mercredi 6 mars 2024

Hommage à Colette Nys-Mazure à Tournai

 


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lundi 19 février 2024

Charly Delwart et les livres de poche

                                


Né en 1975, l'auteur belge Charly Delwart a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles : 

"Pour moi, cela reste assez opaque. J'ai simplement reçu une lettre où les éditeurs indiquaient leur souhait de faire passer le livre en poche. Je pense qu'ils ont leur public à l'esprit et qu'ils sentent si le livre peut plaire à un grand nombre. Pour "Databiographie", ils ont pris les droits pour le poche avant même que l'édition grand format sorte, et donc avant qu'il y ait des retours médiatiques ou commerciaux. La version poche est sortie deux ans après, au moment de la sortie du roman suivant, "Le grand lézard", pour lequel ils n'ont pas pris les droits. Cela a redonné un coup de projecteur sur le livre et lui a permis d'arriver dans d'autres réseaux de lecture. On a sorti une version légèrement différente, suite à un travail avec la correctrice. Pour la couverture, ils m'ont envoyé différentes propositions, mais tout s'est fait à distance car on était en pleine pandémie". 

lundi 5 février 2024

Geneviève Damas et les livres de poche

                        


Geneviève Damas s'est confiée à la revue "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"Mon premier roman "Si tu passes la rivière" (publié par Luce Wilquin) a été réédité au Livre de poche. Je pense que cela est lié au fait qu'il a été lauréat du Prix des cinq continents de la francophonie et qu'il a été finaliste au Festival de Chambéry. Je crois qu'à l'époque, il fallait atteindre un seuil de 5.000 ventes pour passer en poche, ce qui a été le cas. Luce Wilquin a commencé à démarcher et a fait un boulot de dingue pour ce livre. Les négociations se sont passées entre maisons d'édition. Ils ont eu un coup de coeur au Livre de poche, qui l'a republié en 2014. Le contrat a été conclu pour dix ans et ils ont déjà annoncé qu'ils le prolongeraient de dix ans. Ils semblent miser sur le long terme.

Le Livre de poche a déjà acheté les droits de mon dernier roman, "Strange", paru chez Grasset, après l'avoir lu avant même qu'il sorte. Le contrat a été signé en juin alors que le livre est sorti à l'automne. J'en ai tiré un intérêt financier, car ils paient un à-valoir conséquent, mais ce qui est extraordinaire, c'est l'accessibilité qu'acquiert le livre. Cette démocratisation est super importante. C'est gai aussi de savoir que "Si tu passes la rivière" non seulement existe toujours, mais qu'il sort des frontières car les collections de poche partent aussi en Afrique....".

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lundi 15 janvier 2024

Nicolas Ancion et les livres de poche

                       


Né en 1971 à Liège, l'auteur belge Nicolas Ancion confie à la revue "Le Carnet et les Instants" du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"Pocket avait une collection intitulée "Nouvelles Voix", dans laquelle la maison republiait des auteurs que l'équipe éditoriale avait envie de présenter à un plus large public. Valérie Miguel-Kraak et Laurent Boudin ont imaginé élargir cette aventure éditoriale à des auteurs venus d'autres pays de la francophonie. Quand ils ont vu dans "Livres Hebdo" l'annonce de la parution au Grand Miroir de "Nous sommes tous des playmobiles",  ils ont demandé à lire le recueil et ont acheté les droits en poche alors que le livre n'était sorti chez nous que depuis quelques semaines. Ce ne sont pas les chiffres de vente qui ont motivé leur choix, mais le contenu du recueil. Ils ont par la suite enchaîné en republiant "Quatrième étage",  "Ecrivain cherche place concierge",  "Les ours n'ont pas de problème de parking" et "L'homme qui valait 35 milliards". J'ai été partie prenante dans toutes ces rééditions, vu que j'avais récupéré les droits sur ces titres et que je me suis occupé de la cession en poche. 

Outre que ces sorties chez Pocket ont permis à ces textes de toucher un public beaucoup plus large, c'était aussi l'occasion de franchir la frontière, car la diffusion en France de ces titres était très aléatoire. D'un coup, les livres se sont retrouvés dans les gares, les supermarchés, dans les rayonnages de presque toutes les librairies. Les éditeurs parisiens, surtout en poche, ne travaillent presque plus le fonds sur la durée :   les nouveaux titres chassent les anciens. Pour s'assurer qu'un titre reste en rayon, ils le rééditent chaque année ou presque avec une nouvelle couverture, un nouvel ISBN et les critères sont alors très pragmatiques :  si les ventes n'augmentent pas d'une année sur l'autre ou sont insuffisantes, ils abandonnent la commercialisation du titre. 

Le poche n'est pas un livre comme un autre, c'est un objet courant, familier. Il rend la littérature accessible, d'un point de vue financier bien sûr, mais aussi par la proximité qui se crée avec les lecteurs. Le grand public pense que si c'est en poche, c'est que ça a déjà marché. Ces arguments sont formidables, car ils réduisent à néant un obstacle majeur qui fait que la littérature contemporaine a toujours l'air d'être publiée....pour d'autres que soi. En poche, c'est différent. Comme si la littérature descendait de son piédestal. 

Le paradoxe, c'est qu'on vend beaucoup de livres mais que cela ne rapporte presque rien :  l'auteur ne touche que 5 % du prix de vente hors TVA. Concrètement, sur un recueil à 6,60 euros, ça fait 30 centimes bruts (avant charges sociales et impôts). Chaque fois qu'on vend 2.000 exemplaires en poche, on gagne 440 euros. Les lecteurs imaginent qu'on gagne bien sa vie si on est publié en poche. Ce n'est pas aussi simple".

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mercredi 20 septembre 2023

Chronique "Résister" par Colette Nys-Mazure

Dans la revue catholique "Dimanche",  l'auteure belge Colette Nys-Mazure rédige une chronique de temps en temps. Voici l'une d'entre elles qu'elle a intitulée "Résister" :

Résister, j'aime ce mot qui évoque aussi bien la résistance des matériaux que la Résistance pendant l'Occupation ou celle que manifeste une personne minée par une maladie grave :  une force s'oppose à une autre. Cet acte profondément humain se pratique en petit comme en grand. 

"Quel est le timing aujourd'hui ?   - Dis plutôt l'ordre du jour ou le programme ou tes intentions...".  Je suis saturée de ce franglais alors que notre langue française menacée dispose du vocabulaire adéquat ! On m'objecte avec condescendance que l'assaut irrésistible des sciences, des techniques, de l'informatique, du tourisme international...exige le recours à l'anglais. J'entends mais je n'en tiens pas moins à notre terroir. Je m'arc-boute à notre langue maternelle tellement riche et belle :  comme je râle de lire booster au lieu de stimuler, challenge plutôt que défi, surfer à la place du poétique chevaucher la vague...

Résister aux influenceurs et influenceuses de tout horizon. Je repense à ce film vu il y a des éternités, dont j'ai oublié le titre :  un vieil homme s'obstinait à sauvegarder sa maison au milieu d'un terrain voué à la construction d'immeubles. Il incarnait la résistance aux nouveaux modèles d'habitat et aux tentations du chantage par l'argent, par l'intimidation puis la terreur. David contre Goliath ?

Résister aux flux d'information en continu qui mobilise notre temps sans nous laisser celui de la vraie rencontre en présence. Des nouvelles du monde soigneusement triées pour produire l'effet immédiat de panique entraînant la procrastination, voire l'impuissance et l'inaction. Je ne suis pas réactionnaire pour un sou, mais je suis écoeurée de ces fausses nouvelles. Ce jour, je me sens d'humeur rageuse, ravageuse. Trop, c'est trop. J'en ai assez des hypothèses échafaudées par les faux prophètes, des experts du grand écran autour des guerres, des séismes, de la pollution. Se ressent le plaisir de briller, de parader plus que d'exposer modestement des connaissances utiles. La fierté de connaître une heure de gloire télévisuelle l'emporte sur la communication d'un savoir rigoureux et sans complaisance.

Résister aux modes, aux vacances coûteuses en émanations de carbone, aux achats vestimentaires ou domestiques activés par la publicité, les promotions, les soldes tronquées. Et que dire des remèdes miracles ? 

Hygiène mentale et physique. Aujourd'hui, dans le sillage des révélations gravissimes de pédophilie, on apprend tôt aux enfants à dire "Non, mon corps est à moi, je ne consens pas à". Ne faudrait-il pas les alerter aussi de l'existence de prédateurs par écrans interposés ?

J'ai besoin d'aiguiser ma plume, en l'occurence mon clavier, pour résister à cette vague de fond qui tend à nous uniformiser (je n'userai pas de l'anglicisme formater !), nous anesthésier pour mieux nous faire consommer alors que le monde brûle, que les ressources s'amenuisent. Kundera vient de mourir mais son alarme résonne :  nous sommes menacés par les "termites de la réduction" à chaque tournant, non seulement de l'Histoire mais aussi de nos histoires privées.

Comme il est difficile de rester un homme, une femme debout, dans l'indépendance vaillante, l'ouverture aux souffles venus d'ailleurs mais d'abord dans un enracinement profond. Nos vrais amis ne seraient-ils pas ceux et celles qui ne se contentent pas de partager nos goûts, nos valeurs, nos intimes convictions, mais qui nous remettent en question lors de débats confiants et argumentés. Quelle vie spirituelle cultiver pour une résistance essentielle ?

Colette Nys-Mazure (chronique dans une des revues "Dimanche" de septembre 2023)

mercredi 23 août 2023

"Les Dragons" (Jérôme Colin)

                                         


Après "Eviter les péages" et "Le champ de Bataille",  l'auteur belge Jérôme Colin sort un troisième roman consacré à l'adolescence et publié par les éditions Allary. A cette occasion, il a accordé une interview aux quotidiens du groupe L'Avenir :

"C'est une fiction et en même temps, le héros a le même prénom que vous. Vous n'avez pas peur qu'on vous psychanalyse ?
- Ce n'est pas ma vie. Que les gens puissent le croire, je n'en ai rien à faire. Il n'y a aucune honte à parler de santé mentale, il n'y a rien de honteux à craquer, rien de honteux à dire qu'on a besoin des autres.

- Mais pourquoi c'était le moment ?
- Le Covid a empiré les choses. Il a coupé les jeunes du monde dans un moment où ils avaient un besoin vital des autres. Les dégâts sont immenses et très mal évalués. Un tiers des 12-18 ans déclarent avoir des troubles anxieux. Un sur dix a déjà pensé au suicide. Ca veut dire que sur une classe de 30 ados, trois ont déjà eu envie de mourir ! C'est effrayant ! Et depuis le Covid, les tentatives de suicide ont augmenté de 50% chez les filles, les automutilations aussi. On ne peut reprendre vie qu'avec les autres. On entend souvent :  "Prends soin de toi". Je n' y crois pas. Il n'y a que l'échange qui guérit. On devrait plutôt dire "Qu'est-ce qu'on peut s'apporter l'un l'autre?".

- Vous avez passé du temps dans un centre pour ados ?
- Je voulais raconter une histoire d'amour entre ados. Je savais dans les grandes lignes ce que je voulais raconter. Mais je devais rencontrer des encadrants, des enfants, les entendre pour essayer de comprendre pourquoi ils vont si mal et raconter leur quotidien. Je me suis présenté, j'ai expliqué ce que j'écrivais, un roman. J'ai dit que je serais là et qu'ils pouvaient venir me voir. Je suis resté trois jours seul à ma table. Ils me disaient bonjour mais aucun ne s'est assis. Et puis dès qu'un a osé venir me parler, ils sont tous venus.

- Qu'est-ce qu'ils ont en commun ?
- Ils sont très différents. Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils sont là, ils souffrent tous.

- Comment on rentre de journées comme ça ?
- En pleurant ! Il y avait des jours très joyeux aussi, mais je rentrais toujours bouleversé. J'ai été soufflé de leur honnêteté, je me demandais comment c'est possible d'être si jeune et d'avoir traversé tant de choses....

- Ils ont lu le livre ?
- J'ai envoyé le manuscrit au psychiatre du centre avant que cela parte à l'impression. C'est une fiction : je suis libre d'écrire ce que je veux, mais je ne voulais pas raconter de bêtises. Et surtout, c'était important de donner une image juste de ce qu'il s'y passe. C'est mon métier de journaliste qui ressort".

jeudi 8 juin 2023

Colette Nys-Mazure et le vis-à-vis

Colette Nys-Mazure a écrit une chronique très juste sur le vis-à-vis dans la revue catholique "Dimanche". Cela m'a rappelé un soir de Foire du Livre de Bruxelles où je me suis retrouvé par hasard dans le train...avec Colette Nys-Mazure. Nous avons parlé ensemble une demi-heure de lecture. Un très beau souvenir !

Voici le texte de Colette Nys-Mazure :

Vis en ancien français désignait le visage, ce qu'on voit, la figure, la face. Ce n'est pas inutile de s'en souvenir en notre univers d'écrans qui s'interposent entre les personnes au travail, dans les relations ou les loisirs. Je discutais volontiers avec la guichetière de la gare, de la banque, d'un accueil....mais la machine à distribuer titres de transport, billets ou toutes à travers le dédale des bâtiments administratifs et des hôpitaux ne m'en offre plus guère l'occasion. 

Dans les surfaces commerciales anonymes, je repère l'un ou l'autre solitaire en quête d'un contact, s'efforçant de retenir mon attention autour d'une salade moins fraîche ou d'une nouvelle marque de bière. Le distributeur, le service électronique n'aura jamais raison du besoin de parole.

Si j'aime la foule de visages inconnus, connus, reconnus, j'ai une préférence pour le tête-à-tête, les moments plus intimes de colloque singulier. Lors des fêtes amicales, des échanges vibrants, bruyants en tous sens, je n'en recherche pas moins ces instants privilégiés où je ne m'adresse qu'à une seule personne, que ce soit face-à-face autour d'une table ou côte-à-côte en marchant. Je provoque cette chance d'alterner le groupe et l'individu. Cette proximité sans promiscuité que je chéris.

Dans une famille heureuse de se retrouver, il me semble essentiel de sauvegarder des aires de rencontre privilégiée avec l'un puis l'autre au gré des circonstances, saisies sans hésiter. Ce samedi ne manquait pas de projets mais voici qu'une petite-fille propose de venir partager repas et promenade. Je modifie aussitôt mon programme.

Nous voici flânant dans un bois lourdement parfumé à l'ail des ours. Elle évoque son travail, apprentissages, plaisirs, interrogations. Je lui raconte le dernier film apprécié, en l'occurence "Le bleu du caftan" réalisé par Maryam Touzani, sa noblesse, la beauté des images et des êtres. Elle s'y intéresse, demande des précisions avant de raconter à son tour "Everything everywhere all at once" réalisé par Daniel Scheinert et Daniel Kwan, dont je n'ai perçu que la rumeur sans en connaître le contenu. Elle m'explique ce qui l'a fascinée dans cette audacieuse fiction couronnée de nombreuses distinctions : les choix et leurs conséquences. 

Nous enjambons les branches mortes, évitons le centre boueux du chemin encaissé, elle me retient dans une descente glissante. Sans avoir senti le temps filer, nous sommes étonnées d'atteindre déjà l'issue du bois, au moment où pénètrent une femme et son énorme chien blanc. 

Lorsqu'elle enfourche gaillardement son vélo pour rentrer chez elle, je me sens accrue par notre simple conversation. Cinquante-cinq ans nous séparent, aujourd'hui on dirait onze générations ! Dans la mesure où s'accélère l'évolution, cinq ans suffisent pour tout modifier. Et cependant, nous pouvons nous rejoindre, nous ouvrir l'une à l'autre des horizons insoupçonnés, nous enrichir. Elle m'a permis d'entrevoir son imaginaire autant que ses préoccupations professionnelles. Je la connais mieux et ne l'en aime que davantage.

Avec un alliage étrange de pudeur mal placée, de discrétion respectable mais équivoque, de crainte de ne pas être à la hauteur, mais aussi la fausse conviction que le fossé des âges est pratiquement infranchissable, nous nous retenons d'oser le dialogue, de lancer l'invitation alors que si nous sautons le pas, nous sommes émerveillés de la qualité des partages. Derrière les visages, tant de paysages imprévisibles. Derrière les conduites surprenantes, différentes de celles que l'éducation nous a inculquées autrefois, nous découvrons des modes de vie passionnants. Au lieu de nous retirer, de nous restreindre et parfois de nous racornir, nous élargissons notre champ de vue, de vie.

Qu'est-ce qui t'anime, qu'est-ce qui te fait vivre ? En nous, ce désir flagrant et jamais rassasié : fais-moi voir Ton visage.

Colette Nys-Mazure

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