mercredi 18 novembre 2015

"L'autre Simenon" (Patrick Roegiers)

Le dernier roman de Patrick Roegiers paru aux éditions Grasset tourne autour de Christian Simenon, le jeune frère du célèbre écrivain belge. Sa démarche a fait grincer des dents :  certains estiment qu'il a le droit d'écrire une histoire - avec un petit h - autour de la famille Simenon, et d'autres qu'il n'a pas à porter atteinte à la vérité historique - avec un grand H - pour faire un coup médiatique. Et vous, qu'en pensez-vous?


Voilà le point de vue de Patrick Roegiers qui a confié à la presse :  "On n'a pas à demander d'autorisation quand on écrit une fiction. Je sais que John Simenon est furieux : c'est son problème, pas le mien!  Georges et Christian Simenon n'ont pas la même histoire mais ils sont les deux faces d'une même médaille. J'ai été fasciné par l'histoire du frère inconnu d'une personnalité célèbre. J'ai trouvé étonnant le parcours de cet homme qui bascule dans la collaboration, devient rexiste, est entraîné dans la tuerie de Courcelles, puis finalement s'engage dans la Légion sous un faux nom et disparaît totalement. Tout cela alors qu'il est le frère d'un écrivain connu.


S'intéresser à Christian Simenon implique de s'intéresser à Léon Degrelle, une personnalité extravagante, un mussolinien qui devient un nazi. Et puis, je veux aussi mettre en lumière la position de la Wallonie à cette époque où les bourgmestres des grandes villes sont rexistes. Quand le bourgmestre de Charleroi Oswald Englebin est tué en août 1944, il est le 33ème bourgmestre rexiste assassiné par la Résistance. Christian Simenon participera alors à la tuerie de Courcelles le lendemain. Il est complètement mêlé à l'histoire du rexisme. Je suis moi-même issu de ce même type de milieu social (la petite bourgeoisie). Cette histoire me parle, me touche, me constitue. Elle me tendait les bras, même si elle n'était pas agréable à écrire. C'était parfois à gerber. D'autant que le discours d'un Degrelle, on le retrouve aujourd'hui...


On ne peut pas parler de Christian Simenon sans parler de Georges, sinon on fait le portrait d'un fasciste ordinaire. Et je me pose la question : que fait-il pendant la guerre? Il est en France, il écrit, il vend les droits cinématographiques de ses livres à la Continental, contrôlée par les Allemands. Il apprend même l'allemand en 1942. Il pose pour "La Legia", un journal rexiste. J'estime que Georges Simenon a agi par opportunisme, sans état d'âme. Il va complètement effacer son frère, le faire disparaître. Dans "Je me souviens", il évoque son frère. Dans "Pedigree", roman autobiographique, il n'a plus de frère. Christian a disparu : c'est le crime parfait!".

mercredi 4 novembre 2015

L'écrivain belge Stefaan van den Bremt

                                                        Stefaan van den Bremt


Né à Alost en 1941, Stefaan van den Bremt confie :  "Je crois que je suis d'abord poète. A l'âge de 16 ans, j'ai eu un professeur merveilleux qui m'a initié à la poésie et m'a inspiré l'envie d'écrire mes premiers poèmes qui ne furent pas de grandes réussites. Je me rappelle un poème sur l'automne dans un style romantique quelque peu boursouflé : une catastrophe! J'ai montré ces vers à mon professeur et j'ai deviné qu'il était déçu...".


Il se fixe à Bruxelles en 1966. Professeur de français dans le réseau néerlandophone à Bruxelles, puis de littérature au Conservatoire et à l'Académie des Beaux-Arts d'Anvers, il collabore longtemps à la revue littéraire "Kreatief". Il a présidé le centre flamand du Pen Club, ainsi que l'Académie Royale de Langue et de Littérature Néerlandophones de Belgique. Il est membre depuis douze ans de la Société de Littérature Néerlandaise établie à Leyde. Sans compter sa participation à de nombreux festivals littéraires aux quatre coins du monde.


Quels sont ses poètes compagnons?  "Apollinaire, Reverdy, Max Jacob qui ont été pour moi les éveilleurs. Plus tard, j'ai été marqué par Verhaeren, Brecht et Neruda. Hugo Claus aussi, mais davantage par le poète hollandais Martinus Nijhoff. Sur l'île déserte, je voudrais emporter toute une bibliothèque :  les poésies complètes de Baudelaire, Apollinaire, Rilke, Nijhoff. Je ne peux pas oublier un Borges. Je déborde? Bien sûr! Mais laissez-moi ajouter Proust dont la prose est particulièrement poétique".


Son premier recueil de poèmes, "Sextant", est publié en 1968 sous le pseudonyme de Stevi Braem :  "C'était par pudeur. Je n'imaginais pas un instant recevoir un prix, être interviewé et devoir livrer mon vrai nom! La page pseudonyme a donc été d'emblée tournée.. Ce premier livre est celui de la recherche de moi-même. Ensuite, j'ai écrit de la poésie engagée, de 1972 à 1980 environ :  une critique satirique de la société qui démasquait l'hypocrisie sociale très présente dans la vie politique. Je me suis aussi impliqué résolument dans la défense de la cause palestinienne qui représente une des grandes injustices de notre temps : c'était une protection contre l'indifférence massive du monde occidental. Je me sens toujours proche de cet activiste de trente ans. C'est le recueil "Andere gedichten" qui exprime le mieux cette veine engagée, combative. Ensuite, je me suis orienté vers une poésie plus intériorisée, dans des recueils tels "Het onpare paar" ou, au printemps dernier, "Kromzang". Mais dès le début, j'écrivais des poèmes d'amour. D'ailleurs, l'amour, n'est-ce pas aussi un engagement?".


Ses premières traductions du néerlandais en français, Stefaan van den Bremt les a réalisées à partir de ses propres poèmes :  "Toast" (1995), "Racines d'un nuage" (2002) et "Temps et lieux" (2006). Il s'attaque aussi à l'œuvre du poète belge Emile Verhaeren traduite en néerlandais  :  "Les heures claires", "Les campagnes hallucinées", "Les villes tentaculaires" et  la trilogie des "Heures" :  "Très importante. C'est presque le meilleur Verhaeren, à placer en tout cas à côté du poète visionnaire, chantre du pays natal meurtri par les grandes transformations industrielles et sociales de l'époque".


Verhaeren est-il notre plus grand poète?  "Certainement un des plus grands... Oui, peut-être le plus grand..." (Cliquez ci-dessous sur "Verhaeren Emile" pour plus d'infos sur ce poète belge).