mardi 24 décembre 2013

jeudi 5 décembre 2013

"Vallotton, le soleil même la mort" (Colette Nys-Mazure)

                                                        

A l'occasion de la sortie de "Vallotton, le Soleil ni la mort" inspiré du tableau "Le ballon" (1899) de Félix Vallotton, Colette Nys-Mazure a répondu à mes questions par mail :

"Comment est né ce projet?
- J'avais déjà écrit pour Dominique Tourte des éditions Invenit un ouvrage consacré au tableau du Pensionnaire de Saraceni :  "Le reniement de Saint-Pierre", joyau du musée de la Chartreuse de Douai. Cet ouvrage étant épuisé, au lieu de le ré-éditer, il m'a demandé de travailler autour d'un tableau de Félix Vallotton à l'occasion de la rétrospective qui se tient actuellement au Grand Palais à Paris. Nous sommes tombés d'accord sur "Le ballon". Il m'a laissé carte blanche. Je me suis informée sur Vallotton, j'ai vu ses œuvres et lu son roman "La vie meurtrière". J'ai d'abord tout écrit en poésie, puis tout en prose. Et j'ai ensuite allié les deux en alternant.

- Pouvez-vous nous expliquer la signification du titre?
- Il est emprunté à une maxime du grand La Rochefoucauld du XVIIème siècle :  "Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face". J'y ai vu l'aire solaire du tableau mais aussi sa plus grande part d'ombre. J'ai entendu les échos entre cette œuvre et ma propre vie, notamment dans l'enfance.

- Ce n'est pas la première fois que la peinture est associée à vos livres (je pense notamment à "L'espace du pardon" et "Perdre pied"). Etes-vous une passionnée de peinture? Quels sont vos peintres préférés?
- Oui, j'ai consacré deux autres ouvrages encore à la peinture :  "Célébration de la lecture" et "A nous deux!". J'aurais aimé être peintre mais je ne pouvais pratiquer peinture et écriture tout en élevant une famille, en enseignant, etc. Donc j'ai dû choisir, mais je compense en écrivant à partir de la peinture, en collaborant avec des artistes contemporains (préfaces, livres d'artistes). J'en aime tant et tant à toutes les époques et dans de nombreux pays! En vrac :  Manet, Klee, Matisse, Bonnard, de La Tour, Soulage, Vieira da Silva, Zoran Music... Des Japonais et des Italiens, des anonymes d'hier et d'aujourd'hui... Aussi difficile que de choisir entre des poètes!

- J'ai lu que vous aviez eu un coup de cœur pour le jeune poète belge Antoine Wauters. Pouvez-vous nous en parler?
- Lors des lectures en vue de l'attribution du Prix de la Ville de Tournai, j'ai découvert avec émotion et émerveillement "Césarine de nuit". Un conte d'amour et de mort, de tendresse et de violence, puissamment poétique, qui plonge ses racines dans l'humus des grands mythes de l'humanité. L'écriture est fluide : elle coule de source et adopte une forme de poèmes en prose très cadrés. Les métaphores s'incisent en nos imaginaires et la musique ne nous quitte plus.

- Quels sont vos projets littéraires pour les prochains mois?
- J'ai plusieurs livres de poésies en préparation avec des artistes français et belges".

Cliquez ci-dessous sur "Nys-Mazure Colette" pour retrouver 18 autres articles qui lui sont consacrés.

mercredi 27 novembre 2013

Prix des Lycéens 2013

Lancé il y a 20 ans, le Prix des Lycéens bénéficie aujourd'hui de la participation de 2.500 élèves de l'enseignement secondaire supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pendant six mois, ils doivent lire 10 romans sélectionnés et apprennent à argumenter, affiner leurs choix et défendre leurs points de vue. Véritable plaidoyer pour la lecture auprès des jeunes, le Prix des Lycéens (organisé tous les deux ans) a également pour objectif de promouvoir des écrivains belges contemporains d'expression française, puisque cinq romans d'entre eux sont proposés à la lecture des jurés. Des fictions qui permettent à la jeune génération d'enrichir son éventail de lectures, de découvrir de nouveaux univers, de se confronter à des histoires nées chez nous.

Autre originalité du prix : celui-ci permet de rencontrer les écrivains de la présélection, de nouer un autre rapport avec la littérature. Ces animations sont organisées dans les classes, les bibliothèques ou les librairies. Les classes sont invitées à prolonger leurs lectures par diverses réalisations :  correspondances, poèmes, blogs de lectures, mises en scènes, interviews, peintures, bandes dessinées, etc.

Lauréats du Prix des Lycéens :
- 1993 :  "Choses qu'on dit la nuit entre deux villes" de Francis Dannemark
- 1995 :  "Le passeur de lumière" de Bernard Tirtiaux
- 1997 ;  "Le jeu du roman" de Louise L. Lambrichs
- 1999 :  "Antigone" de Henri Bauchau
- 2001 (ex-aequo) :  "Quatrième étage" de Nicolas Ancion et "Oubliez Adam Weinberger" de Vincent Engel
- 2003 :  "Helena Vannek" d'Armel Job
- 2005 (ex-aequo) :  "La grande nuit" d'André-Marcel Adamek et "La seconde vie d'Abram Potz" de Foulek Ringelheim
- 2007 :  "Pitié pour le mal" de Bernard Tirtiaux
- 2009 :  "Le journaliste français" de Tuyet-Nga Nguyen
- 2011 :  "Tu ne jugeras point" d'Armel Job
- 2013 :  "Les étoiles de l'aube" de Bernard Gheur

Bernard Gheur raconte cette aventure dans la dernière revue "Le Carnet et les Instants" :

"Ayant eu la chance d'être sélectionné parmi les cinq finalistes du Prix des Lycéens, j'ai accompli, durant plusieurs mois, une sorte de tournée des écoles secondaires aux quatre coins de la Belgique francophone :  Le Roeulx, Spa, Jodoigne, Châtelet, Châtelineau, Basècles, Péruwelz, Woluwe-Saint-Lambert, Ferrières, Embourg, Beloeil, Braine-l'Alleud, Verviers, Jumet, Gembloux, Lessines, Jambes, Waremme, Uccle, Arlon. Une vingtaine de professeurs m'ont invité à rencontrer leurs élèves. Enfin, lecture faite, 2.500 jeunes ont connu le délice d'élire leurs livres préférés.

Le 8 mai, une partie de cette jeune armée a convergé vers le Passage 44 à Bruxelles. Par bonheur, ce fut mon jour V. J'ai sous les yeux le travail de français d'une rhétoricienne. La couverture indique :  Mon journal de bord - Les étoiles de l'aube - Prix des Lycéens 2013 - Sarah - 6C. Le journal intime de cette jeune fille - manuscrit comme il se doit - est d'une nature singulière. Il s'agit d'un journal de lecture. A mesure que Sarah progresse dans la traversée de mon roman, elle note ses impressions. Selon les jours, elle se dit intriguée, désorientée ou captivée. Parfois elle ne me rate pas : "Trop de témoignages sur la guerre. Cela devient lassant!". Pour conclure, la jeune fille écrit :  "Ce livre 'a ouvert les yeux sur la vie qu'ont eue nos grands-parents et arrières-grands-parents". Pour l'auteur du roman, ce journal de bord, plein de sincérité, riche de sens critique, est un document très éclairant.

J'aurais dû tenir, de mon côté, un journal de mes pérégrinations. Tant de souvenirs intenses s'y rattachent. Rencontrer ses lecteurs et lectrices, les yeux dans les yeux, bavarder avec eux à cœur ouvert, être interrogé sur ses personnages comme s'ils étaient vivants. Quelle rare, quelle belle expérience! Les questions fusent. Pénétrantes. Les filles se mettent en évidence. Certains garçons restent cois. Je les comprends. Je voudrais leur confier qu'à leur âge, pour rien au monde, je n'aurais pris la parole dans ce genre de circonstance.

Et toutes ces enseignantes, si impliquées dans la réussite de l'aventure, si désireuses de susciter des moments magiques. Parmi les exercices proposés, inventer une fin différente pour "Les étoiles de l'aube". Alisson, Audrey et Marianne s'y collent. Leurs variantes ne manquent pas d'astuce romanesque ; elles sont en tout cas plus romantiques que mon épilogue. Quand je croisais les autres finalistes, et que nous échangions nos impressions, nous convenions que c'était, à chaque fois, un merveilleux bain de jouvence. Et un encouragement puissant à reprendre notre bâton d'écrivain, à nous hasarder sur le long chemin solitaire d'un nouveau roman".

mardi 19 novembre 2013

Récompenses pour l'écrivain belge Antoine Wauters

                                       Résultat d’images pour antoine wauters

Né à Liège en 1981, Antoine Wauters est philosophe de formation et co-éditeur de la revue "Langue Vive". Lauréat du Prix Pyramides 2008, il reçoit la même année le Prix Polak de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Il a déjà publié  "Os" (éditions Tétras-lyre), "La bouche en quatre" (éditions Le Coudrier), "Debout sur la langue" (éditions Maelströn), "Trois poètes belges" (éditions du Murmure), "Ali si on veut" (éditions Cheyne) et "Césarine de nuit" (éditions Cheyne).

La comédienne française Isabelle Nanty a eu un coup de cœur pour "Césarine de nuit" et l'a lu sur scène à plusieurs reprises, notamment à Bruxelles, Paris et Toulouse (voir photo ci-dessous). La poète Colette Nys-Mazure confie dans le dernier numéro de "Le Carnet et les Instants" :  "Le jeune Belge Antoine Wauters et son conte "Césarine de nuit" est sans doute ma plus récente commotion poétique".

Cet automne, "Césarine de nuit" vient de recevoir deux récompenses littéraires :
  - Prix Marcel Thiry 2013 (d'une valeur de 2.500 euros) remis par la Ville de Liège
  - Prix littéraire triennal de la Ville de Tournai 2013 (d'une valeur de 7.500 euros).

Plus d'infos sur Antoine Wauters :   http://antoinewauters.eklablog.com

Et pour le contacter :   antoinewauters@gmail.com              

mercredi 6 novembre 2013

Interview de Michelle Fourez

Née à Ath (province de Hainaut) en 1951, Michelle Fourez vient de sortir son septième roman, intitulé "Une famille", aux éditions Luce Wilquin. A cette occasion, elle a répondu aux questions de Michel Zumkir pour la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Venez-vous, comme souvent vos héroïnes, du monde rural?
- J'ai grandi dans une famille de paysans d'un autre âge. Nous habitions une toute petite ferme, très inconfortable, sans eau courante, avec le fumier au milieu de la cour, la cave à charbon sous l'étable. Mes grands-parents vivaient avec nous. Nous étions entre deux époques, celle d'avant la mécanisation où l'on arrachait les pommes de terre et les betteraves à la main et celle de la surindustrialisation. J'ai gardé de cette enfance une image et des souvenirs fabuleux. J'avais un territoire de jeux immense : les jardins, des prairies où je pouvais courir jusque tout au bout, un étang qui n'était pas dangereux.

- Quand est arrivée la mécanisation dans votre ferme?
- Jusqu'à mes 10 ans, nous n'avions pas de tracteur. Puis les choses ont basculé, nous avons acheté des tas de machines qui faisaient les choses à notre place. Ce n'est pas que mes parents avaient décidé de changer leur façon de cultiver mais le monde agricole s'est mis à se modifier radicalement quelques années après la seconde guerre mondiale.

- Combien aviez-vous de frères et de sœurs?
- J'avais un frère qui m'a servi de modèle pour plusieurs de mes personnages. Très brillant, il s'est pourtant détruit. Je crois que je lui en veux de cela tout autant que j'en suis triste. Je me suis posé des milliers de questions sur le pourquoi des choses parce qu'il était le préféré de ma mère. Peut-être est-ce parce qu'il était le préféré qu'il est devenu ce qu'il était, un alcoolique très tôt. Parfois, je me dis que si j'avais vécu dans une autre famille, plus lisse, je ne serais pas devenue écrivain.

- Est-ce que votre famille ressemble à celle de votre dernier roman, une famille murée dans et par le silence?
- Oui, c'était comme cela, même si nous vivions dans la plainte, les hurlements. Mon grand-père paternel était très virulent, grossier, bouffeur de curé. Si cela gueulait, vitupérait, les choses importantes, essentielles, elles, ne se disaient pas. Très vite, je suis devenue solitaire. Je me réfugiais au pied des saules, au fond de la prairie, près de l'étang. Avant de commencer à écrire, j'ai parlé aux herbes, aux fleurs et aux arbres. J'avais les végétaux pour confidents. Je vivais dans l'absence de tendresse, sur le qui-vive, je leur racontais cela, comme je boitais dans mon cœur. Je leur disais : "je veux être heureuse, je suis heureuse". Je me suis construite comme une spectatrice d'un jeu auquel je ne voulais pas prendre part.

- La campagne est très présente dans vos livres, mais Bruxelles aussi. D'où vous vient cette attirance pour cette ville?
- Bruxelles sera toujours dans mon cœur et dans mes livres. Enfant, je n'en connaissais pas d'autres. J'y venais, avec ma mère, une fois l'an, au moment des fêtes. Nous mangions des pistolets que nous n'avions pas à la ferme. Nous allions à l'Innovation et voir les illuminations de la rue Neuve. C'est un des seuls bons souvenirs que j'ai avec ma mère. Pour moi, LA ville, c'est Bruxelles. Mais je ne pourrais pas y vivre. J'ai les pieds sur terre, il me faut de la terre, un jardin. Je ne peux pas imaginer vivre loin de là où j'ai grandi. Je suis de mon enfance avant tout.

- Quand avez-vous découvert la littérature?
- Très tôt, la littérature a pris une place dans ma vie. J'adorais la Comtesse de Ségur. Dès que j'ai su lire, j'ai demandé des livres à la Saint-Nicolas. Vers 6-7 ans, j'ai commencé d'aller à la bibliothèque de ma propre initiative. Sans le conseil de personne, je choisissais des livres. Plus tard, à l'école de la ville, une institutrice m'a prise en affection et, en cachette, me donnait des livres. Ensuite, je les ai achetés moi-même, pas beaucoup, mais quand même. Paradoxalement, si nous étions pauvres, nous avions beaucoup de journaux à la maison : "Le Courrier de l'Escaut", "Le Ligueur", "Le Sillon Belge", "L'Alliance Agricole" et "Femmes d'aujourd'hui".

- Venant de ce milieu populaire, d'où vous est venue l'idée d'étudier à l'université?
- Il n'y a pas de malheur sans bonheur comme on dit. Ma mère détestait plus que tout son métier de fermière, elle disait que même le diable n'aurait pas voulu le faire. Elle aurait souhaité être institutrice. Obligée de quitter l'école à 14 ans, elle regrettait très vivement de n'avoir pu étudier. Elle a fait en sorte que mon frère, de cinq ans mon aîné, aille à l'université. Comme il n'y a pas réussi et que ma mère voulait réussir par personne interposée, j'ai profité de l'aubaine. Je me suis inscrite à l'ULB. Je ne veux pas de médaille pour cela mais je suis la première fille du village à être entrée à l'université.

- Quand avez-vous commencé à écrire?
- A 13 ans, j'ai décidé d'écrire mon premier roman. J'ai dû rédiger trois pages! Je crois que cela s'appelait "Je suis heureuse de vivre", ou quelque chose comme cela. Et j'écrivais mon journal, tous les jours. Plus tard, à 30 ans, je me suis inscrite, j'ai envie de dire bêtement, à un atelier d'écriture à Tournai. Les participants appréciaient mes textes ; cela m'a encouragée. "Ferdinand", une nouvelle écrite à partir d'une photo, a été publiée dans le recueil "Saisons d'Escaut" aux éditions Unimuse, aux côtés de textes de Françoise Lison-Leroy, Michel Voiturier, Colette Nys-Mazure et Michèle Vilet. L'été suivant, à partir de cette nouvelle, j'ai écrit "Rue de l'Amourette", une sorte de saga familiale, que j'ai envoyée partout, notamment au Prix de la Ville de Mons. Dominique Rolin y était membre du jury. Elle l'a appréciée et l'a passée au comité de lecture de Gallimard. J'ai été reçue là-bas. Ils m'ont demandé si je n'avais rien d'autre. Je n'avais rien d'autre. J'ai traîné longtemps avec ce premier texte mais il n'a jamais été publié. Luce Wilquin, à qui je fais une totale confiance, l'a lu plus tard. Elle l'a trouvé inabouti.

- En vous lisant, on ne peut s'empêcher de penser que vos livres ont une origine autobiographique?
- Bien sûr, j'écris d'où je viens et je n'essaie pas de le cacher. Je suis dans une création kaléidoscopique. Je secoue des petites pierres de couleur et à chaque secouement, une autre image est formée. Certaines pierres sont plus grosses que d'autres. Mes proches savent l'origine de ces pierres, mais l'important, c'est que les autres, ceux qui ne me connaissent pas, trouvent sa cohérence au texte. On s'en fout de qui je suis, de ma vie privée. Marguerite Duras et Gabriel Garcia Marquez ont aussi fait leur œuvre à partir de leur vie, de leurs obsessions.

- Pourquoi vos héroïnes s'appellent souvent Françoise?
- C'est une espèce de clin d'œil qui dit : "Françoise, c'est moi, je viens de là". Mon grand-père, l'anticlérical, m'appelait "Mam'zèle Françouse", parce que je parlais français avec ma mère, parfois avec mon père, avec mes poupées et mon amie d'enfance quand elle venait à la maison. Quand il m'entendait parler français, il me lançait :  "Mam'zèle Françouse, d'viseu comme on vos a appris". Il voulait dire que je devais parler en picard et non en français. Comme je passe de cet ancrage familial à mes romans, je ne pourrais le dire, je ne me vois presque jamais écrivant. Je peux juste vous dire que j'écris, à la main, sur la table de la cuisine ou celle de la terrasse quand il fait beau. Tout d'un coup, le livre est là. Je le tape alors à l'ordinateur, ce qui n'est pas mon fort, mais je le fais. Je n'ai pas conscience de ce qui se passe, c'est comme si cela venait de la lune. Je n'ai aucune intention derrière la tête, vous comprenez? C'est une mise à distance d'une douleur et d'une joie. Je ne trouve pas cela jouissif d'écrire. Ce le devient quand la page est écrite, quand je la lis".

vendredi 27 septembre 2013

"Les Ailes de l'espoir" (David Cockney / Pascal Comblez)

                                
IMGP0092.JPGPolicier à Hornu, Pascal Comblez (45 ans) est l'auteur du roman "Les Ailes de l'espoir", inspiré de la légende des anges de Mons durant la première guerre mondiale. Il vient de répondre aux questions du journal "La Province" :
 
"Policier et écrivain, un mélange surprenant?
- Oui, mais je n'étais prédestiné à écrire. C'est arrivé par hasard. Ce n'est pas un rêve que je nourris depuis 20 ans. Je me suis lancé pour raconter la bataille de Mons parce que cette histoire m'a intrigué et que j'avais envie de la faire connaître pour que l'on n'oublie pas ce qui s'est passé.
 
- Pourquoi vous être lancé avec cette légende des anges de Mons?
- A la base, je ne connaissais pas l'histoire de la bataille de Mons. Un jour, je suis allé au musée militaire et j'ai vu la peinture "Les Anges de Mons" de Marcel Gillis. Je suis resté subjugué par cette peinture ; elle m'interpellait. J'ai discuté avec le responsable qui m'a expliqué qu'il avait rencontré un vétéran. Et cet homme lui a raconté la légende des anges de Mons. Il y croyait tellement qu'il ne fallait surtout pas dire que c'était une légende inventée. Pour lui, l'histoire était véridique! J'ai commencé à m'interroger :
qu'est-ce qui s'est vraiment passé? Je suis rentré, je me suis mis devant mon ordinateur et j'ai écrit.
 
- Vous décrivez votre livre comme une fiction romancée?
- Oui, je pars de faits réels. Je me suis beaucoup renseigné, j'ai lu, je me suis documenté, car je voulais que mon histoire se base sur la réalité. Après, j'étoffe le roman avec de la fiction, comme une histoire d'amour par exemple. J'ai mis quatre ans à l'écrire, j'ai tout fait de A à Z.
 
- Vous avez publié ce roman sous le nom de David Cockney. D'où vient ce pseudonyme?
- Il faut savoir que je suis un vrai fan de l'Angleterre et de Londres. Dans mon livre, il y a d'ailleurs beaucoup de références à Londres. Et il y a un quartier dans la ville qui s'appelle Cockney, avec son propre argot, sa propre façon d'être. J'adore ce quartier qui m'a inspiré. Et puis pourquoi David? Je ne sais pas, çà sonnait bien.
 
- Votre livre est sorti il y a cinq ans. Pourquoi avoir gardé l'anonymat jusqu'à aujourd'hui?
- Je ne voulais pas que l'on sache que c'était moi qui l'avais écrit. Je ne l'ai pas fait pour la gloire, je voulais rester humble et discret. Je l'ai seulement dit à ma famille et quelques amis proches, je ne voulais pas être connu du grand public.
 
- Et pourquoi vous révéler au grand jour maintenant?
- Je ne sais pas, je me suis réveillé un matin et j'avais envie de le dire. Comme je suis policier à Hornu, je voulais rester discret pour ne pas que l'on me retrouve. Mais maintenant, je ressens cette envie malgré tout de dire à tout le monde que ce livre est de moi. C'est un an avant toutes les commémorations des 100 ans du conflit 1914-1918. C'est peut-être le meilleur moment?
 
- Vous allez en rester là avec juste un seul livre?
- Non, je suis en train d'en écrire un autre et j'en prévois déjà un troisième. Trois thèmes me passionnent :  l'histoire militaire, la fête de Noël et les combats. Ce sont des sujets qui m'inspirent. Et puis, je suis un passionné de cinéma. Je me suis lancé dans cette aventure en me disant que je pourrais adapter mon livre sur le grand écran. J'ai contacté l'une ou l'autre maison de production. Cela n'a rien donné pour l'instant mais je continue".
 

dimanche 15 septembre 2013

Interview de l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt


Eric-Emmanuel Schmitt Portrait

A l'occasion de la sortie de son nouveau roman "Les perroquets de la place d'Arezzo" (du nom d'une place d'Uccle en région bruxelloise), Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions de la journaliste Marie-Béatrice Valentin pour les quotidiens du groupe Sud Presse :

"Un nouveau roman, la vie de plein de gens qui vivent place d'Arezzo. Pourquoi justement cette place?
- L'idée m'est venue comme une fulgurance quand j'ai découvert la place d'Arezzo. Il y a donc longtemps déjà que je pense à ce roman. Quand on se fie à ses oreilles, là, on a l'impression d'être au milieu de la jungle, on se croirait dans les tropiques. Mais du côté des yeux, c'est une place d'une ville du nord. Cela m'a amené à une réflexion sur la sexualité. D'un côté, on a des comportements très réglés, et de l'autre, une vie sexuelle intense. C'est la difficile cohabitation entre le corps et l'esprit. Cela dit, le week-end dernier, j'étais en France et en Suisse pour des interviews et, là-bas, les gens croient que j'ai inventé cette place. Ils ne peuvent pas croire qu'un tel endroit existe ici.

- Mais est-ce qu'on fait l'amour, place d'Arezzo, non?
- Comme partout! J'ai voulu faire une encyclopédie romanesque des relations amoureuses. Le point de départ, c'est une lettre anonyme qui est un message d'amour, que reçoivent les habitants de la place. Et on va voir la réaction de chacun à ce message d'amour.

- Vous parlez de romanesque. On ne peut pas parler plutôt d'encyclopédie sexuelle?
- Si, l'idée du livre, c'est de montrer plusieurs classes sociales et plusieurs sexualités qui coexistent, y compris d'ailleurs l'absence de sexualité. J'ai bien décrit mes contemporains.

- Quand vous vous promenez, vous imaginez ce qui se passe derrière les fenêtres?
- Il n'y a rien de plus romanesque qu'une fenêtre : c'est une invitation au voyage... On veut savoir ce qui se passe à l'intérieur, et jusque dans l'alcôve. C'est un support de rêverie. Etre romancier, c'est avoir un passeport pour franchir cette frontière et rentrer dans l'intimité de ces personnes. Dans l'intimité de leur âme et de leur corps, c'est l'enjeu de ce livre.

- Vous vous êtes inspiré de personnages réels pour écrire ce livre? Il y a un écrivain comme vous, un Zachary Bidermann, très DSK...
- Il y a effectivement un écrivain et je le suis également, mais si vous me posez d'autres questions sur la ressemblance entre lui et moi, je ne répondrai pas. Et il y a bien du DSK dans Zachary Bidermann, mais aussi d'autres personnages politiques qu'on ne connaît pas parce qu'ils n'ont pas été éclaboussés par des scandales. Il y a un rapport étrange entre politique et sexualité, et je m'amuse avec ce mythe moderne qu'est devenu DSK. Le personnage de Bidermann illustre ces gens pour qui la sexualité est décompressive.

- Vous vous êtes lancé dans la bande dessinée avec "Poussin 1er". Comment cela vous est venu?
- Depuis des années, j'écrivais des petits contes avec ce poussin qui arrive dans le monde et qui pose plein de questions. Mais je trouvais toujours qu'il lui manquait quelque chose et je me suis rendu compte que c'était le dessin. J'ai rencontré les gens de Dupuis qui ont été emballés. Ils m'ont montré le travail de 40 dessinateurs. J'ai tout de suite choisi Janry (Spirou et Le Petit Spirou), et on s'est mis au travail. Moi, j'ai dû découper le texte comme une bande dessinée. C'est une écriture complètement différente ; il faut réduire à l'essentiel.

- En plus de vos romans et de la bande dessinée, vous êtes  directeur artistique du Théâtre Rive Gauche à Paris. Vous êtes très organisé pour mener tout cela de front?
- J'ai horreur de tout ce qui pourrait ressembler à de l'ordre. Mais quand j'écris un livre, je me lève tôt et, là, de 8h du matin à 9h du soir, j'écris".

dimanche 18 août 2013

"Le prisonnier des collines" (Erik Sven)

                                                                                Couverture           
Né à la côte belge en 1971, Erik Sven est traducteur et a une passion pour la vallée de la Semois. C'est là qu'il a choisi de planter le décor de son premier roman, publié par une maison d'édition wallonne.

Un matin de 2001, Jean Mélaize vient boire une tasse de café chez ses voisins Robert et Marie-Louise. Il leur fait part de son souhait de revoir la forêt, la rivière, la ferme de Gerardfontaine et la Table des Sorcières qu'il a explorées soixante ans plus tôt avec Marie-Louise. Au fil de sa promenade, le vieil homme se souvient du jeune Jean, de son histoire, de ses regrets, et de la deuxième guerre mondiale qui a changé la destinée de beaucoup de personnes. Le passé ne leur appartient plus, mais est-il trop tard pour profiter du présent?

"Le prisonnier des collines" est un roman de terroir bien écrit, qui me fait penser au style d'Armel Job, René Henoumont ou Alain Bertrand.

dimanche 28 juillet 2013

Premier roman de Yann Launois


Joue avec moi !

A l'occasion de la sortie de son roman "Joue avec moi", l'auteur belge Yann Launois (25 ans) a répondu aux questions du journal "La Province" :

"D'où tenez-vous votre inspiration?
- De mes rêves. J'adore me réveiller tous les matins et me souvenir de mes rêves. Je les écris sur une feuille. Pour moi, c'est la seule chose qui a de la valeur dans ma vie. Pour mon bouquin, je connaissais les grandes lignes de l'histoire, mais le reste était de l'improvisation.

- Comment décrire ce thriller?
- C'est une histoire compliquée. Il y a de l'intrigue, du suspense. On a envie d'aller plus loin pour savoir la suite. Mais on m'a souvent dit qu'il y avait un côté noir, obscur, certains ont même dit malsain. Mais c'est un livre qui me ressemble.

- Vous êtes quelqu'un d'obscur?
- Je suis quelqu'un de bizarre, d'atypique, j'ai mon côté noir aussi. Je suis gentil, agréable, toujours souriant, mais je ne suis pas quelqu'un d'impulsif. Je suis aussi très rationnel, terre à terre et neutre. J'ai peur de devenir un être humain un jour, car un être humain se laisse contrôler par ses émotions, il n'est pas maître. Moi, je contrôle le peu d'émotions que j'ai. Tout ce que je fais est pensé et logique. Je ne crois pas en l'amour, par exemple.

- Vous ne croyez pas en l'amour?
- Non... Pour vérifier l'amour, il faut l'avoir testé. Pendant longtemps, je n'ai jamais eu envie d'aller vers une fille ou un garçon. Je ne sais pas si je suis hétéro ou gay, vu que je n'ai jamais essayé. Mais j'ai appris il y a quelques mois que j'avais un problème physique ; çà explique certainement cette absence d'envie. Mais j'ai toujours pensé que l'humanité n'avait rien à m'apporter.

- Ce bouquin, c'est une manière de combler quelque chose?
- C'est une manière de comprendre des choses. Avec ce livre, j'ai réussi à répondre à beaucoup de questions que je me posais sur moi. Le livre m'a permis de me connaître plus en profondeur, d'aller de l'avant.

- Les gens ont aimé votre bouquin?
- Oui mais ils ont été aussi très perturbés. Je l'ai fait lire à un de mes collègues et il m'a dit en riant que j'étais un psychopathe! Bon, c'est le seul! Mais ce livre, c'est moi. Je suis quelqu'un qui est souvent seul, je ne me lie pas avec les autres, je n'y arrive pas et je n'en ai pas besoin. Ce livre est une manière d'essayer que les gens ouvrent les yeux sur le monde. Un peu comme dans la série "Experts Criminels" ou "Dexter" auquel je m'identifie beaucoup".

Vous pouvez commander le roman "Joue avec moi" en version papier (19,90 euros) ou en version ebook (4,99 euros) via ce lien :  http://7ecrit.com/joue-avec-moi-9989.html

lundi 1 juillet 2013

10ème livre de Micheline Boland

                                                         

Née en 1946, Micheline Boland est psychologue retraitée et habite Mont-sur-Marchienne dans la province du Hainaut. Outre ses talents de conteuse, elle participe à de nombreux concours littéraires et en a remporté plusieurs d'entre eux. Depuis 2004, dix livres ont été publiés aux éditions Chloé des Lys :  "Contes à travers les saisons", "Comment rendre votre quotidien plus plaisant?", "Nouvelles à travers les saisons", "Nouvelles à travers les passions", "Nouvelles entre chien et loup", "Nouvelles à fleur de peau", "Le magasin des contes", "Humeurs grises, nouvelles noires", "Des bleus au cœur", et "Le nouveau magasin de contes".

Je vous propose de (re)découvrir plusieurs interviews que m'a accordées Micheline :

- Sur la Belgique en 2009 :   http://journalpetitbelge.blogspot.be/2008/09/la-belgique-de-micheline-boland.html

- A l'occasion de la sortie de son livre "Le magasin des contes" en 2010 :  http://ecrivainsbelges.blogspot.be/2010/05/interview-de-micheline-boland.html

- Interview croisée avec son époux Louis Delville, lui aussi conteur et auteur en 2011 :
http://ecrivainsbelges.blogspot.be/2011/09/interview-croisee-de-micheline-boland.html (1ère partie)
http://ecrivainsbelges.blogspot.be/2011/09/interview-croisee-de-micheline-boland_18.html (2ème partie)

Il y a quelques mois, Micheline a reçu le Grand Prix International Charles Le Quintrec (catégorie haïku) par la Société des auteurs et poètes de la francophonie :
Photo : Je viens de recevoir Le Grand Prix International "Charles Le Quintrec" pour mon haïku : 

Retour de pêcheurs
Je respire à pleins poumons
De bons souvenirs.

Ci-dessous la couverture de son dixième livre sorti en 2013 : "Le nouveau magasin de contes". Voici quelques-unes des questions soulevées dans ce recueil où le merveilleux tient les rênes de l'imaginaire :  comment le monde a-t-il été créé? A quoi peuvent bien servir les trous dans les arbres? Les états d'âme de père Noël influencent-ils la météo? Les animaux prennent-ils des vacances? Les crapauds se transforment-ils en princes charmants? Les santons sont-ils nos alliés? St. Ambroise remplace-t-il parfois St. Nicolas?
                                                        
                                          Le nouveau magasin de contes


Vous pouvez acheter facilement ce livre à la Librairie Huwart à Mont-sur-Marchienne, à la Librairie Fafouille à Charleroi, sur le site Internet des éditions Chloé des Lys, ou directement par mail à l'auteur (http://homeusers.brutele.be/bolandecrits).                                                                      

mercredi 26 juin 2013

Interview d'Amélie Nothomb

                                                                                   

A l'occasion de sa participation au Marathon des Mots de Toulouse du 27 au 30 juin (www.lemarathondesmots.com), Amélie Nothomb a répondu aux questions du magazine "Point de Vue" :

"Vous relisez-vous à voix haute quand vous écrivez?
- Surtout pas : je ne supporte pas ma voix. A l'intérieur de ma tête, j'ai une autre voix que j'appelle ma voix intérieure dont le son est extrêmement différent du pitoyable organe que vous entendez. Dans ma tête, j'ai l'instrument que je veux. Je peux donc juger mes livres avec un instrument correct.

- Comment définiriez-vous cette voix?
- C'est une voix qui est à peu près le contraire de celle que vous entendez : elle est extrêmement grave, extrêmement mesurée. La voix dont je me sers pour vous parler est trop soprano à mon goût, trop métallique : si le compartiment couverts du lave-vaisselle pouvait parler, çà donnerait à peu près çà.

- Aimez-vous être lue?
- C'est toujours mieux d'être lue par quelqu'un d'autre, même si c'est quelqu'un dépourvu de talent. Mais il est arrivé combien de fois que des gens de grand talent me lisent et alors, j'atteins le sommet de la jouissance!

- Avez-vous déjà eu un sentiment d'étrangeté en entendant quelqu'un vous lire?
- C'est le meilleur : la bonne étrangeté. Et c'est d'ailleurs le but... Car le texte doit perdre cette horrible odeur qui est la sienne. Quand le texte ne sent plus soi, le but est atteint, c'est merveilleux.

- Est-ce que cette "odeur" a changé en 20 ans?
- Pas tellement. Finalement, il faut toujours un petit peu la même chose. Il faut un long sas de décontamination pour que mon texte cesse d'être irrespirable pour moi. L'odeur de moi est irrespirable. Quand beaucoup d'années ont passé, le texte perd l'odeur de son auteur, il devient beaucoup plus agréable.

- Parce que c'est plus universel, neutre?
- Ca n'est jamais neutre, mais il n'y a plus ce côté "Hou, çà me prend à la gorge, je ne peux plus supporter".

- Le Marathon des Mots célèbre vos 20 ans d'écriture. Ont-elles été conformes à vos attentes? Avez-vous eu des surprises?
- Je n'ai eu que des surprises, je n'avais aucune attente. C'était déjà miraculeux pour moi qu'un éditeur, à plus forte raison un grand éditeur, veuille bien de l'humble Belge que je suis. Franchement, je n'aurais jamais imaginé qu'il y aurait une suite au 1er septembre 1992, date de publication d' "Hygiène de l'assassin". Pour moi, c'était un merveilleux miracle qui allait durer deux mois.

- Combien de manuscrits avez-vous sacrifiés en 20 ans?
- "Sacrifier", çà n'est pas du tout le mot. Le premier but de l'écriture n'est pas la publication. Le but de l'écriture est très mystérieux. C'est une quête aveugle. La publication est un accident par rapport à l'acte d'écriture. Les chiffres parlent : je suis en train d'écrire mon 76ème roman. Or, j'en ai publié vingt...

- Vous n'écrivez donc que pour vous?
- Bien sûr. Accidentellement, il peut m'arriver  la re-lecture d'un manuscrit de me dire : "Tiens, celui-là, peut-être, je le montrerai". Mais au moment de l'écriture, il est impossible de penser à être lue. En tout cas, pour moi, çà me bloquerait complètement.

- Quels sont vos critères de publication?
- C'est très flou. Je vais être forcée de créer un horrible néologisme : c'est le critère de "partageabilité". Il s'agit de trouver ce qui est partageable ou non. Il faut que çà ne traite pas uniquement de mes obsessions.

- Y a-t-il des histoires que vous vous interdisez d'écrire?
- Non. Il y a des histoires que je n'ai pas envie d'écrire : tout ce qui pourrait être vulgaire, au-dessous de la ceinture...même si je n'ai rien contre le sexe, bien au contraire!

- Votre dernier livre, "Barbe Bleue", en témoigne d'ailleurs?
- C'est vrai. La façon dont se pratiquent les scènes sexuelles dans la majorité des romans modernes, ce n'est pas que cela me choque, c'est simplement que je me demande :  "quelles sont ces étranges recettes de cuisine qui, pour moi, ne correspondent à rien?". Quand le langage ne convient pas, c'est hors sujet.

- Quel programme pour les 20 prochaines années?
- Il n'y a jamais eu de programme. L'absence de programme restera certainement la même.

- Vous êtes quand même d'une régularité impressionnante?
- Cette régularité donne l'impression d'une visée à très long terme, mais elle n'a qu'un seul but : me permettre de survivre jusqu'au lendemain. Chaque matin, je me réveille dans un tel état de crise que si je m'astreins à une telle discipline, c'est vraiment pour survivre à très court terme".

dimanche 23 juin 2013

Actualité de Carine-Laure Desguin

                               Résultat d’images pour photo Carine-Laure Desguin             

La lecture de "Vieillir sans toi" de Michel Cyprien en 2007 redonne l'envie d'écrire à Carine-Laure Desguin, une infirmière à domicile de la région de Charleroi née en 1963 ("L'écriture, c'est chez moi comme des vents qui déboulent et qui soufflent tellement fort que rien ne leur résiste" , a-t-elle un jour répondu en interview). Elle écrit "Rue Baraka", un roman qui raconte la rencontre entre Tarek, déconnecté de la vie et des autres ayant un regard désabusé sur tout, un vieux peintre au regard enfantin et sa compagne Clara. Le manuscrit est accepté par les éditions Chloé des Lys. Afin de se faire connaître, Carine-Laure crée son blog en 2009 :   http://carinelauredesguin.over-blog.com . Son premier roman sort l'année suivante.

En juin 2010, elle accepte de répondre à mes questions :   http://carinelauredesguin.over-blog.com/article-un-amoureux-des-auteurs-belges-de-la-belgique-et-51672960.html . Et la presse régionale parle, elle aussi, de son travail.                                            
                                                                       
Trois ans après l'interview qu'elle m'avait accordée, Carine-Laure poursuit son parcours littéraire. En 2012, les éditions Chloé des Lys ont sorti son deuxième roman, intitulé "Les enfants du Grand Jardin". Dans ce grand jardin, des enfants venus de partout apprennent à vivre. Guidés par deux fées au sourire divin, ils s'initient à la langue que tout le monde comprend, celle qui parfume toute la planète. Emportées par cette histoire surréaliste, les deux fées gagneront-elles leur audacieux pari?

Carine-Laure participe à de nombreux concours qui lui ont offert plusieurs récompenses :  3ème prix du concours de poésie des Mutualités Socialistes de Charleroi pour son poème "L'arrivée", 2ème prix du concours de textes érotiques du cercle littéraire montois Clair de Luth pour son texte "Sans jamais rien se dire", 1er prix du concours de poésie moderne de Prom-Auteur pour son poème "Les éclectiques libertés", 3ème prix du concours de la Maison de la Francité à Bruxelles pour son texte "Plus tard, Goran sera...".  A l'étranger, elle fait partie des 30 auteurs choisis (parmi 700 textes reçus) par les chemins de fer suisses pour un ouvrage collectif ayant le train comme thème et distribué gratuitement dans les gares suisses, et elle a reçu le 1er prix du concours international de poésie "L'encre bleue" à Cavalaire-sur-Mer.        
                                         
Il y a quelques semaines, elle vient d'être admise au sein de l'Association des Artistes de Thudinie.

Parmi ses nombreux projets culturels, citons la préparation de l'adaptation théâtrale de "Rue Baraka" et la sortie de "Spirales urbaines" (éditions Chloé des Lys), un recueil d'une soixantaine de poésies.  Bref, on n'a pas fini d'entendre parler de Carine-Laure Desguin...                             

samedi 15 juin 2013

Prix littéraires 2013 de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Prix triennal de prose en langue régionale endogène (2500 euros) :
Il récompense, tous les trois ans (en alternance avec le prix triennal de poésie et le prix triennal d'écriture dramatique en langue régionale endogène), un texte en prose rédigé dans l'une des langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le prix est attribué sur proposition d'un jury composé de cinq membres du Conseil des langues régionales endogènes. Le lauréat 2013 est le recueil "Doze fèmes" de Joël Thiry, né en 1957. Auteur de nouvelles, de bd et de livres culinaires en langue wallonne, il est aussi professeur de français et administrateur-délégué du Musée de la Parole en Ardenne.

Prix du rayonnement des Lettres Belges (4000 euros) :
Décerné pour la première fois en 1998, il récompense une personne de nationalité étrangère qui, dans son pays, a œuvré à la promotion de la littérature de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le lauréat 2013 est Arnaud Rykner pour l'ensemble de son travail. De nationalité française, professeur de la Sorbonne Nouvelle, il a consacré de nombreux travaux à l'œuvre de Maurice Maeterlinck, notre Prix Nobel de littérature.

Prix triennal du roman (8000 euros) :
Il récompense, tous les trois ans (en alternance avec le Prix triennal de poésie et le Prix triennal de théâtre), un auteur pour un roman publié. Le lauréat 2013 est "La vérité sur Marie" de l'écrivain et cinéaste belge Jean-Philippe Toussaint. Né à Bruxelles en 1957, on lui doit notamment "La télévision" (Prix Rossel 1997), "Faire l'amour", "Fuir" (Prix Médicis 2005), "La vérité sur Marie", "L'urgence et la patience", etc.

Prix Paroles Urbaines (1500 euros chacun) :
Depuis 2011, ils récompensent les écritures urbaines dans les catégories Slam, Spoken Word (texte scandé avec musique) et Ecriture Rap. Le prix Slam a été remis à Joy. De son vrai nom Gioia Frolli, elle est étudiante en langues et littératures romanes, slameuse active sur les scènes depuis un an. Le prix Spoken Word a été décerné au poète et dessinateur Carl Roosens, dont l'écriture est un mélange entre poésie scandée, électronique, hip-hop et fanfare décalée. Le prix Ecriture Rap a été remporté par Tonino, né Antonin El Hadj, membre du collectif hip-hop Trafiquants d'Arts. Ses thèmes de prédilection : la nuit et ses possibles, la musique comme métaphore de la liberté.

samedi 1 juin 2013

"Lovebirds : récits de mal d'amour" (Edmée De Xhavée)

 Née à Verviers en 1948, Edmée De Xhavée a grandi en écoutant les récits des vies de ses grands-parents et grands-oncles qui ont vécu en Argentine, en Uruguay et en Australie. Après avoir effectué une partie de ses études à Verviers, elle s'oriente vers les arts décoratifs à Bruxelles. A son tour, elle a vécu plusieurs années dans le sud de la France, en Italie et dans le New Jersey, avant de revenir s'installer en Belgique. Après le lancement de son blog http://edmeedexhavee.wordpress.com , les Editions Chloé des Lys publient ses romans "Les Romanichels" (paru en 2009) et "De l'autre côté de la rivière, Sibylla" (paru en 2011), qui racontent des histoires de famille et montrent comment la jeune génération s'est affranchie des conventions de l'hypocrisie qui régnaient dans certaines couches sociales afin de mener leur vie comme elle l'entend.

Edmée De Xhavée nous propose cette fois un recueil de huit nouvelles préfacé par le journaliste et écrivain Luc Beyer de Ryke :   "L'auteur, me semble-t-il, ressent profondément le tragique de l'existence. Mais, à l'encontre de la sentence shakespearienne selon laquelle le monde, ce théâtre où chacun joue un rôle, serait une succession pleines de bruit et de fureur et qui ne signifient rien, Edmée De Xhavée laisse transparaître, au bout du jeu, l'idée d'une rémission. Dans plusieurs des nouvelles qu'elle nous propose, ses personnages, en raison des circonstances et après bien des péripéties, se sauvent par une sorte de rachat. L'épilogue réconcilie avec la vie".

Ces huit nouvelles sont bien écrites et nous parlent d'amours, des non-dits, des secrets de famille. Les personnages sont Mr et Mme Toutlemonde et leurs histoires pourraient arriver à chacun d'entre nous. On "retrouve" ici et là certaines de nos connaissances. Dans son écriture, Edmée De Xhavée fait preuve d'originalité :  proposition de plusieurs scénarios dans "Un dimanche en famille" ; temps remonté et points de vue alternés des différents personnages dans "L'amour d'une mère". Bien sûr, les nouvelles qu'on apprécie ont un côté frustrant car elles finissent trop vite.

Voici les 4 nouvelles que j'ai beaucoup apprécié :  "La joie de Chérie", "Un amour d'amnésie", "Carte numéro 13 La Mort" et "L'amour d'une mère". Les quatre autres nouvelles m'ont moins attiré mais tout cela est subjectif et varie d'une personne à l'autre. Bonne continuation à Edmée De Xhavée!

Par ailleurs, le prix de ce livre (28,40 euros) est excessif.

P.S. Cliquez ci-dessous sur "De Xhavée Edmée" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur.                                                                                                                         

dimanche 19 mai 2013

10ème Festival International et Marché de Poésie à Namur

Pour la 10ème année, la Maison de la Poésie à Namur (www.mplf.be) organise un Festival International et un Marché de Poésie du 19 au 23 juin 2013. De nombreuses rencontres/lectures ont lieu dans différents endroits de la ville (la bibliothèque communale, la Maison de la Culture, les librairies Point Virgule et Papyrus, p.ex.). Le vendredi, une croisière/excursion littéraire a lieu le long de la Meuse de Namur à Charleville-Mézières, où se trouvent la maison natale et la tombe d'Arthur Rimbaud.

Le Marché de Poésie se tiendra samedi et dimanche à la rue Fumal (parmi les éditeurs représentés :  L'Arbre à Paroles, Le Coudrier, Francophonie Vivante, Chloé des Lys, Maelström, Bleu d'Encre, Traversées, Couleur Livres, Esperluète, Le Taillis Pré, Tétras Lyre, etc.).

Parmi les poètes belges francophones invités, citons l'un des plus jeunes : Eric Piette. Né à Charleroi en 1983, il est licencié en philosophie morale et agrégé de l'Université Libre de Bruxelles. Il vit de métiers aléatoires, de voyages et d'écriture. De 2008 à 2012, il a été vice-président de l'Association des Amis d'André Dhôtel. Son premier livre, "Voz", publié aux éditions Taillis Pré, a obtenu le Prix Gros Sel du Public 2012 et le Prix Nicole Houssa 2012 de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. En 2013, avec Daniel Simon, Eric Piette a repris le co-pilotage de la revue "Les Feuillets de corde".

Dimanche de 16h à 17h, le numéro "Le Pot Belge" (consacré à la poésie belge francophone et néerlandophone) de la revue Deus Ex Machina sera présenté avec des lectures par les poètes néerlandophones Benno Barnard, Johan De Boose, Lies Van Gasse et Michaël Vandebril. Plus d'infos sur ces quatre auteurs :

- Benno Barnard :  né en 1954 aux Pays-Bas, Benno Barnard est poète, essayiste, écrivain de théâtre et traducteur. Fils du poète Guillaume van der Graft, il vit depuis 1976 en Belgique. Il a reçu divers prix littéraires d'envergure et est un invité régulier des festivals internationaux de poésie.

- Johan de Boose :   né en 1962 à Gand, Johan de Boose a obtenu un doctorat en philologie slave avec une étude sur le dramaturge Tadeusz Kantor. Il a d'abord travaillé une dizaine d'années dans le monde du théâtre, ensuite en tant que programmateur littéraire à la radio flamande. Ses publications sont imprégnées de ses longs séjours en Russie et en Pologne.

- Lies Van Gasse :  Lies Van Gasse est née en 1983 à Sint-Niklaas en Flandre orientale. Elle a fait des études de graphisme/illustration à l'Académie Sint-Lucas à Anvers. Ensuite, elle s'est spécialisée dans la peinture à l'Academia di Brera à Milan, où elle a reçu le titre de Maître en Arts Plastiques. Depuis 2005, elle a fait des expositions, tout en écrivant de la poésie. Avec son deuxième recueil "Sylvia" paru en 2010, elle invente le poème graphique.

- Michaël Vandebril :  né en 1972, Michaël Vandebril vit et travaille à Anvers où il est responsable depuis 2003 de la politique communale des Lettres. Grâce à son action, Anvers a été nommée Ville Mondiale du Livre en 2004 par l'Unesco. Il programme les Donderdagen van de Poëzie (Jeudis de la Poésie), ainsi que le Festival International de Poésie Felix Poetry. En 2011, il a constitué l'anthologie de la 5ème Nuit de la Poésie, dont il était le responsable. Depuis 2011, il fait également partie de la rédaction de la revue "Deux Ex Machina".

Enfin, le 10ème Festival International et Marché de Poésie se clôturera le dimanche à 20h par un spectacle poético-musical intitulé "Canopée".

mardi 30 avril 2013

"Bouillon, la Semois" (Jean-Marc Buchet et Maurice Pirotte)

                                                         
                                                 Couverture
Ce très bel album-photos nous emmène le long de la vallée de la Semois, une rivière du sud-est de la Belgique qui traverse la cité historique et touristique de Bouillon. Le photographe Jean-Marc Buchet a choisi comme point de départ un poème sur la Semois de l'écrivain bouillonnais Maurice Pirotte. Chaque strophe de son poème est illustrée d'une photo de Jean-Marc Buchet.

Voici ce poème sur la Semois :

     "Pour parler de la Semois, j'ai besoin de longs bras...
     rêve mystère qui convienne à la candeur d'un tailleur d'images.
     Belle comme pour un premier bal et joie vers moi-même,
     elle passe à chair ardente, maîtresse...
     De quoi s'acoquiner aux orgueilleux soleils!
     Si les touristes, attardés à ses charmes, la déshabillent du regard,
     c'est qu'elle a quelque chose d'indéfinissable, d'irrésistible
     comme flux et reflux de désirs inouïs.
     La Semois, une belle histoire d'amour entre le ciel et la terre
     avec des compagnons qui font flamber le regard.
     Le château du père des croisés,
     les maisons ajustées au terrain inégal
     et le vieux savoir des forêts tout autour!
     Et donnent le rêve, figures nombreuses au silence.
     Grande fille sérieuse,
     un peu mondaine dans la traversée de Bouillon, notre Semois.
     Mais suivons-la dans les rutilances de son vagabondage.
     Elle saute un barrage, s'écorche les genoux au schiste noir
     et disparaît dans un poème envahi du déhanchement des chênes.
     Nous retrouvons cette coureuse de prairies et de terre remuée
     dans la prodigalité du silence et des ombres au lieu-dit La Grotte.
     Là, c'est l'instant de Dieu, elle ralentit son cours
     pour nous dire qu'elle se sent bien dans la prière.
     Puis, elle repart, salue au passage
     les campeurs, bûcherons, pêcheurs, les cisterciennes de Cordemois.
     Elle saute de roche en roche avant de retrouver
     les joncs et les saules inséparables de sa bohème.
     Et nous voyons cette grande fille un peu dingue
     saoulée d'un vin clair descendu des collines
     traverser les prés du Moulin de l'Epine.
     Un décor de western
     où il ne manque que les cow-boys et le saloon de la chevauchée fantastique
     et puis reprend le jeu des amours exaltantes
     sous l'escorte virile de rochers en surplomb.
     Plus loin vers Corbion,
     notre Semois s'enfonce dans le génie affectueux de la nature.
     C'est là qu'elle mettra à nu les racines traçantes des sapins
     qui pour elle jouent à la pagode d'opérette.
     Ajoutez donc à cet amour trafiqué de ciel
     l'énergie sauvage de collines aux reins immenses
     et les forêts où les filles dans les bras des garçons
     se sentent presque femmes...

     Et vous aurez alors un poème qui n'en finira de s'inventer
     au pas lentement cadencé de la vie, de l'espace et du temps".

mardi 23 avril 2013

Alain Berenboom et les éditeurs

Voici ce qu'a confié l'écrivain belge Alain Berenboom à la revue "Le Carnet et les Instants" qui l'interrogeait sur ses relations avec les maisons d'édition.

Editions du Cri et Ramsay :   "Quand je termine "La position du missionnaire roux", je l'adresse d'abord à un éditeur français qui, horrifié, me le refuse trouvant qu'il est d'un racisme épouvantable. C'était mal parti et j'avais du mal à imaginer que les gens puissent prendre au premier degré ce que j'avais écrit. C'était sans doute une attitude très française. Dans la foulée, j'en parle à une amie qui travaille comme libraire chez Tropismes, Manuela Federico, qui me propose de faire lire le manuscrit à Christian Lutz, des éditions du Cri. Celui-ci m'a rapidement téléphoné en proposant de le publier. Mon aventure a ainsi commencé par un malentendu étonnant, dû sans doute au côté pied-de-nez impertinent et moqueur de ma démarche, relativement absent à l'époque dans la littérature française. Celle-ci a malheureusement toujours été très étiquetée. Si on a l'étiquette "littérature", on doit écrire de la littérature ; si on a l'étiquette "polar", on doit publier du polar, etc. Il n'est pas question de passer de l'un à l'autre. La littérature humoristique, quant à elle, n'existait pas. En Belgique, on est plus ouvert au transgenre, à la possibilité de passer d'un genre à l'autre, de jouer sur la dérision qui est notre fond de commerce. Sorti en décembre 1989, le roman a très bien marché et il a intéressé, ce qui est le comble, une éditrice française, Régine Deforges des éditions Ramsay. En 1990, le roman reçoit aussi une très bonne presse en France, dont un article dans "L'Express" qui saluait la présence d'un roman ironique et humoristique dans la rentrée française, en précisant immédiatement qu'il était l'oeuvre d'un Belge, bien évidemment!                       

Pour mon roman "La table de riz", Le Cri et Ramsay ont pris un accord entre eux, étant entendu que le livre sortait sous couverture Le Cri en Belgique et sous couverture Ramsay en France, avec une illustration différente. Pour l'édition belge, j'avais suggéré à Christian Lutz une photo tirée d'un vieux film chinois des années 30, en lien avec une partie de l'histoire. Ramsay la trouvait désuète, pas assez accrocheuse et ils ont réalisé une couverture qu'ils estimaient plus moderne, en couleurs. Ramsay ayant ensuite déposé son bilan, je me suis retrouvé sans éditeur en France, mais j'avais gardé un très bon contact avec Christian Lutz. Comme il avait pris le risque de publier mon premier roman et assuré sa sortie, j'ai continué à lui faire confiance. Je lui ai naturellement apporté mon manuscrit suivant, "Le pique-nique des Hollandaises". Il y avait une cohérence à poursuivre la collaboration avec Christian, même si manquait le pan français via la coédition". 

Editions Verticales :   "J'avais été très content du travail de Christian Lutz et des contacts noués avec Ramsay. Mais comme tous les éditeurs belges, Christian Lutz était confronté à des problèmes d'existence en France, de diffusion et de distribution, mais aussi de promotion auprès des critiques ou des libraires français pour lesquels les auteurs belges restent une curiosité exotique, mis à part quelques exceptions qui sont vite francisés comme François Weyergans ou Dominique Rolin. Nos auteurs ont beaucoup de mal à exister avec leur univers personnel sur le territoire français. Et comme les éditeurs belges n'ont pas l'importance économique de certaines maisons françaises, nous souffrons d'un double handicap. J'ai eu envie d'essayer une maison d'édition française pour voir ce que cela allait donner, si je pouvais faire mon trou en France. Verticales a édité mon livre "La Jérusalem captive" en 1997. Il a bien marché et se trouve toujours à son catalogue". 

Editions Flammarion :   "Une collaboratrice de Flammarion me demande si je serais intéressé d'écrire un livre sur la Belgique. A l'époque, notre pays commençait à intéresser les Français suite aux remous politiques liés à l'ascension irrésistible du Vlaams Blok. La question de l'éclatement de la Belgique était déjà dans l'air. Je me suis mis à travailler à ce livre, et, très vite, me suis rendu compte que si j'aime écrire des chroniques politiques comme je m'y attèle dans "Le Soir" depuis des années, écrire des essais ne me correspond pas. J'ai donc proposé à l'éditeur de transformer l'essai en fiction, pour raconter l'histoire de l'intérieur et de manière décalée. Malheureusement, l'éditeur n'embraie pas à cette idée d'un roman. Heureusement pour moi, la directrice générale de Flammarion, était à l'époque une femme d'origine belge. Danielle Nees, sortie de Solvay, passée par Hachette puis Flammarion. Elle se montre intéressée par mon projet et me propose d'essayer sans me promettre de publication. C'était la première fois que je revenais à un sujet belge, bien que je le trouvais aussi exotique que l'Afrique ou la Chine car la Flandre était devenue tout aussi exotique".

Editions Pascuito :    "Par hasard, je croise un éditeur français qui, depuis 2004, tenait une petite maison d'édition qui marchait assez bien :  Bernard Pascuito, un éditeur fou comme moi de littérature et de cinéma américains, surtout des années 50 et 60. Nous avons vite sympathisé à partir de nos goûts communs. Je lui parle de mon roman de nostalgie sur le cinéma américain des années 50, qui tourne notamment autour de la filmographie de James Stewart. Vingt-quatre heures après que je lui ai passé le manuscrit de "Le goût amer de l'Amérique", il le prenait. Selon un rebondissement devenu une tarte à la crème dans ma vie éditoriale, Bernard Pascuito tombe à son tour en faillite. Je me retrouve à nouveau sans éditeur. Si je suis passé d'éditeur en éditeur, ce n'est pas parce que je suis un capricieux qui n'est jamais content. Au contraire, je suis un homme fidèle qui cherche une relation stable. Avec Bernard Pascuito, j'avais une vraie connivence".

Editions Genèse :   "Danielle Nees a pris le risque financier de ressortir deux précédents volumes, inaccessibles depuis la faillite des éditions Pascuito. Pour elle, le projet n'avait de sens que si on le concevait dans un ensemble. Cela m'a donné l'occasion de retoucher mes textes, car je ne suis jamais satisfait de ce que j'écris. Des lecteurs m'avaient apporté des précisions, en relevant des anachronismes par exemple. Jean-Baptiste Baronian, grand écrivain mais aussi lecteur extraordinairement attentif et magnifiquement maniaque, m'a fait une longue liste d'éléments impossibles en 1947. J'ai corrigé scrupuleusement mes erreurs en fonction de ses observations, notamment pour "Périls en ce royaume". L'éditrice est aussi intervenue sur le plan littéraire, par exemple lorsqu'il y avait une chute de rythme. Elle voulait que ce soit un manuscrit dont elle soit fière et pas une simple réédition. D'une certaine façon, on court toujours derrière de grands éditeurs dans de grandes maisons et je me rends compte que le travail que j'ai réalisé avec de petits éditeurs a parfois été plus intéressant littérairement que d'être perdu dans une enseigne prestigieuse où on s'occupe surtout des auteurs à succès. On a affaire à des gens qui soignent chaque livre parce qu'ils ne sont pas obligés financièrement de sortir quarante livres par mois. Ils travaillent véritablement avec l'auteur qu'ils ont choisi de publier, quitte à ce que cela prenne quatre mois de plus. Peu importe pour eux, car ils ne cherchent pas à être en compétition pour le Goncourt et sortir en septembre ou en novembre a peu d'importance pour eux".

Prochain livre d'Alain Berenboom à la rentrée :  "Le fils préféré du magicien" (éditions Genèse)

mardi 16 avril 2013

Le Jardin des Poètes au Mont-Saint-Aubert

Dans le cimetière situé au sommet du Mont-Saint-Aubert (près de Tournai), un Jardin des Poètes a été dessiné en arc de cercle par l'architecte tournaisien Léopold Henno et inauguré en 1971. Trois membres de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique y reposent :  Géo Libbrecht (1891-1976), créateur de ce jardin, Roger Bodart (1910-1973) et Louis Dubrau (1904-1997).

On y trouve également les tombes des trois fondateurs du groupe Unimuse (contraction d'Univers-Muse ; plus d'infos : www.unimuse.be) qui regroupe des poètes du Hainaut occidental :  René-Lucien Geeraert, Maurice Gerin et Gilbert Delahaye. Ce dernier est également l'auteur des "Martine", célèbres albums pour enfants. Madeleine Malfaire-Gevers, Robert Léonard et Rachel Poulart de Guide reposent également au Jardin des Poètes.

Robert-Lucien Geeraert a consacré un de ses poèmes au Jardin des Poètes :

     "Au-dessus des vivants
     Dans leur vallée de pierre,
     Notre mont vigilant
     Te reçoit en sa terre,

     Ce limon où s'oublient
     Au travail de ma mort
     Les durs jeux de la vie
     Où s'est cassé le corps,

     Te reçoit pour jamais
     Au coeur des quatre vents,
     Dans ce jardin bruissant
     Des chants de la pensée".

Il existe d'autres évocations littéraires au Mont-Saint-Aubert. Le Sentier des Poètes, emprunté par de nombreux promeneurs, est jalonné d'une cinquantaine de pierres bleues gravées, dont une perpétue le souvenir de Georges Rodenbach (1855-1898), né à Tournai et célèbre pour son roman "Bruges-la-Morte". En 2006, la Ville de Tournai a également rebaptisé deux rues du Mont-Saint-Aubert du nom des écrivains René-Lucien Geeraert et Géo Libbrecht. Un poème de ce dernier illustre le pignon d'une maison.
                             
                                                         
   

Dans son livre "La liberté de l'amour", Colette Nys-Mazure fait part de son souhait d'être enterrée avec son époux au Jardin des Poètes :  "Nous avons souhaité être enterrés là en bon voisinage, face au vaste paysage : c'est un lieu de promenade agréable pour notre famille. J'aime penser que je serai là en attendant la résurrection des corps. Nous rions parfois d'imaginer notre dernière montée en corbillard, nous qui habitions, enfants, au pied du Mont-Saint-Aubert et l'avons si souvent escaladé!".                        

mardi 9 avril 2013

Colette Nys-Mazure vue par Michel Voiturier

                                                                     

Extrait de "Sur les traces des écrivains en Hainaut occidental" de Michel Voiturier (éditions La Renaissance du Livre, 2001) :

"Ce qui frappe lorsque l'oeil se pose pour la première fois sur les pages des recueils poétiques de Colette Nys-Mazure (1939), c'est la disposition typographique des vers où les mots sont répartis à travers la surface du papier avec des blancs formant une sorte de respiration visuelle en lieu et place de toute ponctuation. Les poèmes sont mis en espace. Le regard a une importance quasi égale à celle de l'oreille pour la musicalité des textes.

"D'Amour et de cendre" est un recueil, illustré par Ingrid Dubois, qui montre l'écrivaine en train de s'interroger sur ce qui constitue à la fois son outil et son matériau : le langage. Elle cherche manifestement à partager son plaisir de communiquer, sa jubilation de faire exister par le seul fait de nommer, sa libération d'associer le lecteur à ses doutes autant qu'à ses enthousiasmes.

Avec "Pénétrance",  l'obsession de la mort, voire l'angoisse qu'elle génère, devient un thème majeur. Une sorte d'inexorable itinéraire vers le néant et le silence naît des souvenirs, de la solitude vécue au quotidien, des illusions évaporées, de la difficulté des échanges humains. Le procédé utilisé, qui reviendra ensuite fréquemment, est d'interpeller à la deuxième personne du singulier un interlocuteur qui est tout à la fois et alternativement :  elle-même, chacune des autres femmes miroirs de sa condition, le compagnon avec qui on met en viager ses tourments et ses joies. S'y trouve également une allusion à un moment de son existence passé dans le nord.

La région ne tient qu'une place restreinte dans la production de Colette Nys-Mazure. Elle est certes présente entre les lignes. Elle s'affirme çà ou là avec plus d'évidence. Plusieurs pages de "Petite fugue pour funambules" font état du Hainaut occidental. La première appartient à cette présence du fleuve qui demeure un élément nourricier chez la majorité des écrivains ayant la chance d'habiter une cité traversée par un cours d'eau.

Couronné par le prix Max-Pol Fouchet, "Le for intérieur", préfacé par Daniel Gélin, poursuit la quête du quotidien entreprise par la poète tournaisienne depuis ses débuts. S'y conjuguent comme à l'accoutumée les thématiques de l'enfance, de la femme également mère et amante, de la solitude inhérente à la condition humaine à la fois hantée par la présence de la collectivité et un désir chronique de communion avec la nature.

Apparaît alors dans l'écriture, déjà interrogée en tant que processus dans de précédents recueils, la réponse aux affres de l'éphémère. Comme n'importe quelle forme de création ou d'enfantement, écrire permet la survie, la durée car c'est un acte tourné vers autrui. Il permet de "transfigurer l'ordinaire en lui rendant sa présence unique". La parole est lumière. L'action assumée amène à la plénitude en réconciliant avec le temps au-delà des stéréotypes figeant les êtres en des rôles aliénants.

En filigrane, la maladie, le trépas mais aussi les formidables stimulants culturels que sont la lecture et l'écriture. Petits chagrins ou drames écorcheurs, minuscules bonheurs surpris dans leur instantanéité ou exultation sensuelle, érosion des êtres comme des objets ou vivacité d'une mémoire clairvoyante : tout atteste d'un appétit de vie dans lequel l'amour tient sa place de révélateur chaleureux.

Cette poésie, en prose ou en vers libres, est avant tout une mise en mots de l'action. Colette Nys-Mazure structure ses textes autour de verbes accumulés. Entre le présent de l'indicatif d'un vécu atemporel et le conditionnel des possibles, en passant par l'infinitif des constats inventoriés sous-tendus par des injonctions à passer à l'acte, chaque poème dit le besoin d'aller de l'avant, de refuser la passivité, de dépasser le fatalisme, de se méfier de l'égoïste repli sur soi.

La vie est là. Celle des paradoxes inconciliables sinon d'avoir été vécus. Celle des désastres et des fêtes. Celle des interdits étouffoirs et des envies reconnues. Celle des gênes paralysantes et des élans nourriciers. Celle de la fragilité qui écorche chaque être, lui inflige des blessures dont certaines seulement se cicatrisent.

Ce livre-ci marque une sorte de tournant. Désormais Colette Nys-Mazure se consacrera davantage à dessiner des portraits, sortes de photographies de personnes ou de lieux, élaborés à traits choisis. Bien entendu, le général mieux que jamais passe par le particulier ; à travers des perceptions personnelles, la poète étend sa vision au plus large. Pour preuve cette miniature situé au beau milieu du musée des Beaux-Arts de Tournai, conçu par l'architecte Victor Horta.

Avec l'acuité que la poésie confère à l'écriture, voici "Trois suites sans gravité", des figures au féminin. Une diversité attentive à autrui, proche parfois de l'autoportrait de celle qui s'efforce d' "écrire en geste d'humain dressé contre la menace".

L'écartèlement de la femme entre famille et métier, asservissement journalier et désir d'expression se traduit par une tension incessante entre ombre et lumière, isolement et solidarité. Le temps fugitif, rongeur, s'accompagne d'une obsession de l'aube, aspiration à une révélation capable d'éclairer doutes, insomnies, maladresses.

La pratique de ce qu'on pourrait définir comme des instantanés de l'intérieur, alignés dans "Issue des lisières" ainsi que ceux insérés en guise d'intermèdes entre chacune des nouvelles de "Battements d'elles" a trouvé son expression la plus accomplie dans "Haute Enfance" et dans "Singulières et plurielles". D'une part se trouvent les perceptions de la tendre jeunesse, ses désirs, ses échecs, ses angoisses, ses doutes, sa découverte du poids des êtres et des objets. Les situations se succèdent, de la joie au chagrin, au dépit, à la confiance, à la provocation car l'enfant, à l'instar du poète, voudrait écrire "non pour se payer des mots mais pour enchanter ce monde qui l'ensorcelait".  D'autre part l'écriture se distancie ; elle photographie actes et décors, puis soudain, grâce à quelque détail, par l'insertion d'un adjectif qualificatif, bascule du côté de l'émotion ressentie.

Le style use en général de quatre repères pronominaux : le "on" collectif, le "elle" de l'observation externe, le "tu" voire le "vous" de l'échange intime avec soi ou les proches, le "je" de l'identification. Les métaphores verbales abondent. Les épithètes insolites suscitent l'image, la sensation. Selon une fréquence relative, l'infinitif, un peu comme chez Geeraert, trace les repères d'un temps incertain, d'un impératif déguisé, d'une action à concrétiser. C'est probablement ces éléments linguistiques, renforcés par la volonté d'user de phrases elliptiques, qui mettent cette poésie en connexion avec les préoccupations de chacune et de chacun.

Un livre fait suite à "Haute Enfance", c'est "Enfance portative". Il est destiné aux écoliers de la fin du primaire et du début du secondaire. L'écriture en est hétéroclite, en quelque sorte patchwork. Elle s'attache à réviser le poncif des années heureuses du début de la vie. Elle constate qu' "il fait très seul au pays des hommes". Elle inventorie les tendresses des mamies, les petites révoltes contre le conformisme scolaire et les routines adultes, le plaisir de mettre le corps à l'épreuve des possibles.

La rencontre d'un poète et d'un plasticien provoque souvent un échange artistique intéressant : c'est le cas entre Colette Nys-Mazure et Alain Winance à l'occasion de "Palettes". Au départ des peintures de ce dernier, elle s'est abandonnée à des paraphrases en prose.

Ainsi, aux abords de gravures inédites dépliables de Winance dont le trait cerne l'essentiel, les objets dialoguent-ils avec les états d'âme. Besoin de réconfort en septembre, refuge dans la patience et le rêve en décembre, allégresse retrouvée en mars, vertige de "se diluer dans l'air sans air" en juillet : une suite de méditations pour être mieux sensible, une fois de plus, aux impalpables perceptions de l'ordinaire".

Michel Voiturier, "Sur les traces des écrivains en Hainaut occidental", éditions La Renaissance du Livre, 2001.

P.S. En cliquant ci-dessous sur "Nys-Mazure Colette", vous retrouverez mes autres articles sur cet écrivain belge.

mardi 2 avril 2013

Françoise Lison-Leroy vue par Michel Voiturier

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Voici ce qu'écrit Michel Voiturier au sujet de Françoise Lison-Leroy (www.lison-leroy.be) dans son livre "Sur les traces des écrivains en Hainaut occidental" (Editions La Renaissance du Livre, 2001) :

"A sa façon, Françoise Lison-Leroy (1951) s'est nourrie de racines régionales semblables à celles de Paul André, sauf qu'elles se situent davantage dans le Pays des Collines, à Wodecq, du côté d'Ellezelles et de Flobecq. Pas plus que son voisin de Blandain, elle ne se cantonne à l'étroitesse d'un terroir considéré comme horizon unique.

Son écriture, intimement reliée à l'enfance et à ses rêves assassinés par la crudité du réel mais également à la sensualité amoureuse, fait recours fréquent à l'ellipse. Elle associe souvent le concret et l'abstrait. Elle use volontiers du substantif épithète. Rarement un poème tente de tout dire ; au contraire, c'est dans le suspens d'une phrase, dans l'allusif plus que le descriptif que se crée l'atmosphère d'un langage qui, tout en ayant le sens de la formule, se prête mal à une interprétation définitive. Chez elle, dirait-on, les mots font des ricochets sur la phrase et les ronds qu'ils laissent atteignent le lecteur là où sa sensibilité est la plus réceptive. Cette comparaison s'impose car mer, fleuve, ruisseau sont récurrents en tant qu'évocateurs d'espaces, sources de vie et symboles à la fois de durée et de mouvance. Ces composantes, dès le premier recueil, "La mie de terre est bonne", s'affirment.

La transparence en poésie est d'abord illusion : le cristal ne lutte pas contre la lumière. Néanmoins, à le regarder de près, il donne à voir l'insolite de ses réfractions, l'irisé de ses métamorphoses, les parcelles de sa matière. Les premiers textes de Lison sont "chanson musette au timbre de poème" qui désire "trouver passants à niveau d'être" afin de mieux nous réapprendre qu'  "il y a des jardins à planter dans chaque zone de présence".

"L'Apprivoise" poursuit la quête de lucidité face au monde, parie sur la réalité charnelle et spirituelle de l'amour, sur l'amitié susceptible d'apprivoiser les humains. L'ensemble établit une étroite correspondance avec tout ce que l'environnement local donne en nourriture aux sens, à la souvenance enfouie au creux de la mémoire, à l'appartenance au présent.

En dépit des apparences, Françoise Lison-Leroy n'a rien d'une nostalgique. Le passé n'est pas là pour être regretté. Il appartient à l'individu qu'il a permis de construire, qui en dépasse les étapes afin de plus sereinement affronter un avenir qu'il se doit de bâtir. La parution de "Elle, d'urgence" est significative à cet égard. De la sorte aboutissent à se confondre, à se fusionner êtres et territoire.

Ce qui apparaît au long de ce livre, c'est que le vital sourd à travers le langage utilisé par quelqu'un qui, depuis toujours, "avait su la salive des mots. Tout lentement comme on sait un chocolat". Ceux-ci dévoilent jusqu'à l'occulté. Failles, brisures, morsures sont révélées. Les tabous sont traqués, au point qu'un poème a l'audace de prendre pour sujet la menstruation. L'orgueil humain est assumé en tant que témoignage d'avidité ou d'aptitude à exister. La mort, elle, n'est pas omise, qui justifie l'urgence, l'enfantement, la création.

Cette conception de l'existence se cristallise davantage avec "Pays géomètre", prix Max-Pol Fouchet. Le moi et le toi façonnent le nous. Et c'est une trinité en communion avec le décor, un décor aux présences d'acteur, tout autant témoin que participant à l'évolution de la personne, du couple.

Le travail littéraire de Françoise Lison-Leroy se poursuit sans faille, en totale cohérence puisque le nouveau titre parle de "Terre en douce". La tendresse s'y décline au présent. La majorité des phrases produisent de la dentelle avec un point de faufilage dans la mesure où elle se contente de la simplicité d'aligner sujet-verbe-complément en dépassant rarement huit mots. La musique est dominée par la sonorité lumineuse du i.

L'examen du lexique montre à satiété que l'idée de cheminement, de mouvement, d'errance s'impose. Route et navigation en sont les annexes. L'ici mène à l'ailleurs ; le maintenant emporte vers l'avenir. Les étapes de la vie servent à percevoir l'urgence de migrer, en affrontant l'existence afin d'en tirer "leçon de glaise".

Intégrée à la réalité sociale, Françoise Lison-Leroy a voulu mettre sa poésie au service des grands enfants. Elle a rassemblé dans "Dites trente-deux" des thèmes liés à l'actualité, des thèmes porteurs de conscience citoyenne. La misère interpelle quand "les journaux affichent / gris et blanc / l'alphabet de la faim". Les catastrophes réclament compassion, comme en Arménie où "un enfant dort sous huit mètres de remblai, du sable contre les dents. Une mère lui tient la hanche". La guerre embrigade de force, au Cambodge par exemple. En dehors de ces drames, le journalier tient son rang : courses au supermarché, invasion de la publicité, émoi des premiers rendez-vous, désobéissances irrépressibles complètent un tableau perspicace de la société.

Toujours à destination des préadolescents, "Marie-Gasparine" abandonne le langage clarifié au profit d'une densité poétique. Il évoque une des sorcières familières au pays des collines. Celle qu'on craint, qui conserve les secrets, incarne les frayeurs, débarque dans les rêves, donne voix aux brises.

Resterait à envisager sous l'angle de l'amitié qui lie Françoise Lison-Leroy à Colette Nys-Mazure, les recueils à deux voix qu'elles ont cosignés :  "On les dirait complices", "La Nuit résolue", "Lettres d'appel", "L'Eau des fêtes" (où figure aussi François Emmanuel), etc. La forme y étant à l'envi consanguine, il est délicat de distinguer la part de l'une et celle de l'autre. Au lecteur attentif de repérer ce que l'osmose n'a pas rendu trop commun. Chose certaine, l'horizon familier, même non nommé, constitue la nourriture des moindrres lignes de ses notations poétiques.

C'est encore dans un recueil à quatre mains avec Colette Nys-Mazure, "Champs mêlés", que se trouvent des poèmes sur des tableaux exposés au musée des Beaux-Arts de Tournai. Son intégration dans sa ville d'adoption, elle la marque de plus en plus fréquemment. Par exemple à travers des chansons, mises en musique et chantées par son autre complice qu'est Myriam Mélotte, comme celle-ci, dédiée à Charles Prayez après une visite à son atelier de peintre".

Extrait de "Sur les traces des écrivains en Hainaut occidental" de Michel Voiturier (éditions La Renaissance du Livre, 2001).

Voici l'article que j'avais écrit l'an dernier sur son roman "Flore et Florence", co-écrit avec Colette Nys-Mazure :   http://ecrivainsbelges.blogspot.be/2012/04/flore-et-florence-colette-nys-mazure-et.html

samedi 9 mars 2013

Nouveau roman d'Armel Job


couverture  "Le bon coupable", le nouveau roman d'Armel Job, se passe dans un petit village entre Liège et les Ardennes en 1960. C'est dimanche, tout est calme, les femmes sont à la messe, les hommes sur les bords de la rivière, qui pêchent à la mouche. A la demande de sa maman, Clara remonte en courant la rue du Calvaire pour aller chercher son père dont l'atelier est situé de l'autre côté de la rue. Le conducteur, procureur du Roi, ne voit pas la gamine qu'il renverse avant de prendre la fuite. Morte. Quelques instants plus tard, un autre véhicule emprunte la rue du Calvaire. A son bord, un homme ivre qui, trois kilomètres plus loin, va finir sa course dans la rivière. Un coupable tout trouvé...   A l'occasion de la sortie de son nouveau roman, l'écrivain belge Armel Job a répondu aux questions du journal "La Dernière Heure" :

"Vous avez réussi à faire douter le lecteur jusqu'au dernier moment?
- Spontanément, je pense que le lecteur a envie que la justice soit établie, que la vérité éclate et que le bien l'emporte. Mais je pense qu'un happy end dans cette histoire tragique, çà ferait un très mauvais roman. Banal, apaisant. Alors que, pour moi, un livre doit interpeller le lecteur. Je suis très content quand on me dit qu'on n'est pas d'accord! Ca oblige à continuer de se poser des questions... Mais moi, le lecteur, si j'étais dans la situation de cet homme-là, qu'est-ce que j'aurais fait?

- La sous-question est : comment vivre avec çà sur la conscience?
- Le problème se pose d'une manière générale dans le roman. La question centrale est celle de la culpabilité et ce que l'on va faire de ce sentiment. Va-t-on s'appuyer sur ce sentiment pour combattre le mal qui est à notre portée ou est-ce qu'on va, une fois de plus, comme on le fait si souvent dans la vie, user de systèmes dilatoires et continuer à vivre avec des compromis?

- A des degrés divers et pour des raisons diverses, tous les personnages portent une certaine culpabilité : les parents, le frère, le procureur, sa maîtresse?
- Je crois que c'est le reflet de la vie. Qui peut dire qu'il traverse l'existence, tel un chevalier blanc, sans jamais contribuer au mal? Justement, dans un roman, c'est de montrer comment les gens sont véritablement.

- Cette histoire se déroule en 1960. Ca n'aurait pas pu se produire aujourd'hui?
- L'événement lui-même pourrait se passer aujourd'hui... Ce qui est intéressant dans ce procédé littéraire, c'est qu'on met les choses à distance. Les protagonistes sont morts, on sait que l'histoire est terminée et je peux l'examiner comme peut le faire le lecteur. On lui donne le panorama complet de ce qui s'est passé, avec les sentiments des gens et des protagonistes de l'affaire.

- La base de cette histoire, c'est un fait divers dont vous vous êtes souvenu, ou bien c'est purement un travail de romancier?
- Il n'y a pas de sujet totalement fictif... Je voulais écrire un sujet sur un délit de fuite, parce que c'est une situation intéressante pour un romancier : pourquoi une personne qui a commis un délit ne l'assume pas? Comment çà se fait? Et il se fait que quand j'étais enfant, une petite fille de ma famille a été écrasée et je me souviens de çà avec beaucoup d'émotion...

- A la fin de votre livre, vous remerciez un magistrat pour ses conseils sur la justice. En revanche, personne n'a pu vous dire ce qu'était le chagrin d'une mère qui perd son enfant. Et pourtant, c'est d'une justesse...
- Pour la justice elle-même, je voulais simplement savoir ce qui se passait pour ce genre d'événement : un juge d'instruction était-il nommé ou non? Je ne voulais pas commettre d'erreur. Mais ce qui se passe dans la tête du procureur du Roi, c'est moi qui l'imagine. Idem pour ce qui se passe dans la tête de la maman quand elle range la chambre de son enfant. C'est un mystère, même pour moi : je ne sais pas où je vais chercher ces émotions, si ce n'est que tous les êtres humains sont les mêmes. C'est sûr que ce n'est pas le genre de livre qu'on écrit dans un café au milieu du bruit. C'est plutôt après des heures de réflexion... Qu'est-ce que cette femme a pensé? Quand est-elle entrée dans la chambre de son enfant disparu? Qu'y a-t-elle vu? On essaie de l'imaginer... Si on fait ce travail de retour sur nous-même, on est tous capable de ressentir ce que les autres ressentent. Et c'est heureux parce que c'est ce qui fonde la commune humanité".

Cliquez ci-dessous sur "Job Armel" pour retrouver mes autres articles sur cet écrivain belge.

samedi 2 mars 2013

43ème Foire du Livre de Bruxelles

La 43ème Foire du Livre de Bruxelles se tiendra du 7 au 11 mars 2013 sur le site de Tour&Taxis. Quelques chiffres :  17.500 m2, 925 auteurs, 1.030 éditeurs, 225 événements et 70.000 visiteurs l'an dernier. Il serait exhaustif de citer ici toutes les animations et séances de dédicaces (pour plus d'infos : www.flb.be), mais voici quelques écrivains belges dont je vous ai déjà parlé et qui seront présents à la Foire du Livre de Bruxelles :   Franck Andriat, Alain Berenboom, Francis Dannemark, Caroline De Mulder, Xavier Deutsch, François Emmanuel, Vincent Engel, Jacques Goyens, Armel Job, Stéphane Lambert, Amélie Nothomb, Colette Nys-Mazure, Dimitri Verhulst, David Van Reybrouck, etc. Bonne foire du livre à tous!

mercredi 20 février 2013

Nouveau roman de Dimitri Verhulst

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Dimitri Verhulst (40 ans) fait partie de ces acteurs culturels belges qui jettent des ponts au-dessus de la frontière linguistique. Cela fait neuf ans que l'écrivain a quitté Gand pour s'installer à Huccorgne, près de Wanze. Il est co-présentateur avec Hadja Lahbib de l'émission culturelle bilingue "Vlaams kaai" sur Arte Belgique. Et il poursuit sa carrière littéraire tant au nord qu'au sud du pays.

Son nouveau roman en français s'appelle "L'entrée du Christ à Bruxelles". Il imagine qu'une dépêche annonce que le Christ viendra sur Terre, et à Bruxelles le jour de la fête nationale le 21 juillet. Cette simple annonce bouleverse la vie des habitants, perturbe les autorités, rameute les curieux. Une fable souvent très drôle qui est aussi un regard sans concession sur notre société.

A l'occasion de la sortie de "L'entrée du Christ à Bruxelles", Dimitri Verhulst a répondu aux questions du journalite Guy Duplat :

"L'entrée du Christ à Bruxelles est une référence au tableau de James Ensor même si vous ne parlez pas du peintre?
- C'est un peu un retour à la littérature. James Ensor avait lu la nouvelle de Balzac, "Jésus-Christ en Flandre". Je remets cette idée à nouveau dans la littérature. On a vu, ces dernières années, d'autres parodies d'Ensor, comme l'entrée de Mahomet à Kuala Lumpur. C'est chaque fois la même idée : quel est l'impact de la venue de quelqu'un qui, si on y croit, symbolise le bien?

- Sa venue permet de réaliser l'utopie d'un monde meilleur?
- Je montre en effet que les gens seraient alors prêts à se battre pour un monde plus juste, simplement à cause de l'arrivée du Christ, parfois parce qu'on a peur de ce qu'il pourrait nous dire. Mais pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose sans cela? Mon combat, mon idéal, ce n'est pas d'attendre un dieu, qui d'ailleurs ne viendra pas, mais de réaliser déjà ce monde meilleur, aujourd'hui. Pourquoi faudrait-il un retour des religions, avec leurs diktats et leurs "conseils" pour qu'on se préoccupe enfin des autres? Je n'aurais jamais cru qu'en 2013, des siècles après les Lumières, on ait encore besoin de l'arrivée d'un dieu sur terre pour se préoccuper du bien des hommes. Mais il est vrai qu'aujourd'hui, l'égoïsme domine et que trop de gens, quand ils croisent un SDF à la Gare Centrale, se disent qu'ils s'en foutent car de toute manière, c'est de sa faute.

- Vous adoptez le ton de la farce, tout le monde y passe et en prend pour son grade. Vous n'êtes pas un peu misanthrope?
- C'est mon rapport à Ensor qui avait ce même ton avec son monde de 1880. C'est un plaisir de faire cela, comme lors d'un carnaval. Mais la misanthropie, non. C'était le thème d'un roman (non traduit), "Journées de merde sur une boule de merde", mais pas ici où je parle plutôt de la petitesse des gens, j'évoque aussi l'univers des villes avec Bruxelles mais cela pourrait être Paris ou Eindhoven, ces villes où règne un égoïsme quand chacun se replie sur son chez soi, bien chauffé, n'ayant plus comme vie sociale que Facebook. C'est mon droit de mettre ce monde en question où les gens ont perdu l'habitude de se dire bonjour. Je le vois chaque jour. A Wanze, tout le monde se salue, mais déjà à Huy, c'est fini et personne n'aide quelqu'un en lui ouvrant une porte. Au grand magasin, quand une caisse supplémentaire s'ouvre, tout le monde se précipite pour dépasser son voisin.

- Votre héros (est-ce vous?) dit : "Je suis ce fou inoffensif qui rêve doucement d'un monde sans nationalités, sans drapeaux, un monde sans passeports comme c'était encore le cas avant la première guerre mondiale".
- Stefan Zweig était par hasard à Ostende chez James Ensor quand a éclaté la guerre. C'est alors qu'on a instauré le passeport et il n'a pas pu rentrer chez lui. Sur mon passeport, on indique que je suis né à Alost, mais cela ne dit rien de mon caractère, de mon esprit. C'est curieux ces questions : on me qualifie de Flamand quand je vis en Wallonie, comme on qualifie de Turcs des immigrés venus de Turquie et habitant chez nous, parfois depuis leur naissance. Pour moi, il n'y a pas de frontières, pas de différence entre un habitant d'Eeklo, de Rochefort ou du Kosovo. Certes, je connais la convention de Genève qui réserve l'accueil aux réfugiés politiques, mais pourquoi la pauvreté qui les chasse ne serait pas une bonne raison? L'économie ne serait-elle pas politique aussi comme on le voit avec Mittal? Quelle différence de souffrances y a-t-il entre quelqu'un qui meurt d'une balle dans la tête pour ses convictions et celui qui meurt de faim? Qu'est-ce qui nous permet de dire qu'une souffrance est à 100% et une autre à 40%? Personne ne fait le choix de naître où il est né. Si j'avais eu le choix, je n'aurais pas choisi un père alcoolique.

- Pourquoi avoir quitté Gand il y a neuf ans?
- C'est bizarre qu'on me demande toujours çà. Pourquoi un Belge ne peut-il pas vivre en Belgique? Demande-t-on à un Belge pourquoi il a choisi de vivre en Provence? En fait, je connaissais bien la Wallonie dès mon enfance ; j'ai escaladé tous les rochers de la région. Et à Gand, je voyais monter, comme ailleurs en Flandre, l'extrême-droite. Mais j'ai bien vu qu'en Wallonie aussi, il y a une certaine xénophobie qui augmente. Entendre des Wallons parler parfois des Arabes ou des homosexuels, me fait peur. Disons que je continue mon combat humaniste, cette fois depuis la Wallonie.

- Que représente la Belgique?
- Impossible à la définir. Mais il y a quelque chose. J'ai travaillé avec le photographe de Magnum, Harry Gruyaert, pour un livre de photos sur la Belgique. Dans toutes, même des détails, on sentait qu'on était en Belgique même si on ne pouvait dire pourquoi. J'ai écrit ce livre sur l'entrée du Christ en pleine crise gouvernementale interminable. Une telle crise en Afrique aurait mené à la guerre civile. Pas chez nous, où règne un goût de la tranquilité, où on a continué à payer nos impôts. Nous avons réussi à construire une société qui peut fonctionner même sans ses directeurs et gardiens.

- Bart De Wever?
- Pourquoi toujours parler de lui? Mais il n'est pas tabou, il est le produit de son temps, la victime de petits esprits. Son discours n'est pas le mien quand il parle de territoires comme si on était encore au Moyen Age. Mais sans doute, ces gens qui ont accepté de manger du McDo toute leur vie, ont-ils maintenant peur de cette mondialisation qu'ils acceptaient? Je préfère dire que je suis fier d'être belge quand je vois que l'on vient de l'étranger chez nous grâce à nos lois généreuses sur l'avortement et l'euthanasie. Nous avons eu de vrais débats et de vrais lois pour répondre à la souffrance des gens.

- La merditude des choses : c'était votre histoire?
- Je voulais lever un tabou, parler de l'alcoolisme qu'on cache trop souvent, de ces enfants de 10 ans qu'on retrouve endormis à une heure du matin sur le billard du café car la loi précise seulement qu'ils doivent être accompagnés d'un adulte, sans dire dans quel état est cet adulte. Cela n'a toujours pas changé d'ailleurs. Mon prochain livre sort en mai et parlera d'un homme de 70 ans qui n'a plus de plaisir dans la vie et dans son couple et choisit de simuler la maladie d'Alzheimer pour être séparé de sa femme, dans un home, à voir ce que les gens disent de lui. On parle peu de la solitude et de la tristesse des gens âgés".