Né en 1944, Gabriel Ringlet a une vie bien remplie : prêtre, poète, théologien, ancien professeur à l'Université Catholique de Louvain. Il est aussi membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.
Il vient de sortir un nouveau livre : "La grâce des jours uniques : éloge de la célébration", publié par les éditions Albin Michel. A cette occasion, il a répondu aux questions des quotidiens du groupe Sud Presse :
"Vous parlez du rite et de son importance : les rites religieux mais aussi les rites autour des grands matchs de foot ou au décès de stars (comme Johnny). Le rite s'est déplacé aujourd'hui?
- Le rite est en tout cas plus urgent et plus important que jamais. J'ai suivi le Mondial de tout près, et toutes les dimensions de la liturgie classique, de la messe et même d'une messe solenelle que le pape François peut célébrer place Saint-Pierre, on les retrouve dans le rituel footballistique d'aujourd'hui. Dans les événements publics, le rite est omniprésent. Dans les attentats, par exemple, pour moi, c'est très frappant et très touchant de voir qu'une personne, anonyme, peut sortir de chez elle avec sa petite fille pour aller déposer une fleur à l'endroit où quelqu'un a été tué, en silence, avec toute un rituel, une gestuelle. Et on peut avoir ces mêmes gestes lors de la disparition d'une vedette. Donc, de fait, le rite est partout.
- Et si le rite s'est déplacé, c'est parce que le rite religieux n'attire plus?
- C'est vrai que les lieux classiques qui nous donnaient du rite sont complètement désertés. Et le phénomène dépasse nos églises. J'ai parlé avec des musulmans pratiquants qui venaient du Maroc et me disaient que dans leur petite ville, il y a 200 ou 300 mosquées mais avec 5 pratiquants par semaine. Mais ce n'est pas parce que les lieux traditionnels de rites se voient désertés que le besoin de célébrer la naissance, l'alliance et la mort, eux, ont disparu. Alors, on cherche d'autres lieux, on invente d'autres rites, on va voir d'autres sagesses.
- Comment renouveler le rite?
- Nous voulons former des célébrants laïcs (hommes et femmes) qui n'auront pas du tout été ordonnés prêtres, qui n'auront pas fait de théologie, mais qui ont une très grande sensibilité et qui ont envie d'aller dans ce sens-là. Depuis que le livre est sorti il y a à peine un mois, des dizaines de gens m'ont dit qu'ils voulaient s'inscrire dans notre "école de célébration", qu'on annonce pour 2020. Ca veut dire que des tas de gens se sentent peut-être une vocation pour cela.
- Et l'Eglise, comment réagit-elle?
- L'Eglise est à mon avis complètement perdue et elle a tout avantage à se réjouir que des lieux se mettent à inventer, à respirer et à dire qu'il faut que ça change. Et si l'Eglise veut survivre, elle ne pourra que suivre ces chemins qui vont s'ouvrir. On ne lui demande pas la permission mais on le fait volontiers en dialogue, si le dialogue est possible.
- Et dans quels lieux pratiquer ces rites?
- Moi, je crois au sacré laïc, comme au sacré juif ou musulman. Et il me paraît normal d'ouvrir l'église à tous ces rites. J'ai plein de réactions positives à cette idées, des gens qui préféreraient célébrer des funérailles laïques dans l'église de leur quartier plutôt que dans une salle de sport ou un funérarium. Même chez les francs-maçons, il y a des réponses favorables à cette proposition".
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