Victoire de Changy a répondu aux questions de Michel Torrekens pour la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles :
"Souvent, on dit qu'un premier roman est autobiographique. Est-ce votre cas?
- Je vais me permettre de ne parler que de mon cas précis, qui, j'imagine, doit ressembler à celui de certains autres premiers romans. Si je le confirme? Oui et non. Dans ce premier roman, j'ai déposé tout ce que j'aurais souhaité mettre dans tous ces autres que je n'ai pas écrits. "Tout" inclut certes du vécu donc, mais aussi et surtout du vu, de l'entendu, du ressenti, du senti, du songé. C'est comme s'il m'avait fallu vider le contenu de mes innombrables carnets dans un nombre limité de pages, pour ensuite les refermer à tout jamais, et enfin passer à autre chose.
- Un premier roman publié a parfois été précédé de plusieurs manuscrits. Est-ce le cas pour vous?
- J'écris depuis toujours et n'ai jamais envisagé de faire autre chose que cela. Mon écriture a donc été travaillée, retravaillée, retravaillée encore depuis une bonne vingtaine d'années. S'agissant de se faire les armes auprès de lecteurs, je tiens un blog et reçois de nombreux retours sur celui-ci, epuis l'âge de quatorze ans.
- Votre éditeur a-t-il joué un rôle particulier pour ce premier roman?
- Mon éditeur (une éditrice en l'occurrence : Emilie Lassus) est la première à m'avoir dit oui. C'est un rôle fondateur que personne ne pourra lui ôter, un oui qui lui est presque venu d'emblée après lecture des premières pages du roman, et qu'elle a prudemment contenu en elle avant de me le confirmer deux jours plus tard.
- Avez-vous rencontré des difficultés à trouver cet éditeur?
- J'ai essuyé quelques refus, mais deux mois seulement après envoi aux éditeurs, mon livre était reçu chez Autrement. Je sais que ça ne se passe pas toujours comme cela, je m'en sens franchement chanceuse et honorée.
- Maintenant que votre premier roman est publié, quels sont vos étonnements (positifs et négatifs) par rapport à ce qui doit apparaître à vos yeux comme un événement?
- Etonnée très positivement que des gens qui ne me connaissent pas du tout, qui n'ont donc aucun rapport de bienveillance ni de tendresse à mon égard, soient pris par le roman, en parlent autour d'eux, parfois me le font savoir. Etonnée un peu négativement de mon rapport à mon objet-livre, que j'imaginais vénérer, exposer fièrement, et que j'ai au contraire presque du mal à placer dans ma bibliothèque parmi les autres. Il m'appartient et ne m'appartient plus dans le même temps. C'est un sentiment ambivalent étrange à expliquer.
- On dit souvent que la difficulté n'est pas d'écrire un premier roman, mais d'écrire le deuxième. Confirmez-vous cette difficulté?
- Je ne la confirme pas, non, je dirais presque le contraire... Mais les circonstances m'ont sans aucun doute aidée. J'ai terminé mon premier roman et entamé une année à l'Atelier des écritures contemporaines de La Cambre exactement en même temps. Or, l'objectif de l'Atelier était d'écrire un roman entier sur l'année de "formation". J'avais des échéances, des dates de rendus, et j'ai donc été forcée de m'y remettre immédiatement, sans tergiverser, sans trop m'interroger. Si le premier roman est empli de tout ce que j'évoquais ci-avant, le second ne contient rien d'autre qu'un pur produit de mon imaginaire. Pendant un an, j'ai suivi l'évolution et les cheminements de mes personnages comme si j'assistais à leurs parcours derrière un écran, à une saga. Comme si je n'y étais véritablement pour rien, que mes doigts se trouvaient passeurs d'une épopée qui me dépassait. J'ai trouvé cela magique, grisant et presque mystique. Je pense qu'elle doit se trouver là, la littérature. Ce second roman, qui ne ressemble en rien au premier, est terminé et est en cours de lecture chez mon éditrice.
- Avez-vous un point à ajouter sur cette thématique?
- Peut-être que de se lancer dans une si merveilleuse aventure demande de la rigueur et de la chance, de la douceur et de la force".
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