"Alors, ce livre, il parle plutôt de l'amour, de la haine ou des deux?
- Il parle des deux. C'est vraiment un livre où j'ai voulu explorer le thème de l'amour, mais c'est un thriller, pas un roman d'amour. A un moment, je me suis fait la réflexion que la vraie haine qu'on peut porter à quelqu'un, c'est qu'en général, on l'a beaucoup aimé avant. On ne hait pas quelqu'un qui nous indiffère. Que, souvent, la haine découle de l'amour et quand on hait quelqu'un, vraiment fort, passionnément, c'est un sentiment assez proche du sentiment d'amour, dans son expression : on pense souvent à cette personne, on a le ventre qui se noue, une boule dans la gorge, le cœur qui bat et tout ça, ce sont des choses qu'on éprouve aussi quand on aime. Plus j'avançais dans le roman, plus je sondais ces émotions de l'amour et de la haine, et plus je les trouvais hyper fort liées. Dans l'histoire, par exemple, si Maude et Simon finissent par se déchirer, c'est parce qu'ils s'aimaient au départ beaucoup. Si Maude déteste son ex-mari, c'est parce qu'elle l'a beaucoup aimé avant.
- Vos héros sont des gens normaux, pas des gens foncièrement méchants?
- C'était le challenge que je me suis mis. Dans mon précédent roman "Je sais pas", tous mes personnages étaient plutôt négatifs, noirs, et plusieurs lecteurs, en dédicace, m'ont dit "En tout cas, y en a pas un pour rattraper l'autre", et c'était vrai. Du coup, un peu comme une blague, je me suis dit : "Et si j'écrivais un thriller avec que des gentils?". J'avais envie d'écrire une histoire où, si on prenait chaque point de vue séparément, on les comprenait, on avait de l'empathie et même, on se disait qu'on aurait peut-être fait pareil. On peut s'identifier à chacun d'eux. Nicole, par exemple, ce n'est peut-être pas le personnage le plus séduisant, mais elle a perdu son fils, on peut la comprendre ou Maude, qui a caché à Simon que sa fille se droguait, on peut la comprendre aussi. Je voulais qu'on se dise face à chaque personnage : "Beh oui, j'aurais fait pareil". Mais que toutes les interactions mises les unes avec les autres provoquent un drame.
- Et tout cela se passe au sein d'une famille recomposée?
- J'ai toujours mis en scène des familles classiques, mais aujourd'hui, la majorité des familles sont recomposées. En plus, c'est un terrain de jeu extraordinaire! Sur ça aussi, j'ai fait un travail de documentation, je me suis demandé si on aimait autant les enfants de l'autre. Mais on ne peut pas les aimer autant, et ils sont l'expression d'une histoire d'amour qui a eu lieu avant. J'ai voulu parler d'une famille recomposée qui fonctionnait bien et raconter la déchéance. Quand un drame survient, qu'est-ce qu'on fait? Quelle est la situation qui fait qu'à un moment, on est obligé d'attaquer l'enfant de l'autre pour défendre son propre enfant? C'était clairement ça, mon idée de base : partir d'une famille recomposée et devoir attaquer à un moment l'enfant de l'autre pour protéger sa tribu à soi.
- Non seulement on parle de haine dans "Je t'aime", mais aussi et peut-être surtout de vengeance. Est-ce que la haine amène nécessairement la vengeance?
- C'est un thème qui s'est imposé de lui-même au fil de la rédaction. Je ne pensais pas du tout parler de justice, de vengeance. Mais de par le personnage de Nicole qui est greffière et tout le truc qu'elle met en place pour faire payer Alice, qu'elle considère comme la véritable responsable, oui, je me suis permis une mini-réflexion sur la justice. Autant la tendresse, la passion, les mots d'amour sont l'expression de l'amour ; autant la vengeance est l'expression de la haine. Quand on hait parce qu'on nous a fait mal, on a besoin d'avoir réparation. J'ai du coup pas mal lu sur la justice et c'est clair qu'elle est hyper importante parce que la justice, c'est ce qui empêche la vengeance personnelle, c'est ce qui empêche de faire justice soi-même. La justice permet de donner réparation aux victimes de telle manière qu'elles n'aient pas à utiliser cette vengeance. Ce dont j'avais besoin aussi, c'est de remettre à leur juste valeur des trucs qu'on a tellement l'habitude de voir dans les romans, dans les films : une perquisition, dans la vraie vie, c'est hyper violent. Dans la fiction, c'est devenu banal mais une garde à vue, c'est horrible. J'ai vu des documentaires et écouté des témoignages de gens normaux qui ont vécu une garde à vue, ils sont traumatisés parce que les fouilles à nu, c'est vrai, ça existe".
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