lundi 14 mars 2011

"L'eau à la bouche" (Colette Nys-Mazure)

Dans l'introduction, Colette Nys-Mazure nous confie : "Qu'est-ce qu'un poème dans la marche du monde? Peut-on encore écrire des poèmes après les horreurs des camps d'extermination et les génocides? Interrogations légitimes. Chaque homme qui naît recommence l'histoire, et la poésie, comme toute forme d'art, accompagne, éclaire, soutient son existence tout en creusant le mystère de l'être au monde (...) Comme nous en avons besoin dans cet univers mécanisé, robotisé, informatisé à outrance. Cultiver la gratuité, la beauté avec ce matériau qui appartient à tous : les mots de la langue. Faire sien le quotidien et le transfigurer. Ecrire, lire la poésie accroît la liberté et donc la joie (...) Nous avons besoin de poèmes comme de l'air que nous respirons. Une longue fréquentation de la poésie de tous bords m'a convaincue que la vision poétique, loin de nous éloigner du réel et du présent, communique au quotidien une qualité particulière, une lumière et une chaleur, un émerveillement comparables à l'effet du feu sur le bois sec".

Dans cet ouvrage, Colette retrouve sa pédagogie d'ancienne professeur de français pour sortir la poésie de sa tour d'ivoire et la faire découvrir au grand public, avec des mots simples, sans analyse littéraire complexe. Elle a choisi des poètes francophones qu'elle apprécie afin de nous donner l'eau à la bouche ("Puisse cette série susciter chez les plus jeunes comme chez les aînés l'envie de mordre à même la chair du poème") : Françoise Lison-Leroy, André Schmitz, Maurice Carême, Liliane Wouters, Achille Chavée et François Emmanuel pour la Belgique, mais aussi Racine, Charles Baudelaire, Joachim du Bellay, Andrée Chedid, Serge Wellens, René Char, etc. Une courte présentation permet de les situer dans le temps et l'espace.

Certains poèmes m'ont beaucoup plu, d'autres pas du tout. Mais la mission est réussie pour Colette Nys-Mazure qui a varié les générations, les pays et les styles. Chaque lecteur peut avoir l'eau à la bouche et y trouver son bonheur. Merci Mme le professeur.

Je ne peux terminer ce compte-rendu sans choisir un poème extrait de cet ouvrage et écrit par le poète belge André Schmitz (né en 1929) :
La poésie, je ne peux jamais
la voir que de dos,
quand elle fait ses courses au village
ou se rend à des offices de nuit.
Je la suis de loin comme un voyeur
et sur son épaule parfois
ma main se pose comme un vieil oiseau.
Je lui demande encore pardon
de ne savoir m'y prendre avec elle.
En d'autres temps je propose avec gaucherie
de porter ses cabas et ses livres de magie.

La poésie, elle la passante inouïe
que je prie en silence de réchauffer ma vie.

1 commentaire :

  1. "creuser le mystère de l'être au monde", c'est tout à fait ça la poésie!
    Merci pour ce beau compte-rendu.

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