Dans le dernier numéro de la revue "Le Carnet et les Instants" (que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres), l'auteur belge Thomas Gunzig (né en 1970) revient sur le début de sa carrière littéraire : "Comme tous les ados torturés, j'écrivais de sombres textes. Vers 16-17 ans, j'ai terminé deux soi-disant romans que je n'ai jamais soumis à des éditeurs. Mais j'ai toujours souhaité être publié. Quand tu es un jeune homme de 15-16 ans, tu cherches ta place dans la société, la reconnaissance des jeunes filles qui n'en ont pas forcément à ton égard... J'avais plein d'idées naïves sur ce qu'est être écrivain et beaucoup de fantasmes sur cette activité. Cela me venait, je suppose, d'une espèce de volonté d'exister dans le monde".
A 23 ans, étudiant en sciences politiques, il remporte un concours de nouvelles dont la récompense est la publication du manuscrit par un éditeur français : "J'étais jeune, naïf et impressionné. Jacques Grancher était sympathique avec moi, mais il m'a de suite prévenu qu'il n'avait pas les moyens de faire un travail éditorial et la promotion du bouquin. Il allait corriger les fautes d'orthographe et l'imprimer. C'était à moi de me débrouiller pour démarcher les libraires et faire connaître le livre. C'était presque du compte d'auteur chic, à part que je ne payais pas. Mais pour moi, ma carrière était lancée, j'allais devenir riche et célèbre! Ce bouquin n'a pas du tout fonctionné mais il a eu une petite vie".
Lors d'une rencontre littéraire, un auteur français propose de parler de lui à Elisabeth Samama de la maison d'édition Julliard. Thomas raconte : "Je suis parti pour Paris dans le bel hôtel particulier dont disposent les éditions Julliard sur l'avenue Marceau. Cela me changeait des petits bureaux de Jacques Grancher, un peu rustiques. J'ai eu l'occasion de réaliser avec Elisabeth Samama le meilleur travail éditorial de ma vie, même si j'ai rencontré beaucoup d'éditeurs par après. Elle a bossé comme je n'ai jamais vu un éditeur bosser sur des textes. Pour elle, il y avait moyen de monter d'un cran avec les textes que je lui avais envoyés. Elle avait passé des nuits dessus. Je me souviens que les feuilles sentaient l'odeur de cigarettes. Elle avait souligné, proposé des tas de choses. Durant une journée complète, dans son bureau, nous avons discuté de chaque page de chaque nouvelle, sans pression aucune de sa part. Elle n'a rien réécrit, mais il y avait des questions, des conseils, des éclaircissements, tous judicieux, qui ont apporté une plus-value à l'ensemble du recueil. Par exemple, elle a proposé que le personnage féminin de Minitrip qui apparaissait dans quelques nouvelles revienne systématiquement pour apporter une unité à l'ensemble. L'idée était excellente. "Il y avait quelque chose dans le noir qu'on n'avait pas vu" est sorti en 1997 avec la très dépouillée mais prestigieuse couverture des éditions Julliard. C'est à partir de ce moment que j'ai vu la différence entre un éditeur artisanal et une grosse machine qui a les moyens, comme Julliard".
Entretemps, l'auteur belge Francis Dannemark, qui a pris la direction de la collection "Escales du Nord" aux éditions du Castor Astral, demande à Thomas s'il est possible de rééditer certaines de ses nouvelles : "Elles paraîtront avec quelques inédites sous le titre "A part moi, personne n'est mort" et c'est ainsi que j'entre au Castor Astral, éditeur sympathique mais sans les lustres et les dorures de Julliard. Marion Mazauric reprendra également ce titre en "J'ai Lu". J'en avais un peu marre des nouvelles et je décide de me mettre à l'écriture d'un roman. C'est vrai que les recueils de nouvelles se vendent moins bien et que la presse s'intéresse beaucoup plus aux romans. Ceci dit, les recueils de nouvelles ont des durées de vie beaucoup plus longues que les romans, parce que ce genre se prête à toutes sortes d'exercices qu'autorise moins facilement le roman, comme la lecture en spectacle, l'adaptation en court métrage, la diffusion radiophonique, etc.".
Un beau jour, Marion Mazauric l'invite à un déjeuner à Paris et lui annonce qu'elle va fonder sa propre maison d'édition : "Un truc hyper nouveau, très dynamique. Elle me demande quelle avance j'ai chez Julliard. Elle s'élevait à environ 60.000 francs belges. Elle me propose le double. Sur le coup, considérant que j'étais jeune et que je n'avais rien à perdre dans cette affaire, je lui donne le manuscrit du roman auquel je travaillais et elle accepte le bouquin, d'ailleurs un peu trop facilement selon moi. Ca m'aurait plu de me retrouver face à un interlocuteur plus offensif, plus ambitieux littérairement".
Son premier roman, "Mort d'un parfait bilingue", paraît en 2001 et lui vaut le prestigieux Prix Rossel. Thomas Gunzig n'a plus arrêté d'écrire depuis lors...
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Enfin, petit Belge, te voilà sur une meilleure voie, celle où Gunzig n'est plus vunzig...
RépondreSupprimerJe viens de lire un article sur cet auteur que je ne connais pas encore. Ca viendra sûrement car j'ai envie de le découvrir.
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