Dans le dernier numéro de la revue "Le Carnet et les Instants", Geneviève Bergé retrace son parcours littéraire. Après avoir été rédactrice en chef pendant plusieurs années de la revue "Indications", elle écrit son premier roman au début des années 90 :
"A Indications, nous étions attentifs à la diversité de ce qui se publiait ; on ne s'intéressait pas qu'aux maisons qui avaient pignon sur rue. De plus, à l'époque, je lisais beaucoup de poésie, ce qui m'a permis aussi d'apprendre à connaître des maisons d'édition plus confidentielles. J'étais suffisamment en contact avec les éditeurs pour savoir où orienter mes envois. J'avais choisi les grands éditeurs traditionnels parisiens et quelques éditeurs de province que j'aimais bien comme Verdier ou Champ Vallon. A priori, je trouvais que mon manuscrit correspondait plus à ce genre de maison. Sincèrement, je ne pensais pas être éditée. J'espérais simplement recevoir un avis".
Le manuscrit de son roman "Les Chignons" est accepté par les éditions du Cheyne et Gallimard. Geneviève choisira ces derniers qui le publieront en 1993 : "C'était magique. J'avais si souvent écrit leur adresse quand j'envoyais les articles qu'Indications publiait sur leurs livres. Quand je suis arrivée, j'ai été mise en contact avec Jacques Réda, qui travaillait dans la maison, tandis qu'Alain Bosquet, que je n'ai jamais rencontré, travaillait de l'extérieur. Jacques Réda faisait aussi partie des écrivains que j'appréciais car il écrivait des textes hors genres, inclassables, avec pas mal d'humour et de finesse dans les descriptions. De bonhomie aussi. Intuitivement, c'est ce que je cherchais à faire, même si je ne m'en rendais pas compte à ce moment-là : pouvoir exprimer des événements éventuellement banals sans m'en tenir à la trame d'un roman et mettre en route la machinerie qui leur permet d'exister. Ce qui m'a plu chez Gallimard et chez Jacques Réda, c'est notamment qu'ils publiaient des ouvrages qui ne correspondaient pas aux grands standards. Avant même qu'il ne soit paru, j'étais déjà invitée à droite et à gauche par des gens qui ne l'avaient pas lu, simplement parce que l'éditeur était Gallimard. J'étais propulsée dans le monde littéraire en recevant des invitations, comme je n'en ai jamais plus reçu après".
C'est ainsi qu'elle passe dans une émission de Michel Field sur Antenne 2. "Les Chignons" reçoit le Prix Franz de Wever de l'Académie de littérature et de langue françaises de Belgique, et le Prix France-Belgique de l'Association des Ecrivains de langue française.
Le contrat avec Gallimard oblige l'auteur à leur présenter ses cinq manuscrits suivants et, si les deux premiers sont refusés, le contrat est rompu : "J'ai fait la bêtise de leur envoyer deux manuscrits qui n'étaient pas très bons. Ils ont eu raison de les refuser, même s'ils hésitaient à chaque fois à travers des lettres circonstanciées. Alain Bosquet n'était plus lecteur chez eux et j'ai senti que je n'avais plus personne pour me soutenir, si ce n'est Jacques Réda. Ce qui a été dur, c'est qu'il me reprochait d'écrire quelque chose différent des "Chignons" alors que, pour mon deuxième texte, j'ai précisément eu envie d'écrire différemment, notamment à la suite de remarques de certains de mes lecteurs à propos du premier. Tout est allé trop vite, trop bien avec le premier. Je me demandais ce que j'allais écrire par après, si je n'allais pas être la femme d'un seul livre. Je n'ai pas tellement bien vécu cette première parution, d'être mise aussi rapidement sous les projecteurs, d'avoir des articles tellement élogieux et engageants. A la limite, j'aurais voulu que le livre paraisse et qu'il mène sa vie. Comme certains écrivains qui reçoivent le Goncourt, j'ai eu un peu de mal à retomber sur mes pattes et à trouver ma vraie voie par après. L'écriture et la publication des "Chignons" ont représenté une sorte d'euphorie, mais j'ai l'impression que le vrai travail a commencé après".
Geneviève Bergé retravaille son manuscrit "Au bord du noir" qui est refusé par plusieurs éditeurs. Le romancier Michel Lambert lui suggère de le soumettre aux éditions suisses de L'Age d'Homme. Son fondateur et directeur Vladimir Dimitrijevic a, en effet, constitué un catalogue impressionnant d'écrivains belges, à côté d'autres noms de la littérature mondiale. "Au bord du noir" est paru au début de l'année 1998 pour la Foire du Livre de Bruxelles.
Le troisième livre de Geneviève, "La ménagère et le hibou", est une approche poétique et philosophique de l'oeuvre de Rembrandt à travers le regard d'une femme d'aujourd'hui. Il est refusé par les éditions Gallimard et du Rocher, mais les éditions L'Age d'Homme lui renouvellent leur confiance :
"Vladimir Dimitrijevic avait une politique d'encouragement à ses auteurs. Il n'aurait pas pris n'importe quoi, mais il était disposé à publier des livres moins vendables, en ayant en tête que cet auteur pouvait avoir une trajectoire. Evidemment, en termes de presse, j'ai senti la différence par rapport à Gallimard. Je devais assurer moi-même la promotion en Belgique, ce qui n'est pas mon talent. Je ne suis pas assez entreprenante pour démarcher moi-même. Par contre, j'ai pu rencontrer plusieurs fois Vladimir Dimitrijevic en personne à la Foire du Livre de Bruxelles où il était présent chaque année. C'était toujours sympathique, y compris lorsque je n'ai plus publié chez lui. Il est resté convivial, positif, offrant tous les livres que je voulais sur son stand, prenant des nouvelles sur mes projets, m'invitant à lui présenter d'éventuels manuscrits, s'intéressant à mon travail". A noter que Vladimir Dimitrijevic est décédé le 28 juin 2011 dans un accident de voiture.
Pour son quatrième manuscrit, "Un peu de soleil sur les planchers", Geneviève décide de ne l'envoyer qu'à un seul éditeur, Luce Wilquin : "J'en ai eu assez de toutes ces démarches et ces lettres de refus, qui me déprimaient. J'avais eu l'occasion de rencontrer Luce Wilquin lors d'une soirée littéraire et elle avait l'air de connaître mon travail, au point de me proposer de venir un jour chez elle. De mon côté, j'avais envie d'être un peu moins seule autour de ces questions d'édition et j'avais déjà pu constater que Luce Wilquin était très fidèle à ses auteurs. Elle avait aussi constitué un catalogue intéressant et je lui ai donc proposé mon texte qu'elle a accepté tout de suite".
Geneviève a trouvé la maison d'édition qui lui convenait et qui a publié également son cinquième livre, "Le tableau de Giacomo", paru en 2010 : "J'ai trouvé auprès de Luce Wilquin une éditrice professionnelle, tout en étant accueillie personnellement. J'ai rencontré d'autres auteurs publiés chez elle. Ce que je trouve agréable et honnête, c'est que l'on sent que l'on est dans une relation gagnant-gagnant. Par exemple, quand j'ai été finaliste pour des prix en France, elle a trouvé cela intéressant aussi pour sa maison, qui pouvait de la sorte aller à la rencontre d'autres lecteurs et pénétrer d'autres marchés. On se sent dans un partenariat où chacun a un rôle et quelque chose à gagner. Chaque année, elle a son propre stand à la Foire du Livre de Bruxelles où l'on croise beaucoup de monde".
Plus d'infos sur les éditions Luce Wilquin (qui fêteront leurs 20 ans en 2012) : http://www.wilquin.com/
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très intéressant article, que j'ai lu et relu. Félicitations
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