mardi 14 février 2012

Les 20 ans de la maison d'édition belge Luce Wilquin

A l'occasion des 20 ans de sa maison d'édition, Luce Wilquin (www.wilquin.com) raconte son parcours dans la revue "Le Carnet et les Instants". Après avoir travaillé dans plusieurs maisons d'éditions, elle se lance :

"Comme nous devions à terme rentrer en Belgique, j'ai fondé en février 1992 une maison d'édition de droit belge. J'avais des auteurs suisses, mais belges aussi, comme Françoise Houdart et Gérard Adam qui furent en fait les deux premiers auteurs publiés à cette enseigne. J'ai travaillé sur les deux pays depuis Lausanne, mais en revenant en Belgique tous les mois pour une semaine. J'étais basée chez mes parents à Dour, ce qui fut donc la première adresse de la maison. Devenue éditrice indépendante, les portes sont alors beaucoup plus difficiles à ouvrir que comme salariée, et il importe de faire ses preuves. C'était un peu rude, mais somme toute normal. Je voulais construire un catalogue de qualité, et je me suis toujours refusée à sortir le carnet de chèques pour solliciter des auteurs d'autres maisons comme cela se fait souvent. Ceux qui sont venus chez moi l'ont toujours fait de leur propre chef.

Au bout de dix ans, je commençais à piaffer un peu. On me considérait comme un petit artisan régional. On doutait de la qualité et du travail fait avec les auteurs. Je répondais qu'il fallait leur demander à ces auteurs ce qu'il en était. Pour certains, il fallait presque reconstruire tout le roman. Ce qui a été le plus dur, surtout dans les dix premières années, c'était de faire passer l'idée que je créais un catalogue qui, sur le long terme, pourrait imposer sa cohérence et sa qualité. Côté financier, les choses étaient difficiles aussi.

Puis, cela a évolué. On a maintenant un contrat-programme de cinq ans, une bouffée d'oxygène bienvenue face aux risques à prendre. Il fallait tenir, tenir. Au bout de quinze ans, cela allait déjà beaucoup mieux. On connaissait la maison. J'ai eu des problèmes de diffusion-distribution en France. Ce n'est jamais facile pour un éditeur belge d'imposer ses auteurs dans une France très protectionniste, ce qui n'est pas vrai dans l'autre sens, loin de là... On en est arrivé au point que chaque livre vendu nous faisait perdre de l'argent! Maintenant, çà va mieux, on a créé notre petite structure qui alimente toutes les semaines les librairies françaises, lesquelles nous envoient quotidiennement des commandes. La machine tourne, et l'on travaille régulièrement avec plus de 200 libraires français. En Suisse, çà marche très très bien avec les auteurs suisses (mieux qu'avec les Belges ou les Français). En Belgique, çà va de mieux en mieux parce que les libraires nous soutiennent. On a notre place dans la plupart des librairies et tous nos tirages ont dès lors grimpé.

J'ai toujours mis l'accent sur les relations humaines. J'ai eu quelques expériences malheureuses avec de très bons auteurs avec qui çà s'est mal passé, mais je suis trop vieille pour supporter l'adversité! En fait, je tiens à travailler un peu à l'ancienne dans un esprit familial. Je suis la "maman" de 140 auteurs qui fait en sorte qu'ils se retrouvent au moins une fois par an. Et qu'ils aient des rapports entre eux, notamment lors de rencontres en librairie, où je suis là en général. Cela se passe très bien : les auteurs se lisent et se commentent aussi entre eux. C'est rare dans une maison d'édition. Il y en a même qui lisent les manuscrits des autres avant moi. Certains sont devenus des amis. Cet esprit-là, j'y tiens beaucoup.

Je suis très intuitive. Si la première rencontre avec un auteur ne se passe pas bien, je vais hésiter. Et si je suis traitée comme je ne souhaite pas l'être, ce sera tout de suite non. Défendre un livre aujourd'hui exige de plus en plus d'effort et de travail. Et si l'attelage auteur-éditeur-libraires (important, les libraires) ne file pas dans la même direction, rien ne va plus. Je tiens aussi à maîtriser tout le parcours du livre, du manuscrit à la mise en page et à la couverture, jusqu'aux relations avec la presse. Je ne peux évidemment pas maîtriser la diffusion-distribution, mais, hors le travail du représentant, je noue des contacts privilégiés avec les libraires. L'alchimie prend ou ne prend pas, et parfois un livre sort du lot sans que nous ne l'ayons vraiment prévu, alors qu'un autre qui me paraît excellent ne décolle pas. Ah si l'édition était une science exacte... En fait, l'édition littéraire, c'est toujours une sorte de poker.

Nous sommes très attentifs à l'évolution des technologies et nous sommes la première maison d'édition littéraire en Belgique à prendre le virage du numérique. Je suis pour ma part très attachée au papier, alors on va travailler en parallèle avec les deux. Et faire passer le catalogue au numérique par blocs de 100 titres. Ce qui donnera une seconde vie à certains textes. Je dois avouer que j'ai des gens très efficaces et talentueux parmi mes proches.

Je sors deux romans pour la Foire du Livre de Bruxelles : un de Françoise Lalande, énorme roman à la russe que je tiens pour un chef d'oeuvre, et le beau second roman de Nathalie Cohen. Je travaille aussi à la célébration de nos vingt ans, qui associera les lecteurs, les libraires, les bibliothécaires et les auteurs à une lecture-spectacle : 20 extraits de textes avec deux comédiens et un musicien. La première aura lieu le jeudi 1er mars à la Foire du Livre de Bruxelles. Ce module devrait circuler en Belgique, et si tout va bien, à l'étranger au cours de l'année 2012".

A lire aussi : mes articles sur Françoise Houdart (http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2009/12/nee-pelagie-d-francoise-houdart.html) et Geneviève Bergé (http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2011/11/le-parcours-litteraire-de-genevieve.html) qui sont toutes deux publiées par les éditions Luce Wilquin.

1 commentaire :

  1. Bonjour, je m'appelle Alex, belge, 23 ans.
    J'écris de courtes nouvelles et j'aimerais bien avoir l'avis de quelqu'un comme vous qui s'intéresse à la littérature. Je ne demande rien d'autre qu'un avis pour pouvoir m'améliorer.
    Voici mon blog où je publie mes écrits : http://loli-popo.blogspot.com/

    Merci d'avance pour votre réponse

    RépondreSupprimer