mercredi 26 juin 2013

Interview d'Amélie Nothomb

                                                                                   

A l'occasion de sa participation au Marathon des Mots de Toulouse du 27 au 30 juin (www.lemarathondesmots.com), Amélie Nothomb a répondu aux questions du magazine "Point de Vue" :

"Vous relisez-vous à voix haute quand vous écrivez?
- Surtout pas : je ne supporte pas ma voix. A l'intérieur de ma tête, j'ai une autre voix que j'appelle ma voix intérieure dont le son est extrêmement différent du pitoyable organe que vous entendez. Dans ma tête, j'ai l'instrument que je veux. Je peux donc juger mes livres avec un instrument correct.

- Comment définiriez-vous cette voix?
- C'est une voix qui est à peu près le contraire de celle que vous entendez : elle est extrêmement grave, extrêmement mesurée. La voix dont je me sers pour vous parler est trop soprano à mon goût, trop métallique : si le compartiment couverts du lave-vaisselle pouvait parler, çà donnerait à peu près çà.

- Aimez-vous être lue?
- C'est toujours mieux d'être lue par quelqu'un d'autre, même si c'est quelqu'un dépourvu de talent. Mais il est arrivé combien de fois que des gens de grand talent me lisent et alors, j'atteins le sommet de la jouissance!

- Avez-vous déjà eu un sentiment d'étrangeté en entendant quelqu'un vous lire?
- C'est le meilleur : la bonne étrangeté. Et c'est d'ailleurs le but... Car le texte doit perdre cette horrible odeur qui est la sienne. Quand le texte ne sent plus soi, le but est atteint, c'est merveilleux.

- Est-ce que cette "odeur" a changé en 20 ans?
- Pas tellement. Finalement, il faut toujours un petit peu la même chose. Il faut un long sas de décontamination pour que mon texte cesse d'être irrespirable pour moi. L'odeur de moi est irrespirable. Quand beaucoup d'années ont passé, le texte perd l'odeur de son auteur, il devient beaucoup plus agréable.

- Parce que c'est plus universel, neutre?
- Ca n'est jamais neutre, mais il n'y a plus ce côté "Hou, çà me prend à la gorge, je ne peux plus supporter".

- Le Marathon des Mots célèbre vos 20 ans d'écriture. Ont-elles été conformes à vos attentes? Avez-vous eu des surprises?
- Je n'ai eu que des surprises, je n'avais aucune attente. C'était déjà miraculeux pour moi qu'un éditeur, à plus forte raison un grand éditeur, veuille bien de l'humble Belge que je suis. Franchement, je n'aurais jamais imaginé qu'il y aurait une suite au 1er septembre 1992, date de publication d' "Hygiène de l'assassin". Pour moi, c'était un merveilleux miracle qui allait durer deux mois.

- Combien de manuscrits avez-vous sacrifiés en 20 ans?
- "Sacrifier", çà n'est pas du tout le mot. Le premier but de l'écriture n'est pas la publication. Le but de l'écriture est très mystérieux. C'est une quête aveugle. La publication est un accident par rapport à l'acte d'écriture. Les chiffres parlent : je suis en train d'écrire mon 76ème roman. Or, j'en ai publié vingt...

- Vous n'écrivez donc que pour vous?
- Bien sûr. Accidentellement, il peut m'arriver  la re-lecture d'un manuscrit de me dire : "Tiens, celui-là, peut-être, je le montrerai". Mais au moment de l'écriture, il est impossible de penser à être lue. En tout cas, pour moi, çà me bloquerait complètement.

- Quels sont vos critères de publication?
- C'est très flou. Je vais être forcée de créer un horrible néologisme : c'est le critère de "partageabilité". Il s'agit de trouver ce qui est partageable ou non. Il faut que çà ne traite pas uniquement de mes obsessions.

- Y a-t-il des histoires que vous vous interdisez d'écrire?
- Non. Il y a des histoires que je n'ai pas envie d'écrire : tout ce qui pourrait être vulgaire, au-dessous de la ceinture...même si je n'ai rien contre le sexe, bien au contraire!

- Votre dernier livre, "Barbe Bleue", en témoigne d'ailleurs?
- C'est vrai. La façon dont se pratiquent les scènes sexuelles dans la majorité des romans modernes, ce n'est pas que cela me choque, c'est simplement que je me demande :  "quelles sont ces étranges recettes de cuisine qui, pour moi, ne correspondent à rien?". Quand le langage ne convient pas, c'est hors sujet.

- Quel programme pour les 20 prochaines années?
- Il n'y a jamais eu de programme. L'absence de programme restera certainement la même.

- Vous êtes quand même d'une régularité impressionnante?
- Cette régularité donne l'impression d'une visée à très long terme, mais elle n'a qu'un seul but : me permettre de survivre jusqu'au lendemain. Chaque matin, je me réveille dans un tel état de crise que si je m'astreins à une telle discipline, c'est vraiment pour survivre à très court terme".

dimanche 23 juin 2013

Actualité de Carine-Laure Desguin

                               Résultat d’images pour photo Carine-Laure Desguin             

La lecture de "Vieillir sans toi" de Michel Cyprien en 2007 redonne l'envie d'écrire à Carine-Laure Desguin, une infirmière à domicile de la région de Charleroi née en 1963 ("L'écriture, c'est chez moi comme des vents qui déboulent et qui soufflent tellement fort que rien ne leur résiste" , a-t-elle un jour répondu en interview). Elle écrit "Rue Baraka", un roman qui raconte la rencontre entre Tarek, déconnecté de la vie et des autres ayant un regard désabusé sur tout, un vieux peintre au regard enfantin et sa compagne Clara. Le manuscrit est accepté par les éditions Chloé des Lys. Afin de se faire connaître, Carine-Laure crée son blog en 2009 :   http://carinelauredesguin.over-blog.com . Son premier roman sort l'année suivante.

En juin 2010, elle accepte de répondre à mes questions :   http://carinelauredesguin.over-blog.com/article-un-amoureux-des-auteurs-belges-de-la-belgique-et-51672960.html . Et la presse régionale parle, elle aussi, de son travail.                                            
                                                                       
Trois ans après l'interview qu'elle m'avait accordée, Carine-Laure poursuit son parcours littéraire. En 2012, les éditions Chloé des Lys ont sorti son deuxième roman, intitulé "Les enfants du Grand Jardin". Dans ce grand jardin, des enfants venus de partout apprennent à vivre. Guidés par deux fées au sourire divin, ils s'initient à la langue que tout le monde comprend, celle qui parfume toute la planète. Emportées par cette histoire surréaliste, les deux fées gagneront-elles leur audacieux pari?

Carine-Laure participe à de nombreux concours qui lui ont offert plusieurs récompenses :  3ème prix du concours de poésie des Mutualités Socialistes de Charleroi pour son poème "L'arrivée", 2ème prix du concours de textes érotiques du cercle littéraire montois Clair de Luth pour son texte "Sans jamais rien se dire", 1er prix du concours de poésie moderne de Prom-Auteur pour son poème "Les éclectiques libertés", 3ème prix du concours de la Maison de la Francité à Bruxelles pour son texte "Plus tard, Goran sera...".  A l'étranger, elle fait partie des 30 auteurs choisis (parmi 700 textes reçus) par les chemins de fer suisses pour un ouvrage collectif ayant le train comme thème et distribué gratuitement dans les gares suisses, et elle a reçu le 1er prix du concours international de poésie "L'encre bleue" à Cavalaire-sur-Mer.        
                                         
Il y a quelques semaines, elle vient d'être admise au sein de l'Association des Artistes de Thudinie.

Parmi ses nombreux projets culturels, citons la préparation de l'adaptation théâtrale de "Rue Baraka" et la sortie de "Spirales urbaines" (éditions Chloé des Lys), un recueil d'une soixantaine de poésies.  Bref, on n'a pas fini d'entendre parler de Carine-Laure Desguin...                             

samedi 15 juin 2013

Prix littéraires 2013 de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Prix triennal de prose en langue régionale endogène (2500 euros) :
Il récompense, tous les trois ans (en alternance avec le prix triennal de poésie et le prix triennal d'écriture dramatique en langue régionale endogène), un texte en prose rédigé dans l'une des langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le prix est attribué sur proposition d'un jury composé de cinq membres du Conseil des langues régionales endogènes. Le lauréat 2013 est le recueil "Doze fèmes" de Joël Thiry, né en 1957. Auteur de nouvelles, de bd et de livres culinaires en langue wallonne, il est aussi professeur de français et administrateur-délégué du Musée de la Parole en Ardenne.

Prix du rayonnement des Lettres Belges (4000 euros) :
Décerné pour la première fois en 1998, il récompense une personne de nationalité étrangère qui, dans son pays, a œuvré à la promotion de la littérature de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le lauréat 2013 est Arnaud Rykner pour l'ensemble de son travail. De nationalité française, professeur de la Sorbonne Nouvelle, il a consacré de nombreux travaux à l'œuvre de Maurice Maeterlinck, notre Prix Nobel de littérature.

Prix triennal du roman (8000 euros) :
Il récompense, tous les trois ans (en alternance avec le Prix triennal de poésie et le Prix triennal de théâtre), un auteur pour un roman publié. Le lauréat 2013 est "La vérité sur Marie" de l'écrivain et cinéaste belge Jean-Philippe Toussaint. Né à Bruxelles en 1957, on lui doit notamment "La télévision" (Prix Rossel 1997), "Faire l'amour", "Fuir" (Prix Médicis 2005), "La vérité sur Marie", "L'urgence et la patience", etc.

Prix Paroles Urbaines (1500 euros chacun) :
Depuis 2011, ils récompensent les écritures urbaines dans les catégories Slam, Spoken Word (texte scandé avec musique) et Ecriture Rap. Le prix Slam a été remis à Joy. De son vrai nom Gioia Frolli, elle est étudiante en langues et littératures romanes, slameuse active sur les scènes depuis un an. Le prix Spoken Word a été décerné au poète et dessinateur Carl Roosens, dont l'écriture est un mélange entre poésie scandée, électronique, hip-hop et fanfare décalée. Le prix Ecriture Rap a été remporté par Tonino, né Antonin El Hadj, membre du collectif hip-hop Trafiquants d'Arts. Ses thèmes de prédilection : la nuit et ses possibles, la musique comme métaphore de la liberté.

samedi 1 juin 2013

"Lovebirds : récits de mal d'amour" (Edmée De Xhavée)

 Née à Verviers en 1948, Edmée De Xhavée a grandi en écoutant les récits des vies de ses grands-parents et grands-oncles qui ont vécu en Argentine, en Uruguay et en Australie. Après avoir effectué une partie de ses études à Verviers, elle s'oriente vers les arts décoratifs à Bruxelles. A son tour, elle a vécu plusieurs années dans le sud de la France, en Italie et dans le New Jersey, avant de revenir s'installer en Belgique. Après le lancement de son blog http://edmeedexhavee.wordpress.com , les Editions Chloé des Lys publient ses romans "Les Romanichels" (paru en 2009) et "De l'autre côté de la rivière, Sibylla" (paru en 2011), qui racontent des histoires de famille et montrent comment la jeune génération s'est affranchie des conventions de l'hypocrisie qui régnaient dans certaines couches sociales afin de mener leur vie comme elle l'entend.

Edmée De Xhavée nous propose cette fois un recueil de huit nouvelles préfacé par le journaliste et écrivain Luc Beyer de Ryke :   "L'auteur, me semble-t-il, ressent profondément le tragique de l'existence. Mais, à l'encontre de la sentence shakespearienne selon laquelle le monde, ce théâtre où chacun joue un rôle, serait une succession pleines de bruit et de fureur et qui ne signifient rien, Edmée De Xhavée laisse transparaître, au bout du jeu, l'idée d'une rémission. Dans plusieurs des nouvelles qu'elle nous propose, ses personnages, en raison des circonstances et après bien des péripéties, se sauvent par une sorte de rachat. L'épilogue réconcilie avec la vie".

Ces huit nouvelles sont bien écrites et nous parlent d'amours, des non-dits, des secrets de famille. Les personnages sont Mr et Mme Toutlemonde et leurs histoires pourraient arriver à chacun d'entre nous. On "retrouve" ici et là certaines de nos connaissances. Dans son écriture, Edmée De Xhavée fait preuve d'originalité :  proposition de plusieurs scénarios dans "Un dimanche en famille" ; temps remonté et points de vue alternés des différents personnages dans "L'amour d'une mère". Bien sûr, les nouvelles qu'on apprécie ont un côté frustrant car elles finissent trop vite.

Voici les 4 nouvelles que j'ai beaucoup apprécié :  "La joie de Chérie", "Un amour d'amnésie", "Carte numéro 13 La Mort" et "L'amour d'une mère". Les quatre autres nouvelles m'ont moins attiré mais tout cela est subjectif et varie d'une personne à l'autre. Bonne continuation à Edmée De Xhavée!

Par ailleurs, le prix de ce livre (28,40 euros) est excessif.

P.S. Cliquez ci-dessous sur "De Xhavée Edmée" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur.