mercredi 3 avril 2019

Rik Hemmerijck, conservateur du Musée Verhaeren à Sint-Amands

                             13417585_1692867764310190_1770806958656089507_n

Après la visite du couple royal en 2016,  Rik Hemmerijckx (conservateur du Musée Verhaeren à Sint-Amands) a été nommé chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques par le gouvernement français en 2018.  Originaire d'Alost, parfaitement bilingue, il a étudié l'histoire à la VUB et a consacré son mémoire de fin d'études au parcours du syndicaliste liégeois André Renard et sa thèse de doctorat à la résistance syndicale pendant la deuxième guerre mondiale et à la création de la FGTB.

Depuis dix ans, il est conservateur du Musée Verhaeren dont je vous ai déjà parlé. Il s'est confié à la revue "Le Carnet et les Instants", que vous pouvez recevoir gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

"J'ai commencé ma carrière aux archives du mouvement ouvrier socialiste à Gand. En 2001, je suis passé à la Fondation Auschwitz où j'ai travaillé pendant six ans. C'est un organisme principalement francophone, mais j'y gérais le versant néerlandophone. J'y ai beaucoup appris sur la gestion d'une organisation, ainsi que pour mes contacts avec la Belgique francophone. 

Au départ, en 2008, je n'étais pas du tout spécialiste de Verhaeren, mais je savais le situer. J'avais fait sa connaissance pendant mes études, notamment à travers le livre "Les écrivains et le socialisme" de Paul Aron, où un chapitre important lui est consacré. Je connaissais également l'œuvre de Frans Masereel, qui a illustré pas mal de recueils de Verhaeren. Mais en arrivant au musée, j'ai dû beaucoup approfondir ma connaissance de son œuvre.

On peut l'aborder de plusieurs manières :  par sa poésie d'amour, par ses "Villes tentaculaires", par ses odes à la Flandre. Il avait aussi un côté social, sympathisant du mouvement ouvrier, impliqué dans la section artistique de la Maison du Peuple de Bruxelles. Il était ami avec de nombreux artistes, comme Stefan Zweig, Rainer Maria Rilke ou Théo Van Rysselberghe. Il avait un rayonnement européen : il a fait des tournées littéraires en Allemagne, Pologne, Autriche, et jusqu'à Moscou et Saint-Pétersbourg. C'était à la fois un personnage public et un citoyen engagé.

On a dû recommencer à zéro pour constituer les collections qu'on découvre aujourd'hui au Musée Verhaeren. La province d'Anvers disposait d'une collection Verhaeren au musée de l'orfèvrerie Sterckshof à Deurne, qui est devenue la base du nouveau musée et qui a été par la suite agrandie avec des donations. Les pièces les plus importantes présentées au musée proviennent toujours de donations (par exemple, les deux tableaux de Georges Tribout, dont le "Verhaeren veste rouge", sont une donation de la famille Tribout de Saint-Cloud, près de Paris). Le "Verhaeren au petit-déjeuner" de son épouse Marthe Verhaeren-Massin, est une donation récente d'Hervé Dossin. D'autres œuvres ont été achetées en fonction des possibilités. 

Pendant ces dix années, j'ai poursuivi le travail de mes prédécesseurs, mais j'ai aussi apporté pas mal de changements. J'ai d'abord voulu enrichir et compléter le plus possible les collections du musée. C'est possible en ce qui concerne les livres, mais pas en matière d'œuvres d'art. Cela n'aurait d'ailleurs aucun sens. Ensuite, j'ai commencé à organiser deux expositions par an et j'ai voulu les rendre plus vivantes en invitant des artistes contemporains à entrer en dialogue avec l'œuvre de Verhaeren. Ainsi, en 2017, six ou sept artistes ont créé des œuvres pour l'exposition sur la poésie noire de Verhaeren. C'est un atout, car cela attire un autre public vers le musée.

Je m'efforce quand même de présenter les œuvres essentielles autour de Verhaeren et de son œuvre, ce qui implique d'acquérir régulièrement de nouvelles pièces. Ainsi, on est actuellement en train d'organiser l'achat d'un portrait de Verhaeren par Théo Van Rysselberghe. Quand on a affaire à une œuvre de valeur, on doit la payer en plusieurs fois. On a également acquis un buste de Boleslaw Biegas et toute une série de dessins de Constant Montald. En 2017, on a organisé une collecte de fonds pour acheter le fameux buste de Verhaeren par le sculpteur français René Pajot. L'organisation des expositions et l'édition des catalogues nous amènent également certaines donations venant de personnes qui nous font confiance. 

J'ai pu quasiment compléter la collection des éditions originales de Verhaeren. Par exemple, nous pouvons désormais présenter au public une collection complète de la fameuse "Trilogie noire", publiée aux éditions Edmond Deman à Bruxelles. J'ai également entamé un programme de traduction. Sous ma direction, cinq recueils de Verhaeren ont été traduits en néerlandais, de manière à faire mieux connaître son œuvre en Flandre. On a également eu la chance de pouvoir compter sur la collaboration de traducteurs renommés comme Stefaan Van den Bremt ou Koen Stassijns. Leurs traductions ont été bien accueillies par le public.

Je crois que le musée peut continuer à se développer, mais il faudrait d'abord qu'il s'agrandisse parce que nos collections commencent à être à l'étroit, et notre fonds est désormais assez riche pour présenter davantage de pièces au public. Il faut savoir que l'organisation des expositions temporaires entraîne nécessairement une réduction du volume de l'exposition permanente. D'autre part, j'ai beaucoup de projets pour les futures expositions. Cette année, nous évoquerons d'abord l'amitié de Verhaeren avec les artistes à travers une exposition construite autour d'une acquisition récente :  un portrait néo-impressionniste de Verhaeren par l'artiste français Louis Hayet. Ensuite, nous inviterons Michael Bastow, un artiste anglais établi en France, qui s'inspire du nu féminin, ce que je mets en relation avec le recueil "Belle chair". En 2020, nous accueillerons une artiste espagnole qui a illustré le recueil "Espana Negra" de Verhaeren. Précédemment, j'ai aussi accompagné avec une exposition la publication des recueils traduits en néerlandais. Donc, il y a pas mal de pistes tracées.

Lorsque la province d'Anvers a dû céder la main pour le soutien du musée, on ne savait pas bien où on allait, alors que dans un musée, il faut toujours pouvoir travailler sur le long terme. L'incertitude est funeste. Le Musée Verhaeren a toujours été connu, mais les générations qui ont connu Verhaeren vieillissent, et il faut donc penser au renouveau, c'est-à-dire toucher les plus jeunes générations. Or, on vit aujourd'hui dans un monde où le virtuel joue un rôle bien plus important qu'avant. Les jeunes n'ont plus vraiment envie de visiter un musée littéraire. En plus, la connaissance du français est fortement en déclin en Flandre. Conclusion :  pour un musée comme le nôtre, la conjoncture n'est pas très favorable". 

1 commentaire :

  1. Je garde un très bon souvenir de ma visite au musée Verhaeren de Saint-Amand et de l'amabilité du conservateur envers ses visiteurs. Les collections y sont très bien présentées et dans un bel esprit fidèle au grand poète.
    Une visite à recommander. J'espère que les enseignants flamands y vont régulièrement avec leurs élèves, et aussi les francophones, bien sûr.

    RépondreSupprimer