La vraie vie".

- En tant que jeune auteure, comment vit-on l'attente des résultats d'un concours?
- Au mois de janvier, j'ai reçu un mail qui m'annonçait qu "Amarula" faisait partie des cinquante nouvelles finalistes. J'étais superfière, les retours personnels parlaient d'images marquantes, de très peu de choses à retravailler. J'ai un peu affiné mais à peine. Pour moi, c'était déjà un très beau résultat, mais le mail suivant m'indiquait que j'étais parmi les dix gagnants. Le jour dit, je suis arrivée à la remise des prix à la bibliothèque de Saint-Josse. Venir chercher le recueil imprimé était en soi un accomplissement. Sur scène, les noms se suivaient, sans que je réalise, au point de me dire qu'ils avaient peut-être fait une erreur en me conviant. Au deuxième, ça n'était toujours pas moi, puis enfin, l'annonce incroyable!  Il n'y a pas un seul prix qui m'a fait autant plaisir que celui-là. J'avais déjà bien entamé "La vraie vie" à ce moment-là, mais j'étais un peu perdue dans ma trame et ça m'a vraiment redonné de l'énergie".

Retrouvez la suite de cette interview dans la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

mercredi 29 mai 2019

Décès de François Weyergans

                 
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L'écrivain franco-belge François Weyergans est décédé cette semaine. Je vous avais déjà parlé de lui en 2011 et 2012 :   https://ecrivainsbelges.blogspot.com/search/label/Weyergans%20François

Né en août 1941 à Bruxelles, François était le fils de l'écrivain belge d'inspiration chrétienne Franz Weyergans. Il a étudié à l'Institut Saint-Boniface-Parnasse (également le lycée d'Hergé) et à l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques. De ses origines familiales, il reconnaissait une double inspiration : Tintin et les Evangiles.

François Weyergans vit ensuite principalement en France. Son œuvre littéraire compte une quinzaine de titres, dont "La démence du boxeur" (Prix Renaudot 1992) et "Trois jours chez ma mère" (Prix Goncourt 2005). Passionné de cinéma et de danse, il a réalisé plusieurs films sur son ami Maurice Béjart qu'il accompagnera jusqu'à son décès en 2007. Il y a dix ans, il avait été élu à l'Académie française. Il est décédé cette semaine à Paris.

mercredi 15 mai 2019

Premier roman de Philippe Dester(becq)

                   
Le premier roman de Philippe Dester

Philippe Dester(becq) est un fidèle lecteur de ce blog, et je vous avais parlé de la sortie de son premier livre….il y a déjà dix ans :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2009/03/premier-livre-de-philippe-desterbecq.html

Et je l'avais interviewé en 2011 :   http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2011/12/interview-de-lecrivain-philippe.html

Après des contes et des nouvelles, il vient de sortir son premier roman, "Dans un grand champ de nuages", paru aux éditions du Saule. Il raconte ce qui se passe après le décès accidentel d'un adolescent, Alex.

Philippe Dester(becq) s'est confié à l'auteure Françoise Lison pour "Le Courrier de l'Escaut" :

"Mes contes pour enfants contenaient toujours une part de magie. Ce sera vrai aussi pour un recueil de nouvelles qui paraîtra en décembre. Voilà presque vingt ans, j'ai été lauréat d'un concours littéraire à Saint-Ghislain. Je me suis dit que j'étais sur la bonne voie… Je voulais me prouver à moi-même que j'étais capable d'écrire un roman, après cette suite de textes courts. Au départ, je savais que mon personnage était mort, frappé par le destin. Et qu'il n'allait pas se plaire là où il arriverait. Tout s'est construit petit à petit, et la fin n'est pas celle que j'avais imaginée en écrivant les premières pages. J'ai lu, à une époque, beaucoup de livres sur la vie après la mort et j'avais, en fin d'adolescence, un intérêt réel pour la fonction de médium. Ces éléments-là ont fait du chemin, parfois à mon insu. C'est un sujet difficile, les émotions sont fortes, les interrogations aussi. Elles peuvent être exprimées".

mercredi 1 mai 2019

Carl Norac, Poète National Belge 2020-2021

                                 
Carl Norac  succède à Els Moors

Lancé en 2014,  le projet "Poète National Belge" a été créé par plusieurs organisations et maisons littéraires de notre pays. Son objectif :   désigner un ambassadeur poétique qui doit valoriser pendant deux ans les échanges littéraires et culturels entre les trois communautés linguistiques de notre pays. Ce rôle a déjà été rempli par Charles Ducal (2014-2015), Laurence Vielle (2016-2017) et Els Moors (2018-2019).

On vient d'apprendre le nom du futur Poète National Belge pour 2020 et 2021 :  il s'agit de Carl Norac, né à Mons en 1960. Il a confié au journal "La Province" :

"Je suis très heureux et même ému, car cette sollicitation est symbolique. J'ai tout de suite pensé à mes parents quand j'ai appris ma nomination. Je suis plongé dans la poésie depuis mon plus jeune âge. Irène Coran, ma mère, était comédienne et jouait dans plusieurs spectacles axés sur cette thématique. Et puis, il y a forcément Pierre Coran, mon père, qui est un poète très connu. 

J'habite depuis vingt ans dans le Loiret en France, mais je m'apprête à revenir en Belgique du côté d'Ostende. Les maisons littéraires m'ont nommé sans savoir cela. C'est un signe!  C'est à mes yeux une manière de me souhaiter un bon retour au pays. Je vais avoir l'occasion de faire le tour de la Belgique grâce à mon futur rôle. 

J'ai la chance d'avoir écrit une trentaine de livres qui ont été traduits en néerlandais. J'ai déjà collaboré avec plusieurs illustrateurs néerlandophones. Je trouve cela stupide de mettre une frontière entre le nord et le sud du pays. La situation s'améliore à ce sujet mais il y a encore beaucoup de travail. Bart Moeyaert est très peu connu en Wallonie. Or, c'est un auteur belge qui vient de remporter le Prix Astrid Lindgren (cette distinction est considérée comme le Prix Nobel de littérature jeunesse).

Mon premier projet en tant que Poète National sera de parcourir les différents cours d'eau de la Belgique à bord d'une péniche, où les artistes pourront venir à la rencontre de leur public". 

mercredi 17 avril 2019

Recevoir l'écrivain belge Frank Andriat à l'école

Frank, un homme heureux



Lors de sa récente visite à un collège de Comines, l'écrivain belge (et ancien professeur à l'athénée Fernand Blum à Schaerbeek) Frank Andriat s'est confié au journal "Le Courrier de l'Escaut" :   
"Je vais dans les écoles à la demande des profs. D'une école à l'autre, on me pose les mêmes questions, mais les personnes sont tellement différentes. Mes rencontres scolaires permettent aussi de soutenir un projet humanitaire d'une école de jeunes filles en Afghanistan. C'est motivant pour moi de pouvoir aider les autres. 


La littérature, c'est la vie de tous les jours :  parfois plus beaux, parfois en plus atroces. Je pars de faits réels, puis j'invente la suite du contenu. Le livre doit être une passion :  un livre, c'est 1% d'inspiration et 99% de transpiration. Il ne faut pas hésiter à relire pour que tout soit le mieux possible. Cela peut aller jusqu'à une quinzaine de relectures. Par rapport aux migrants, notre société pour être réussie doit être multiculturelle. Dès mon enfance à Schaerbeek, j'ai fréquenté la multiculturalité et aussi dans mes classes en tant qu'élève puis comme professeur. C'est une richesse extraordinaire. Lors des marches pour le climat, la démarche des adolescents est formidable. Ils prennent le destin de leur vie en main, ce que les adultes ne font pas assez.

En tant qu'auteur, mon but est de faire lire et de donner du plaisir de lire à ceux qui n'aiment pas lire au départ. Quand j'ai des ados qui me disent "nous ne sommes pas des lecteurs mais par le texte, nous avons été jusqu'au bout d'un livre pour la première fois", alors c'est le plus beau des cadeaux à un auteur. Les livres, c'est comme la vie. Je suis heureux d'écrire ce qui me plaît et de défendre les causes auxquelles je crois. Etre prof a été 36 ans de bonheur au quotidien par les relations créées avec les élèves. En écoutant l'autre et en se mettant à son niveau, c'est un métier de relation qui m'a plu tout le temp". 

Avis aux enseignants :  pour recevoir Frank Andriat (ou un autre auteur belge francophone), vous devez prendre contact avec Mme Cécile Jacquet du Service de Promotion des Lettres (Ecrivains en classe) de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Voici son adresse courriel :  cecile.jacquet@cfwb.be

Personnellement, j'ai lu deux livres de Frank Andriat :

"Pont désert" (éditions Desclée de Brouwer)

Installé sur le pont des Arts en face de l'île de la Cité à Paris,  Julien, un quadragénaire désoeuvré, célibataire sans enfants, ne sait plus où il en est et on l'imagine au bord du suicide :    "Je n'ai jamais eu l'art de rendre les gens heureux autour de moi. Ni d'être heureux avec eux. Le bonheur s'apprend par imprégnation et je n'ai pas été imprégné de beaucoup de beauté durant mon enfance. Ni après. La vie te largue et tu largues la vie. Quand on ne reçoit pas de cadeau, on n'a pas envie d'en faire".

Julien nous raconte son enfance monotone à Gorcy en Lorraine (non loin de la frontière belge), les longues absences de son papa délégué commercial et la détresse de sa mère. A 20 ans, il décide de quitter sa famille pour aller vivre à Paris. Mais la désillusion est grande :   "Arriver à Paris, c'est entrer en indifférence. Tout à coup, le moi que je réussissais quand même à être à Gorcy n'était plus rien. Ici, personne ne me connaissait et je ne connaissais personne. Avec un peu de bagout, on finit toujours par se faire des amis, mais j'ai toujours été un solitaire et un muet".

Julien dépense toutes ses économies puis enchaîne les petits boulots mal payés, mais il n'a pas la vie palpitante qu'il croyait trouver dans la capitale, et se décrit comme "un anorexique de l'âme enfermé dans le refus de m'épanouir".  Il nous parle de sa vie comme de "quarante années de galère avant de comprendre que c'est moi qui tiens les rames de mon désastre".

J'ai adoré ce beau roman de l'écrivain belge Frank Andriat que j'ai lu en une soirée. Certaines réflexions m'ont fait penser à ma vie ou à celle de proches. J'aime beaucoup cet extrait :  "On croit toujours que l'autre est mieux que soi. Tu t'attaches aux lueurs qui brillent à l'extérieur sans prendre le temps d'observer la lumière en toi, même si elle n'est pas plus forte que la flamme d'une allumette".

Le roman se termine par une note positive :  une rencontre imprévue sur le pont des Arts permet à Julien de faire la paix avec son passé et de mieux savourer le présent afin d'affronter l'avenir, d'avoir confiance en lui et d'être enfin heureux. Une vraie leçon de vie.

"Jolie libraire dans la lumière"  (éditions Desclée de Brouwer)

L'écrivain belge Frank Andriat a écrit un bel hommage à la littérature et aux liens puissants qui peuvent se créer entre les passionnés de livres (libraires, éditeurs, lecteurs, p.ex.). Tout commence dans une librairie où Maryline tombe sur une quatrième de couverture dont le récit ressemble à un épisode tragique de sa vie (le décès accidentel de son frère). Sa lecture l'amène à se poser de nombreuses questions dont seule une rencontre avec l'auteur pourra apporter des réponses...pleines de surprises. Et parallèlement, l'amour s'invite aussi dans la vie de cette jeune mère célibataire qui confiait   "L'amour des livres me rend heureuse"...

Frank Andriat écrit au sujet du personnage du roman :   "Le soir, il retrouve, près de sa bibliothèque, un coin paisible éclairé par une lueur discrète et il s'y recroqueville avec un livre. Puisqu'il vit seul, il lit beaucoup et ses collègues le charrient souvent à ce propos. Ils ne peuvent pas comprendre. Il leur répond, avec un sourire, qu'il attend la fin du jour pour embarquer dans la lumière. Ceux qui ignorent la puissance des livres haussent les épaules. Un livre, ce n'est pas la vie et rien ne vaut un verre de bière accompagné d'une blague épaisse!  On saisit le bonheur où l'on peut. Lui, l'employé des chemins de fer s'abstrait de son existence de gratte-papier avec les mots de ces gens qui inventent des mondes. Grâce aux livres, il déraille. Avec bonheur".

Sur le métier de libraire, l'auteur écrit :   "Elle est enchantée, car, souvent, elle connaît les clients qui se parlent et elle sait qu'hormis ce livre sur lequel ils viennent de poser leur dévolu, rien n'aurait jamais dû les rapprocher, les rendre curieux l'un de l'autre. Après leur achat, certains quittent la librairie ensemble, devisant comme s'ils se fréquentaient depuis longtemps. Elle rit alors à l'intérieur, là où ça crée comme une vague. Ces échanges justifient son métier. A elle aussi, il est arrivé de s'intéresser à une œuvre perdue dans la masse, un livre qui lui avait échappé et sur lequel la rencontre de deux clients a attiré son attention. Lorsque ça survient, le soleil descend derrière la vitre, s'incruste dans les rayonnages, même les soirs noir hiver ou ocre automne". 

mercredi 10 avril 2019

La collection "De Flandre" des éditions Tétras Lyre

En 2018, la maison d'édition belge de poésie Tétras Lyre a fondé son 30ème anniversaire. Elle a été fondée à Liège en 1988 par Marc Imberechts, instituteur de pédagogie Freinet originaire de Gembloux.

Dans leur catalogue, on trouve une collection "De Flandre" qui a été initiée en 2015 sur une suggestion de Gérald Purnelle (professeur à l'Université de Liège, spécialiste de la poésie francophone), désireux de promouvoir auprès d'un plus grand nombre la poésie flamande, très méconnue en terres francophones. Un comité consultatif a été créé autour de l'éditrice avec Gérald Purnelle, les traducteurs Bart Vonck et Katelijne De Vuyst. Tétras Lyre a également le soutien du Poëziecentrum de Gand.

Les deux premiers recueils publiés en 2015 ont été "Chant d'un cheval qui chavire" d'Els Moor (Poétesse Nationale 2018-2019), traduit par Kim Andringa, et "Le slalom soft" de Paul Bogaert, traduit par Daniel Cunin et Paul Bogaert.

En 2016, deux nouveaux titres sont parus :  l'anthologie "Lavis à l'encre" de Charles Ducal (Poète National 2014-2015) traduit par le comité des traducteurs de Passa Porta,  et "Nous sommes parallèles" de Maud Vanhauwaert, traduit par Pierre Geron. Elle est cette année la poétesse attachée à la Ville d'Anvers.

Pour des raisons structurelles, la collection "De Flandre" a été mise entre parenthèses en 2017 et 2018, mais trois nouveaux ouvrages sont sortis à l'occasion de la Foire du Livre de Bruxelles de février 2019, dont la Flandre était l'invitée d'honneur. On ne peut qu'encourager ces échanges culturels fructueux entre les communautés linguistiques de notre pays.

mercredi 3 avril 2019

Rik Hemmerijck, conservateur du Musée Verhaeren à Sint-Amands

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Après la visite du couple royal en 2016,  Rik Hemmerijckx (conservateur du Musée Verhaeren à Sint-Amands) a été nommé chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques par le gouvernement français en 2018.  Originaire d'Alost, parfaitement bilingue, il a étudié l'histoire à la VUB et a consacré son mémoire de fin d'études au parcours du syndicaliste liégeois André Renard et sa thèse de doctorat à la résistance syndicale pendant la deuxième guerre mondiale et à la création de la FGTB.

Depuis dix ans, il est conservateur du Musée Verhaeren dont je vous ai déjà parlé. Il s'est confié à la revue "Le Carnet et les Instants", que vous pouvez recevoir gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"J'ai commencé ma carrière aux archives du mouvement ouvrier socialiste à Gand. En 2001, je suis passé à la Fondation Auschwitz où j'ai travaillé pendant six ans. C'est un organisme principalement francophone, mais j'y gérais le versant néerlandophone. J'y ai beaucoup appris sur la gestion d'une organisation, ainsi que pour mes contacts avec la Belgique francophone. 

Au départ, en 2008, je n'étais pas du tout spécialiste de Verhaeren, mais je savais le situer. J'avais fait sa connaissance pendant mes études, notamment à travers le livre "Les écrivains et le socialisme" de Paul Aron, où un chapitre important lui est consacré. Je connaissais également l'œuvre de Frans Masereel, qui a illustré pas mal de recueils de Verhaeren. Mais en arrivant au musée, j'ai dû beaucoup approfondir ma connaissance de son œuvre.

On peut l'aborder de plusieurs manières :  par sa poésie d'amour, par ses "Villes tentaculaires", par ses odes à la Flandre. Il avait aussi un côté social, sympathisant du mouvement ouvrier, impliqué dans la section artistique de la Maison du Peuple de Bruxelles. Il était ami avec de nombreux artistes, comme Stefan Zweig, Rainer Maria Rilke ou Théo Van Rysselberghe. Il avait un rayonnement européen : il a fait des tournées littéraires en Allemagne, Pologne, Autriche, et jusqu'à Moscou et Saint-Pétersbourg. C'était à la fois un personnage public et un citoyen engagé.

On a dû recommencer à zéro pour constituer les collections qu'on découvre aujourd'hui au Musée Verhaeren. La province d'Anvers disposait d'une collection Verhaeren au musée de l'orfèvrerie Sterckshof à Deurne, qui est devenue la base du nouveau musée et qui a été par la suite agrandie avec des donations. Les pièces les plus importantes présentées au musée proviennent toujours de donations (par exemple, les deux tableaux de Georges Tribout, dont le "Verhaeren veste rouge", sont une donation de la famille Tribout de Saint-Cloud, près de Paris). Le "Verhaeren au petit-déjeuner" de son épouse Marthe Verhaeren-Massin, est une donation récente d'Hervé Dossin. D'autres œuvres ont été achetées en fonction des possibilités. 

Pendant ces dix années, j'ai poursuivi le travail de mes prédécesseurs, mais j'ai aussi apporté pas mal de changements. J'ai d'abord voulu enrichir et compléter le plus possible les collections du musée. C'est possible en ce qui concerne les livres, mais pas en matière d'œuvres d'art. Cela n'aurait d'ailleurs aucun sens. Ensuite, j'ai commencé à organiser deux expositions par an et j'ai voulu les rendre plus vivantes en invitant des artistes contemporains à entrer en dialogue avec l'œuvre de Verhaeren. Ainsi, en 2017, six ou sept artistes ont créé des œuvres pour l'exposition sur la poésie noire de Verhaeren. C'est un atout, car cela attire un autre public vers le musée.

Je m'efforce quand même de présenter les œuvres essentielles autour de Verhaeren et de son œuvre, ce qui implique d'acquérir régulièrement de nouvelles pièces. Ainsi, on est actuellement en train d'organiser l'achat d'un portrait de Verhaeren par Théo Van Rysselberghe. Quand on a affaire à une œuvre de valeur, on doit la payer en plusieurs fois. On a également acquis un buste de Boleslaw Biegas et toute une série de dessins de Constant Montald. En 2017, on a organisé une collecte de fonds pour acheter le fameux buste de Verhaeren par le sculpteur français René Pajot. L'organisation des expositions et l'édition des catalogues nous amènent également certaines donations venant de personnes qui nous font confiance. 

J'ai pu quasiment compléter la collection des éditions originales de Verhaeren. Par exemple, nous pouvons désormais présenter au public une collection complète de la fameuse "Trilogie noire", publiée aux éditions Edmond Deman à Bruxelles. J'ai également entamé un programme de traduction. Sous ma direction, cinq recueils de Verhaeren ont été traduits en néerlandais, de manière à faire mieux connaître son œuvre en Flandre. On a également eu la chance de pouvoir compter sur la collaboration de traducteurs renommés comme Stefaan Van den Bremt ou Koen Stassijns. Leurs traductions ont été bien accueillies par le public.

Je crois que le musée peut continuer à se développer, mais il faudrait d'abord qu'il s'agrandisse parce que nos collections commencent à être à l'étroit, et notre fonds est désormais assez riche pour présenter davantage de pièces au public. Il faut savoir que l'organisation des expositions temporaires entraîne nécessairement une réduction du volume de l'exposition permanente. D'autre part, j'ai beaucoup de projets pour les futures expositions. Cette année, nous évoquerons d'abord l'amitié de Verhaeren avec les artistes à travers une exposition construite autour d'une acquisition récente :  un portrait néo-impressionniste de Verhaeren par l'artiste français Louis Hayet. Ensuite, nous inviterons Michael Bastow, un artiste anglais établi en France, qui s'inspire du nu féminin, ce que je mets en relation avec le recueil "Belle chair". En 2020, nous accueillerons une artiste espagnole qui a illustré le recueil "Espana Negra" de Verhaeren. Précédemment, j'ai aussi accompagné avec une exposition la publication des recueils traduits en néerlandais. Donc, il y a pas mal de pistes tracées.

Lorsque la province d'Anvers a dû céder la main pour le soutien du musée, on ne savait pas bien où on allait, alors que dans un musée, il faut toujours pouvoir travailler sur le long terme. L'incertitude est funeste. Le Musée Verhaeren a toujours été connu, mais les générations qui ont connu Verhaeren vieillissent, et il faut donc penser au renouveau, c'est-à-dire toucher les plus jeunes générations. Or, on vit aujourd'hui dans un monde où le virtuel joue un rôle bien plus important qu'avant. Les jeunes n'ont plus vraiment envie de visiter un musée littéraire. En plus, la connaissance du français est fortement en déclin en Flandre. Conclusion :  pour un musée comme le nôtre, la conjoncture n'est pas très favorable". 

mercredi 27 mars 2019

"Une drôle de fille" (Armel Job)

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A l'occasion de la sortie de son nouveau roman "Une drôle de fille",  l'auteur belge Armel Job a répondu aux questions des journaux du groupe L'Avenir :

"Votre histoire débute dans une famille quasi idéale. Tout paraît simple et soudain tout se complique...
- J'adopte un peu le vieux principe de Simenon. Mon histoire se déroule chez des gens ordinaires et soudain, un événement extraordinaire va provoquer de la passion, des choses enfouies vont refaire surface. Chez Simenon, cet événement extraordinaire est tragique, souvent un meurtre. Le paradoxe, dans "Une drôle de fille", c'est que cet événement, c'est juste une jeune fille qui est l'innocence même. Mais cette présence anodine va être le grain de sable dans l'engrenage. Et ça va détruire toute une famille. 

- Mais le mal était déjà dans le fruit?
- Je pense que la tranquilité d'une société repose toujours, d'une certaine manière, sur le silence concernant certains éléments ou événements. Tous, dans notre vie, il nous est arrivé de dire "on va écraser, on n'en parle plus". Mais parfois, certaines circonstances font que des "cadavres" qu'on avait mis sagement dans le placard ressuscitent.

- Sans dévoiler le fond de l'histoire, c'est aussi le harcèlement féminin qui est abordé?
- Mon histoire se déroule à la fin des années 50 mais trouve son origine durant la guerre. J'y traite du problème du harcèlement et je pense qu'il n'a pas évolué. Aujourd'hui, simplement, les femmes réagissent d'une façon plus déterminée. Surtout depuis qu'existent des mouvements comme MeToo et autres. Avant, on taisait beaucoup de choses mais les problèmes étaient vraiment les mêmes. C'est vraiment au centre de mon roman. Gilda, la mère, voit en Josée, la jeune fille qu'elle a été. Elle a peur et s'interroge :  que va-t-il se passer?

- Puis vient la rumeur qui va faire basculer les choses?
- De nos jours, on appellerait ça des fake news. C'est vraiment ce que nous vivons aujourd'hui. Une masse silencieuse veut exercer un contrôle social sur les autres. Dans la petite ville, tout est lisse jusqu'à l'arrivée de Josée, mais lorsque des problèmes surviennent, on se souvient que Gilda n'était finalement qu'une petite servante avant d'épouser Ruben. Les vieux griefs ressurgissent...

- Vous terminez votre roman par un post-scriptum écrit en 2018 : c'était nécessaire?
- Ce n'est pas la première fois que je le fais, mais ici, c'était important de le faire. Il était intéressant de rappeler le destin de chaque personnage. Parce que ça montre que Josée, personnage central du roman, disparaît complètement. Personne ne sait ce qu'elle est devenue. Elle n'a finalement aucune importance, et c'est cette indifférence qui me touchait". 

Cliquez ci-dessous sur "Job Armel" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur belge.

mercredi 20 mars 2019

"Trouble" (Jeroen Olyslaegers)

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Né à Mortsel (province d'Anvers) en 1967, Jeroen Olyslaegers est un auteur belge néerlandophone. Son roman "Wil" s'est vendu à plus de 50.000 exemplaires en Flandre et aux Pays-Bas, et vient d'être traduit en français par les éditions Stock, grâce au soutien de Flanders Literature.

Son roman "Wil" / "Trouble" se passe durant la deuxième guerre mondiale. Il raconte l'histoire d'un Monsieur Tout-le-monde qui devient policier pour échapper au travail obligatoire, puis participe avec ses collègues à des rafles de juifs pour les Allemands, tout en cachant en même temps un Juif.

Jeroen Olyslaegers a confié à la presse :   "Je me suis inspiré d'un véritable procès-verbal rédigé par un policier anversois qui a participé à une rafle en août 1942 et qui raconte que lorsqu'il a frappé à la porte d'une famille juive, le père a ouvert la porte et s'est suicidé sur le seuil en se tranchant la gorge. A l'intérieur, toute la famille était morte, empoisonnée. Un suicide collectif pour échapper à la rafle. Un rapport neutre mais en même temps teinté de culpabilité. Il m'a marqué comme un coup de poing. Cela s'est passé là, dans un quartier où ma famille a vécu. Je me suis inspiré de l'histoire de ma famille pour le reste, comme d'une tante qui travaillait comme bonne dans une famille juive et a vécu par la suite dans la demeure vidée de ses occupants avec son amant allemand. Mon grand-père fut également un collaborateur. Il avait fait de sa maison un hommage à cette époque, à sa haine de la Belgique. Quand j'ai commencé à lui poser des questions embarrassantes, il m'a répondu qu'il fallait avoir vécu cette époque pour comprendre...  Mais il reste qu'il n'y a pas de pardon pour ce qu'ils ont fait, lui et d'autres. Et il ne faut jamais oublier que le jugement moral vient après. Ce sont les générations suivantes qui jugent, qui diront si ce que tu as fait est mal. C'est toutes ces choses que j'aborde dans mon roman. A une époque où on constate à nouveau la montée du populisme et des nationalismes, j'ai voulu montrer le rôle que la bureaucratie a joué, sa responsabilité, et expliquer comment elle peut devenir un monstre cannibale, tel qu'elle le fut alors à l'encontre des Juifs et des communistes". 

mercredi 13 mars 2019

Deuxième roman pour Jean-Louis Aerts

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Professeur de latin et de français en région bruxelloise,  Jean-Louis Aerts a répondu aux questions du "Soir Mag" à l'occasion de la sortie de son deuxième roman :

"Après "Un siècle de mensonges", vous revenez avec un deuxième livre qui poursuit les aventures de Marylou et de sa famille, et qui peut se lire sans avoir eu le premier bouquin en main. Pourquoi prendre ce risque de faire une saga?
- Le premier roman était un tout. Il se terminait. J'estime que c'est le devoir de l'auteur de donner les réponses aux questions que les gens se posent. Mais les personnages me manquaient, j'avais vécu avec eux pendant plus d'un an. Et d'un coup, plus rien. J'avais envie de les retrouver, donc j'ai trouvé un moyen de replonger dans leur histoire via un nouveau drame. Et ça a donné ce deuxième opus dont je suis très fier.

- On peut parler d'un thriller historique. En plus de l'intrigue, vous mêlez d'innombrables anecdotes issues du passé. Ca vous demande énormément de recherches?
- Evidemment, mais c'est un passage obligé. Je suis historien de formation, je ne supporterais pas d'inventer des faits qui ne sont pas historiquement corrects. Dans le livre, j'évoque diverses catastrophes du siècle passé :  les circonstances décrites sont rigoureusement exactes. Si une personne veut vérifier l'authenticité de ce que je raconte, elle peut, je ne serai pas pris en défaut. Le seul endroit où j'ai été, c'est le cimetière de Bruxelles pour m'imprégner des lieux. Pour le reste, c'est grâce à Internet. Il y a par exemple un moment dans le bouquin où ils sont dans un restaurant de New York en 2006. J'ai été sur Tripadvisor pour voir les commentaires des clients, pour savoir ce qu'on voit de la terrasse du bistrot. J'ai aussi écrit sur le mémorial du 11 septembre. Je devais faire attention à l'état d'avancement des travaux à ce moment-là. A Couvin, le café "Le Tribunal" existait vraiment pendant la guerre. Maintenant plus, mais j'ai fait mes recherches.

- Justement, il y a un personnage principal  :  la Belgique ?
- Si les auteurs belges ne parlent pas de leur pays, personne d'autre ne le fera. C'est chouette de retrouver des lieux qu'on connaît, non? Il y a une identité de la littérature belge qu'il faut appuyer. Et puis, il y a deux éléments historiques et belges que je voulais incorporer :  le bunker d'Hitler à Brûly-de-Pesche, que j'estime trop méconnu, et le Lebensborn de Wégimont. Mon postulat, c'est d'apprendre des choses en se divertissant. 

- Trois histoires s'entremêlent dans votre livre. A chaque fois, une femme au centre et avec un caractère fort. C'est si facile de se mettre à la place d'un personnage féminin?
- Les femmes ont un univers beaucoup plus riche qu'un homme, souvent plus carré et prévisible. Elles ont mille et une facettes. Je pense bien les connaître. Je trouve plus intéressant de faire évoluer des femmes, même si je n'oublie pas d'insérer un pendant masculin pour leur répondre. J'ai fait beaucoup d'improvisation théâtrale et on a toujours appris à jouer sur les oppositions". 

mercredi 6 mars 2019

"Félix et la source invisible" (Eric-Emmanuel Schmitt)

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Nouveau roman en 2019 pour Eric-Emmanuel Schmitt :  "Félix et la source invisible", paru aux éditions Albin Michel. Beaucoup de chroniqueurs et journalistes l'ont associé à "Oscar et la dame en rose" et "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", deux anciens ouvrages de l'écrivain franco-belge.

Eric-Emmanuel Schmitt a confié au groupe "Vers l'Avenir" :   "Ce roman m'est tombé dessus cet été. Je cherchais depuis des années à aborder le thème de l'animisme. J'essayais de le comprendre avec la raison. Or, on ne peut y avoir accès qu'avec l'imagination. Et c'est en relisant la poésie africaine, particulièrement Léopold Sédar Senghor, qu'il y a eu comme un déblocage. Et que j'ai pu enfin écrire ce roman. Enfants, nous sommes tous animistes. Quand nous tapons sur une porte parce que nous nous sommes cognés dessus, nous lui donnons une certaine personnalité. Mais c'est surtout une façon de voir plus loin que ce que le monde nous montre. C'est donner une âme à l'arbre, au vent, au fleuve. C'est considérer que les morts ne sont pas partis puisque leurs âmes restent là. Je voulais raconter l'histoire d'une déracinée qui a choisi de se couper de son passé. Même si on comprend très bien pourquoi, on constate qu'elle s'est perdue en renonçant aux mots et au monde de son enfance. Mais c'est aussi l'histoire d'un amour fusionnel entre une maman et son fils. Jusqu'au moment où Félix se rend compte qu'il a aussi des responsabilités à assumer vis-à-vis de sa mère. Et surtout, qu'il comprend qu'il ne peut pas être tous les hommes pour elle, mais uniquement un fils... Papa Loum apprend aussi une chose fondamentale à Félix :   l'Afrique, c'est l'imagination et l'Europe, c'est la raison. Je pense vraiment que notre monde occidental manque d'espace, de poésie et d'imaginaire".

Il a aussi répondu aux questions de "Maxx", le supplément des quotidiens du groupe Sud Presse : 

"Est-ce important de garder contact avec ses racines?
- Je pense qu'on ne peut pas se couper de ses racines. Et c'est encore plus important aujourd'hui où les gens bougent beaucoup, où il y a une migration énorme, des gens qui resteront toujours dans un pays mais qui sont d'ascendance étrangère. Vraiment, la question de l'identité ne se pose plus comme dans le passé. Quand Homère raconte le destin d'Ulysse, pour Ulysse, redevenir lui-même, c'est rentrer à Ithaque. Mais maintenant Ulysse, il va quelque part ailleurs et ne rentrera peut-être plus jamais à Ithaque. Mais il faut quand même qu'il soit lui. Notre époque nous montre que nous avons plusieurs couches identitaires :  il y a la famille, l'endroit où on est né, la langue dans laquelle on a prononcé nos premiers mots. Si on se coupe de ça, on dérive. On peut ajouter des tas de couches identitaires, mais pas en nier certaines. Les gens qui disent "je ne suis pas l'enfant de", qui coupent avec leur passé, ils vont avoir un retour du refoulé. Et la plupart des dépressions que je vois autour de moi, c'est un retour du refoulé....

- Vous parlez de dépression. Est-ce une maladie que vous avez connue?
- J'ai connu l'espace de quelques heures parfois ce que ça pouvait être, mais personnellement, je ne l'ai pas vécue. Par contre, je l'ai beaucoup vue autour de moi, j'ai beaucoup soutenu des gens qui en souffraient. Je connais très bien les hôpitaux psychiatriques, mais en visiteur. J'ai eu une quasi-dépression pendant mon adolescence, la mort du désir. Je ne voulais plus grandir, plus vivre, je me sentais inapte et j'étais suicidaire. C'est quelque chose d'horrible.

- On voit dans le livre ces gens dont le seul lien est le bistrot de Fatou. Des lieux qui disparaissent aujourd'hui. Que deviennent ces gens sans ce point de rencontre?
- Vous voyez aujourd'hui les Gilets Jaunes? C'est le bistrot :  ce sont des solitudes fracassées qui viennent là et qui échappent ainsi à la solitude. C'est le nouveau bistrot. Ce sont des gens seuls et tout à coup, ils forment une famille, une communauté humaine. C'est d'ailleurs la force de Fatou : elle est la mère de tout le monde. Elle a ce truc de la mère qui est de créer du lien. Moi, ma mère, elle a été capable de faire en sorte que ma sœur et moi, on s'entende. On n'aurait pas été frère et sœur, ma sœur et moi, on ne se serait jamais parlé car on est complètement différent. On s'adore, en étant différent, et c'est le résultat de la bienveillance et de la générosité de ma mère. Il y a cela chez Fatou : elle crée du lien, et ces gens qui n'ont rien en commun, elle les met ensemble.

- Et Fatou, elle n'a que son fils qui joue tous les rôles pour elle. C'est dur pour un enfant, non?
- C'est un rôle que de plus en plus d'enfants jouent dans les familles monoparentales. Félix, il est le fils, mais aussi le père et l'ami. Et celui qui va la sauver".

mercredi 27 février 2019

Les 10 ans du blog sur les écrivains belges

Tout commence au départ par la création du Journal d'un petit Belge (http://journalpetitbelge.blogspot.com) en décembre 2006 suite au faux JT de la RTBF annonçant la fin de notre pays. Ce blog généraliste - qui existe toujours - a pour objectifs de défendre l'unité de la Belgique, de faire découvrir son histoire et les Belges qui se distinguent dans tous les domaines.

En février 2009, j'ai décidé de regrouper mes articles sur les auteurs belges sur ce petit blog :  http://ecrivainsbelges.blogspot.com . Et dix ans plus tard....il est toujours en activité!

Il existe de nombreux blogs littéraires, mais j'ai voulu que le mien soit consacré exclusivement aux auteurs belges d'une part, et qu'il évoque tant les écrivains connus que les débutants d'autre part. J'ai eu la chance d'en rencontrer plusieurs d'entre eux. Je veille aussi à rester attentif aux auteurs belges néerlandophones dont la presse francophone parle trop peu. En dix ans, c'est un article de 2009 consacré à Amélie Nothomb qui a été le plus lu.

Le temps me manque pour la lecture et pour rédiger des comptes-rendus détaillés, alors je compense en parlant de l'actualité de nos écrivains, des interviews qu'ils accordent, des récompenses qu'ils reçoivent, etc. Ces dernières années, j'ai pris l'habitude de publier mes articles le mercredi. Plus que jamais, je reste convaincu que les auteurs belges ont besoin de notre soutien à tous (bibliothèques, libraires, journalistes, enseignants, lecteurs, parents, responsables culturels, etc.) pour se faire connaître, face aux "stars médiatiques" de la littérature. Je fais mon possible pour les aider en toute modestie, et la liste de liens à gauche de ce blog permet de retrouver rapidement des informations qui les concernent.

Merci aux auteurs qui ont accepté de répondre à mes questions par mail, ou/et qui m'ont fait envoyer gratuitement en service presse certains livres. Merci à vous, chers lecteurs, pour vos visites et vos commentaires.

mercredi 9 janvier 2019

Fin des éditions Luce Wilquin

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Triste nouvelle :  après plus de trente ans dans le monde littéraire, l'éditrice belge Luce Wilquin a décidé d'arrêter ses activités fin 2018. Sa maison d'édition avait démarré en Suisse en 1987, avant de s'installer en 1992 à Avin en Hesbaye liégeoise. En 31 ans, elle a publié 552 titres, dont les Belges Daniel Charneux, Geneviève Damas, Michel Claise, Françoise Houdart (16 romans publiés chez Luce Wilquin!) ou Isabelle Bary. Sa maison d'édition était très reconnue dans tout le monde littéraire francophone et avait reçu plusieurs prix. Malheureusement, des problèmes de santé empêchent Luce Wilquin de continuer. Ayant vainement cherché un repreneur, elle a décidé d'annoncer l'arrêt de ses activités en décembre 2018.

Nous la félicitons pour l'excellent travail qu'elle a accompli à la tête de sa maison d'édition, et nous lui souhaitons un bon rétablissement.

Cliquez ci-dessous sur "Editions Luce Wilquin" pour retrouver des auteurs publiés par cette maison d'édition.

mercredi 2 janvier 2019

Décès de l'écrivain belge Luc Deflo

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Né en 1958 à Malines, Luc Deflo, auteur de nombreux polars et thrillers, est décédé dans cette même ville en novembre 2018. Cet écrivain belge a publié 35 livres, dont les titres les plus populaires (des thrillers psychologiques) ont été vendus à plus de 650.000 exemplaires. Son premier roman "Naakte Zielen" (publié en français sous le titre "Ames nues") a été écrit en 1999. Luc Deflo avait remporté le Prix Hercule Poirot 2008 pour son roman "Pitbull". Il était aussi l'auteur de scénarios et de pièces de théâtre.