C'est la révélation 2010 des Lettres belges francophones : Caroline De Mulder (Prix Rossel 2010 pour son premier roman "Ego Tango") dont je vous avais parlé en décembre (http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2010/12/prix-rossel-2010-pour-caroline-de.html . Dans la dernière revue de "Le Carnet et les Instants", Caroline parle de son roman :
"J'ai beaucoup dansé, oui. D'ailleurs, depuis j'ai un peu de mal à gesticuler dans des soirées "normales". Mais ce n'est pas un roman autobiographique, même si je me suis inspirée de certaines personnes de mon entourage d'alors pour construire les personnages secondaires : le danseur qui n'invite que les débutantes, le Chilien qui coince les femmes entre deux portes, et le professeur Stéphane King, évidemment (il est vraiment mort sur la piste, en plein bal!). J'avais envie de placer mon intrigue dans un microcosme comme celui-là, où les choses stagnent. Et le côté "policier" de mon roman s'y intègre bien : le tango est né dans les bas-fonds, et racontait initialement des histoires de violence. Le sentimentalisme qui lui est associé n'est venu qu'après. Il y a dans cette danse quelque chose de très triste, mais de très beau aussi. Dans un passage du livre, je dis que le tango est un ersatz plutôt qu'un prélude. Pour certains, la danse remplace véritablement l'amour. C'est un amour sublimé, sans passage à l'acte. D'ailleurs, le tango est une métaphore de l'amour non réalisé : l'homme avance, la femme recule, il essaie de retenir la danseuse, elle s'échappe toujours. Sinon il n'y a pas de mouvement. Que vous soyez chômeur ou banquier ne change rien. Sur la piste, il n'y a aucune hiérarchie sociale. Ce qui compte, c'est le niveau de danse. Le tango est une mise en scène. Même quand on est à la ramasse, il faut paraître, être frais, pimpant. Le meilleur sera le prince du bal, même si c'est une épave dans la vie. Il y a aussi une vraie cruauté, quasi darwinienne : des femmes attendent parfois tout le bal qu'on les invite, en vain".
Outre un deuxième roman, Caroline De Mulder prépare aussi un essai sur Faust : "Pour moi, ce sont deux choses tout à fait différentes. Un ami proche dit que dans un cas, j'écris de la main gauche, dans l'autre de la main droite. D'un côté, il y a l'écriture universitaire, rationnelle ; de l'autre, l'absence de contrôle, l'écriture intuitive, au moins dans un premier temps. Il y a vingt ans que j'écris, c'est comme une maladie. C'est une partie très importante de ma vie, mais je n'en parlais que rarement, et seulement à des intimes. Etre publiée, c'est une reconnaissance de cette partie de moi".
Elle parle également de sa passion pour la lecture : "C'est à Namur que j'ai appris à lire vraiment, avec discernement, à réfléchir au style, à l'écriture. Je suis toujours une lectrice additive, j'adore les page turner, comme on dit, les livres de Stieg Larsson par exemple. Mais j'ai découvert à ce moment-là qu'on pouvait prendre plus de plaisir en lisant des livres plus exigeants (Beckett, Céline, Duras, p.ex.)". A l'Université de Gand, Caroline de Mulder a consacré sa thèse à Leconte de Lisle : "On a parfois l'impression que seuls Rimbaud, Verlaine et Baudelaire existent pour les universitaires. Moi, j'aimais le caractère très scandé de l'écriture, chez Leconte de Lisle".
Souhaitons bonne continuation à cette auteur belge qui semble promise à un bel avenir...
mardi 1 mars 2011
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J'ai assisté aujourd'hui à une conférence menée par Vincent Engel sur "La littérature contemporaine française". J'ai trouvé l'auteur/conférencier bien sympathique. Malheureusement, j'ai eu du mal à suivre la conférence, il volait un peu au-dessus de moi.
RépondreSupprimerPasse une bonne nuit.
Demain, c'est la der!
Oh oui, le thème en tout cas me séduit tout à fait! J'aime notament les films qui sont centrés sur le tango, comme The Tango Lesson de Sally Potter où effectivement on découvre un monde impossible à vraiment imaginer.
RépondreSupprimerEdmée
Quand je lis ci-dessus ce que Caroline a écrit sur le tango et les danseurs, je me sens en harmonie avec ses sentiments . Si je baigne à doses non massives(!!) dans le tango depuis 17 ans , c'est parce que l'authenticité ne se trouve pas chez les danseurs, qui privilégient souvent le paraître à l'être.
RépondreSupprimerLa milonga est un théâtre : tout y est "show" pour les spectateurs et les partenaires .
Et il est vrai que rester sur sa chaise à attendre un geste chaleureux d'invitation à danser tout en gardant un sourire (forcé ?) est pénible!
Daniela, de TangoFrisson.