Il y a quelques mois, je vous avais retracé le parcours littéraire de Colette Nys-Mazure à partir de mes lectures : http://ecrivainsbelges.blogspot.be/2012/09/colette-nys-mazure-une-grande-dame-de.html
Dans le dernier numéro de la revue "Le Carnet et les Instants" (que vous pouvez recevoir sur simple demande au Service des Lettres de la Communauté française), elle revient sur ses rapports avec le monde de l'édition (plus de 60 livres depuis 1975 publiés par plus de 20 éditeurs).
Editions Froissart : "Mes premiers textes édités, ce fut un véritable cadeau de Robert-Lucien Geeraert, le président d'Unimuse, maison d'édition et association tournaisienne de poètes. Il avait terminé une année en boni et décidé de publier les premiers textes de plusieurs jeunes poètes de l'association, dont Marc Quaghebeur, Michel Voiturier et moi. "Six jeunes poètes" sort en 1975. Comme nous étions plusieurs, on a eu des critiques. Un récital a été organisé. Cela m'a encouragée à envoyer un manuscrit au prix Froissart : "La vie à foison"".
Editions Rougerie : "René Rougerie a beaucoup compté pour moi. C'est un pur des purs qui ne publie que de la poésie, de père en fils. Dans le temps, le père allait vendre ses recueils aux libraires à vélo. Il ne les laissait jamais en dépôt! Un libraire qui achète cinq recueils va automatiquement les mettre en valeur pour ne pas les garder".
Editions Le Dé Bleu : "Quand j'ai obtenu le prix Max-Pol Fouchet pour "Le for intérieur", il y avait un accord pour que le manuscrit soit publié dans cette maison d'édition. C'est ainsi que j'ai rencontré Louis Dubost qui a aussi édité "Seuils de Loire", un ensemble poétique issu de la résidence de poète 2002 à Rochefort-sur-Loire dont il a été l'éditeur de nombreuses années. Et ce Bourguignon installé en Vendée est devenu un ami".
Editions Desclée De Brouwer : "Marc Leboucher, l'éditeur de Desclée De Brouwer, que j'avais connu du temps où il était journaliste au magazine "Panorama", m'a invitée à déjeuner à Paris. Il me donnait carte blanche pour publier ce que je voulais chez eux. Spontanément, je lui ai répondu que j'avais envie de dire du bien du quotidien. J'en avais marre que les gens crachent dans la soupe, disent toujours du mal de la vie. J'ai découvert ce qu'était un éditeur qui avait des moyens. Il m'a envoyé dans les salons du livre, dans les librairies. Un éditeur aussi avec lequel j'ai retravaillé le manuscrit de "Célébration du quotidien" tout un après-midi pour supprimer certains chapitres et en alléger d'autres".
Editions Bayard : "En général, l'auteur pressent qu'il y a des parties plus faibles et quand l'éditeur les pointe du doigt, il a la confirmation de ce qu'il avait pressenti. Chez Bayard, j'ai rencontré aussi une excellente éditrice, Claude Plettner, auteure elle-même, avec laquelle j'ai publié "L'enfant neuf". Sur ses conseils, j'ai supprimé la troisième partie de ce texte et créé une passerelle entre les deux premières parties".
Editions Albin Michel : "Un jour, Eliane Gondinet-Wallstein, une des éditrices d'Albin Michel, historienne de l'art, m'a téléphoné pour m'annoncer qu'ils lançaient une nouvelle collection de beaux livres à petits prix, avec des reproductions de tableaux, et qu'ils avaient pensé à moi pour le premier titre. Jean Mouttapa est venu chez moi, à Froyennes, pour me demander que le texte de "Célébration de la mère" soit moins elliptique, après m'avoir expliqué quel était le public ciblé. J'ai trouvé qu'il avait raison et j'ai accepté ses propositions de transformation. Il s'agissait surtout de créer des liens entre les phrases. C'est un éditeur avec qui on travaille le texte. On n'écrit pas seulement pour soi, on écrit aussi dans la relation. Chez Albin Michel, ils t'envoient dans plusieurs librairies en France, tu es suivie par une attachée de presse, ils paient les déplacements, etc. C'est beaucoup plus rare avec des éditeurs belges qui ont moins de moyens, même s'ils s'efforcent de t'apporter un réel soutien. Après "Célébration de la mère" et "Tu n'es pas seul" (un recueil de nouvelles), je leur ai dit aussi mon envie de publier sur la poésie et j'ai écrit "La chair du poème", un essai qui explique comment la poésie s'imbrique dans la vie quotidienne, sur les situations de détresse, de plaisir".
Editions Renaissance du Livre : "Michel De Paepe, directeur de La Renaissance du Livre, voulait rééditer toute ma poésie. J'étais sidérée : il y avait 750 pages! Il m'a quand même demandé de supprimer un poème sur trois pour "Feux dans la nuit". Ensuite, il m'a demandé à quoi je travaillais : je lui ai soumis les nouvelles de "Sans y toucher" qu'il a publiées. A nouveau, il a voulu savoir ce que je préparais : je lui ai montré des reproductions de tableaux commentés par mes textes, c'est devenu "Célébration de la lecture". Tout çà en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Puis il a fait faillite...".
Editions Esperluète : "Pour "Enfance portative", l'éditrice Anne Leloup m'a proposé l'illustratrice Anne-Catherine Van Santen, à qui elle a envoyé mes textes. Quand Françoise Lison et moi avons écrit "Je n'ai jamais dit à personne", je connaissais une jeune illustratrice catalane qui kotait avec une de mes filles et qui avait déjà remporté deux prix dans sa région. Pour "Encore un quart d'heure", Anne Leloup nous a proposé une jeune femme qui sortait de l'école des arts décoratifs avec la mention +++. Tantôt, c'est l'illustrateur qui intervient sur les textes, tantôt c'est l'inverse, tantôt c'est dans les deux sens, comme pour "Palettes" avec Alain Winance. Chaque livre a son histoire, y compris chez un même éditeur".
Editions Invenit : "L'éditeur suggère, épaule, organise des manifestations. Quand "Le reniement de Saint-Pierre" est sorti à Douai, Dominique Tourte a organisé dans le musée de La Chartreuse une lecture avec deux musiciens, l'un au clavecin, l'autre à la flûte, devant le tableau, suivi d'un vin d'honneur dans le cloître. Cela fait partie du travail d'un éditeur, mais il faut que l'auteur porte aussi son livre, aille vers le lecteur".
Editions Weyrich : "Je travaille actuellement avec un groupe en alphabétisation dans le cadre d'un partenariat entre les éditions Weyrich et l'association Lire et Ecrire. Il s'agit d'écrire un roman, pour leur collection "Traversée", lisible par des gens qui ne maîtrisent pas bien le français. Je retravaille mon manuscrit en fonction des remarques de ce public. C'est de nouveau une belle aventure éditoriale".
dimanche 30 décembre 2012
vendredi 21 décembre 2012
Nouveau livre d'Eric-Emmanuel Schmitt
A l'occasion de la sortie de son nouveau livre "Les deux messieurs de Bruxelles" (éditions Albin Michel), l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions du "Soir Magazine" :
"Vous menez tant de projets que l'on se demande quand vous avez le temps d'écrire?
- J'ai la chance d'être un jardinier qui récolte ses histoires. Elles poussent toutes seules, se ramifient, trouvent leurs sources dans ma vie et celles des autres, se nourrissent et quand elles sont mûres, je les cueille. Je n'ai pas l'impression de travailler. Ecrire,c 'est seulement trouver le temps de m'asseoir. Je m'assieds alors, j'écris l'histoire (je peux être lent à la composition mais pas laborieux) et puis je repars vers autre chose.
- A l'arrière de votre livre, dans le "journal d'écriture", vous expliquez comment sont nées les nouvelles et présentez la personne ou la situation qui les a inspirées. Les gens simples semblent vous inspirer davantage que les célébrités?
- Parce que je me sens comme cela. Mes grands-mères que j'adorais ont quitté l'école à 14 ans pour travailler. Ces femmes intelligentes n'ont pas eu droit aux études pour des problèmes d'argent. Moi, j'ai eu la chance de faire des études, de fréquenter le milieu intellectuel et puis, après ma réussite, de rencontrer des présidents de la République, des rois, des ministres, des grands artistes, mais cela ne change rien. C'est le coeur humain et la complexité des êtres qui me passionnent. Je ne hiérarchise pas. J'utilise, je recycle tout. Dans ce livre, des anonymes m'ont inspiré, mais Mozart est aussi présent dans ce livre. Dans mon roman précédent, "La femme au miroir", je me suis inspiré de la vie des actrices rencontrées pour certains personnages féminins. J'ai aussi fait un livre sur Hitler et sur Jésus. J'ai des fréquentations diverses.
- Quelles différences feriez-vous entre les hommes et les femmes qui restent de simples anonymes et ceux qui deviennent célèbres?
- Ceux qui réussissent sont habités par une passion dévorante qui peut vampiriser une partie de leur vie intime alors que les gens ordinaires ne sont pas habités par cette passion. Bien sûr, il faut aussi avoir de la chance, sinon la frustration surgit. Dans ce livre, je parle de la frustration et de la façon dont on peut la compenser. Dans la nouvelle "Les deux messieurs de Bruxelles", Jean et Laurent compensent leurs frustrations par un mariage imaginaire et une paternité symbolique.
- Cette première nouvelle qui ouvre le livre parle d'homosexualité. Le sujet, toujours tabou, est délicat à traiter?
- C'est délicat surtout par rapport à la façon dont les autres vont le prendre et particulièrement le monde gay. Dès qu'on a un personnage homosexuel, le monde gay pense que l'auteur représente tous les homosexuels à travers un personnage. Il y a là une démarche identitaire, difficile à dégoupiller. J'étais conscient de cela en écrivant et je n'ai pas eu de problème.
- Vous écrivez : "Quoi qu'ils formassent un couple d'hommes, cette anormalité leur rendait paradoxalement la vie facile puisque deux êtres de sexe identique se déchiffrent mieux que deux êtres de sexe opposé".
- Il me semble plus facile pour un homme de comprendre un autre homme. Au niveau de l'appréhension sexuelle du monde, l'autre est le même dans un couple homosexuel. L'homme sait ce qu'est la pulsion et qu'elle ne l'engage pas plus qu'une pulsion. J'ai ce sentiment que dans un couple homosexuel, suivre sa pulsion puis revenir au couple se vit sans hypocrisie alors que dans un couple hétérosexuel, quand cela arrive, soit le couple se transforme en couple d'échangistes, soit il vit dans la tromperie, l'hypocrisie.
- Dans cette première nouvelle, Geneviève reste auprès de son mari volage par pitié.
- Geneviève a aimé cet homme et sacrifie son bonheur à sa morale. Son amour n'a plus que la forme de la compassion. C'est terrible parce que c'est le renoncement au bonheur et en même temps beau parce que moralement, c'est très haut. Je suis partagé... Ma mère a vécu cela : elle a renoncé au bonheur pour s'occuper de mon père. Cette problématique est intime. Tout le monde ne choisit pas le bonheur.
- Les personnages de votre première nouvelle souffrent de ne pas avoir d'enfant. Vous n'en avez pas. Est-ce une souffrance?
- Oui et non. J'en souffre car avoir des enfants est une sublime expérience. Et je n'en souffre pas parce que toute ma vie, j'ai été l'oncle, le parrain, le beau-père d'enfants qui ne sont pas les miens mais qui sont importants dans ma vie. Hors sanguinité, je peux exercer ce rôle.
- Ce recueil est très personnel. On vous retrouve à travers ces cinq histoires?
- Je m'en rends compte. Même dans la nouvelle "Le chien" qui touche profondément, je suis à la fois le chien et le docteur Heymann. Je suis le chien avec cette façon d'aller vers les autres en mettant 20/20 dès le départ et je suis en même temps le docteur, l'homme déçu par l'humanité et qui a du mal à être humaniste et à y croire.
- Etre romancier, écrivez-vous, c'est avoir la passion des êtres humains?
- Oui mais le romancier n'est pas toujours content de ce qu'il découvre. Regardez le XXème siècle : c'est le siècle des inventions extraordinaires mais aussi celui de la Shoah et des deux guerres mondiales. Clairement, l'homme est le pire et le meilleur. Ce n'est pas parce que l'on veut aimer les hommes qu'on ne doit pas voir le pire. Au contraire, il faut s'approcher du pire".
Cliquez ci-dessous sur "Schmitt Eric-Emmanuel" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur.
"Vous menez tant de projets que l'on se demande quand vous avez le temps d'écrire?
- J'ai la chance d'être un jardinier qui récolte ses histoires. Elles poussent toutes seules, se ramifient, trouvent leurs sources dans ma vie et celles des autres, se nourrissent et quand elles sont mûres, je les cueille. Je n'ai pas l'impression de travailler. Ecrire,c 'est seulement trouver le temps de m'asseoir. Je m'assieds alors, j'écris l'histoire (je peux être lent à la composition mais pas laborieux) et puis je repars vers autre chose.
- A l'arrière de votre livre, dans le "journal d'écriture", vous expliquez comment sont nées les nouvelles et présentez la personne ou la situation qui les a inspirées. Les gens simples semblent vous inspirer davantage que les célébrités?
- Parce que je me sens comme cela. Mes grands-mères que j'adorais ont quitté l'école à 14 ans pour travailler. Ces femmes intelligentes n'ont pas eu droit aux études pour des problèmes d'argent. Moi, j'ai eu la chance de faire des études, de fréquenter le milieu intellectuel et puis, après ma réussite, de rencontrer des présidents de la République, des rois, des ministres, des grands artistes, mais cela ne change rien. C'est le coeur humain et la complexité des êtres qui me passionnent. Je ne hiérarchise pas. J'utilise, je recycle tout. Dans ce livre, des anonymes m'ont inspiré, mais Mozart est aussi présent dans ce livre. Dans mon roman précédent, "La femme au miroir", je me suis inspiré de la vie des actrices rencontrées pour certains personnages féminins. J'ai aussi fait un livre sur Hitler et sur Jésus. J'ai des fréquentations diverses.
- Quelles différences feriez-vous entre les hommes et les femmes qui restent de simples anonymes et ceux qui deviennent célèbres?
- Ceux qui réussissent sont habités par une passion dévorante qui peut vampiriser une partie de leur vie intime alors que les gens ordinaires ne sont pas habités par cette passion. Bien sûr, il faut aussi avoir de la chance, sinon la frustration surgit. Dans ce livre, je parle de la frustration et de la façon dont on peut la compenser. Dans la nouvelle "Les deux messieurs de Bruxelles", Jean et Laurent compensent leurs frustrations par un mariage imaginaire et une paternité symbolique.
- Cette première nouvelle qui ouvre le livre parle d'homosexualité. Le sujet, toujours tabou, est délicat à traiter?
- C'est délicat surtout par rapport à la façon dont les autres vont le prendre et particulièrement le monde gay. Dès qu'on a un personnage homosexuel, le monde gay pense que l'auteur représente tous les homosexuels à travers un personnage. Il y a là une démarche identitaire, difficile à dégoupiller. J'étais conscient de cela en écrivant et je n'ai pas eu de problème.
- Vous écrivez : "Quoi qu'ils formassent un couple d'hommes, cette anormalité leur rendait paradoxalement la vie facile puisque deux êtres de sexe identique se déchiffrent mieux que deux êtres de sexe opposé".
- Il me semble plus facile pour un homme de comprendre un autre homme. Au niveau de l'appréhension sexuelle du monde, l'autre est le même dans un couple homosexuel. L'homme sait ce qu'est la pulsion et qu'elle ne l'engage pas plus qu'une pulsion. J'ai ce sentiment que dans un couple homosexuel, suivre sa pulsion puis revenir au couple se vit sans hypocrisie alors que dans un couple hétérosexuel, quand cela arrive, soit le couple se transforme en couple d'échangistes, soit il vit dans la tromperie, l'hypocrisie.
- Dans cette première nouvelle, Geneviève reste auprès de son mari volage par pitié.
- Geneviève a aimé cet homme et sacrifie son bonheur à sa morale. Son amour n'a plus que la forme de la compassion. C'est terrible parce que c'est le renoncement au bonheur et en même temps beau parce que moralement, c'est très haut. Je suis partagé... Ma mère a vécu cela : elle a renoncé au bonheur pour s'occuper de mon père. Cette problématique est intime. Tout le monde ne choisit pas le bonheur.
- Les personnages de votre première nouvelle souffrent de ne pas avoir d'enfant. Vous n'en avez pas. Est-ce une souffrance?
- Oui et non. J'en souffre car avoir des enfants est une sublime expérience. Et je n'en souffre pas parce que toute ma vie, j'ai été l'oncle, le parrain, le beau-père d'enfants qui ne sont pas les miens mais qui sont importants dans ma vie. Hors sanguinité, je peux exercer ce rôle.
- Ce recueil est très personnel. On vous retrouve à travers ces cinq histoires?
- Je m'en rends compte. Même dans la nouvelle "Le chien" qui touche profondément, je suis à la fois le chien et le docteur Heymann. Je suis le chien avec cette façon d'aller vers les autres en mettant 20/20 dès le départ et je suis en même temps le docteur, l'homme déçu par l'humanité et qui a du mal à être humaniste et à y croire.
- Etre romancier, écrivez-vous, c'est avoir la passion des êtres humains?
- Oui mais le romancier n'est pas toujours content de ce qu'il découvre. Regardez le XXème siècle : c'est le siècle des inventions extraordinaires mais aussi celui de la Shoah et des deux guerres mondiales. Clairement, l'homme est le pire et le meilleur. Ce n'est pas parce que l'on veut aimer les hommes qu'on ne doit pas voir le pire. Au contraire, il faut s'approcher du pire".
Cliquez ci-dessous sur "Schmitt Eric-Emmanuel" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur.
mardi 11 décembre 2012
Agenda littéraire belge
19 décembre 2012 à 18h : à l'Association des Ecrivains Belges (www.ecrivainsbelges.be), présentation de l'anthologie "Suivez mon regard! Coup d'oeil littéraire sur la Wallonie et son patrimoine" par Armel Job et Christian Libens. Cet ouvrage réunit les contributions de 40 écrivains et de 40 illustrateurs qui ont imaginé chacun un récit inspiré d'un lieu ou bâtiment de Wallonie.
Du 9 au 11 janvier 2013 : pièce de théâtre/documentaire "Missie/Mission" de David Van Reybrouck au Théâtre Royal de Namur (www.theatredenamur.be). Pendant six semaines, David Van Reybrouck a sillonné le Congo et interviewé des jésuites, des pères blancs, des oblats, des capucins, des franciscains. De cette collecte est née une pièce de théâtre/documentaire sur les missionnaires belges et sur leur engagement religieux et artistique.
15 janvier 2013 à 19h : au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris (www.cwb.fr), lecture par la comédienne Isabelle Nanty de "Césarine de nuit" d'Antoine Wouters (éditions Cheyne), suivie d'une rencontre avec l'auteur.
16 janvier 2013 à 18h : rencontre avec trois auteurs à l'Association des Ecrivains Belges (www.ecrivainsbelges.be) : Renaud Denuit pour son recueil "Histoires de la détermination", Daniel Simon pour "Ne trouves-tu pas que le temps change?" et Joseph Bodson pour son recueil de poèmes, "Conjurations de la mélancolie".
22 janvier 2013 de 12h40 à 13h30 : dans le cadre des Midis de la Poésie (www.midisdelapoesie.be), lecture par Philippe Vauchel de "Le succès parisien de Camille Lemonnier". Pour conquérir Paris et assurer sa subsistance, Camille Lemonnier fait feu de tout bois : journalisme, critique d'art, contes régionalistes et romans, dont "Un mâle", deuxième best-seller français de l'année 1881.
22 janvier 2013 à 18h : soirée au palais des Académies (www.arllfb.be) en l'honneur de l'auteur belge Henry Bauchau qui aurait fêté ses 100 ans ce jour-là.
24 janvier 2013 à 20h : à la Maison Internationale de la Poésie (www.mipah.be), soirée "Résistance et Liberté" à l'occasion du centenaire de la naissance d'Arthur Haulot ; rencontre et podium poétique autour de ce thème.
Du 7 au 11 mars 2013 : Foire du Livre de Bruxelles.
Expositions actuellement en cours :
Jusqu'au 13 janvier 2013 : exposition "Claire Lejeune : une voix pourpre" à la Salle Saint-Georges sur la grand-place de Mons. L'exposition rend hommage à Claire Lejeune (1926-2008) qui a toujours exercé son activité intellectuelle et créatrice à Mons : poète, essayiste, dramaturge, photographe, féministe engagée, directrice des revues "Cahiers internationaux de symbolisme" et "Réseaux", etc. Ce foisonnement d'activités est démontré à travers des manuscrits, de la correspondance, des photos, des extraits d'oeuvres, des entretiens filmés, ainsi qu'un catalogue publié par la Renaissance du Livre.
Jusqu'au 27 janvier 2013 : exposition "Les Lettres du désir" à la Bibliothèque Wittockiana (www.wittockiana.org), élaborée à partir des collections des Archives et Musée de la Littérature. La tendresse conjugale liant les époux Verhaeren, Wouters et Rodenbach jouxte les passions les plus dévorantes, comme celle qui unit Christian Dotremont à Gloria. Le surréalisme tient une place importante dans le parcours, mais aussi Maurice Maeterlinck, Madeleine Bourdouxhe, Marie Gevers ou Suzanne Lilar.
Du 9 au 11 janvier 2013 : pièce de théâtre/documentaire "Missie/Mission" de David Van Reybrouck au Théâtre Royal de Namur (www.theatredenamur.be). Pendant six semaines, David Van Reybrouck a sillonné le Congo et interviewé des jésuites, des pères blancs, des oblats, des capucins, des franciscains. De cette collecte est née une pièce de théâtre/documentaire sur les missionnaires belges et sur leur engagement religieux et artistique.
15 janvier 2013 à 19h : au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris (www.cwb.fr), lecture par la comédienne Isabelle Nanty de "Césarine de nuit" d'Antoine Wouters (éditions Cheyne), suivie d'une rencontre avec l'auteur.
16 janvier 2013 à 18h : rencontre avec trois auteurs à l'Association des Ecrivains Belges (www.ecrivainsbelges.be) : Renaud Denuit pour son recueil "Histoires de la détermination", Daniel Simon pour "Ne trouves-tu pas que le temps change?" et Joseph Bodson pour son recueil de poèmes, "Conjurations de la mélancolie".
22 janvier 2013 de 12h40 à 13h30 : dans le cadre des Midis de la Poésie (www.midisdelapoesie.be), lecture par Philippe Vauchel de "Le succès parisien de Camille Lemonnier". Pour conquérir Paris et assurer sa subsistance, Camille Lemonnier fait feu de tout bois : journalisme, critique d'art, contes régionalistes et romans, dont "Un mâle", deuxième best-seller français de l'année 1881.
22 janvier 2013 à 18h : soirée au palais des Académies (www.arllfb.be) en l'honneur de l'auteur belge Henry Bauchau qui aurait fêté ses 100 ans ce jour-là.
24 janvier 2013 à 20h : à la Maison Internationale de la Poésie (www.mipah.be), soirée "Résistance et Liberté" à l'occasion du centenaire de la naissance d'Arthur Haulot ; rencontre et podium poétique autour de ce thème.
Du 7 au 11 mars 2013 : Foire du Livre de Bruxelles.
Expositions actuellement en cours :
Jusqu'au 13 janvier 2013 : exposition "Claire Lejeune : une voix pourpre" à la Salle Saint-Georges sur la grand-place de Mons. L'exposition rend hommage à Claire Lejeune (1926-2008) qui a toujours exercé son activité intellectuelle et créatrice à Mons : poète, essayiste, dramaturge, photographe, féministe engagée, directrice des revues "Cahiers internationaux de symbolisme" et "Réseaux", etc. Ce foisonnement d'activités est démontré à travers des manuscrits, de la correspondance, des photos, des extraits d'oeuvres, des entretiens filmés, ainsi qu'un catalogue publié par la Renaissance du Livre.
Jusqu'au 27 janvier 2013 : exposition "Les Lettres du désir" à la Bibliothèque Wittockiana (www.wittockiana.org), élaborée à partir des collections des Archives et Musée de la Littérature. La tendresse conjugale liant les époux Verhaeren, Wouters et Rodenbach jouxte les passions les plus dévorantes, comme celle qui unit Christian Dotremont à Gloria. Le surréalisme tient une place importante dans le parcours, mais aussi Maurice Maeterlinck, Madeleine Bourdouxhe, Marie Gevers ou Suzanne Lilar.
dimanche 9 décembre 2012
Prix Rossel 2012 à Patrick Declerck
Le Prix Rossel 2012 a été remis cette semaine au palais des Académies (Bruxelles) à Patrick Declerck pour "Démons me turlupinant", paru aux éditions Gallimard. Le jury 2012 était composé de deux libraires (Nathalie De Munck et Valérie d'Huart), de l'ancien chef du service culture du "Soir" Jean-Claude Vantroyen, et de six anciens lauréats du Prix Rossel (Thomas Gunzig, Michel Lambert, Ariane Le Fort, Pierre Mertens, Jean-Luc Outers et Isabelle Spaak).
De quoi parle le livre? Les démons intimes forment une histoire très personnelle. Celle de l'auteur, jetant presque en vrac, selon la logique d'une idée qui en entraîne une autre, ce qui l'a constitué en profondeur, depuis l'enfance. Dans les plis d'expériences diverses se dessine la forme d'une vie. Les contours n'en sont pas toujours très nets, volontairement. Car il s'agit de dire toutes les vérités, même quand elles impriment des traits moins agréables sur cette sorte d'autoportrait. Réalisé aussi à la lumière des autres, en particulier de quelques cas que Patrick Declerck a traités dans son travail d'analyste. Et sous le regard d'un père qui perd la vue quand sort le premier grand article de son fils.
Agé de 59 ans, Patrick Declerck est un auteur belge qui a beaucoup voyagé et s'est installé à Paris depuis 1980. Il a arrêté son métier de psychanalyste il y a une dizaine d'années pour se consacrer à l'écriture. Voici ce qu'il a confié à la presse après avoir reçu le 68ème Prix Rossel :
"Depuis toujours, j'ai des livres en moi. L'écriture est ma grande vocation, au sens littéral, celui de l'appel. Je sais que j'ai cet Everest devant moi depuis l'âge de deux ans. J'ai un rapport difficile au groupe et à la contrainte. Mon parcours à l'école a été une catastrophe, sauf ma première année primaire à Sainte-Marie à Schaerbeek où j'ai eu Michelle Cédric comme institutrice. Elle a été un professeur merveilleux pour le petit garçon timide que j'étais. J'ai arrêté de consulter au début des années 2000, le temps de prévenir mes patients. Je voulais résolument aller vers l'écriture, avec une liberté totale, ce qui est contradictoire avec mon travail. Mes analysants ne peuvent pas entendre leur psy parler de son livre à la radio, par exemple. Il faut avoir la courtoisie de la discrétion quand on est analyste. Les deux choses qui m'intéressent dans la vie sont le style et la philosophie. L'écriture est pour moi un but en soi, une activité profondément esthétique, même si cela paraît ridicule de le dire. Je voulais que mon livre soit une introduction à la psychanalyse et qu'il évoque mon enfance, ma névrose, ma pratique. Je ressens une culpabilité profonde à raconter ma vie, même avec ma subjectivité. Tout est vrai et tout est faux dans ce que j'écris. Les fragments de cas que j'évoque sont là pour montrer comment l'analyste et l'analysant sont immergés dans une humanité commune. Et, quoi qu'il arrive, le taux de mortalité des êtres humains frise les 100%. Un livre se construit mais les coutures doivent être invisibles. Je fais ici des allers-retours entre mon enfance, l'analyse que j'ai faite adulte et des extraits de cures analytiques. On peut enlever des morceaux à ce livre. Le chapitre sur Oedipe Roi n'est pas nécessaire à sa structure mais à son intelligence. Un nouveau livre, je l'écris d'abord dans ma tête. Cette phase de préparation lente est suivie d'une écriture rapide. A la relecture qui peut me prendre des mois, je n'effectue pas de grands changements mais des milliers de micro-corrections. A la fin d'un livre, je suis épuisé".
De quoi parle le livre? Les démons intimes forment une histoire très personnelle. Celle de l'auteur, jetant presque en vrac, selon la logique d'une idée qui en entraîne une autre, ce qui l'a constitué en profondeur, depuis l'enfance. Dans les plis d'expériences diverses se dessine la forme d'une vie. Les contours n'en sont pas toujours très nets, volontairement. Car il s'agit de dire toutes les vérités, même quand elles impriment des traits moins agréables sur cette sorte d'autoportrait. Réalisé aussi à la lumière des autres, en particulier de quelques cas que Patrick Declerck a traités dans son travail d'analyste. Et sous le regard d'un père qui perd la vue quand sort le premier grand article de son fils.
Agé de 59 ans, Patrick Declerck est un auteur belge qui a beaucoup voyagé et s'est installé à Paris depuis 1980. Il a arrêté son métier de psychanalyste il y a une dizaine d'années pour se consacrer à l'écriture. Voici ce qu'il a confié à la presse après avoir reçu le 68ème Prix Rossel :
"Depuis toujours, j'ai des livres en moi. L'écriture est ma grande vocation, au sens littéral, celui de l'appel. Je sais que j'ai cet Everest devant moi depuis l'âge de deux ans. J'ai un rapport difficile au groupe et à la contrainte. Mon parcours à l'école a été une catastrophe, sauf ma première année primaire à Sainte-Marie à Schaerbeek où j'ai eu Michelle Cédric comme institutrice. Elle a été un professeur merveilleux pour le petit garçon timide que j'étais. J'ai arrêté de consulter au début des années 2000, le temps de prévenir mes patients. Je voulais résolument aller vers l'écriture, avec une liberté totale, ce qui est contradictoire avec mon travail. Mes analysants ne peuvent pas entendre leur psy parler de son livre à la radio, par exemple. Il faut avoir la courtoisie de la discrétion quand on est analyste. Les deux choses qui m'intéressent dans la vie sont le style et la philosophie. L'écriture est pour moi un but en soi, une activité profondément esthétique, même si cela paraît ridicule de le dire. Je voulais que mon livre soit une introduction à la psychanalyse et qu'il évoque mon enfance, ma névrose, ma pratique. Je ressens une culpabilité profonde à raconter ma vie, même avec ma subjectivité. Tout est vrai et tout est faux dans ce que j'écris. Les fragments de cas que j'évoque sont là pour montrer comment l'analyste et l'analysant sont immergés dans une humanité commune. Et, quoi qu'il arrive, le taux de mortalité des êtres humains frise les 100%. Un livre se construit mais les coutures doivent être invisibles. Je fais ici des allers-retours entre mon enfance, l'analyse que j'ai faite adulte et des extraits de cures analytiques. On peut enlever des morceaux à ce livre. Le chapitre sur Oedipe Roi n'est pas nécessaire à sa structure mais à son intelligence. Un nouveau livre, je l'écris d'abord dans ma tête. Cette phase de préparation lente est suivie d'une écriture rapide. A la relecture qui peut me prendre des mois, je n'effectue pas de grands changements mais des milliers de micro-corrections. A la fin d'un livre, je suis épuisé".
mercredi 14 novembre 2012
Prix Médicis de l'essai 2012 pour David Van Reybrouck
Notre compatriote David Van Reybrouck (41 ans) a reçu le Prix Médicis de l'essai 2012 pour "Congo, une histoire", paru aux éditions Actes Sud. Ce livre de 672 pages raconte 90.000 d'histoire de ce pays depuis les chasseurs-cueilleurs au président Joseph Kabila, et bien entendu également la période coloniale belge. David Van Reybrouck retrace l'histoire du Congo en l'illustrant de multiples témoignages recueillis auprès d'acteurs et protagonistes, anthropologues, artistes, politiques, religieux ou simples témoins. Cet ouvrage est le fruit de cinq années de recherches et de dix voyages au Congo. Il s'est déjà vendu à plus de 250.000 exemplaires en Belgique et aux Pays-Bas, ainsi que 13.500 exemplaires en Allemagne. Il a été traduit en français en 2012.
Tout à la fois archéologue, historien, acteur de théâtre, poète, journaliste et citoyen engagé, David Van Reybrouck est né en 1971 près de Bruges. Il a étudié à la KUL, à Cambridge et Leyde. Il est également connu pour son roman "Le Fléau" sur l'Afrique du Sud. En 2010, il a reçu le prix AKO ("le Goncourt hollandais") qui récompense d'ordinaire une oeuvre littéraire.
Tout à la fois archéologue, historien, acteur de théâtre, poète, journaliste et citoyen engagé, David Van Reybrouck est né en 1971 près de Bruges. Il a étudié à la KUL, à Cambridge et Leyde. Il est également connu pour son roman "Le Fléau" sur l'Afrique du Sud. En 2010, il a reçu le prix AKO ("le Goncourt hollandais") qui récompense d'ordinaire une oeuvre littéraire.
dimanche 21 octobre 2012
Nouveau roman de Françoise Pirart
L'auteur belge Françoise Pirart est passionnée par les Lettres depuis toujours : "Quand j'étais petite, enfant et adolescente, j'étais une grande lectrice. J'avais en plus la chance d'avoir une soeur qui avait six ans de plus que moi. Je mélangeais donc la littérature pour enfants et pour adultes. Je pouvais passer du "Club des 5" aux écrits de Zola ou de Sartre. A l'époque, je ne comprenais pas tout forcément, mais je les découvrais. Ce qui me plaît dans la lecture, c'est d'être entraîné par des personnages qui ont une vie différente de la mienne. Quand j'ai écrit mon dernier roman, je n'étais pas à Mons, mais dans la neige, dans les ténèbres comme mon personnage. C'était très prenant", a-t-elle confié au groupe Sud Presse.
Françoise Pirart a travaillé dans différents milieux professionnels (équitation, secrétariat, traduction, p.ex.). Aujourd'hui, elle vit de l'écriture : elle organise des ateliers d'écriture, elle travaille pour l'asbl Alpha Mons-Borinage (alphabétisation des adultes), elle écrit des romans et la biographie de particuliers. Elle habite à Casteau près de Mons. Son dernier roman s'appelle "Sans nul espoir de vous revoir" et est sorti en septembre dernier aux Editions Luce Wilquin. Il raconte l'histoire de Jérémy qui se lance en 1820 dans la traversée de l'Empire russe jusqu'en Sibérie. Pendant ce temps, Elisabeth se désespère à Paris...
Françoise Pirart écrit également la biographie de particuliers à qui elle fournit un manuscrit sous format papier et numérique. Certains tentent ensuite de le faire publier, tandis que d'autres font imprimer des exemplaires juste pour la famille. Elle a raconté à Sud Presse comment était né ce projet : "C'était un jeune homme qui voulait qu'on écrive l'histoire de sa grand-mère slovaque qui avait eu un destin particulier. Elle avait traversé l'Europe en guerre dans l'idée de prendre un bateau en partance pour les Etats-Unis. Tout est parti de là. C'était ma première expérience dans ce domaine. Bien souvent, il y a l'idée de laisser une trace pour les descendants, mais ce n'est pas la seule raison. Pour certains, il y a une idée thérapeutique sous-jacente. En parlant, ils se libèrent d'un poids. D'autres veulent témoigner de leur parcours pour que les gens sachent qu'il y a moyen de s'en sortir malgré tout. Et puis, parfois, il y a des raisons beaucoup plus mystérieuses que je n'arrive pas toujours à déterminer moi-même. Les rencontres sont indispensables car il faut qu'une relation de confiance s'installe. Je demande aussi aux gens de fournir un maximum de documents, de photos, de lettres. C'est parfois bouleversant mais je suis bouleversée à distance. Quand on met des mots sur tout çà, cela devient aussi un travail. Je rentre dans la vie des gens mais j'en sors aussitôt. Je ne me sers jamais de leurs témoignages pour mes romans. Enfin, il faut que le livre soit attrayant, agréable à lire, qu'il y ait du suspense, des personnages touchants".
Françoise Pirart a travaillé dans différents milieux professionnels (équitation, secrétariat, traduction, p.ex.). Aujourd'hui, elle vit de l'écriture : elle organise des ateliers d'écriture, elle travaille pour l'asbl Alpha Mons-Borinage (alphabétisation des adultes), elle écrit des romans et la biographie de particuliers. Elle habite à Casteau près de Mons. Son dernier roman s'appelle "Sans nul espoir de vous revoir" et est sorti en septembre dernier aux Editions Luce Wilquin. Il raconte l'histoire de Jérémy qui se lance en 1820 dans la traversée de l'Empire russe jusqu'en Sibérie. Pendant ce temps, Elisabeth se désespère à Paris...
Françoise Pirart écrit également la biographie de particuliers à qui elle fournit un manuscrit sous format papier et numérique. Certains tentent ensuite de le faire publier, tandis que d'autres font imprimer des exemplaires juste pour la famille. Elle a raconté à Sud Presse comment était né ce projet : "C'était un jeune homme qui voulait qu'on écrive l'histoire de sa grand-mère slovaque qui avait eu un destin particulier. Elle avait traversé l'Europe en guerre dans l'idée de prendre un bateau en partance pour les Etats-Unis. Tout est parti de là. C'était ma première expérience dans ce domaine. Bien souvent, il y a l'idée de laisser une trace pour les descendants, mais ce n'est pas la seule raison. Pour certains, il y a une idée thérapeutique sous-jacente. En parlant, ils se libèrent d'un poids. D'autres veulent témoigner de leur parcours pour que les gens sachent qu'il y a moyen de s'en sortir malgré tout. Et puis, parfois, il y a des raisons beaucoup plus mystérieuses que je n'arrive pas toujours à déterminer moi-même. Les rencontres sont indispensables car il faut qu'une relation de confiance s'installe. Je demande aussi aux gens de fournir un maximum de documents, de photos, de lettres. C'est parfois bouleversant mais je suis bouleversée à distance. Quand on met des mots sur tout çà, cela devient aussi un travail. Je rentre dans la vie des gens mais j'en sors aussitôt. Je ne me sers jamais de leurs témoignages pour mes romans. Enfin, il faut que le livre soit attrayant, agréable à lire, qu'il y ait du suspense, des personnages touchants".
Libellés :
Editions Luce Wilquin
,
Pirart Françoise
mercredi 3 octobre 2012
Agenda littéraire belge
6 et 7 octobre 2012 : 5ème Foire du Livre Politique (www.lafoiredulivre.net) au cinéma Sauvenière à Liège. Une quarantaine d'exposants sont attendus : éditeurs, revues, magazines, centres d'études, ONG, etc. Au programme : rencontres, séances de signature, tables rondes, débats, etc.
Du 9 au 16 octobre 2012 : Adaptation théâtrale au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve (www.atjv.be) de la biographie romancée de Françoise Lalande, "Madame Rimbaud" (Espace Nord), recréée pour une comédienne seule à l'occasion du 120ème anniversaire de la mort de Rimbaud.
Du 9 octobre au 3 novembre 2012 : Adaptation à Liège par le Collectif Mensuel du roman "L'homme qui valait 35 milliards" de Nicolas Ancion. Il raconte l'enlèvement à Liège de Lakshmi Mittal, patron du plus grand groupe sidérurgique mondial, par une bande de pieds nickelés emmenés par un artiste en mal de reconnaissance et un ouvrier désespéré de la sidérurgie (www.ccrc.be).
10 octobre 2012 : Rencontre au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris avec David Van Reybrouck à l'occasion de la parution en traduction française de son livre "Congo, une histoire" aux éditions Actes Sud (www.cwb.fr).
Du 10 au 13 octobre 2012 : 18ème Biennale Internationale de Poésie à Liège avec pour thème "La poésie doit-elle être absolument moderne?", organisée par la Maison Internationale de la Poésie Arthur Haulot (www.mipah.be).
10 octobre 2012 à 20h : Rencontre avec Frédéric Saenen au Hangar pour son livre "La danse de Pluton", suivie d'un repas littéraire en compagnie de l'auteur.
Du 10 au 14 octobre 2012 : 21ème édition de la Fureur de Lire (www.fureurdelire.be). Durant cinq jours, bibliothèques, librairies, musées et centres culturels proposent au public de tout âge plusieurs centaines d'animations, pour la plupart gratuites : rencontres avec des auteurs, des illustrateurs, des scénaristes de bandes dessinées, des éditeurs, des conteurs, des critiques, lectures-spectacles, expositions, jeux et concours. La Fureur de Lire est également sur la toile avec un blog interactif qui permet à tout lecteur de partager son coup de foudre pour un livre ou d'évoquer la personne qui a été son passeur de lecture, celle qui a donné l'envie de lire ce livre ou de lire tout court (famille, ami, enseignant, p.ex.). Dans les lieux participant à la Fureur de Lire, on trouvera des cartes postales permettant de faire passer sa recommandation de lecture à la personne de son choix. Chaque année, la Fureur de Lire publie un recueil de six textes inédits, diffusé gratuitement dans les lieux participants à la manifestation. Le recueil de l'édition 2012 réunit des nouvelles inédites de Yun Sun Kimet, Bernard Quiriny, Nicole Roland, Frédéric Saenen et Marianne Sluzny, ainsi qu'un texte écrit et illustré par Anne Velghe pour les plus petits. Pour les plus jeunes : un concours de la Petite Fureur destiné aux enfants de 3 à 13 ans. Les participants choisissent l'un des douze livres d'auteurs et d'illustrateurs sélectionnés et prolongent leur lecture par une création artistique de leur choix.
12 et 13 octobre 2012 : Salon du Livre de Charleroi.
15, 17, 22 et 24 octobre 2012 : Chaire de poétique de l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve dédiée cette année à Nicole Malinconi qui expliquera la genèse de son oeuvre au cours de quatre conférences.
15 octobre 2012 à 18h : Présentation de la maison d'édition bruxelloise Zones Sensibles à la Librairie Joli Mai : Alexandre Laumonier expliquera son travail d'éditeur et ses nouveautés de la rentrée.
17 octobre 2012 à 18h : Rencontre avec trois auteurs à l'Association des Ecrivains Belges : Rose-Marie François pour son recueil de poèmes "L'Adieu", Marie-Agnès Bernard pour son récit de vie "L'empreinte du père" et Francis Chenot pour son recueil de poèmes "Chemins de doute".
Du 17 au 21 octobre 2012 : 14ème Salon du Livre de Jeunesse à Namur Expo qui aura pour thème "Les métamorphoses du livre" (www.livrejeunesse.be).
22 octobre 2012 : Lecture de textes de Michel de Ghelderode par des comédiens à l'Association des Ecrivains Belges.
25 octobre 2012 : Ouverture de l'année du centenaire d'Henry Bauchau (né le 22 janvier 1913) par une présentation du programme et une conférence inaugurale de Marc Quaghebeur à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve.
26 octobre 2012 à 12h30 : Dans le cadre des "Coups de Midi", rencontre avec Marc Quaghebeur pour son livre "Les Grands Masques" à la Bibliothèque des Riches-Claires à Bruxelles.
30 octobre 2012 à 19h30 : Lecture d'un découpage du roman "Loin des mosquées" d'Armel Job, suivie d'un échange avec l'auteur au Petit théâtre de la ruelle à Lodelinsart.
27 novembre 2012 à 19h30 : Lecture d'un découpage du roman "Comme un roman-fleuve" de Daniel Charneux, suivie d'un échange avec l'auteur au Petit théâtre de la ruelle à Lodelinsart.
Bref, amis des écrivains belges, vous avez l'embarras du choix au cours des prochaines semaines! Si vous connaissez d'autres activités, signalez-les dans les commentaires.
Du 9 au 16 octobre 2012 : Adaptation théâtrale au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve (www.atjv.be) de la biographie romancée de Françoise Lalande, "Madame Rimbaud" (Espace Nord), recréée pour une comédienne seule à l'occasion du 120ème anniversaire de la mort de Rimbaud.
Du 9 octobre au 3 novembre 2012 : Adaptation à Liège par le Collectif Mensuel du roman "L'homme qui valait 35 milliards" de Nicolas Ancion. Il raconte l'enlèvement à Liège de Lakshmi Mittal, patron du plus grand groupe sidérurgique mondial, par une bande de pieds nickelés emmenés par un artiste en mal de reconnaissance et un ouvrier désespéré de la sidérurgie (www.ccrc.be).
10 octobre 2012 : Rencontre au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris avec David Van Reybrouck à l'occasion de la parution en traduction française de son livre "Congo, une histoire" aux éditions Actes Sud (www.cwb.fr).
Du 10 au 13 octobre 2012 : 18ème Biennale Internationale de Poésie à Liège avec pour thème "La poésie doit-elle être absolument moderne?", organisée par la Maison Internationale de la Poésie Arthur Haulot (www.mipah.be).
10 octobre 2012 à 20h : Rencontre avec Frédéric Saenen au Hangar pour son livre "La danse de Pluton", suivie d'un repas littéraire en compagnie de l'auteur.
Du 10 au 14 octobre 2012 : 21ème édition de la Fureur de Lire (www.fureurdelire.be). Durant cinq jours, bibliothèques, librairies, musées et centres culturels proposent au public de tout âge plusieurs centaines d'animations, pour la plupart gratuites : rencontres avec des auteurs, des illustrateurs, des scénaristes de bandes dessinées, des éditeurs, des conteurs, des critiques, lectures-spectacles, expositions, jeux et concours. La Fureur de Lire est également sur la toile avec un blog interactif qui permet à tout lecteur de partager son coup de foudre pour un livre ou d'évoquer la personne qui a été son passeur de lecture, celle qui a donné l'envie de lire ce livre ou de lire tout court (famille, ami, enseignant, p.ex.). Dans les lieux participant à la Fureur de Lire, on trouvera des cartes postales permettant de faire passer sa recommandation de lecture à la personne de son choix. Chaque année, la Fureur de Lire publie un recueil de six textes inédits, diffusé gratuitement dans les lieux participants à la manifestation. Le recueil de l'édition 2012 réunit des nouvelles inédites de Yun Sun Kimet, Bernard Quiriny, Nicole Roland, Frédéric Saenen et Marianne Sluzny, ainsi qu'un texte écrit et illustré par Anne Velghe pour les plus petits. Pour les plus jeunes : un concours de la Petite Fureur destiné aux enfants de 3 à 13 ans. Les participants choisissent l'un des douze livres d'auteurs et d'illustrateurs sélectionnés et prolongent leur lecture par une création artistique de leur choix.
12 et 13 octobre 2012 : Salon du Livre de Charleroi.
15, 17, 22 et 24 octobre 2012 : Chaire de poétique de l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve dédiée cette année à Nicole Malinconi qui expliquera la genèse de son oeuvre au cours de quatre conférences.
15 octobre 2012 à 18h : Présentation de la maison d'édition bruxelloise Zones Sensibles à la Librairie Joli Mai : Alexandre Laumonier expliquera son travail d'éditeur et ses nouveautés de la rentrée.
17 octobre 2012 à 18h : Rencontre avec trois auteurs à l'Association des Ecrivains Belges : Rose-Marie François pour son recueil de poèmes "L'Adieu", Marie-Agnès Bernard pour son récit de vie "L'empreinte du père" et Francis Chenot pour son recueil de poèmes "Chemins de doute".
Du 17 au 21 octobre 2012 : 14ème Salon du Livre de Jeunesse à Namur Expo qui aura pour thème "Les métamorphoses du livre" (www.livrejeunesse.be).
22 octobre 2012 : Lecture de textes de Michel de Ghelderode par des comédiens à l'Association des Ecrivains Belges.
25 octobre 2012 : Ouverture de l'année du centenaire d'Henry Bauchau (né le 22 janvier 1913) par une présentation du programme et une conférence inaugurale de Marc Quaghebeur à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve.
26 octobre 2012 à 12h30 : Dans le cadre des "Coups de Midi", rencontre avec Marc Quaghebeur pour son livre "Les Grands Masques" à la Bibliothèque des Riches-Claires à Bruxelles.
30 octobre 2012 à 19h30 : Lecture d'un découpage du roman "Loin des mosquées" d'Armel Job, suivie d'un échange avec l'auteur au Petit théâtre de la ruelle à Lodelinsart.
27 novembre 2012 à 19h30 : Lecture d'un découpage du roman "Comme un roman-fleuve" de Daniel Charneux, suivie d'un échange avec l'auteur au Petit théâtre de la ruelle à Lodelinsart.
Bref, amis des écrivains belges, vous avez l'embarras du choix au cours des prochaines semaines! Si vous connaissez d'autres activités, signalez-les dans les commentaires.
mercredi 19 septembre 2012
Nouveau livre de Patrick Roegiers
A l'occasion de la sortie de son noveau livre "Le bonheur des Belges", l'auteur Patrick Roegiers s'est confié à la presse :
"Le héros, d'une certaine manière, c'est évidemment moi. Et puis, 1958, c'est le moment du plus grand bonheur : l'Exposition Universelle de Bruxelles. C'est un pays heureux, uni, prospère, qui croit en l'avenir, qui est le centre du monde, si pas de l'univers. On crée l'Atomium qui, pour moi, est une sculpture absolument magnifique, phallique et mammaire. Il y a la conquête spatiale, les petits oeufs qui s'envolent, le pavillon russe. C'est un monde féérique, un monde d'enfance. Et puis, deux ans plus tard, c'est la perte du Congo. Quatre ans plus tard, c'est la frontière linguistique. La dernière acmé de la Belgique, pour moi, c'est la première victoire d'Eddy Merckx dans le Tour de France le 21 juillet 1969...
L'idée, c'était que ce personnage sans histoire - forcément à 11 ans... - fasse corps avec le pays. Il vit tous les événements depuis l'origine de la Belgique, il rencontre tous les personnages qui ont fait ce pays, qu'ils soient réels ou inventés, importants ou pas. Toots Thielemans y est, Annie Cordy aussi, Poelvoorde, Charlemagne, etc. Le tout en un seul jour. Donner du bonheur au lecteur, de nos jours, il n'y a pas qu'en Belgique que c'est précieux. J'ai constaté que ce livre fait un bien fou. Et j'en suis très heureux.
Je pense que la France pratique vis-à-vis de la Belgique un paternalisme de proximité. Les Français ne prennent pas les Belges au sérieux, ils disent toujours qu'ils les adorent... Il y a cette phrase de Cocteau que je trouve merveilleuse : "Les Français n'aiment pas connaître ; ils aiment reconnaître". Dans le cas de l'affaire de la double nationalité demandée par Bernard Arnault, çà les a proprement sidérés parce qu'on n'est plus dans le pittoresque artistique. Comment s'adresser au public français? La France est nostalgique de sa gloire passée, autocentrée. Quand je me suis lancé, je me suis dit que je n'allais pas me préoccuper de ce qu'ils savent ou ne savent pas...puisque je sais qu'ils ne savent rien!
La Belgique a un poids de réalité évident, c'est un pays extraordinairement pragmatique. Bien sûr qu'elle existe en tant que pays, Etat, mais sans doute n'existe-t-elle pas beaucoup en tant que nation. Mais de mon point de vue, moi qui ai quitté le pays depuis trente ans, la Belgique est devenue un phantasme, une chimère, un lieu poétique et une matière à traiter. Lorsque j'y reviens, je suis en pays de connaissance, mais je ne suis plus chez moi.
Le titre "Le bonheur des Belges" m'est venu en dernier. En fait, j'avais d'abord eu d'autres idées... J'ai mis beaucoup de temps à mettre le livre en place, il m'a fallu du temps avant de comprendre qu'il me fallait tout réinventer. De la bataille de Waterloo à la naissance de la Belgique chanté par la Malibran...et Jacques Brel. Sinon, j'aurais fait un livre d'histoire. La Belgique est un pays en trompe-l'oeil, de Van Eyck à Magritte. C'est un pays du leurre, de l'illusion. Et mon livre crée l'illusion de l'illusion! La seconde chose, c'est qu'il me fallait tout euphoriser. Si je prenais tout au pied de la lettre, que ce soit l'extrémisme flamand ou l'affaire Dutroux, effectivement, il n'y avait pas de quoi rire".
"Le héros, d'une certaine manière, c'est évidemment moi. Et puis, 1958, c'est le moment du plus grand bonheur : l'Exposition Universelle de Bruxelles. C'est un pays heureux, uni, prospère, qui croit en l'avenir, qui est le centre du monde, si pas de l'univers. On crée l'Atomium qui, pour moi, est une sculpture absolument magnifique, phallique et mammaire. Il y a la conquête spatiale, les petits oeufs qui s'envolent, le pavillon russe. C'est un monde féérique, un monde d'enfance. Et puis, deux ans plus tard, c'est la perte du Congo. Quatre ans plus tard, c'est la frontière linguistique. La dernière acmé de la Belgique, pour moi, c'est la première victoire d'Eddy Merckx dans le Tour de France le 21 juillet 1969...
L'idée, c'était que ce personnage sans histoire - forcément à 11 ans... - fasse corps avec le pays. Il vit tous les événements depuis l'origine de la Belgique, il rencontre tous les personnages qui ont fait ce pays, qu'ils soient réels ou inventés, importants ou pas. Toots Thielemans y est, Annie Cordy aussi, Poelvoorde, Charlemagne, etc. Le tout en un seul jour. Donner du bonheur au lecteur, de nos jours, il n'y a pas qu'en Belgique que c'est précieux. J'ai constaté que ce livre fait un bien fou. Et j'en suis très heureux.
Je pense que la France pratique vis-à-vis de la Belgique un paternalisme de proximité. Les Français ne prennent pas les Belges au sérieux, ils disent toujours qu'ils les adorent... Il y a cette phrase de Cocteau que je trouve merveilleuse : "Les Français n'aiment pas connaître ; ils aiment reconnaître". Dans le cas de l'affaire de la double nationalité demandée par Bernard Arnault, çà les a proprement sidérés parce qu'on n'est plus dans le pittoresque artistique. Comment s'adresser au public français? La France est nostalgique de sa gloire passée, autocentrée. Quand je me suis lancé, je me suis dit que je n'allais pas me préoccuper de ce qu'ils savent ou ne savent pas...puisque je sais qu'ils ne savent rien!
La Belgique a un poids de réalité évident, c'est un pays extraordinairement pragmatique. Bien sûr qu'elle existe en tant que pays, Etat, mais sans doute n'existe-t-elle pas beaucoup en tant que nation. Mais de mon point de vue, moi qui ai quitté le pays depuis trente ans, la Belgique est devenue un phantasme, une chimère, un lieu poétique et une matière à traiter. Lorsque j'y reviens, je suis en pays de connaissance, mais je ne suis plus chez moi.
Le titre "Le bonheur des Belges" m'est venu en dernier. En fait, j'avais d'abord eu d'autres idées... J'ai mis beaucoup de temps à mettre le livre en place, il m'a fallu du temps avant de comprendre qu'il me fallait tout réinventer. De la bataille de Waterloo à la naissance de la Belgique chanté par la Malibran...et Jacques Brel. Sinon, j'aurais fait un livre d'histoire. La Belgique est un pays en trompe-l'oeil, de Van Eyck à Magritte. C'est un pays du leurre, de l'illusion. Et mon livre crée l'illusion de l'illusion! La seconde chose, c'est qu'il me fallait tout euphoriser. Si je prenais tout au pied de la lettre, que ce soit l'extrémisme flamand ou l'affaire Dutroux, effectivement, il n'y avait pas de quoi rire".
samedi 15 septembre 2012
Colette Nys-Mazure, une Grande Dame de la littérature belge
"L'enfant neuf" est un ouvrage autobiographique dans lequel Colette Nys-Mazure (née à Wavre en 1939) retrouve son regard d'enfant pour nous raconter la mort brutale de ses parents survenue en l'espace de quelques semaines alors qu'elle avait sept ans. Colette commence son récit le 17 octobre par le dernier petit-déjeuner pris avec ses deux parents, son frère Jean-Paul et sa soeur Chantal. Elle évoque ensuite l'accident de voiture de son papa Antoine, les visites des proches et les funérailles. Elle est perdue dans ce monde d'adultes : "Les grandes personnes n'entendent pas nos paroles. Elles écoutent d'autres voix et celles-ci paraissent de plus en plus alarmantes".
En effet, sa mère n'étant plus que l'ombre d'elle-même ("Plus rien de commun avec la femme qui courait se jeter dans les bras de Papa ou nous saisissait dans les siens pour nous faire tournoyer"). Colette est hébergée à Kain (Hainaut occidental) chez sa tante Jeanne, son oncle Jean et leurs trois filles. Le 11 janvier, sa maman Elisabeth s'éteint à l'hôpital. Dans la deuxième partie du livre, Colette reprend son regard d'adulte pour analyser l'impact de cette double perte dans sa vie : "Il me faudra des années pour mesurer l'impact de cette rupture première ; ce qu'elle a modifié dans ma perception de l'existence, dans la manière de croire et d'espérer".
Elle y rend hommage à l'écoute sans jugement et aux conseils de son institutrice Mère Marie-Tarcisius, devenue ensuite une confidente ("la femme qui m'a servi de mère"). Elle raconte comment elle a pris conscience de la vulnérabilité des adultes. Elle remercie ses proches de l'amour qu'ils lui ont donné et de lui avoir parlé de manière naturelle de ses défunts parents : "La faculté d'adaptation des enfants est infinie pour autant qu'ils se sentent aimés, sollicités, tirés vers le haut. Le goût d'apprendre, le stimulant de l'école m'ont arrachée à la délectation morose. J'ai été relancée vers la vie plutôt qu'enfoncée dans le malheur (...) Il m'a été donné de rencontrer dès l'aube la mort, sa ruine, et tout aussitôt la puissance de l'amour gratuit, de la pure bonté. Là s'ancre l'élan de la vie, le goût d'être et d'aimer. Avoir reçu un tel amour rend capable de donner à son tour". Malgré la gravité du sujet, Colette, fidèle à sa foi, nous fait comprendre que la Vie doit être plus forte que la Mort. A conseiller aux personnes qui viennent de perdre un proche.
Si c'est dans ce livre qu'elle évoque le plus sa famille, elle en parle aussi dans d'autres ouvrages. Ainsi, dans "Seuils de Loire", le Moulin Géant, qui héberge sa résidence de poète, lui fait penser à son arrière-grand-père Augustin Desmet qui était meunier à Tournai. Son Moulin de l'Agache (une pie en tournaisien) construit en 1808 avait été détruit par les Allemands en octobre 1918. Augustin est mort à 72 ans en 1921, mais ses filles (parmi lesquelles Henriette, la grand-mère de l'auteur) ont raconté à Colette de nombreuses anecdotes à ce sujet.
Dans "La liberté de l'amour", elle rend à nouveau hommage à l'attention que lui ont prodiguée ses oncles et tantes du Tournaisis, ainsi que Mère Marie-Tarcisius qui lui a transmis sa foi mais l'a découragée d'entrer au couvent : "Je la sentais désireuse de m'aider à trouver ma voie propre, sans aucun préjugé. Outre l'amour inconditionnel, elle m'a révélé le respect de la liberté, de l'autonomie de chacun (...) Je suis convaincue que c'est une sainte authentique de notre temps, mais elle n'a nul besoin de canonisation officielle".
Colette devient titulaire d'une maîtrise de lettres modernes de l'Université Catholique de Louvain. Sur le plan privé, elle se marie avec Jean-Marie - qui avait perdu, lui aussi, sa maman - et confie dans "La liberté de l'amour" : "Il se peut qu'influencés par ces débuts tragiques et par la qualité de notre entourage, nous ayons jeté toutes nos forces dans un couple résolu à durer. C'était et c'est un projet fort. Nous avons souhaité une famille nombreuse et désiré l'élargir en accueillant des enfants d'ailleurs, par le biais d'un organisme international". Elle évoque aussi la maternité ("Le fait de donner la vie n'implique pas de donner sa vie pour les enfants"). Trois de ses cinq enfants vivent aujourd'hui à l'étranger et on sent une pointe de tristesse de ne voir ses petits-enfants que deux ou trois fois par an. Mais elle ajoute : "Allons! Ils sont heureux et font leur vie avec allégresse, n'est-ce pas ce que tu souhaitais?".
Professeur de français de 1961 à 1999, elle donne régulièrement des conférences et continue d'animer des ateliers de lecture et d'écriture. En 1975, elle obtient le Prix Froissart dont la récompense était l'édition de son premier livre, "La vie à foison". Si la poésie reste son territoire privilégié, elle écrit aussi du théâtre, des nouvelles, des essais et des livres pour la jeunesse.
Dans "Célébration du quotidien" , Colette Nys-Maure explique son objectif dès les premières pages : "Nous ne nous étonnons pas assez, nous ne nous émerveillons qu'occasionnellement. Histoire d'éveil et question d'usure. Alors, pour moi comme pour vous, j'ai entrepris une célébration de ce quotidien décrié, ignoré, délaissé". Elle dédie son livre à son amie Elisabeth qui est gravement malade, mais qui est présente à chaque chapitre et donne encore plus de sens au titre du livre. Que ce soit dans une cuisine, une gare ou un balcon, l'auteur nous incite à profiter du moment présent, sans trop penser au passé ou au futur : "Pendant ce temps-là, ne néglige-t-on pas de vivre ce qui est donné ici et maintenant, d'aménager l'immédiat? A coup sûr, la meilleure façon de se préparer à égrener demain d'autres regrets".
Colette nous parle aussi de ses réflexions sur le rôle de femme-épouse-mère et conseille : "Enfant, tu n'aurais pu vivre si je t'avais étouffé sous ma demande, si je t'avais voulu en accord avec mon désir plutôt qu'avec le tien. Pour ne pas peser sur toi de tout mon amour, il me fallait exister pour mon compte, rester la femme de ton père autant que ta mère". Mais elle évoque aussi la nostalgie quand les enfants grandissent : "Ai-je assez pleuré en allant d'une chambre désertée à l'autre en me répétant que c'était fini le temps des nourrissons, des lits pleins, des souffles cueillis sur les bouches entrouvertes, des mots échappés au sommeil. Le temps où la vie est justifiée par le seul fait d'élever ces petits qu'on a choisis de mettre au monde, d'avoir à leur donner des racines et leur ouvrir les ailes". Puis viennent les petits-enfants... Colette nous incite aussi à apprivoiser la solitude et à se réserver des moments juste pour nous-mêmes. La religion est également très présente dans sa vie.
Dans les derniers chapitres de "Célébration du quotidien", elle revient sur la disparition de ses parents lorsqu'elle avait sept ans qui a influencé sa vie et son oeuvre, et lui permet d'apprécier toutes les petites joies du quotidien : "Chaque matin, je m'étonne et je me réjouis d'être en vie ; je ne m'y habitue pas. J'ai appris aussi combien on pouvait compter sur l'amour des proches : ceux-là qui nous ont élevés comme leurs propres enfants avec une tendresse sans calcul. Ils nous ont prouvé que rien n'est jamais fini et que l'amour est vraiment plus fort que la mort".
Après "Célébration du quotidien", Colette s'interroge dans "Secrète présence" sur quelle présence nous pouvons offrir à nos proches : ni trop près, ni trop loin, sans l'imposer ou réclamer des comptes. Elle revient sur son enfance marquée par le décès de ses parents et témoigne : "Je redoutais les adultes - souvent les parents de compagnes de classe ou des amis de la famille - qui me figeaient dans ma situation d'orpheline et me couvaient de regards compatissants. Envie de secouer cette chape de piété et de courir rejoindre les insouciants dans la cour, sur la plage. Etre comme tout le monde. Ne pas me sentir marquée. Oui, il s'agit de ne pas entretenir le goût du malheur, mais de délivrer les sources, d'accompagner le chant profond de la vie toujours la plus forte".
Epouse, maman de cinq enfants et plusieurs fois grand-mère, elle évoque les amis qu'on laisse en chemin, son amour de la famille ("Orpheline à sept ans, j'ai reçu de celle dont je suis issue amour et secours pour croître comme les autres. J'ai littéralement vécu de cette solidarité, j'y ai puisé des forces pour l'existence"), les difficultés à laisser ses enfants vivre leur propre vie ("Sans doute sommes-nous plus soucieux de donner des racines à nos enfants que de leur ouvrir les ailes"), le besoin d'un jardin secret pour tous, la vie de couple, la retraite, la place de la femme dans notre société, la vieillesse ("Dans les maisons pudiquement appelées de repos, certains ne reçoivent plus jamais un baiser et meurent de faim du coeur") et la mort.
Cette phrase de Colette résume bien son livre : "Trouver sa place, la garder sans croire qu'on la perd lorsque le cercle familial, amical ou professionnel s'élargit ou se modifie, l'histoire de toute une vie, non?". Et elle conclut son ouvrage par cette citation de Rilke : "Si ta vie quotidienne te paraît pauvre, ne l'accuse pas, accuse-toi plutôt. Dis-toi que tu n'es pas assez poète pour en convoquer les richesses".
Dans "Contes d'espérance" (paru en 1998), Colette nous présente 19 contes qui n'ont rien de fantastique ou d'irréel. Elle a puisé l'inspiration dans notre vie quotidienne et raconte l'histoire de personnes ordinaires qui souffrent (dans tous les sens du terme) à l'approche de Noël : Françoise qui a perdu l'appétit de vivre, Antoinette qui attend la naissance d'un enfant avant de mourir, Laura et le chat perdu, Mr Brice qui redonne le goût d'apprendre à deux cancres rencontrés dans la rue, Chantal et son amour impossible pour un homme marié, Mme Bravoure qui n'a plus d'énergie suite au décès de son mari, Antoine et son premier Noël sans sa maman, etc. Des lecteurs reprocheront probablement l'abondance de bons sentiments, les happy end systématiques et les références chrétiennes de ce livre, mais ces 19 nouvelles nous incitent à mieux apprécier les joies simples de notre quotidien et apportent de la douceur, de l'amour, de la sagesse et de l'espérance dans un monde qui en manque si souvent...
Mères, professeurs de français et auteurs dans le Tournaisis, Colette Nys-Mazure et Françoise Lison-Leroy ont co-écrit "Flore et Florence" , un roman pour enfants. Elles nous racontent l'été du passage de l'école primaire aux études secondaires de Flore et Florence, amies depuis toujours. On les suit en vacances à Hardelot et en Bretagne, puis de retour chez elles dans le Hainaut occidental. Au cours de cet été doux et paisible, elles nous font partager leur quotidien : le départ de la grande soeur en Indonésie, leurs cours de théâtre, leurs premiers émois amoureux, la mort de leur beau moniteur, leurs relations avec leurs parents, les déceptions et les satisfactions en amitié. Le roman se termine par leur entrée à l'école secondaire. La lecture de "Flore et Florence" permettra aux professeurs d'aborder de nombreux thèmes avec des élèves du même âge que les deux héroïnes. Mon reproche est le manque de surprise et l'absence de rebondissement. Tout le roman est résumé dans la quatrième de couverture.
Colette a rédigé "Seuils de Loire" , un ouvrage de 141 pages, dans le cadre d'une résidence de poète qui s'est déroulée en 2002 pendant deux mois au Centre Municipal de Rochefort-sur-Loire. Lors de sa première visite, un vent glacé lui inspire cette réflexion : "Comment ne pas me sentir en pays connu puisque je retrouvais des airs de chez nous? Là comme ici, la girouette tourne plus volontiers que l'éventail ne bat de l'aile". Le Moulin Géant de Rochefort-sur-Loire, qui héberge sa résidence de poète, lui fait penser au Moulin de l'Agache de son arrière-grand-père, mais évoque aussi les moulins de Froyennes, Villeneuve-d'Ascq, Damme ou Kain. Les références au Tournaisis sont fréquentes : "Mon territoire est fendu par l'Escaut, puissant et modeste. Rien à voir avec le Rhône, la Loire ou la Moldau, mais c'est mon fleuve et je le fréquente assidûment, supportant mal l'air de dédain de quelques touristes, pressés de comparer, incapables de contempler".
Colette fait l'éloge de la correspondance et de l'écriture : "Comment tant de personnes peuvent-elles se priver d'écrire? Ignorent-elles l'émotion des lettres retrouvées qui disent l'être disparu, vibrant encore sous les doigts, les yeux?". Au terme de sa résidence de poète, elle conclut : "Ces êtres croisés et ces lieux arpentés sont en moi ; aucun vandale ne les défigurera. L'écriture comme témoin, légataire. Mémoire passeuse. Dans le sillage des grands hommes poètes qui m'ont précédée ici : la bande à Cadou, Pierre Garnier, Pascal Commère, Thierry Renard, et, déjà dans la perspective de ceux qui me suivront, je me suis imprégnée d'un pays".
"La liberté de l'amour" est une longue conversation de 2005 entre le journaliste Christophe Henning et Colette qui dédie cet ouvrage "à ceux et celles qui m'ont communiqué l'intime conviction d'un amour plus fort que la mort". Outre son enfance et sa vie de femme et de mère, elle revient notamment sur "Célébration du quotidien", publié en 1997, qui a marqué sa carrière littéraire : "Nous nous masquons notre réalité mortelle, nous fuyons vers l'arrière ou vers l'avant en négligeant ce présent très quotidien qu'il nous est donné de vivre ; nous recherchons l'extraordinaire et c'est lorsque l'ordinaire nous est interdit que nous en mesurons la valeur". Colette Nys-Mazure refuse cependant d'être enfermée dans le courant minimaliste cher à Philippe Delerm. Elle nous raconte ensuite ses quatre résidences d'écrivain - notamment à l'Academia Belgica à Rome - et son besoin d'avoir deux heures solitaires le matin pour lire et écrire.
Dans le chapitre intitulé "Enseigner savoir et saveur", Colette confie : "Aujourd'hui, le travail de l'enseignant se trouve sérieusement compliqué : d'une part, l'école n'est qu'un des accès à l'information et son crédit s'est affaibli ; d'autre part, les élèves sont habitués à zapper lorsqu'une émission les ennuie, et surtout, ils ont tant d'énergie à dépenser que, faute d'activité physique quotidienne, l'attention soutenue au cours leur devient difficile, voire impossible". Aujourd'hui retraitée, elle préfère animer des ateliers d'écriture que donner une conférence, et tente de faire redécouvrir le plaisir de la lecture à ses stagiaires. Colette évoque ensuite la société de consommation, les nouvelles technologies, la religion et son souhait d'être enterrée au Jardin des Poètes au sommet du Mont-Saint-Aubert. Même si la mort est souvent évoquée dans cet ouvrage, on le termine avec un message d'espoir et d'optimisme. C'est un bon résumé de la vie et de l'oeuvre de cette Grande Dame de la littérature belge dont les médias ne parlent pas assez.
Sorti en 2008, "Perdre pied" est le premier roman de Colette Nys-Mazure qui s'est inspirée du tableau "Sur la plage de Boulogne" d'Edouard Manet. Tous les personnages de cette toile, seuls ou en groupe, s'ignorent. Dans le roman, des personnes en souffrance se retrouvent au même moment face à la Manche. Il y a Julian, en chaise roulante suite à un accident de moto. Hilde qui vient travailler à l'hôtel des Dunes après une rupture amoureuse. Mosane, une adolescente sans nouvelles depuis six mois de son père journaliste, et sa mère Amélie. Antoine (75 ans), qui regrette de n'avoir pas eu le courage d'être un artiste à part entière, et qui a peur de la maladie et de la dépendance. Jeanne, la responsable de la maison d'hôte, dont le fils est atteint du sida.
Toutes ces personnes, résidents ou locataires, vont faire connaissance et se soutenir mutuellement. Leurs problèmes, leurs soucis et leurs doutes ne s'envolent pas, mais cette semaine face à la mer va leur permettre de reprendre pied et de retrouver un peu de courage et de confiance en eux. Ce roman très bien écrit s'intègre parfaitement dans les messages que tente de faire passer l'auteur à travers son oeuvre. Mon seul petit reproche est que j'ai eu du mal au début à entrer dans l'histoire et à m'y retrouver avec tous les personnages.
Fidèle à sa foi, Colette Nys-Mazure a consacré tout un livre à la Noël en 2009, comme elle l'avait fait dix ans plus tôt dans "Contes d'espérance". Dans "Noël en ce monde : contes pour aujourd'hui" , elle nous raconte la Nativité et des histoires qui se terminent par un message positif. Dans la nouvelle "De tombeaux en berceaux", elle évoque à nouveau Elisabeth, son amie décédée, à qui elle avait dédié "Célébration du quotidien". Colette nous incite à l'espérance de jours meilleurs, et rappelle que la Vie est plus forte que la Mort.
Certains passages sont autobiographiques, comme lorsqu'elle parle de ses grands-parents paternels : "Bon Papa était accablé par la mort de son fils aîné, mon père, et lui survivait tant bien que mal. Bonne Maman était exsangue et répétait aux amies, à voix basse, mais je l'entendais : "Ce n'est pas naturel, nous aurions dû partir les premiers". Elle et lui souffraient différemment : un mur de silence s'élevait entre eux ; leur dignité leur interdisait de mendier près de l'autre le tendre réconfort dont ils auraient eu besoin".
La bonne idée de ce livre très bien écrit, c'est d'avoir ajouté un CD d'une vingtaine de minutes. La voix douce de Colette et la musique d'ambiance donnent une autre perception des textes. Elle nous propose également un conte de Noël à jouer en famille ou entre amis. Dans sa conclusion, Colette écrit : "Noël à l'horizon. Seigneur, aide-moi à faire bon usage de la nostalgie. A ranger allègrement dans une malle les jardins d'enfance définitivement clos qui continuent à encenser la mémoire (...) S'ils illuminent notre souvenir, ils risquent aussi de nous y fixer, de nous alourdir. Ne permets pas, Seigneur, que nous gênions les autres de nos regrets, de nos déceptions. Demain, c'est Noël. Ne pourrions-nous déposer notre bagage non pour l'oublier, mais pour courir plus léger vers Toi, vers nos frères, sans encombrer personne de notre trésor privé, à jamais inaliénable?".
Dans l'introduction de "L'eau à la bouche" , Colette nous confie : "Qu'est-ce qu'un poème dans la marche du monde? Peut-on encore écrire des poèmes après les horreurs des camps d'extermination et les génocides? Interrogations légitimes. Chaque homme qui naît recommence l'histoire, et la poésie, comme toute forme d'art, accompagne, éclaire, soutient son existence tout en creusant le mystère de l'être au monde (...) Comme nous en avons besoin dans cet univers mécanisé, robotisé, informatisé à outrance. Cultiver la gratuité, la beauté avec ce matériau qui appartient à tous : les mots de la langue. Faire sien le quotidien et le transfigurer. Ecrire, lire la poésie accroît la liberté et donc la joie (...) Nous avons besoin de poèmes comme de l'air que nous respirons. Une longue fréquentation de la poésie de tous bords m'a convaincue que la vision poétique, loin de nous éloigner du réel et du présent, communique au quotidien une qualité particulière, une lumière et une chaleur, un émerveillement comparables à l'effet du feu sur le bois sec".
Dans cet ouvrage, Colette retrouve sa pédagogie d'ancienne professeur de français pour sortir la poésie de sa tour d'ivoire et la faire découvrir au grand public, avec des mots simples, sans analyse littéraire complexe. Elle a choisi des poètes francophone qu'elle apprécie (en variant les générations, les pays et les styles) afin de nous donner l'eau à la bouche ("Puisse cette série susciter chez les plus jeunes comme chez les aînés l'envie de mordre à même la chair du poème") : Françoise Lison-Leroy, André Schmitz, Maurice Carême, Liliane Wouters, Achille Chavée, François Emmanuel pour la Belgique, mais aussi Racine, Charles Baudelaire, Joachim du Bellay, Andrée Chedid, Serge Wellens, René Char, etc. Une courte présentation permet de les situer dans le temps et l'espace.
Colette Nys-Mazure et moi? Je l'ai découverte par hasard à la télévision en zappant dans les années 90 ; elle répondait aux questions de Michèle Cédric dans son émission de la RTBF. Sa personnalité m'avait plu. Quelques années plus tard, j'ai acheté ou emprunté à la bibliothèque plusieurs de ses ouvrages. Comme on l'aura constaté dans les comptes-rendus ci-dessus, ce n'est pas sa poésie qui m'attire, mais ses leçons de vie, son humanisme, sa douceur, sa sagesse et son optimisme. Beaucoup de ses citations me font penser à ma vie ou à celle de mes proches, et me font réfléchir. Ensuite, j'ai eu envie de la rencontrer lors de trois séances de dédicaces (à Tournai-La Page, à la librairie Decallonne et à la Foire du Livre de Bruxelles) et, même si ce sont des moments très courts qu'il faut partager avec les autres lecteurs, j'ai pu constater qu'elle était fidèle à ce qu'elle écrit dans ses livres. Nous avons eu aussi quelques échanges par courrier ou par mail. Et enfin, en mars dernier, le destin m'a offert un beau cadeau : en revenant de la Foire du Livre de Bruxelles, un problème technique m'a obligé à changer de train et de ligne, je monte énervé et en retard dans un autre train à la recherche d'une place....et me retrouve à côté de Colette Nys-Mazure! Elle me reconnaît, dépose son livre et a la gentillesse de parler avec moi pendant près de 3/4h. Un beau moment entre un auteur et un lecteur.
En effet, sa mère n'étant plus que l'ombre d'elle-même ("Plus rien de commun avec la femme qui courait se jeter dans les bras de Papa ou nous saisissait dans les siens pour nous faire tournoyer"). Colette est hébergée à Kain (Hainaut occidental) chez sa tante Jeanne, son oncle Jean et leurs trois filles. Le 11 janvier, sa maman Elisabeth s'éteint à l'hôpital. Dans la deuxième partie du livre, Colette reprend son regard d'adulte pour analyser l'impact de cette double perte dans sa vie : "Il me faudra des années pour mesurer l'impact de cette rupture première ; ce qu'elle a modifié dans ma perception de l'existence, dans la manière de croire et d'espérer".
Elle y rend hommage à l'écoute sans jugement et aux conseils de son institutrice Mère Marie-Tarcisius, devenue ensuite une confidente ("la femme qui m'a servi de mère"). Elle raconte comment elle a pris conscience de la vulnérabilité des adultes. Elle remercie ses proches de l'amour qu'ils lui ont donné et de lui avoir parlé de manière naturelle de ses défunts parents : "La faculté d'adaptation des enfants est infinie pour autant qu'ils se sentent aimés, sollicités, tirés vers le haut. Le goût d'apprendre, le stimulant de l'école m'ont arrachée à la délectation morose. J'ai été relancée vers la vie plutôt qu'enfoncée dans le malheur (...) Il m'a été donné de rencontrer dès l'aube la mort, sa ruine, et tout aussitôt la puissance de l'amour gratuit, de la pure bonté. Là s'ancre l'élan de la vie, le goût d'être et d'aimer. Avoir reçu un tel amour rend capable de donner à son tour". Malgré la gravité du sujet, Colette, fidèle à sa foi, nous fait comprendre que la Vie doit être plus forte que la Mort. A conseiller aux personnes qui viennent de perdre un proche.
Si c'est dans ce livre qu'elle évoque le plus sa famille, elle en parle aussi dans d'autres ouvrages. Ainsi, dans "Seuils de Loire", le Moulin Géant, qui héberge sa résidence de poète, lui fait penser à son arrière-grand-père Augustin Desmet qui était meunier à Tournai. Son Moulin de l'Agache (une pie en tournaisien) construit en 1808 avait été détruit par les Allemands en octobre 1918. Augustin est mort à 72 ans en 1921, mais ses filles (parmi lesquelles Henriette, la grand-mère de l'auteur) ont raconté à Colette de nombreuses anecdotes à ce sujet.
Dans "La liberté de l'amour", elle rend à nouveau hommage à l'attention que lui ont prodiguée ses oncles et tantes du Tournaisis, ainsi que Mère Marie-Tarcisius qui lui a transmis sa foi mais l'a découragée d'entrer au couvent : "Je la sentais désireuse de m'aider à trouver ma voie propre, sans aucun préjugé. Outre l'amour inconditionnel, elle m'a révélé le respect de la liberté, de l'autonomie de chacun (...) Je suis convaincue que c'est une sainte authentique de notre temps, mais elle n'a nul besoin de canonisation officielle".
Colette devient titulaire d'une maîtrise de lettres modernes de l'Université Catholique de Louvain. Sur le plan privé, elle se marie avec Jean-Marie - qui avait perdu, lui aussi, sa maman - et confie dans "La liberté de l'amour" : "Il se peut qu'influencés par ces débuts tragiques et par la qualité de notre entourage, nous ayons jeté toutes nos forces dans un couple résolu à durer. C'était et c'est un projet fort. Nous avons souhaité une famille nombreuse et désiré l'élargir en accueillant des enfants d'ailleurs, par le biais d'un organisme international". Elle évoque aussi la maternité ("Le fait de donner la vie n'implique pas de donner sa vie pour les enfants"). Trois de ses cinq enfants vivent aujourd'hui à l'étranger et on sent une pointe de tristesse de ne voir ses petits-enfants que deux ou trois fois par an. Mais elle ajoute : "Allons! Ils sont heureux et font leur vie avec allégresse, n'est-ce pas ce que tu souhaitais?".
Professeur de français de 1961 à 1999, elle donne régulièrement des conférences et continue d'animer des ateliers de lecture et d'écriture. En 1975, elle obtient le Prix Froissart dont la récompense était l'édition de son premier livre, "La vie à foison". Si la poésie reste son territoire privilégié, elle écrit aussi du théâtre, des nouvelles, des essais et des livres pour la jeunesse.
Dans "Célébration du quotidien" , Colette Nys-Maure explique son objectif dès les premières pages : "Nous ne nous étonnons pas assez, nous ne nous émerveillons qu'occasionnellement. Histoire d'éveil et question d'usure. Alors, pour moi comme pour vous, j'ai entrepris une célébration de ce quotidien décrié, ignoré, délaissé". Elle dédie son livre à son amie Elisabeth qui est gravement malade, mais qui est présente à chaque chapitre et donne encore plus de sens au titre du livre. Que ce soit dans une cuisine, une gare ou un balcon, l'auteur nous incite à profiter du moment présent, sans trop penser au passé ou au futur : "Pendant ce temps-là, ne néglige-t-on pas de vivre ce qui est donné ici et maintenant, d'aménager l'immédiat? A coup sûr, la meilleure façon de se préparer à égrener demain d'autres regrets".
Colette nous parle aussi de ses réflexions sur le rôle de femme-épouse-mère et conseille : "Enfant, tu n'aurais pu vivre si je t'avais étouffé sous ma demande, si je t'avais voulu en accord avec mon désir plutôt qu'avec le tien. Pour ne pas peser sur toi de tout mon amour, il me fallait exister pour mon compte, rester la femme de ton père autant que ta mère". Mais elle évoque aussi la nostalgie quand les enfants grandissent : "Ai-je assez pleuré en allant d'une chambre désertée à l'autre en me répétant que c'était fini le temps des nourrissons, des lits pleins, des souffles cueillis sur les bouches entrouvertes, des mots échappés au sommeil. Le temps où la vie est justifiée par le seul fait d'élever ces petits qu'on a choisis de mettre au monde, d'avoir à leur donner des racines et leur ouvrir les ailes". Puis viennent les petits-enfants... Colette nous incite aussi à apprivoiser la solitude et à se réserver des moments juste pour nous-mêmes. La religion est également très présente dans sa vie.
Dans les derniers chapitres de "Célébration du quotidien", elle revient sur la disparition de ses parents lorsqu'elle avait sept ans qui a influencé sa vie et son oeuvre, et lui permet d'apprécier toutes les petites joies du quotidien : "Chaque matin, je m'étonne et je me réjouis d'être en vie ; je ne m'y habitue pas. J'ai appris aussi combien on pouvait compter sur l'amour des proches : ceux-là qui nous ont élevés comme leurs propres enfants avec une tendresse sans calcul. Ils nous ont prouvé que rien n'est jamais fini et que l'amour est vraiment plus fort que la mort".
Après "Célébration du quotidien", Colette s'interroge dans "Secrète présence" sur quelle présence nous pouvons offrir à nos proches : ni trop près, ni trop loin, sans l'imposer ou réclamer des comptes. Elle revient sur son enfance marquée par le décès de ses parents et témoigne : "Je redoutais les adultes - souvent les parents de compagnes de classe ou des amis de la famille - qui me figeaient dans ma situation d'orpheline et me couvaient de regards compatissants. Envie de secouer cette chape de piété et de courir rejoindre les insouciants dans la cour, sur la plage. Etre comme tout le monde. Ne pas me sentir marquée. Oui, il s'agit de ne pas entretenir le goût du malheur, mais de délivrer les sources, d'accompagner le chant profond de la vie toujours la plus forte".
Epouse, maman de cinq enfants et plusieurs fois grand-mère, elle évoque les amis qu'on laisse en chemin, son amour de la famille ("Orpheline à sept ans, j'ai reçu de celle dont je suis issue amour et secours pour croître comme les autres. J'ai littéralement vécu de cette solidarité, j'y ai puisé des forces pour l'existence"), les difficultés à laisser ses enfants vivre leur propre vie ("Sans doute sommes-nous plus soucieux de donner des racines à nos enfants que de leur ouvrir les ailes"), le besoin d'un jardin secret pour tous, la vie de couple, la retraite, la place de la femme dans notre société, la vieillesse ("Dans les maisons pudiquement appelées de repos, certains ne reçoivent plus jamais un baiser et meurent de faim du coeur") et la mort.
Cette phrase de Colette résume bien son livre : "Trouver sa place, la garder sans croire qu'on la perd lorsque le cercle familial, amical ou professionnel s'élargit ou se modifie, l'histoire de toute une vie, non?". Et elle conclut son ouvrage par cette citation de Rilke : "Si ta vie quotidienne te paraît pauvre, ne l'accuse pas, accuse-toi plutôt. Dis-toi que tu n'es pas assez poète pour en convoquer les richesses".
Dans "Contes d'espérance" (paru en 1998), Colette nous présente 19 contes qui n'ont rien de fantastique ou d'irréel. Elle a puisé l'inspiration dans notre vie quotidienne et raconte l'histoire de personnes ordinaires qui souffrent (dans tous les sens du terme) à l'approche de Noël : Françoise qui a perdu l'appétit de vivre, Antoinette qui attend la naissance d'un enfant avant de mourir, Laura et le chat perdu, Mr Brice qui redonne le goût d'apprendre à deux cancres rencontrés dans la rue, Chantal et son amour impossible pour un homme marié, Mme Bravoure qui n'a plus d'énergie suite au décès de son mari, Antoine et son premier Noël sans sa maman, etc. Des lecteurs reprocheront probablement l'abondance de bons sentiments, les happy end systématiques et les références chrétiennes de ce livre, mais ces 19 nouvelles nous incitent à mieux apprécier les joies simples de notre quotidien et apportent de la douceur, de l'amour, de la sagesse et de l'espérance dans un monde qui en manque si souvent...
Mères, professeurs de français et auteurs dans le Tournaisis, Colette Nys-Mazure et Françoise Lison-Leroy ont co-écrit "Flore et Florence" , un roman pour enfants. Elles nous racontent l'été du passage de l'école primaire aux études secondaires de Flore et Florence, amies depuis toujours. On les suit en vacances à Hardelot et en Bretagne, puis de retour chez elles dans le Hainaut occidental. Au cours de cet été doux et paisible, elles nous font partager leur quotidien : le départ de la grande soeur en Indonésie, leurs cours de théâtre, leurs premiers émois amoureux, la mort de leur beau moniteur, leurs relations avec leurs parents, les déceptions et les satisfactions en amitié. Le roman se termine par leur entrée à l'école secondaire. La lecture de "Flore et Florence" permettra aux professeurs d'aborder de nombreux thèmes avec des élèves du même âge que les deux héroïnes. Mon reproche est le manque de surprise et l'absence de rebondissement. Tout le roman est résumé dans la quatrième de couverture.
Colette a rédigé "Seuils de Loire" , un ouvrage de 141 pages, dans le cadre d'une résidence de poète qui s'est déroulée en 2002 pendant deux mois au Centre Municipal de Rochefort-sur-Loire. Lors de sa première visite, un vent glacé lui inspire cette réflexion : "Comment ne pas me sentir en pays connu puisque je retrouvais des airs de chez nous? Là comme ici, la girouette tourne plus volontiers que l'éventail ne bat de l'aile". Le Moulin Géant de Rochefort-sur-Loire, qui héberge sa résidence de poète, lui fait penser au Moulin de l'Agache de son arrière-grand-père, mais évoque aussi les moulins de Froyennes, Villeneuve-d'Ascq, Damme ou Kain. Les références au Tournaisis sont fréquentes : "Mon territoire est fendu par l'Escaut, puissant et modeste. Rien à voir avec le Rhône, la Loire ou la Moldau, mais c'est mon fleuve et je le fréquente assidûment, supportant mal l'air de dédain de quelques touristes, pressés de comparer, incapables de contempler".
Colette fait l'éloge de la correspondance et de l'écriture : "Comment tant de personnes peuvent-elles se priver d'écrire? Ignorent-elles l'émotion des lettres retrouvées qui disent l'être disparu, vibrant encore sous les doigts, les yeux?". Au terme de sa résidence de poète, elle conclut : "Ces êtres croisés et ces lieux arpentés sont en moi ; aucun vandale ne les défigurera. L'écriture comme témoin, légataire. Mémoire passeuse. Dans le sillage des grands hommes poètes qui m'ont précédée ici : la bande à Cadou, Pierre Garnier, Pascal Commère, Thierry Renard, et, déjà dans la perspective de ceux qui me suivront, je me suis imprégnée d'un pays".
"La liberté de l'amour" est une longue conversation de 2005 entre le journaliste Christophe Henning et Colette qui dédie cet ouvrage "à ceux et celles qui m'ont communiqué l'intime conviction d'un amour plus fort que la mort". Outre son enfance et sa vie de femme et de mère, elle revient notamment sur "Célébration du quotidien", publié en 1997, qui a marqué sa carrière littéraire : "Nous nous masquons notre réalité mortelle, nous fuyons vers l'arrière ou vers l'avant en négligeant ce présent très quotidien qu'il nous est donné de vivre ; nous recherchons l'extraordinaire et c'est lorsque l'ordinaire nous est interdit que nous en mesurons la valeur". Colette Nys-Mazure refuse cependant d'être enfermée dans le courant minimaliste cher à Philippe Delerm. Elle nous raconte ensuite ses quatre résidences d'écrivain - notamment à l'Academia Belgica à Rome - et son besoin d'avoir deux heures solitaires le matin pour lire et écrire.
Dans le chapitre intitulé "Enseigner savoir et saveur", Colette confie : "Aujourd'hui, le travail de l'enseignant se trouve sérieusement compliqué : d'une part, l'école n'est qu'un des accès à l'information et son crédit s'est affaibli ; d'autre part, les élèves sont habitués à zapper lorsqu'une émission les ennuie, et surtout, ils ont tant d'énergie à dépenser que, faute d'activité physique quotidienne, l'attention soutenue au cours leur devient difficile, voire impossible". Aujourd'hui retraitée, elle préfère animer des ateliers d'écriture que donner une conférence, et tente de faire redécouvrir le plaisir de la lecture à ses stagiaires. Colette évoque ensuite la société de consommation, les nouvelles technologies, la religion et son souhait d'être enterrée au Jardin des Poètes au sommet du Mont-Saint-Aubert. Même si la mort est souvent évoquée dans cet ouvrage, on le termine avec un message d'espoir et d'optimisme. C'est un bon résumé de la vie et de l'oeuvre de cette Grande Dame de la littérature belge dont les médias ne parlent pas assez.
Sorti en 2008, "Perdre pied" est le premier roman de Colette Nys-Mazure qui s'est inspirée du tableau "Sur la plage de Boulogne" d'Edouard Manet. Tous les personnages de cette toile, seuls ou en groupe, s'ignorent. Dans le roman, des personnes en souffrance se retrouvent au même moment face à la Manche. Il y a Julian, en chaise roulante suite à un accident de moto. Hilde qui vient travailler à l'hôtel des Dunes après une rupture amoureuse. Mosane, une adolescente sans nouvelles depuis six mois de son père journaliste, et sa mère Amélie. Antoine (75 ans), qui regrette de n'avoir pas eu le courage d'être un artiste à part entière, et qui a peur de la maladie et de la dépendance. Jeanne, la responsable de la maison d'hôte, dont le fils est atteint du sida.
Toutes ces personnes, résidents ou locataires, vont faire connaissance et se soutenir mutuellement. Leurs problèmes, leurs soucis et leurs doutes ne s'envolent pas, mais cette semaine face à la mer va leur permettre de reprendre pied et de retrouver un peu de courage et de confiance en eux. Ce roman très bien écrit s'intègre parfaitement dans les messages que tente de faire passer l'auteur à travers son oeuvre. Mon seul petit reproche est que j'ai eu du mal au début à entrer dans l'histoire et à m'y retrouver avec tous les personnages.
Fidèle à sa foi, Colette Nys-Mazure a consacré tout un livre à la Noël en 2009, comme elle l'avait fait dix ans plus tôt dans "Contes d'espérance". Dans "Noël en ce monde : contes pour aujourd'hui" , elle nous raconte la Nativité et des histoires qui se terminent par un message positif. Dans la nouvelle "De tombeaux en berceaux", elle évoque à nouveau Elisabeth, son amie décédée, à qui elle avait dédié "Célébration du quotidien". Colette nous incite à l'espérance de jours meilleurs, et rappelle que la Vie est plus forte que la Mort.
Certains passages sont autobiographiques, comme lorsqu'elle parle de ses grands-parents paternels : "Bon Papa était accablé par la mort de son fils aîné, mon père, et lui survivait tant bien que mal. Bonne Maman était exsangue et répétait aux amies, à voix basse, mais je l'entendais : "Ce n'est pas naturel, nous aurions dû partir les premiers". Elle et lui souffraient différemment : un mur de silence s'élevait entre eux ; leur dignité leur interdisait de mendier près de l'autre le tendre réconfort dont ils auraient eu besoin".
La bonne idée de ce livre très bien écrit, c'est d'avoir ajouté un CD d'une vingtaine de minutes. La voix douce de Colette et la musique d'ambiance donnent une autre perception des textes. Elle nous propose également un conte de Noël à jouer en famille ou entre amis. Dans sa conclusion, Colette écrit : "Noël à l'horizon. Seigneur, aide-moi à faire bon usage de la nostalgie. A ranger allègrement dans une malle les jardins d'enfance définitivement clos qui continuent à encenser la mémoire (...) S'ils illuminent notre souvenir, ils risquent aussi de nous y fixer, de nous alourdir. Ne permets pas, Seigneur, que nous gênions les autres de nos regrets, de nos déceptions. Demain, c'est Noël. Ne pourrions-nous déposer notre bagage non pour l'oublier, mais pour courir plus léger vers Toi, vers nos frères, sans encombrer personne de notre trésor privé, à jamais inaliénable?".
Dans l'introduction de "L'eau à la bouche" , Colette nous confie : "Qu'est-ce qu'un poème dans la marche du monde? Peut-on encore écrire des poèmes après les horreurs des camps d'extermination et les génocides? Interrogations légitimes. Chaque homme qui naît recommence l'histoire, et la poésie, comme toute forme d'art, accompagne, éclaire, soutient son existence tout en creusant le mystère de l'être au monde (...) Comme nous en avons besoin dans cet univers mécanisé, robotisé, informatisé à outrance. Cultiver la gratuité, la beauté avec ce matériau qui appartient à tous : les mots de la langue. Faire sien le quotidien et le transfigurer. Ecrire, lire la poésie accroît la liberté et donc la joie (...) Nous avons besoin de poèmes comme de l'air que nous respirons. Une longue fréquentation de la poésie de tous bords m'a convaincue que la vision poétique, loin de nous éloigner du réel et du présent, communique au quotidien une qualité particulière, une lumière et une chaleur, un émerveillement comparables à l'effet du feu sur le bois sec".
Dans cet ouvrage, Colette retrouve sa pédagogie d'ancienne professeur de français pour sortir la poésie de sa tour d'ivoire et la faire découvrir au grand public, avec des mots simples, sans analyse littéraire complexe. Elle a choisi des poètes francophone qu'elle apprécie (en variant les générations, les pays et les styles) afin de nous donner l'eau à la bouche ("Puisse cette série susciter chez les plus jeunes comme chez les aînés l'envie de mordre à même la chair du poème") : Françoise Lison-Leroy, André Schmitz, Maurice Carême, Liliane Wouters, Achille Chavée, François Emmanuel pour la Belgique, mais aussi Racine, Charles Baudelaire, Joachim du Bellay, Andrée Chedid, Serge Wellens, René Char, etc. Une courte présentation permet de les situer dans le temps et l'espace.
Colette Nys-Mazure et moi? Je l'ai découverte par hasard à la télévision en zappant dans les années 90 ; elle répondait aux questions de Michèle Cédric dans son émission de la RTBF. Sa personnalité m'avait plu. Quelques années plus tard, j'ai acheté ou emprunté à la bibliothèque plusieurs de ses ouvrages. Comme on l'aura constaté dans les comptes-rendus ci-dessus, ce n'est pas sa poésie qui m'attire, mais ses leçons de vie, son humanisme, sa douceur, sa sagesse et son optimisme. Beaucoup de ses citations me font penser à ma vie ou à celle de mes proches, et me font réfléchir. Ensuite, j'ai eu envie de la rencontrer lors de trois séances de dédicaces (à Tournai-La Page, à la librairie Decallonne et à la Foire du Livre de Bruxelles) et, même si ce sont des moments très courts qu'il faut partager avec les autres lecteurs, j'ai pu constater qu'elle était fidèle à ce qu'elle écrit dans ses livres. Nous avons eu aussi quelques échanges par courrier ou par mail. Et enfin, en mars dernier, le destin m'a offert un beau cadeau : en revenant de la Foire du Livre de Bruxelles, un problème technique m'a obligé à changer de train et de ligne, je monte énervé et en retard dans un autre train à la recherche d'une place....et me retrouve à côté de Colette Nys-Mazure! Elle me reconnaît, dépose son livre et a la gentillesse de parler avec moi pendant près de 3/4h. Un beau moment entre un auteur et un lecteur.
vendredi 10 août 2012
Interview d'Amélie Nothomb par Valérie Trierweiler
A l'occasion de ses 45 ans, de la sortie de son roman "Barbe bleue" et du 20ème anniversaire de sa carrière littéraire, l'auteur belge Amélie Nothomb a répondu aux questions de Valérie Trierweiler, Première Dame de France, pour l'hebdomadaire "Paris-Match" :
"Vous fêtez ce mois-ci vos vingt ans d'écriture. Quel regard portez-vous sur votre propre parcours?
- Je suis sidérée et ébahie, je vous donne ma parole d'honneur, que si, il y a vingt ans, on m'avait dit qu'on parlerait encore de moi en 2012, je ne l'aurais jamais cru, ni même espéré. Quand j'ai appris, moi humble Belge, que j'allais être publiée en France, j'ai pensé que c'était un miracle qui durerait trois mois, mais un miracle bon à prendre. J'étais déjà folle de joie. Mystérieusement, l'histoire d'amour ne s'est pas arrêtée, je ne sais pas comment çà fonctionne. Quand elle a débuté, çà a commencé à m'angoisser. C'est anxiogène de se dire que cela peut s'arrêter. J'ai peur que le charme se brise.
- Qu'avez-vous appris au cours de ces années?
- Que j'étais patiente. Je traite quasiment toujours le même sujet et j'en suis consciente. Les progrès sont très lents. Il faut beaucoup d'années pour progresser dans l'écriture et cela ne me dérange pas.
- Vous n'avez pas le sentiment d'avoir évolué dans l'écriture?
- Si, j'ai vraiment le sentiment d'avoir évolué dans le style, d'avoir une écriture plus épurée. Aujourd'hui, si je tombais enceinte d' "Hygiène de l'assassin", je serais plus sobre. Il se trouve que je l'ai relu car le manuscrit original va être publié par les éditions des Saints-Pères qui ont inventé un nouveau procédé de fac-similé. J'évolue vers plus de transparence tout en restant un écrivain baroque. Qui sait, peut-être, un jour, j'écrirai un roman de 40 pages?
- N'avez-vous pas vu les similitudes entre votre premier roman et le dernier, "Barbe bleue"?
- Au début, je vous jure que non. Un écrivain est tellement dépassé par ses obsessions, ses pathologies mentales. Ce n'est pas le même livre mais oui, c'est vraiment le même délire. C'est bien du même auteur. Le personnage féminin a la même rage, la même colère. Et il y a souvent de quoi être en colère pour une femme. Et les colères des femmes sont souvent taboues. Déjà, ma mère me disait : "C'est vilain pour une fille d'être en colère". Il me reste une colère, c'est certain.
- D'où vient-elle?
- Du fait qu'on a le sentiment de ne pas exister du tout, quel que soit le bruit que l'on fait. Je suis bien loin d'être la seule à éprouver cela. Je sais ce que c'est que de ne pas avoir été entendue. Pourtant, oui, je suis lue et entendue. Je suis privilégiée mais çà n'a pas toujours été le cas. Je ne sais pas comment tout çà est arrivé. Ces vingt ans ne sont pas passés très vite. Au contraire, cela a duré très longtemps et tant mieux car je les ai aimés! Certaines années ont été passionnantes.
- Pourquoi vous imposez-vous autant de contraintes, comme celle d'écrire chaque jour, dès 4h du matin?
- Pour lutter contre mes démons. Une seule fois, je me suis accordé un moment de liberté. C'était un dimanche matin de septembre 1997, j'étais épuisée et j'avais décidé de rester tranquillement à lire. Cela a été l'enfer, j'ai eu l'impression de régresser à l'âge de 13 ans, au pic de l'horreur pubertaire, de replonger dans le néant hostile. Pas dans le vide zen, mais dans le néant absolu. Mon sort n'est pas celui d'une martyre. J'adore écrire et j'adore répondre à mes lecteurs. Mais je suis une personne normale : j'ai une vie amoureuse, je vais au cinéma et je fais la vaisselle! Vous devez penser que je suis complètement dingue!
- Comment faites-vous pour vous renouveler?
- Pour en avoir discuté avec différents écrivains, je sais que le secret de l'inspiration est de ne jamais s'arrêter. C'est pour cette raison que je ne me suis jamais interrompue. Quand on arrête, cela cicatrise, moi, j'ai la plaie toujours ouverte. Comme si j'étais toujours en transe.
- La mort violente revient souvent dans vos livres?
- Rencontrer "l'autre", l'amour, est le but de la vie. Le malheur est que c'est très difficile de vivre avec l'autre, que la relation soit bénigne ou passionnelle. On le cherche et, quand on l'a rencontré, vient toujours le moment où l'on se pose la question : "Comment se débarrasser de la personne?". Dans le roman, ô merveille, tout est permis. On peut tuer. Moi, dans la réalité, je ne tue pas. Je ne dois pas être très dangereuse. Et la mort elle-même n'est pas tragique.
- Vous n'avez pas peur de la mort?
- J'ai décidé que la mort était une expérience intéressante, alors autant l'apprivoiser. Il ne faut pas la hâter pour autant, on y arrivera. Elle ne me fait pas peur pour moi. Je crains davantage la mort des autres que la mienne. La mienne, j'y pense. Il m'arrive même de l'espérer, surtout quand je suis très fatiguée. Mes insomnies sont parfois très noires, hallucinées d'horreur. Dans ces moments-là, j'écris dans ma tête. L'écriture étant sacrée, je ne fais pas de brouillon. J'écris trois, quatre pages ainsi.
- Vous évoquez souvent la nourriture dans vos romans?
- Oui, parce que j'ai eu des relations très difficiles avec la nourriture. A l'âge de 13 ans, j'ai commencé une anorexie. Je n'ai pas avalé un seul aliment pendant deux ans. A 15 ans, je pesais 32 kilos pour 1,70 mètre. Je vivais alors au Laos, il faisait très chaud et moi j'avais froid. J'ai senti que mon corps se séparait de mon âme. L'idée de manger à nouveau était pour moi une horreur. Je me vivais comme un démon. Il a fallu que je réapprenne à m'alimenter. J'ai vécu dans une haine de moi. Le conseil que je donne aux jeunes filles anorexiques est de partir loin, loin des siens. Moi, je suis partie au Japon. Loin des miens, loin de mes psychoses. C'est le seul message d'espoir que j'adresse. J'écrivais déjà mais c'était faible. Au Japon, je me suis fiancée à un garçon et, une semaine avant le mariage, je me suis enfuie. Le Japon m'avait sauvée mais je savais que ma vie n'était pas là-bas. C'est après mon retour que j'ai écrit "Hygiène de l'assassin".
- Les hommes ont plus souvent le mauvais rôle que les femmes dans vos fictions, non?
- Je n'ai pas le sentiment d'écrire sur la guerre des sexes, mais j'ai observé dans la vie que les hommes sont moins intéressants que les femmes. D'abord, elles sont plus belles et plus ambigües. Il est plus difficile de les placer du côté du bien ou du mal. Les hommes sont moins mystérieux. Dans ma vie, j'ai eu des adversaires mais j'avais moins à craindre des hommes que des femmes. Je suis un être sans malice, aussi quand je découvre que des gens me veulent du mal, je ne comprends jamais pourquoi. Même si je vois que beaucoup aimeraient être à ma place...
- Etes-vous allée jusqu'au bout de tous vos manuscrits?
- Oui, j'ai mené toutes mes grossesses à leur terme! J'ai accouché de créatures monstrueuses ou stupides, mais vivantes. Tout n'est pas bon, j'en suis à 75 manuscrits et je sais que beaucoup ne seront jamais publiés. J'ai pris des dispositions pour qu'ils ne le soient pas après ma mort.
- Je vous avais demandé en début d'entretien si vous aviez découvert des choses sur vous-même. Je vous repose cette même question.
- Oui, c'est vrai, j'ai découvert des choses sur moi. Tout en étant quelqu'un de gentil, j'ai une vraie violence en moi. Je fonctionne avec le système du vase et de la goutte d'eau. Quand je suis en colère, il vaut mieux ne pas être près de moi. Je ne supporte pas l'irrespect, le mépris ou le fait qu'une parole donnée ne soit pas respectée.
- Que savez-vous du bonheur?
- Dieu merci, j'en suis informée! Je suis vraiment dans la vie et dans la vie, il y a du bonheur. J'en ai déjà quatre heures par jour garanti avec l'écriture. C'est énorme. Il y a aussi des rencontres qui illuminent, ainsi que le plaisir et la beauté. Oui, çà vaut la peine de vivre. Je suis obsédée par la beauté. Ca oui, c'est une obsession. Je suis toujours à la chasse de la beauté : beauté humaine, beauté artistique, des paysages. Et çà, c'est indiscutable.
- Si vous ne deviez garder qu'un de vos livres, lequel serait-il?
- C'est une question inhumaine. C'est le choix de Sophie. Je ne veux pas choisir entre mes enfants. On ne préfère pas forcément le plus beau, le plus intelligent. Pourquoi devrais-je choisir? Tant de gens sont disposés à le faire à ma place.
- Chacun de vos livres est un best-seller. Que faites-vous de l'argent que vous gagnez?
- Je vis bien. Je peux aider mais je ne suis pas non plus Mère Teresa de Calcutta. Je m'offre du champagne. J'ai, comme dans "Barbe bleue", un frigo à champagne. Pour moi, boire du champagne est une cérémonie. Avant, je jeûne. Je ne bois jamais avant 18 ou 19 heures et jamais seule. Il faut une ou plusieurs personnes. Cela délie le coeur de parler avec l'ivresse du champagne, c'est autre chose.
- Vous craignez que le succès ne s'arrête?
- Je me dis, un jour, ils vont s'apercevoir de l'imposture : je ne suis qu'un clown belge! Une usurpatrice et pourtant j'écris moi-même! C'est une très grande angoisse, çà me fait très peur. J'aime avoir du succès et je ne sais pas si j'en suis dépendante.
- Qu'aimez-vous que l'on dise de vous?
- Sur moi, comme être humain, je suis moins exigeante que sur mes livres. Qu'on dise que je suis sympathique me suffit. J'espère surtout qu'on me trouvera bon écrivain dans vingt ans. Même si je ne me pose jamais la question de l'avenir. Je sais qu'il peut y avoir des surprises dans l'écriture comme dans la vie. La vie est stupéfiante".
"Vous fêtez ce mois-ci vos vingt ans d'écriture. Quel regard portez-vous sur votre propre parcours?
- Je suis sidérée et ébahie, je vous donne ma parole d'honneur, que si, il y a vingt ans, on m'avait dit qu'on parlerait encore de moi en 2012, je ne l'aurais jamais cru, ni même espéré. Quand j'ai appris, moi humble Belge, que j'allais être publiée en France, j'ai pensé que c'était un miracle qui durerait trois mois, mais un miracle bon à prendre. J'étais déjà folle de joie. Mystérieusement, l'histoire d'amour ne s'est pas arrêtée, je ne sais pas comment çà fonctionne. Quand elle a débuté, çà a commencé à m'angoisser. C'est anxiogène de se dire que cela peut s'arrêter. J'ai peur que le charme se brise.
- Qu'avez-vous appris au cours de ces années?
- Que j'étais patiente. Je traite quasiment toujours le même sujet et j'en suis consciente. Les progrès sont très lents. Il faut beaucoup d'années pour progresser dans l'écriture et cela ne me dérange pas.
- Vous n'avez pas le sentiment d'avoir évolué dans l'écriture?
- Si, j'ai vraiment le sentiment d'avoir évolué dans le style, d'avoir une écriture plus épurée. Aujourd'hui, si je tombais enceinte d' "Hygiène de l'assassin", je serais plus sobre. Il se trouve que je l'ai relu car le manuscrit original va être publié par les éditions des Saints-Pères qui ont inventé un nouveau procédé de fac-similé. J'évolue vers plus de transparence tout en restant un écrivain baroque. Qui sait, peut-être, un jour, j'écrirai un roman de 40 pages?
- N'avez-vous pas vu les similitudes entre votre premier roman et le dernier, "Barbe bleue"?
- Au début, je vous jure que non. Un écrivain est tellement dépassé par ses obsessions, ses pathologies mentales. Ce n'est pas le même livre mais oui, c'est vraiment le même délire. C'est bien du même auteur. Le personnage féminin a la même rage, la même colère. Et il y a souvent de quoi être en colère pour une femme. Et les colères des femmes sont souvent taboues. Déjà, ma mère me disait : "C'est vilain pour une fille d'être en colère". Il me reste une colère, c'est certain.
- D'où vient-elle?
- Du fait qu'on a le sentiment de ne pas exister du tout, quel que soit le bruit que l'on fait. Je suis bien loin d'être la seule à éprouver cela. Je sais ce que c'est que de ne pas avoir été entendue. Pourtant, oui, je suis lue et entendue. Je suis privilégiée mais çà n'a pas toujours été le cas. Je ne sais pas comment tout çà est arrivé. Ces vingt ans ne sont pas passés très vite. Au contraire, cela a duré très longtemps et tant mieux car je les ai aimés! Certaines années ont été passionnantes.
- Pourquoi vous imposez-vous autant de contraintes, comme celle d'écrire chaque jour, dès 4h du matin?
- Pour lutter contre mes démons. Une seule fois, je me suis accordé un moment de liberté. C'était un dimanche matin de septembre 1997, j'étais épuisée et j'avais décidé de rester tranquillement à lire. Cela a été l'enfer, j'ai eu l'impression de régresser à l'âge de 13 ans, au pic de l'horreur pubertaire, de replonger dans le néant hostile. Pas dans le vide zen, mais dans le néant absolu. Mon sort n'est pas celui d'une martyre. J'adore écrire et j'adore répondre à mes lecteurs. Mais je suis une personne normale : j'ai une vie amoureuse, je vais au cinéma et je fais la vaisselle! Vous devez penser que je suis complètement dingue!
- Comment faites-vous pour vous renouveler?
- Pour en avoir discuté avec différents écrivains, je sais que le secret de l'inspiration est de ne jamais s'arrêter. C'est pour cette raison que je ne me suis jamais interrompue. Quand on arrête, cela cicatrise, moi, j'ai la plaie toujours ouverte. Comme si j'étais toujours en transe.
- La mort violente revient souvent dans vos livres?
- Rencontrer "l'autre", l'amour, est le but de la vie. Le malheur est que c'est très difficile de vivre avec l'autre, que la relation soit bénigne ou passionnelle. On le cherche et, quand on l'a rencontré, vient toujours le moment où l'on se pose la question : "Comment se débarrasser de la personne?". Dans le roman, ô merveille, tout est permis. On peut tuer. Moi, dans la réalité, je ne tue pas. Je ne dois pas être très dangereuse. Et la mort elle-même n'est pas tragique.
- Vous n'avez pas peur de la mort?
- J'ai décidé que la mort était une expérience intéressante, alors autant l'apprivoiser. Il ne faut pas la hâter pour autant, on y arrivera. Elle ne me fait pas peur pour moi. Je crains davantage la mort des autres que la mienne. La mienne, j'y pense. Il m'arrive même de l'espérer, surtout quand je suis très fatiguée. Mes insomnies sont parfois très noires, hallucinées d'horreur. Dans ces moments-là, j'écris dans ma tête. L'écriture étant sacrée, je ne fais pas de brouillon. J'écris trois, quatre pages ainsi.
- Vous évoquez souvent la nourriture dans vos romans?
- Oui, parce que j'ai eu des relations très difficiles avec la nourriture. A l'âge de 13 ans, j'ai commencé une anorexie. Je n'ai pas avalé un seul aliment pendant deux ans. A 15 ans, je pesais 32 kilos pour 1,70 mètre. Je vivais alors au Laos, il faisait très chaud et moi j'avais froid. J'ai senti que mon corps se séparait de mon âme. L'idée de manger à nouveau était pour moi une horreur. Je me vivais comme un démon. Il a fallu que je réapprenne à m'alimenter. J'ai vécu dans une haine de moi. Le conseil que je donne aux jeunes filles anorexiques est de partir loin, loin des siens. Moi, je suis partie au Japon. Loin des miens, loin de mes psychoses. C'est le seul message d'espoir que j'adresse. J'écrivais déjà mais c'était faible. Au Japon, je me suis fiancée à un garçon et, une semaine avant le mariage, je me suis enfuie. Le Japon m'avait sauvée mais je savais que ma vie n'était pas là-bas. C'est après mon retour que j'ai écrit "Hygiène de l'assassin".
- Les hommes ont plus souvent le mauvais rôle que les femmes dans vos fictions, non?
- Je n'ai pas le sentiment d'écrire sur la guerre des sexes, mais j'ai observé dans la vie que les hommes sont moins intéressants que les femmes. D'abord, elles sont plus belles et plus ambigües. Il est plus difficile de les placer du côté du bien ou du mal. Les hommes sont moins mystérieux. Dans ma vie, j'ai eu des adversaires mais j'avais moins à craindre des hommes que des femmes. Je suis un être sans malice, aussi quand je découvre que des gens me veulent du mal, je ne comprends jamais pourquoi. Même si je vois que beaucoup aimeraient être à ma place...
- Etes-vous allée jusqu'au bout de tous vos manuscrits?
- Oui, j'ai mené toutes mes grossesses à leur terme! J'ai accouché de créatures monstrueuses ou stupides, mais vivantes. Tout n'est pas bon, j'en suis à 75 manuscrits et je sais que beaucoup ne seront jamais publiés. J'ai pris des dispositions pour qu'ils ne le soient pas après ma mort.
- Je vous avais demandé en début d'entretien si vous aviez découvert des choses sur vous-même. Je vous repose cette même question.
- Oui, c'est vrai, j'ai découvert des choses sur moi. Tout en étant quelqu'un de gentil, j'ai une vraie violence en moi. Je fonctionne avec le système du vase et de la goutte d'eau. Quand je suis en colère, il vaut mieux ne pas être près de moi. Je ne supporte pas l'irrespect, le mépris ou le fait qu'une parole donnée ne soit pas respectée.
- Que savez-vous du bonheur?
- Dieu merci, j'en suis informée! Je suis vraiment dans la vie et dans la vie, il y a du bonheur. J'en ai déjà quatre heures par jour garanti avec l'écriture. C'est énorme. Il y a aussi des rencontres qui illuminent, ainsi que le plaisir et la beauté. Oui, çà vaut la peine de vivre. Je suis obsédée par la beauté. Ca oui, c'est une obsession. Je suis toujours à la chasse de la beauté : beauté humaine, beauté artistique, des paysages. Et çà, c'est indiscutable.
- Si vous ne deviez garder qu'un de vos livres, lequel serait-il?
- C'est une question inhumaine. C'est le choix de Sophie. Je ne veux pas choisir entre mes enfants. On ne préfère pas forcément le plus beau, le plus intelligent. Pourquoi devrais-je choisir? Tant de gens sont disposés à le faire à ma place.
- Chacun de vos livres est un best-seller. Que faites-vous de l'argent que vous gagnez?
- Je vis bien. Je peux aider mais je ne suis pas non plus Mère Teresa de Calcutta. Je m'offre du champagne. J'ai, comme dans "Barbe bleue", un frigo à champagne. Pour moi, boire du champagne est une cérémonie. Avant, je jeûne. Je ne bois jamais avant 18 ou 19 heures et jamais seule. Il faut une ou plusieurs personnes. Cela délie le coeur de parler avec l'ivresse du champagne, c'est autre chose.
- Vous craignez que le succès ne s'arrête?
- Je me dis, un jour, ils vont s'apercevoir de l'imposture : je ne suis qu'un clown belge! Une usurpatrice et pourtant j'écris moi-même! C'est une très grande angoisse, çà me fait très peur. J'aime avoir du succès et je ne sais pas si j'en suis dépendante.
- Qu'aimez-vous que l'on dise de vous?
- Sur moi, comme être humain, je suis moins exigeante que sur mes livres. Qu'on dise que je suis sympathique me suffit. J'espère surtout qu'on me trouvera bon écrivain dans vingt ans. Même si je ne me pose jamais la question de l'avenir. Je sais qu'il peut y avoir des surprises dans l'écriture comme dans la vie. La vie est stupéfiante".
jeudi 12 juillet 2012
Les prix littéraires 2012 de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Prix triennal d'écriture dramatique en langue régionale endogène (2.500 euros) : "Lès sins-rin" de Freddy Charles (cofondateur du Centre dramatique populaire) et Yvonne Stiernet (enseignante et comédienne amateur tournée vers le répertoire wallon). Ils ont écrit une comédie sociale en trois actes autour de trois SDF qui transforment un squat en un resto du coeur baptisé "Lès sins-rin".
Prix du rayonnement des lettres belges (4.000 euros) : Arnaud Huftier pour l'ensemble de son oeuvre. Ce prix récompense une personne de nationalité étrangère qui a oeuvré pour promouvoir la littérature belge francophone. Né en 1970, de nationalité française, Arnaud Huftier enseigne à l'Université de Valenciennes et a déjà écrit des livres sur nos compatriotes Stanislas-André Steeman et Jean Ray.
Prix de la première oeuvre, quel que soit le genre littéraire (5.000 euros) : "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland, publié par Actes Sud en 2011. Il raconte l'histoire d'une jeune Japonaise qui se travestit pour devenir kamikaze à la place de son frère déserteur afin d'éviter le déshonneur de sa famille. Ce roman a également obtenu le Prix Première de la RTBF. Ancienne professeur de français, Nicole Roland vit à Namur et a écrit un deuxième livre, "Les veilleurs de chagrin".
Prix triennal d'écriture dramatique (8.000 euros) : "Alberto est communiste" de Pierre Lorquet. Cette pièce se déroule dans un restaurant réputé, où les clients attendent en vain la surprise du chef qui a disparu, ne laissant qu'un quartier de viande au congélateur objet de certaines convoitises. Né à Liège en 1966, Pierre Lorquet est metteur en scène, régisseur, scénariste, auteur de nouvelles policières.
Prix quinquennal de l'essai (10.000 euros) : "Salut et liberté : regards croisés sur Saint-Just et Rimbaud" de Frédéric Thomas, docteur en philosophie politique, rédacteur pour la revue "Dissidences". Il propose une lecture croisée de l'oeuvre et de la vie de Rimbaud et de Saint-Just autour de quelques moments charnières et de thèmes communs à ces deux hommes aux parcours exceptionnels et fulgurants.
Grand prix triennal de littérature de jeunesse (15.000 euros) : Benoît Jacques pour l'ensemble de son oeuvre. Né à Bruxelles, il est aujourd'hui installé en France où il est à la fois graphiste, sculpteur, auteur et éditeur. Ce prix a été créé en 2006 par la ministre Fadila Laanan pour couronner un auteur de littérature de jeunesse pour l'ensemble de son oeuvre. Kitty Crowther l'avait reçu en 2006.
Bravo à tous!
Prix du rayonnement des lettres belges (4.000 euros) : Arnaud Huftier pour l'ensemble de son oeuvre. Ce prix récompense une personne de nationalité étrangère qui a oeuvré pour promouvoir la littérature belge francophone. Né en 1970, de nationalité française, Arnaud Huftier enseigne à l'Université de Valenciennes et a déjà écrit des livres sur nos compatriotes Stanislas-André Steeman et Jean Ray.
Prix de la première oeuvre, quel que soit le genre littéraire (5.000 euros) : "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland, publié par Actes Sud en 2011. Il raconte l'histoire d'une jeune Japonaise qui se travestit pour devenir kamikaze à la place de son frère déserteur afin d'éviter le déshonneur de sa famille. Ce roman a également obtenu le Prix Première de la RTBF. Ancienne professeur de français, Nicole Roland vit à Namur et a écrit un deuxième livre, "Les veilleurs de chagrin".
Prix triennal d'écriture dramatique (8.000 euros) : "Alberto est communiste" de Pierre Lorquet. Cette pièce se déroule dans un restaurant réputé, où les clients attendent en vain la surprise du chef qui a disparu, ne laissant qu'un quartier de viande au congélateur objet de certaines convoitises. Né à Liège en 1966, Pierre Lorquet est metteur en scène, régisseur, scénariste, auteur de nouvelles policières.
Prix quinquennal de l'essai (10.000 euros) : "Salut et liberté : regards croisés sur Saint-Just et Rimbaud" de Frédéric Thomas, docteur en philosophie politique, rédacteur pour la revue "Dissidences". Il propose une lecture croisée de l'oeuvre et de la vie de Rimbaud et de Saint-Just autour de quelques moments charnières et de thèmes communs à ces deux hommes aux parcours exceptionnels et fulgurants.
Grand prix triennal de littérature de jeunesse (15.000 euros) : Benoît Jacques pour l'ensemble de son oeuvre. Né à Bruxelles, il est aujourd'hui installé en France où il est à la fois graphiste, sculpteur, auteur et éditeur. Ce prix a été créé en 2006 par la ministre Fadila Laanan pour couronner un auteur de littérature de jeunesse pour l'ensemble de son oeuvre. Kitty Crowther l'avait reçu en 2006.
Bravo à tous!
dimanche 8 juillet 2012
Le parcours littéraire de l'écrivain belge Alain Bertrand
Dans la revue "Le Carnet et les Instants" de mai, Alain Bertrand, professeur de français à Bastogne (province de Luxembourg), revient sur son parcours littéraire et sur ses relations avec ses éditeurs belges et français : "Mon rêve, c'était la coédition entre un éditeur belge et un éditeur français de taille moyenne. A une époque, l'éditeur bruxellois Bernard Gilson que j'appréciais énormément a travaillé avec Le Castor Astral. Pour moi, ce mariage était l'union parfaite : prendre un café avec Bernard à Bruxelles et boire un verre de Bourgueil à Paris, combiner la proximité amicale et l'efficacité de la distribution française. Hélàs, cela ne s'est jamais conclu pour mes livres. De ce fait, j'ai balancé de l'un à l'autre en fonction des projets, du type de livre, de l'écho géographique qu'il pouvait avoir. En communauté française, on a tendance à penser que ce qui est publié en France est meilleur que ce qui est publié en Belgique. Cette façon de voir est complètement fausse. Chaque manuscrit doit trouver son éditeur. Par exemple, "Le lait de la terre" , que je suis très heureux d'avoir publié cette année chez Weyrich, est impubliable en France : pas du tout pour des raisons littéraires, mais parce qu'il évoque l'Ardenne belge. C'est un simple problème commercial. Il y a d'autres exemples. Je me souviens avoir publié en 1995 chez Quorum "Les aventures du Belge errant" de François Jongen, un roman drôle mais impubliable en France parce qu'inscrit dans la réalité belge".
Alain Bertrand commence par la publication de trois essais : "Georges Simenon" en 1988 à La Manufacture, "Maigret" en 1994 chez Labor et "Jean-Claude Pirotte" en 1995 chez Labor également. En 1998, son premier livre de prose littéraire, "Lazare ou la lumière du jour" est publié par Le Temps qu'il fait, reçoit des échos positifs et le prix Eugène Schmits de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Alain Bertrand devient directeur de la collection "Le Point du Jour" chez Quorum, une maison belge aujourd'hui disparue où il va publier une douzaine d'ouvrages dans les années 90, puis conseiller littéraire chez Labor.
En 2003, il sort trois titres : "Le Bar des Hirondelles" chez Labor, "Monsieur Blanche" au Castor Astral et "La lumière des polders" chez Arléa. Plus tard, "On progresse" est publié par Dilettante et "Je ne suis pas un cadeau" par l'éditeur bordelais Finitude. C'est également Finitude qui publiera le prochain livre d'Alain Bertrand cet automne : "Une si jolie fermette", un livre en grand format illustré par Daniel Casanave, illustrateur et auteur de bande dessinée.
Parallèlement à son oeuvre personnelle, Alain Bertrand continue à porter des projets éditoriaux et, tout récemment, s'est lancé dans une nouvelle aventure avec l'éditeur Weyrich, maison spécialisée à l'origine dans l'édition des beaux livres sur la nature et le terroir : "Olivier Weyrich de Neufchâteau m'a contacté il y a deux ans pour réfléchir à une collection littéraire. J'ai d'abord pensé au roman policier mais, à une époque où la Belgique vacillait, j'ai ressenti, sans que ce soit de l'opportunisme, que c'était le moment de s'interroger sur l'identité wallonne, qui pour moi est en construction. Ce n'est pas du régionalisme qui est généralement passéiste. Il s'agit de réfléchir à une littérature inscrite dans un territoire selon les différents points de vue des auteurs, sans oublier de raconter des histoires et de proposer une qualité littéraire et stylistique. Il n'y a pas que l'ancrage wallon. Ce n'est pas une école coincée par une idéologie. Rien n'est plus différent que l'univers de Bernard Gheur et son évocation poétique de Liège sous la guerre ou celui de Frédéric Saenen qui propose un roman noir autour des banlieues liégeoises. Si mon dernier roman "L'oeil de la mouche" est paru là, c'est parce que je crois en cette collection. C'était aussi un cadeau à Olivier Weyrich qui m'a confié l'animation de cette collection, animation que je partage avec d'autres personnes. Le titre de la collection, "Plumes du Coq", a été le plus difficile à trouver, jusqu'à ce qu'il jaillisse de la bouche de la compagne de Frédéric Saenen, alors que nous partagions une potée aux choux".
Alain Bertrand commence par la publication de trois essais : "Georges Simenon" en 1988 à La Manufacture, "Maigret" en 1994 chez Labor et "Jean-Claude Pirotte" en 1995 chez Labor également. En 1998, son premier livre de prose littéraire, "Lazare ou la lumière du jour" est publié par Le Temps qu'il fait, reçoit des échos positifs et le prix Eugène Schmits de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Alain Bertrand devient directeur de la collection "Le Point du Jour" chez Quorum, une maison belge aujourd'hui disparue où il va publier une douzaine d'ouvrages dans les années 90, puis conseiller littéraire chez Labor.
En 2003, il sort trois titres : "Le Bar des Hirondelles" chez Labor, "Monsieur Blanche" au Castor Astral et "La lumière des polders" chez Arléa. Plus tard, "On progresse" est publié par Dilettante et "Je ne suis pas un cadeau" par l'éditeur bordelais Finitude. C'est également Finitude qui publiera le prochain livre d'Alain Bertrand cet automne : "Une si jolie fermette", un livre en grand format illustré par Daniel Casanave, illustrateur et auteur de bande dessinée.
Parallèlement à son oeuvre personnelle, Alain Bertrand continue à porter des projets éditoriaux et, tout récemment, s'est lancé dans une nouvelle aventure avec l'éditeur Weyrich, maison spécialisée à l'origine dans l'édition des beaux livres sur la nature et le terroir : "Olivier Weyrich de Neufchâteau m'a contacté il y a deux ans pour réfléchir à une collection littéraire. J'ai d'abord pensé au roman policier mais, à une époque où la Belgique vacillait, j'ai ressenti, sans que ce soit de l'opportunisme, que c'était le moment de s'interroger sur l'identité wallonne, qui pour moi est en construction. Ce n'est pas du régionalisme qui est généralement passéiste. Il s'agit de réfléchir à une littérature inscrite dans un territoire selon les différents points de vue des auteurs, sans oublier de raconter des histoires et de proposer une qualité littéraire et stylistique. Il n'y a pas que l'ancrage wallon. Ce n'est pas une école coincée par une idéologie. Rien n'est plus différent que l'univers de Bernard Gheur et son évocation poétique de Liège sous la guerre ou celui de Frédéric Saenen qui propose un roman noir autour des banlieues liégeoises. Si mon dernier roman "L'oeil de la mouche" est paru là, c'est parce que je crois en cette collection. C'était aussi un cadeau à Olivier Weyrich qui m'a confié l'animation de cette collection, animation que je partage avec d'autres personnes. Le titre de la collection, "Plumes du Coq", a été le plus difficile à trouver, jusqu'à ce qu'il jaillisse de la bouche de la compagne de Frédéric Saenen, alors que nous partagions une potée aux choux".
samedi 16 juin 2012
"Le labyrinthe belge" (Geert Van Istendael)
Né à Uccle en 1947, Geert Van Istendael est un écrivain, journaliste, poète et traducteur belge. Au cours des premiers chapitres, il revient sur l'histoire de notre pays, et s'attarde longuement sur la première et la deuxième guerres mondiales. Il fait remarquer : "Depuis la conquête de nos provinces par les Espagnols, depuis la fin du XVIème siècle donc, nos lois nous arrivaient de villes lointaines, inconnues et insolites, comme Madrid ou Vienne. C'est le sort historique que Flamands et Wallons ont partagé, ce qui explique en partie pourquoi personne n'est plus semblable au Wallon que le Flamand, et vice-versa".
Il prend ensuite la défense des Flamands qui se sont battus pour la reconnaissance du néerlandais, et des soldats qui ne comprenaient pas, durant la première guerre mondiale, les ordres donnés en français par des officiers francophones.
Mais Geert Van Istendael souligne : "Le mouvement flamand s'est inventé un passé exagérément romantique, qui s'appuie sur la période, glorieuse mais courte, du comté de Flandre au XIVème siècle. C'est de là, en réaction à l'Etat belge et francophone, qu'est né le concept de la Flandre, à laquelle appartiennent, au mépris total de l'histoire, le Brabant et le Limbourg : avant 1830, la chose aurait été totalement incompréhensible. La Flandre est donc un dérivé de la Belgique (...) L'idée de Wallonie est à son tour une réaction. La Wallonie est l'effet secondaire d'un dérivé. Le nom de Wallonie pour la partie francophone de la Belgique (sans la partie francophone de Bruxelles) a été trouvé en 1842 par le poète populaire namurois Joseph Grandgagnage".
L'auteur explique ensuite (en défendant le point de vue flamand) la frontière linguistique, les communes à facilités, les différences entre le flamand et le néerlandais, la multiculturalité et la francisation de Bruxelles. Puis, il rend hommage à l'histoire industrielle et à la culture wallones, et rappelle qu'il a écrit un recueil de poésies sur son amour du Borinage! Dans les derniers chapitres, Geert Van Istendael nous présente la peu connue communauté germanophone de Belgique, les différentes institutions, les partis, les syndicats, ainsi que l'évolution du rôle de la religion au sein de notre société.
Ce livre bien écrit et très intéressant permet de mieux comprendre la complexité du "labyrinthe belge" d'une part, et d'avoir le point de vue d'un Flamand modéré d'autre part. Bravo à l'éditeur qui a eu la très bonne idée de le faire traduire en français.
Je laisse le soin de conclure à Geert Van Istendael :
"La Belgique, c'est un modèle de l'Europe en miniature. La Belgique, c'est le terrain où le nord se heurte au sud, où l'élément latin rencontre l'élément germanique, où l'on se rend compte que ces rencontres ne sont pas du tout évidentes. La Belgique parvient à organiser le rapport de forces qui est inévitable entre les langues et les cultures. La capitale de la Belgique est aussi une des dernières villes bilingues qui nous restent en Europe. Je suis très attaché à la Belgique, ce pays imprévisible, légèrement chaotique, maladroit, attendrissant, parfois moche, parfois sublime, ce pays toujours un peu fou. Si la Belgique disparaît, un signal d'alerte clignotant perpétuellement disparaîtra. L'existence en soi de la Belgique est un avertissement. Voyez comme c'est difficile, la rencontre entre langues et cultures. Voyez aussi comme c'est passionnant. L'Europe sera belge ou ne sera pas".
Il prend ensuite la défense des Flamands qui se sont battus pour la reconnaissance du néerlandais, et des soldats qui ne comprenaient pas, durant la première guerre mondiale, les ordres donnés en français par des officiers francophones.
Mais Geert Van Istendael souligne : "Le mouvement flamand s'est inventé un passé exagérément romantique, qui s'appuie sur la période, glorieuse mais courte, du comté de Flandre au XIVème siècle. C'est de là, en réaction à l'Etat belge et francophone, qu'est né le concept de la Flandre, à laquelle appartiennent, au mépris total de l'histoire, le Brabant et le Limbourg : avant 1830, la chose aurait été totalement incompréhensible. La Flandre est donc un dérivé de la Belgique (...) L'idée de Wallonie est à son tour une réaction. La Wallonie est l'effet secondaire d'un dérivé. Le nom de Wallonie pour la partie francophone de la Belgique (sans la partie francophone de Bruxelles) a été trouvé en 1842 par le poète populaire namurois Joseph Grandgagnage".
L'auteur explique ensuite (en défendant le point de vue flamand) la frontière linguistique, les communes à facilités, les différences entre le flamand et le néerlandais, la multiculturalité et la francisation de Bruxelles. Puis, il rend hommage à l'histoire industrielle et à la culture wallones, et rappelle qu'il a écrit un recueil de poésies sur son amour du Borinage! Dans les derniers chapitres, Geert Van Istendael nous présente la peu connue communauté germanophone de Belgique, les différentes institutions, les partis, les syndicats, ainsi que l'évolution du rôle de la religion au sein de notre société.
Ce livre bien écrit et très intéressant permet de mieux comprendre la complexité du "labyrinthe belge" d'une part, et d'avoir le point de vue d'un Flamand modéré d'autre part. Bravo à l'éditeur qui a eu la très bonne idée de le faire traduire en français.
Je laisse le soin de conclure à Geert Van Istendael :
"La Belgique, c'est un modèle de l'Europe en miniature. La Belgique, c'est le terrain où le nord se heurte au sud, où l'élément latin rencontre l'élément germanique, où l'on se rend compte que ces rencontres ne sont pas du tout évidentes. La Belgique parvient à organiser le rapport de forces qui est inévitable entre les langues et les cultures. La capitale de la Belgique est aussi une des dernières villes bilingues qui nous restent en Europe. Je suis très attaché à la Belgique, ce pays imprévisible, légèrement chaotique, maladroit, attendrissant, parfois moche, parfois sublime, ce pays toujours un peu fou. Si la Belgique disparaît, un signal d'alerte clignotant perpétuellement disparaîtra. L'existence en soi de la Belgique est un avertissement. Voyez comme c'est difficile, la rencontre entre langues et cultures. Voyez aussi comme c'est passionnant. L'Europe sera belge ou ne sera pas".
lundi 4 juin 2012
Exposition au Musée Verhaeren à Sint-Amands
Du 26 juin au 11 novembre 2012, le Musée Provincial Emile Verhaeren de Sint-Amands (son village natal) accueille l'exposition "Emile Verhaeren et le Caillou-qui-bique". Infos pratiques : www.emileverhaeren.be
Stefan Zweig a écrit sur le Caillou-qui-bique : "C'est tout au bout du monde, et cependant, c'est un point cardinal d'Europe dans l'invisible". Le Cailloui-qui-bique est un hameau buccolique situé à Roisin dans la province du Hainaut, près de la frontière française. Le poète belge Emile Verhaeren et son épouse y ont vécu de 1899 à 1914. C'est un endroit qui occupe une place importante dans son oeuvre et où il a également reçu de nombreux amis. Cette exposition veut évoquer cet épisode dans la vie d'Emile Verhaeren (décédé accidentellement en 1916) avec des photos, des lettres, des documents mais aussi des oeuvres d'art de Constant Montald, de Marthe Verhaeren, de Charles Bernier et de William Degouve de Nuncques. Elle a bénéficié de la collaboration des Archives du Musée de la Littérature et de la Bibliothèque Royale de Bruxelles, ainsi que du Service de Tourisme de la province de Hainaut qui gère le Musée Emile Verhaeren à Roisin.
Stefan Zweig a écrit sur le Caillou-qui-bique : "C'est tout au bout du monde, et cependant, c'est un point cardinal d'Europe dans l'invisible". Le Cailloui-qui-bique est un hameau buccolique situé à Roisin dans la province du Hainaut, près de la frontière française. Le poète belge Emile Verhaeren et son épouse y ont vécu de 1899 à 1914. C'est un endroit qui occupe une place importante dans son oeuvre et où il a également reçu de nombreux amis. Cette exposition veut évoquer cet épisode dans la vie d'Emile Verhaeren (décédé accidentellement en 1916) avec des photos, des lettres, des documents mais aussi des oeuvres d'art de Constant Montald, de Marthe Verhaeren, de Charles Bernier et de William Degouve de Nuncques. Elle a bénéficié de la collaboration des Archives du Musée de la Littérature et de la Bibliothèque Royale de Bruxelles, ainsi que du Service de Tourisme de la province de Hainaut qui gère le Musée Emile Verhaeren à Roisin.
lundi 28 mai 2012
Décès de Jacqueline Harpman
Née à Etterbeek en juillet 1929, Jacqueline Harpman avait dû quitter la Belgique pendant la deuxième guerre mondiale pour se réfugier avec son père, un juif d'origine néerlandaise, à Casablanca au Maroc. C'est là qu'elle effectue ses études secondaires et se passionne pour la littérature, en particulier Balzac, Proust et Freud. A l'automne 1945, elle rentre en Belgique et entame des études de médecine qu'elle abandonne après deux ans en raison de la tuberculose. Elle passe ainsi près de deux ans au sanatorium d'Eupen dans les années 50 pour soigner cette maladie. Sa carrière littéraire démarre en 1959 avec la publication de son premier roman, "Brève Arcadie", qui reçoit le Prix Rossel. En 1963, elle épouse l'architecte et critique d'art Pierre Puttemans avec qui elle aura deux filles. Son roman, "Les Bons Sauvages", paru en 1966, ne rencontre pas le succès espéré. Déçue, elle abandonne la littérature pendant une vingtaine d'années.
Jacqueline Harpman entame alors des études de psychologie à l'Université Libre de Bruxelles et est diplômée en 1970, à l'âge de 41 ans. Elle signe son retour à littérature en 1985 avec "La mémoire trouble". Elle confie : "Je crois que je n'avais plus rien à dire. Et puis brusquement dans les années 80, le désir de raconter des histoires m'est revenu et ne m'a plus quitté. Il est tel aujourd'hui que j'ai l'impression qu'il demeurera présent jusqu'à la fin de mes jours. J'ai aussi découvert Freud en même temps que le plaisir d'écrire. J'ai exercé les deux métiers ; ils n'ont aucune influence l'un sur l'autre. Quand on écrit, on exprime ce que l'on sent. La psychanalyse demande, elle, l'interprétation et la réponse. Il ne suffit pas de dire. Lire, comme écrire, est un soulagement temporaire, mais on ne se nettoie de rien. Voir quelqu'un qui reprend possession de soi est bouleversant. Je rêve de cela pour mes patients : qu'ils deviennent maîtres de leur histoire, c'est-à-dire de leur univers intérieur".
Son roman le plus connu est probablement "La plage d'Ostende" (éditions Stock, 1991). Elle y raconte comment Emilienne, 11 ans, grandit dans sa passion pour Léopold, 25 ans, et se révèle à lui après s'être rendue indispensable. En 1996, Jacqueline Harpman reçoit le Prix Médicis pour son roman "Orlanda", dans lequel la partie masculine de l'âme d'une jeune femme, Alice, investit le corps de Lucien. Orlanda (c'est le nom que l'auteur donne à cette "partie d'âme") vit alors de nouvelles expériences.
Elle remporte aussi le prix triennal du roman de la communauté française de Belgique en 2003 pour "La dormition des amants". En 2006, elle reçoit le grand prix de littérature de la Société des Gens de Lettres pour l'ensemble de son oeuvre. Son dernier roman date de 2007 : "Ce que Dominique n'a pas su", prix 2009 des Amis de la bibliothèque de la Ville de Bruxelles. Jacqueline a encore écrit deux pièces de théâtre ("Mes Oedipes" et "Avant/Après"), ainsi qu'un essai ("Ecritures et psychanalyse", paru en 2011). Ses livres ont été traduites dans de nombreuses langues (néerlandais, anglais, grec, etc.).
Jacqueline Harpman était aussi membre de la Société belge de psychanalyse et de l'Association psychanalytique internationale, chevalier de la Légion d'Honneur et chevalier des Arts et des Lettres. Elle est décédée ce 24 mai des suites d'une longue maladie. Elle avait 82 ans.
samedi 26 mai 2012
9ème Festival International et Marché de la Poésie à Namur
La Maison de la Poésie de Namur (www.mplf.be) organise son 9ème festival international et marché de poésie du jeudi 21 juin au dimanche 24 juin 2012. Le jeudi, des rencontres-lectures auront lieu dans différents endroits de Namur (bibliothèque communale, librairie Point Virgule, place du Marché aux Légumes, etc.). Le vendredi, vous pourrez participer à une croisière-excursion littéraire le long de la Meuse au départ de Namur (9h), avec un arrêt à Dinant (temps libre de 13h à 14h30) pour rejoindre ensuite Charleville-Mézières (France) où un hommage sera notamment rendu autour de la tombe d'Arthur Rimbaud au cimetière municipal. Le marché de poésie se tiendra à Namur samedi et dimanche, ainsi que d'autres rencontres-lectures (programme complet sur le site de la Maison de la Poésie).
Présentons les poètes belges invités à Namur :
Journaliste à la retraite et poète toujours actif, François Chenot a publié une vingtaine de recueils et plaquettes en l'espace de quarante-cinq ans. Il est fondateur, avec Francis Tessa, de la Maison de la Poésie à Amay et des éditions L'Arbre à Paroles. Son recueil "Mémoire de schiste" a été récompensé par le Prix René Lyr 1982 et le Prix Arthur Praillet 1997. Traducteur de l'espagnol et du portugais, il est aussi l'adaptateur de poèmes albanophones traduits en français par son ami Vasil Capeqi.
Luc Del Cor est né en 1947 et vit entre les Hautes-Alpes et le Condroz depuis le début des années nonante. Il est, entre autres, l'auteur de "Franc Tireur" (éditions Acanthe, 1996), "Juillet, poèmes pour courtiser la femme" (éditions Eole, 2002) et de "Juillet, matins roses et vers" (éditions Mianoye, 2002). Son prochain recueil à paraître s'intitule "Poema".
Docteur es Lettres et chargé de mission pour la poésie à la ville de Strasbourg, Jacques Goorma est également l'initiateur des Poétiques de Strasbourg. Combattant volontaire contre l'illétrisme, il a animé des ateliers d'écriture poétique dans les prisons et a longtemps présidé le jury du Concours Plaisir d'Ecrire. Il a publié plusieurs recueils de poésie, livres d'artistes, textes en revue, études critiques, lectures, conférences et émissions de radio. Son travail figure notamment dans "Anthologie poétique 2005" et "Poètes aujourd'hui : un panorama de la poésie francophone de Belgique".
Né à Gembloux en 1942, Marc Imberechts vit en pays de Herve depuis une quarantaine d'années. Après avoir voyagé durant de nombreuses années et touché divers métiers, il s'engage dans l'enseignement auprès d'enfants en difficulté. C'est alors qu'il approche la typographie et s'y intéresse tant qu'en 1988, avec quelques amis, il fonde les éditions Tétras Lyre. Chaque année, il propose au public des ateliers de fabrication de livres collectifs entièrement faits main. Il a publié une dizaine de recueils de poésie dont les plus récents sont "Chronique de monotonie" et "La nuit, le jour".
Né en 1957 au Congo belge, Joseph Orban est poète, écrivain, critique d'art et calligraphe. Il a gribouillé ses premiers textes vers l'âge de quinze ans avant d'être publié chez les éditeurs artisanaux liégeois Atelier de l'Agneau, Axe et Odradek. Le Daily-Bul, Weyrich et Noires Terres lui ont également ouvert leurs portes. Son roman "Les gens disaient l'étable" est paru au Grand Miroir en 2007.
Poète et critique, Pierre Schroven est originaire de Charleroi et possède une formation de bibliothécaire-documentaliste. Soucieux de promouvoir la lecture dans les milieux socialement défavorisés, il organise notamment des ateliers d'écriture en partenariat avec des musées, des écoles et des maisons de jeunes. Il est également membre du comité de direction de la revue "L'Arbre à Paroles" à Amay. Il a publié récemment "Preuves de la vie même" (2009) et "Dans ce qui nous danse" (2011).
Docteur en langue et littérature germaniques, Erik Spinoy est professeur de littérature néerlandaise moderne et de théorie littéraire à l'Université de Liège. Il est apparu pour la première fois sur la scène de la poésie néerlandophone en 1986 avec "De jagers in de sneeuw" (Les chasseurs dans la neige). A ce jour, il a publié sept recueils de poésie dont le dernier en date s'intitule "Dode kamer" (Chambre sourde). Initialement compté parmi les postmodernistes de la première génération en Flandre, il est maintenant considéré comme l'auteur d'une poésie couplant une réflexion aigüe à un grand amour de la langue. Son oeuvre a été primée à plusieurs reprises.
Présentons les poètes belges invités à Namur :
Journaliste à la retraite et poète toujours actif, François Chenot a publié une vingtaine de recueils et plaquettes en l'espace de quarante-cinq ans. Il est fondateur, avec Francis Tessa, de la Maison de la Poésie à Amay et des éditions L'Arbre à Paroles. Son recueil "Mémoire de schiste" a été récompensé par le Prix René Lyr 1982 et le Prix Arthur Praillet 1997. Traducteur de l'espagnol et du portugais, il est aussi l'adaptateur de poèmes albanophones traduits en français par son ami Vasil Capeqi.
Luc Del Cor est né en 1947 et vit entre les Hautes-Alpes et le Condroz depuis le début des années nonante. Il est, entre autres, l'auteur de "Franc Tireur" (éditions Acanthe, 1996), "Juillet, poèmes pour courtiser la femme" (éditions Eole, 2002) et de "Juillet, matins roses et vers" (éditions Mianoye, 2002). Son prochain recueil à paraître s'intitule "Poema".
Docteur es Lettres et chargé de mission pour la poésie à la ville de Strasbourg, Jacques Goorma est également l'initiateur des Poétiques de Strasbourg. Combattant volontaire contre l'illétrisme, il a animé des ateliers d'écriture poétique dans les prisons et a longtemps présidé le jury du Concours Plaisir d'Ecrire. Il a publié plusieurs recueils de poésie, livres d'artistes, textes en revue, études critiques, lectures, conférences et émissions de radio. Son travail figure notamment dans "Anthologie poétique 2005" et "Poètes aujourd'hui : un panorama de la poésie francophone de Belgique".
Né à Gembloux en 1942, Marc Imberechts vit en pays de Herve depuis une quarantaine d'années. Après avoir voyagé durant de nombreuses années et touché divers métiers, il s'engage dans l'enseignement auprès d'enfants en difficulté. C'est alors qu'il approche la typographie et s'y intéresse tant qu'en 1988, avec quelques amis, il fonde les éditions Tétras Lyre. Chaque année, il propose au public des ateliers de fabrication de livres collectifs entièrement faits main. Il a publié une dizaine de recueils de poésie dont les plus récents sont "Chronique de monotonie" et "La nuit, le jour".
Né en 1957 au Congo belge, Joseph Orban est poète, écrivain, critique d'art et calligraphe. Il a gribouillé ses premiers textes vers l'âge de quinze ans avant d'être publié chez les éditeurs artisanaux liégeois Atelier de l'Agneau, Axe et Odradek. Le Daily-Bul, Weyrich et Noires Terres lui ont également ouvert leurs portes. Son roman "Les gens disaient l'étable" est paru au Grand Miroir en 2007.
Poète et critique, Pierre Schroven est originaire de Charleroi et possède une formation de bibliothécaire-documentaliste. Soucieux de promouvoir la lecture dans les milieux socialement défavorisés, il organise notamment des ateliers d'écriture en partenariat avec des musées, des écoles et des maisons de jeunes. Il est également membre du comité de direction de la revue "L'Arbre à Paroles" à Amay. Il a publié récemment "Preuves de la vie même" (2009) et "Dans ce qui nous danse" (2011).
Docteur en langue et littérature germaniques, Erik Spinoy est professeur de littérature néerlandaise moderne et de théorie littéraire à l'Université de Liège. Il est apparu pour la première fois sur la scène de la poésie néerlandophone en 1986 avec "De jagers in de sneeuw" (Les chasseurs dans la neige). A ce jour, il a publié sept recueils de poésie dont le dernier en date s'intitule "Dode kamer" (Chambre sourde). Initialement compté parmi les postmodernistes de la première génération en Flandre, il est maintenant considéré comme l'auteur d'une poésie couplant une réflexion aigüe à un grand amour de la langue. Son oeuvre a été primée à plusieurs reprises.
mardi 15 mai 2012
Prix des Lettres Néerlandaises 2012 pour Leonard Nolens
Longtemps placé dans l'ombre d'Hugo Claus, le poète Leonard Nolens (né en 1947 à Bree en province du Limbourg) ne s'est jamais beaucoup exposé au feu médiatique. Il rappelle souvent : "Je vis comme un crustacé, fermé sur moi-même. Et pourtant, l'océan entier l'a traversé". Mais il sort cette année de l'ombre pour deux raisons : il vient d'obtenir le Prix des Lettres Néerlandaises 2012 et l'Académie a proposé sa candidature au prix Nobel de littérature (attribué à l'automne).
Le Prix des Lettres Néerlandaises est considéré comme la plus importante récompense pour un auteur de langue néerlandaise. Ce prix triennal (40.000 euros) est remis alternativement par la reine Béatrix des Pays-Bas et le roi Albert II des Belges. Leonard Nolens est le 20ème lauréat et succède à Cees Nooteboom.
Toutes nos félicitations à Leonard Nolens qui est hélàs méconnu au sud de la Belgique...
Le Prix des Lettres Néerlandaises est considéré comme la plus importante récompense pour un auteur de langue néerlandaise. Ce prix triennal (40.000 euros) est remis alternativement par la reine Béatrix des Pays-Bas et le roi Albert II des Belges. Leonard Nolens est le 20ème lauréat et succède à Cees Nooteboom.
Toutes nos félicitations à Leonard Nolens qui est hélàs méconnu au sud de la Belgique...
dimanche 13 mai 2012
Interview de l'auteur belge Françoise Lalande
Françoise Lalande a accordé une interview à Jeannine Paque pour la revue "Le Carnet et les Instants" de mars que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande :
"Le communiqué de presse présente "Nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes" comme le roman de l'après-Auschwitz et de l'après-11 septembre, ce qui implique une option historique. Celle-ci est précise. Dans le temps, puisque sont désignés deux événements parmi les plus marquants de l'histoire immédiate de notre planète. Et dans leur signification symbolique puisqu'ils sont porteurs d'une volonté meurtrière?
- Oui. Au départ de mon projet d'écriture et, je dirais, de ma vie, il y a cette obsession d'Auschwitz. De cette guerre 1940-1945 qui fut, pour ma famille maternelle, LA guerre. Cette histoire-là a bercé mon enfance, si j'ose dire. Des récits fragmentés, des évocations discrètes, comme à demi-mot, mais permanentes ont marqué mon imaginaire de petite fille, puis, c'est normal, mon imaginaire de romancière. Je pense que ma mère, Louise Keil, n'est jamais sortie de la guerre. Elle sursautait au moindre bruit, avouait une panique devant l'inattendu, et pratiquait un immobilisme effarant. Sans doute parce qu'elle avait attendu le pire, elle redoutait que les Allemands reviennent. Encore plus tard, lorsque j'ai voulu savoir comment s'était passée la guerre pour eux dans les Ardennes et à Bruxelles, de façon concrète, j'ai obtenu des réponses, certes, mais souvent lacunaires. Et, surtout, ma curiosité les intriguait et leur plaisait moyennement. Jamais ils ne m'en auraient parlé de façon spontanée. Se rappeler la peur, le danger, les séparations, montrer des photos, pour la première fois depuis tant d'années, les troublaient. La cousine préférée de ma mère, Jeanne Herman, arrêtée par la Gestapo à Bruxelles, condamnée à mort, emmenée dans un train partant de Malines, train saboté par les cheminots, a pu s'enfuir, regagner la capitale et se cacher jusqu'à la libération. Quand je l'ai interrogée sur son arrestation, sur ses motivations d'entrer dans la résistance, j'ai été frappée par sa modestie, son courage tranquille. Elle, Jeanne Herman, je l'ai mise une première fois dans ma pièce de théâtre, montée à la RTBF par Jean-Louis Jacques, "Le souvenir de ces choses". Elle et ma mère se trouvaient déjà dans les filets de mes fictions. Quant au 11 septembre, je l'ai vécu, comme presque tout le monde, en direct. Et pendant des mois, je me suis sentie mal. Cet événement (pas vécu comme une tragédie par tous...) avait réanimé en moi la peur de la guerre que ma mère m'avait léguée. Volonté meurtrière des peuples : comment faire l'économie de cela quand on est, comme moi, l'écrivain de la douleur des faibles? Par exemple, une autre douleur, ravageante, que j'ai ressentie lors de la mort des enfants Julie, Mélissa, An, Eefje, Loubna et Elisabeth. Le prédateur n'était pas le même pour toutes ces petites filles, mais il y avait mort insupportable. J'étais dans un malaise profond, une nausée devant l'espèce capable d'accomplir çà. J'étais aussi perdue d'admiration devant la dignité des parents, alors qu'ils auraient dû avoir envie de faire exploser la planète. Comment moi, écrivaine dont le thème de l'enfance saccagée traverse les romans, allais-je témoigner de cela? J'ai décidé de parler de cela, non pas journaliste relatant un fait divers, mais romancière témoignant de l'insupportable par la fiction.
- On a l'impression que vous vous devez de témoigner et qu'il y aurait une nouvelle pression aujourd'hui qui vous y pousse?
- Vous avez raison. Mon passé, c'est le passé de ma famille maternelle, devenue méchante après la guerre, à cause de la guerre. La souffrance ne rend pas bon. Ne plus faire confiance aux autres, se méfier des autres, c'est déjà croire qu'ils sont nos ennemis. Et cela ne peut qu'engendrer des conflits, des querelles avec ses voisins, ou des guerres à l'échelle mondiale. Depuis bientôt huit ans, je vis au Maghreb et je vois les dégâts provoqués par la peur de l'autre, les rancunes qui vont jusqu'à la haine et l'appel au massacre. Mais je voudrais insister sur le fait que si je prends des événements historiques pour sous-tendre mon récit, je n'ai pas écrit un roman historique. Il y a des personnages de l'histoire contemporaine qui traversent mes pages, mais ce sont les destins individuels qui me passionnent.
- Les personnages de ce roman-ci sont très emblématiques. Pétris de réel, ils sont pourtant riches d'invention. Chacun représente une totalité idéale car il allie une force physique indéniable, quoique différente selon l'individu, à une maîtrise intellectuelle non moins évidente?
- Je sais pour qui j'écris. D'abord pour moi, pour ramener de mes abîmes intimes ce qui me tourmente, m'intrigue, me fait parfois souffrir, me met dans des états terribles. J'écris moins pour me comprendre que pour me libérer de moi-même. Je sais aussi que j'écris pour les adultes cultivés. C'est élitiste? Pas du tout! Et si on a l'impression aujourd'hui que les illétrés courent les rues, on se trompe. Ils sont plus bruyants, c'est tout. Mes personnages essaient de prendre leur destin en main, non de le subir mais de le diriger. Je ne crois pas à la prédestination, je crois au progrès de l'humanité. Dans le fond, pour une femme qui endure à vif la douleur du monde, je suis drôlement optimiste.
- Un sourire dans la mort : est-ce un défi, une projection de vie, une croyance confiante et sécurisante ou votre message personnel et urgent?
- "Nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes" apporte une réponse à cette question. C'est ma réponse. Il y en a d'autres possibles sans doute. Mon titre annonce une sérénité retrouvée, quelque chose a été dépassé. Place à la douceur, à la dignité humaine. L'homme choisit sa vie et sa mort. C'est mon testament de femme. Mon testament d'écrivaine, je l'ai formulé dans "Une Belge méchante" où il est question de mon rapport à mon nom, à ma langue, à ma famille, au monde : le terreau de tous mes livres. Bien sûr, la femme et l'écrivaine ne font qu'une, vous n'en doutez pas!
- Qu'écrire après ce roman qui porte déjà en soi un futur?
- J'ai mis dix ans à l'écrire (cinq ans pour un premier jet, cinq ans pour le peaufiner). Dix ans pour découvrir un monde. J'ai eu le fantasme, après lui, de cesser d'écrire. Mais je n'y arrive pas! Ce roman terminé porte un futur, en effet. On verra ce qu'il sera. En attendant, j'ai terminé l'écriture d'un texte sur Rimbaud intitulé "Le retour de Rimbaud dans sa patrie". Lew Bogdan, qui fut le directeur avec Jack Lang du Festival du Théâtre de Nancy, me l'a commandé, après avoir lu mon "Ils venaient du nord et ils étaient beaux". Un jour, Jean-Paul Dessy (directeur de Musique Nouvelle à Mons) composera un opéra pour ce texte. En amitié avec le compositeur Ahmed Essyad. Un jour, Pascale Tison dira la partie auteur de ce texte. Un jour, on pourra le voir et l'écouter. Inch'Allah, comme on dit là où je vis".
"Le communiqué de presse présente "Nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes" comme le roman de l'après-Auschwitz et de l'après-11 septembre, ce qui implique une option historique. Celle-ci est précise. Dans le temps, puisque sont désignés deux événements parmi les plus marquants de l'histoire immédiate de notre planète. Et dans leur signification symbolique puisqu'ils sont porteurs d'une volonté meurtrière?
- Oui. Au départ de mon projet d'écriture et, je dirais, de ma vie, il y a cette obsession d'Auschwitz. De cette guerre 1940-1945 qui fut, pour ma famille maternelle, LA guerre. Cette histoire-là a bercé mon enfance, si j'ose dire. Des récits fragmentés, des évocations discrètes, comme à demi-mot, mais permanentes ont marqué mon imaginaire de petite fille, puis, c'est normal, mon imaginaire de romancière. Je pense que ma mère, Louise Keil, n'est jamais sortie de la guerre. Elle sursautait au moindre bruit, avouait une panique devant l'inattendu, et pratiquait un immobilisme effarant. Sans doute parce qu'elle avait attendu le pire, elle redoutait que les Allemands reviennent. Encore plus tard, lorsque j'ai voulu savoir comment s'était passée la guerre pour eux dans les Ardennes et à Bruxelles, de façon concrète, j'ai obtenu des réponses, certes, mais souvent lacunaires. Et, surtout, ma curiosité les intriguait et leur plaisait moyennement. Jamais ils ne m'en auraient parlé de façon spontanée. Se rappeler la peur, le danger, les séparations, montrer des photos, pour la première fois depuis tant d'années, les troublaient. La cousine préférée de ma mère, Jeanne Herman, arrêtée par la Gestapo à Bruxelles, condamnée à mort, emmenée dans un train partant de Malines, train saboté par les cheminots, a pu s'enfuir, regagner la capitale et se cacher jusqu'à la libération. Quand je l'ai interrogée sur son arrestation, sur ses motivations d'entrer dans la résistance, j'ai été frappée par sa modestie, son courage tranquille. Elle, Jeanne Herman, je l'ai mise une première fois dans ma pièce de théâtre, montée à la RTBF par Jean-Louis Jacques, "Le souvenir de ces choses". Elle et ma mère se trouvaient déjà dans les filets de mes fictions. Quant au 11 septembre, je l'ai vécu, comme presque tout le monde, en direct. Et pendant des mois, je me suis sentie mal. Cet événement (pas vécu comme une tragédie par tous...) avait réanimé en moi la peur de la guerre que ma mère m'avait léguée. Volonté meurtrière des peuples : comment faire l'économie de cela quand on est, comme moi, l'écrivain de la douleur des faibles? Par exemple, une autre douleur, ravageante, que j'ai ressentie lors de la mort des enfants Julie, Mélissa, An, Eefje, Loubna et Elisabeth. Le prédateur n'était pas le même pour toutes ces petites filles, mais il y avait mort insupportable. J'étais dans un malaise profond, une nausée devant l'espèce capable d'accomplir çà. J'étais aussi perdue d'admiration devant la dignité des parents, alors qu'ils auraient dû avoir envie de faire exploser la planète. Comment moi, écrivaine dont le thème de l'enfance saccagée traverse les romans, allais-je témoigner de cela? J'ai décidé de parler de cela, non pas journaliste relatant un fait divers, mais romancière témoignant de l'insupportable par la fiction.
- On a l'impression que vous vous devez de témoigner et qu'il y aurait une nouvelle pression aujourd'hui qui vous y pousse?
- Vous avez raison. Mon passé, c'est le passé de ma famille maternelle, devenue méchante après la guerre, à cause de la guerre. La souffrance ne rend pas bon. Ne plus faire confiance aux autres, se méfier des autres, c'est déjà croire qu'ils sont nos ennemis. Et cela ne peut qu'engendrer des conflits, des querelles avec ses voisins, ou des guerres à l'échelle mondiale. Depuis bientôt huit ans, je vis au Maghreb et je vois les dégâts provoqués par la peur de l'autre, les rancunes qui vont jusqu'à la haine et l'appel au massacre. Mais je voudrais insister sur le fait que si je prends des événements historiques pour sous-tendre mon récit, je n'ai pas écrit un roman historique. Il y a des personnages de l'histoire contemporaine qui traversent mes pages, mais ce sont les destins individuels qui me passionnent.
- Les personnages de ce roman-ci sont très emblématiques. Pétris de réel, ils sont pourtant riches d'invention. Chacun représente une totalité idéale car il allie une force physique indéniable, quoique différente selon l'individu, à une maîtrise intellectuelle non moins évidente?
- Je sais pour qui j'écris. D'abord pour moi, pour ramener de mes abîmes intimes ce qui me tourmente, m'intrigue, me fait parfois souffrir, me met dans des états terribles. J'écris moins pour me comprendre que pour me libérer de moi-même. Je sais aussi que j'écris pour les adultes cultivés. C'est élitiste? Pas du tout! Et si on a l'impression aujourd'hui que les illétrés courent les rues, on se trompe. Ils sont plus bruyants, c'est tout. Mes personnages essaient de prendre leur destin en main, non de le subir mais de le diriger. Je ne crois pas à la prédestination, je crois au progrès de l'humanité. Dans le fond, pour une femme qui endure à vif la douleur du monde, je suis drôlement optimiste.
- Un sourire dans la mort : est-ce un défi, une projection de vie, une croyance confiante et sécurisante ou votre message personnel et urgent?
- "Nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes" apporte une réponse à cette question. C'est ma réponse. Il y en a d'autres possibles sans doute. Mon titre annonce une sérénité retrouvée, quelque chose a été dépassé. Place à la douceur, à la dignité humaine. L'homme choisit sa vie et sa mort. C'est mon testament de femme. Mon testament d'écrivaine, je l'ai formulé dans "Une Belge méchante" où il est question de mon rapport à mon nom, à ma langue, à ma famille, au monde : le terreau de tous mes livres. Bien sûr, la femme et l'écrivaine ne font qu'une, vous n'en doutez pas!
- Qu'écrire après ce roman qui porte déjà en soi un futur?
- J'ai mis dix ans à l'écrire (cinq ans pour un premier jet, cinq ans pour le peaufiner). Dix ans pour découvrir un monde. J'ai eu le fantasme, après lui, de cesser d'écrire. Mais je n'y arrive pas! Ce roman terminé porte un futur, en effet. On verra ce qu'il sera. En attendant, j'ai terminé l'écriture d'un texte sur Rimbaud intitulé "Le retour de Rimbaud dans sa patrie". Lew Bogdan, qui fut le directeur avec Jack Lang du Festival du Théâtre de Nancy, me l'a commandé, après avoir lu mon "Ils venaient du nord et ils étaient beaux". Un jour, Jean-Paul Dessy (directeur de Musique Nouvelle à Mons) composera un opéra pour ce texte. En amitié avec le compositeur Ahmed Essyad. Un jour, Pascale Tison dira la partie auteur de ce texte. Un jour, on pourra le voir et l'écouter. Inch'Allah, comme on dit là où je vis".
lundi 23 avril 2012
Nouveau roman de François Weyergans
L'an dernier, je vous avais déjà parlé de l'écrivain belge François Weyergans (Prix Goncourt 2005) à l'occasion de son entrée à l'Académie française : http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2011/07/francois-weyergans-lacademie-francaise.html
Il vient d'accorder une interview au journal "Le Soir" pour la sortie de son roman "Royal Romance" (éditions Julliard) :
"Dans votre dernier roman, vous écrivez "Le vrai sujet, c'est comme toujours : à quoi riment nos vies?". C'est le sujet de vos livres?
- C'est une question qui n'a pas de réponse. En effet, la vraie souffrance, qui peut conduire jusqu'à des états que les psychiatres essaient de soigner, c'est de ne pas avoir de réponse à la question : à quoi rime ma vie? Mais si on ne parle que de moi, on peut dire que je suis content : je suis écrivain, je suis reconnu, je reçois des à-valoir comme peu de gens en reçoivent, je les dépense trop vite et c'est une autre histoire, je voyage et en même temps fondamentalement, çà ne sert à rien.
- C'est la seule vraie question de la littérature?
- On ne va pas prendre de telle décision si vite. Mais si vous prenez le théâtre de Shakespeare, que dit-il d'autre en fin de compte? Dans mon livre, c'est un propos que le type remue comme çà dans sa tête. Il fait aussi l'éloge de l'improviste, de l'inatttendu. Ce qui me plaît, c'est de mettre plein de signes de piste, d'énigmes, un peu comme quand on cache des oeufs de Pâques dans le jardin pour les gosses. Des choses qui font un peu penser, réagir le lecteur. Moi, mon plaisir de lecteur, c'est quand c'est moi qui invente le livre. Quand je lis, il y a dans ma tête des choses qui ne sont pas imprimées mais qui se cachent quand même derrière les phrases.
- Vous, pourquoi vous écrivez?
- Parce que çà m'occupe. Mais je suis content quand j'ai fini. On a l'impression alors qu'on a terminé un objet. Et je le termine au moment où j'arrive à le lire un peu vite et que rien ne m'arrête : c'est fluide, çà glisse, çà va... Ce qu'il y a dedans, je suis censé y avoir réfléchi avant. Et là, l'objet est bien poli. Après, on peut le trouver intéressant ou pas.
- L'accouchement de "Royal Romance", reporté plusieurs fois, semble avoir été difficile. L'avez-vous terminé à l'imprimerie?
- Non, avec les fichiers électroniques, on ne termine plus les livres à l'imprimerie. Et ils permettent d'intervenir encore plus tard. La "deadline", c'est quand on filme. La contrainte du dernier moment est un instrument de travail : elle oblige à prendre des décisions. Dans "Royal Romance", il y avait cinq, six lignes de description d'un restaurant dont je savais qu'il me faudrait les enlever ou les déplacer : on y perd le fil du livre. Mais je n'en avais pas envie. C'est trois heures avant le bouclage que je les ai retirées. Faire un livre, ce n'est pas faire un puzzle où il n'y a qu'une place possible pour les pièces. Les scènes que je déplace, c'est du montage, comme au cinéma.
- Mais avez-vous des difficultés à finir?
- Je me méfie de l'écrivain qui n'en a pas. Je fonctionne ainsi : j'ai un projet de livre, je signe un contrat, et j'applique cette phrase de Fellini, "Je tourne le film pour ne pas devoir rembourser l'argent que j'ai reçu". Tout çà pour dire que j'y vais à reculons. Je construis le roman par séquences : le premier voyage à Montréal, le second, le troisième. J'écris puis je recommence. Jamais je ne pourrai être tout à fait satisfait de ce que j'écris. Le passage en poche permet maintenant de réécrire. La réimpression aussi. Pour celle de "Royal Romance", je vais apporter deux modifications. Tout à la fin, il y a une répétition du mot "là" qui me dérange. Je le remplacerai par "ici". Et la typo finale tombe mal, en fin d'une page de droite. Je pourrais peut-être ajouter dix lignes quelque part avant?
- Daniel Flamm, le héros de "Royal Romance", c'est vous?
- C'est un écrivain, un confrère, un ami, quelqu'un dont je me sens proche. Quand on parle d'autobiographie, il faut savoir jusqu'où cela va. Quand j'écris "J'ai pris l'avion", c'est sûr que c'est autobiographique puisque je prends l'avion tout le temps. Le mélange de traits psychologiques venant de différentes personnes dans un même personnage est toutefois difficile. Il pose parfois problème. Pour éviter cela, j'ai fabriqué l'enfance à Daniel Flamm : un père dentiste, musicien d'avant-garde dans un quatuor amateur.
- Les histoires d'amour du livre sont-elles les vôtres?
- Non. Cela me fait penser au jour où j'ai interviewé Saul Bellow pour Herzog en lui posant la même question. Sa réponse a été l'air de dédain insupportable avec lequel il m'a regardé. Mais j'étais ainsi ancré dans la certitude qu'il avait dû vivre la scène qu'il racontait dans son livre.
- Vous parlez à un moment des "gens qui aiment la littérature, une secte"?
- C'est au second degré. Mais les librairies sont vides, les gens ne viennent plus acheter de livres. Si on ne s'occupe pas de la littérature, elle va peut-être mourir. Je plains ceux qui ne connaissent pas le plaisir de lire. La librairie est l'endroit où je passe le plus de temps de ma vie. J'en ferai toujours l'éloge. Et j'achèterai toujours des livres, quitte à payer des excédents de bagages lors de mes retours en avion".
Il vient d'accorder une interview au journal "Le Soir" pour la sortie de son roman "Royal Romance" (éditions Julliard) :
"Dans votre dernier roman, vous écrivez "Le vrai sujet, c'est comme toujours : à quoi riment nos vies?". C'est le sujet de vos livres?
- C'est une question qui n'a pas de réponse. En effet, la vraie souffrance, qui peut conduire jusqu'à des états que les psychiatres essaient de soigner, c'est de ne pas avoir de réponse à la question : à quoi rime ma vie? Mais si on ne parle que de moi, on peut dire que je suis content : je suis écrivain, je suis reconnu, je reçois des à-valoir comme peu de gens en reçoivent, je les dépense trop vite et c'est une autre histoire, je voyage et en même temps fondamentalement, çà ne sert à rien.
- C'est la seule vraie question de la littérature?
- On ne va pas prendre de telle décision si vite. Mais si vous prenez le théâtre de Shakespeare, que dit-il d'autre en fin de compte? Dans mon livre, c'est un propos que le type remue comme çà dans sa tête. Il fait aussi l'éloge de l'improviste, de l'inatttendu. Ce qui me plaît, c'est de mettre plein de signes de piste, d'énigmes, un peu comme quand on cache des oeufs de Pâques dans le jardin pour les gosses. Des choses qui font un peu penser, réagir le lecteur. Moi, mon plaisir de lecteur, c'est quand c'est moi qui invente le livre. Quand je lis, il y a dans ma tête des choses qui ne sont pas imprimées mais qui se cachent quand même derrière les phrases.
- Vous, pourquoi vous écrivez?
- Parce que çà m'occupe. Mais je suis content quand j'ai fini. On a l'impression alors qu'on a terminé un objet. Et je le termine au moment où j'arrive à le lire un peu vite et que rien ne m'arrête : c'est fluide, çà glisse, çà va... Ce qu'il y a dedans, je suis censé y avoir réfléchi avant. Et là, l'objet est bien poli. Après, on peut le trouver intéressant ou pas.
- L'accouchement de "Royal Romance", reporté plusieurs fois, semble avoir été difficile. L'avez-vous terminé à l'imprimerie?
- Non, avec les fichiers électroniques, on ne termine plus les livres à l'imprimerie. Et ils permettent d'intervenir encore plus tard. La "deadline", c'est quand on filme. La contrainte du dernier moment est un instrument de travail : elle oblige à prendre des décisions. Dans "Royal Romance", il y avait cinq, six lignes de description d'un restaurant dont je savais qu'il me faudrait les enlever ou les déplacer : on y perd le fil du livre. Mais je n'en avais pas envie. C'est trois heures avant le bouclage que je les ai retirées. Faire un livre, ce n'est pas faire un puzzle où il n'y a qu'une place possible pour les pièces. Les scènes que je déplace, c'est du montage, comme au cinéma.
- Mais avez-vous des difficultés à finir?
- Je me méfie de l'écrivain qui n'en a pas. Je fonctionne ainsi : j'ai un projet de livre, je signe un contrat, et j'applique cette phrase de Fellini, "Je tourne le film pour ne pas devoir rembourser l'argent que j'ai reçu". Tout çà pour dire que j'y vais à reculons. Je construis le roman par séquences : le premier voyage à Montréal, le second, le troisième. J'écris puis je recommence. Jamais je ne pourrai être tout à fait satisfait de ce que j'écris. Le passage en poche permet maintenant de réécrire. La réimpression aussi. Pour celle de "Royal Romance", je vais apporter deux modifications. Tout à la fin, il y a une répétition du mot "là" qui me dérange. Je le remplacerai par "ici". Et la typo finale tombe mal, en fin d'une page de droite. Je pourrais peut-être ajouter dix lignes quelque part avant?
- Daniel Flamm, le héros de "Royal Romance", c'est vous?
- C'est un écrivain, un confrère, un ami, quelqu'un dont je me sens proche. Quand on parle d'autobiographie, il faut savoir jusqu'où cela va. Quand j'écris "J'ai pris l'avion", c'est sûr que c'est autobiographique puisque je prends l'avion tout le temps. Le mélange de traits psychologiques venant de différentes personnes dans un même personnage est toutefois difficile. Il pose parfois problème. Pour éviter cela, j'ai fabriqué l'enfance à Daniel Flamm : un père dentiste, musicien d'avant-garde dans un quatuor amateur.
- Les histoires d'amour du livre sont-elles les vôtres?
- Non. Cela me fait penser au jour où j'ai interviewé Saul Bellow pour Herzog en lui posant la même question. Sa réponse a été l'air de dédain insupportable avec lequel il m'a regardé. Mais j'étais ainsi ancré dans la certitude qu'il avait dû vivre la scène qu'il racontait dans son livre.
- Vous parlez à un moment des "gens qui aiment la littérature, une secte"?
- C'est au second degré. Mais les librairies sont vides, les gens ne viennent plus acheter de livres. Si on ne s'occupe pas de la littérature, elle va peut-être mourir. Je plains ceux qui ne connaissent pas le plaisir de lire. La librairie est l'endroit où je passe le plus de temps de ma vie. J'en ferai toujours l'éloge. Et j'achèterai toujours des livres, quitte à payer des excédents de bagages lors de mes retours en avion".
jeudi 19 avril 2012
Interview d'Eric-Emmanuel Schmitt
A l'occasion de la sortie de "Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus", l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions de la journaliste Isabelle Monnart :
"Comment avez-vous approché cette spiritualité-là?
- J'ai rencontré des gens qui sont porteurs de cette conception du monde. Et puis, j'ai lu Confucius et beaucoup de littérature chinoise qui a çà comme une espèce de sang qui circule en elle. C'est un des thèmes du livre : les Chinois détruisent tout, démolissent les monuments, construisent des villes nouvelles mais il y a quelque chose d'antique qui reste. La mémoire n'est pas dans la pierre, elle est dans les esprits. La Chine a été cimentée par une sagesse sans dieu. C'est peut-être plus puissant.
- La Chine est un pays qui vous est devenu familier?
- Non, je ne vais pas vous mentir... La Chine, pour moi, est un objet d'investigation livresque. C'est une Chine connue plus que vécue.
- L'histoire que vous racontez - au-delà de la fable - est presque un thriller : on ne cesse de se demander si elle les a faits, ces enfants?
- Je suis d'abord un raconteur d'histoires. J'étais fasciné par cette loi sur la natalité qui existe depuis le début des années 80 en Chine qui veut qu'on ne fasse qu'un enfant. Par empathie pour les Chinois, je me suis toujours dit que çà devait être un grand malheur. Plus personne n'a le droit de fonder une grande famille. C'est comme çà qu'est née Madame Ming. Mon histoire cache, je l'espère, une grande histoire d'amour filial. Que ces enfants existent ou pas, Madame Ming les aime. Si ce n'est pas la vérité des faits, c'est sa vérité à elle. Le mensonge est artiste, il n'est pas faussaire. Il dit le monde tel qu'il devrait être.
- Tout autre chose : vous deviez tourner "Le sumo qui ne pouvait pas grossir". Où en êtes-vous?
- J'ai vécu l'avortement de ce projet parce que le tsunami est arrivé. J'avais travaillé un an et demi. Ca m'a abbatu, mais en même temps, je n'allais pas me mettre à pleurer : qu'est-ce qu'un film par rapport à ce qui est arrivé aux Japonais? Bref, du coup, j'ai beaucoup écrit... Je ne vais pas me plaindre : le monde du cinéma me courtise, les grands producteurs me demandent ce que je veux faire. Mais pour l'instant, je n'ai pas envie. J'espère que çà va revenir.
- Vous fonctionnez au manque et à l'envie?
- Les symptômes, c'est çà : je ne me supporte plus, je me vois comme le plus grand paresseux de la terre, je râle. Là, dans mon entourage, on me dit qu'il faut que je me mette à écrire. Et à partir de là, je deviens charmant!".
"Comment avez-vous approché cette spiritualité-là?
- J'ai rencontré des gens qui sont porteurs de cette conception du monde. Et puis, j'ai lu Confucius et beaucoup de littérature chinoise qui a çà comme une espèce de sang qui circule en elle. C'est un des thèmes du livre : les Chinois détruisent tout, démolissent les monuments, construisent des villes nouvelles mais il y a quelque chose d'antique qui reste. La mémoire n'est pas dans la pierre, elle est dans les esprits. La Chine a été cimentée par une sagesse sans dieu. C'est peut-être plus puissant.
- La Chine est un pays qui vous est devenu familier?
- Non, je ne vais pas vous mentir... La Chine, pour moi, est un objet d'investigation livresque. C'est une Chine connue plus que vécue.
- L'histoire que vous racontez - au-delà de la fable - est presque un thriller : on ne cesse de se demander si elle les a faits, ces enfants?
- Je suis d'abord un raconteur d'histoires. J'étais fasciné par cette loi sur la natalité qui existe depuis le début des années 80 en Chine qui veut qu'on ne fasse qu'un enfant. Par empathie pour les Chinois, je me suis toujours dit que çà devait être un grand malheur. Plus personne n'a le droit de fonder une grande famille. C'est comme çà qu'est née Madame Ming. Mon histoire cache, je l'espère, une grande histoire d'amour filial. Que ces enfants existent ou pas, Madame Ming les aime. Si ce n'est pas la vérité des faits, c'est sa vérité à elle. Le mensonge est artiste, il n'est pas faussaire. Il dit le monde tel qu'il devrait être.
- Tout autre chose : vous deviez tourner "Le sumo qui ne pouvait pas grossir". Où en êtes-vous?
- J'ai vécu l'avortement de ce projet parce que le tsunami est arrivé. J'avais travaillé un an et demi. Ca m'a abbatu, mais en même temps, je n'allais pas me mettre à pleurer : qu'est-ce qu'un film par rapport à ce qui est arrivé aux Japonais? Bref, du coup, j'ai beaucoup écrit... Je ne vais pas me plaindre : le monde du cinéma me courtise, les grands producteurs me demandent ce que je veux faire. Mais pour l'instant, je n'ai pas envie. J'espère que çà va revenir.
- Vous fonctionnez au manque et à l'envie?
- Les symptômes, c'est çà : je ne me supporte plus, je me vois comme le plus grand paresseux de la terre, je râle. Là, dans mon entourage, on me dit qu'il faut que je me mette à écrire. Et à partir de là, je deviens charmant!".
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