mercredi 21 février 2018

Les Editions Diagonale

La maison d'édition belge Diagonale a été créée en 2014 par Ann-Gaëlle Dumont (romaniste) et Pascaline David (philosophe et scénariste). Après avoir ré-édité "Les conquêtes véritables" de Nicolas Marchal (lauréat du Prix Première 2009), elles ont publié cinq premiers romans, ce qui fait l'originalité de cette maison d'édition. Plus d'infos :   www.editionsdiagonale.com

Pascaline David a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Pourquoi avez-vous eu l'idée de lancer une maison d'édition consacrée aux premiers romans?
- En 2014, lorsque nous avons créé Diagonale, Ann-Gaëlle Dumont et moi, rien n'était vraiment fait pour les auteurs d'un premier roman. Certes, des prix existaient mais c'était à peu près tout. Chaque année, on entendait ces chiffres vertigineux. Les grands éditeurs reçoivent une marée de manuscrits par la poste :  un toutes les huit minutes chez Gallimard, cinq par jour chez Actes Sud, autant chez Grasset, etc. S'il n'y a pas quelqu'un pour le sortir de la pile (les mots même d'Hubert Nyssen que nous avions rencontré), c'est mission impossible d'être remarqué.

Nous avons voulu faire quelque chose. Le début d'un auteur est primordial. Etre publié, c'est une forme de naissance, d'entrée officielle dans la littérature. Si on désire être publié, c'est qu'on écrit pour un public, l'envie est là de rencontrer des lecteurs. En même temps, il est si difficile pour un auteur de savoir se situer vis-à-vis de son travail d'écriture. Est-ce le moment? Ou dois-je encore travailler? L'éditeur a ici une vraie responsabilité. C'est le premier qui adoube un auteur, goûte à son univers, identifie un style. C'est lui qui dit :  tu es prêt, on va y aller. C'est aussi important de refuser un manuscrit que de le sélectionner. On pense par exemple à la trajectoire de Jean-Philippe Toussaint :  elle aurait été tout autre si elle avait débuté par la parution d' "Echecs" au Seuil, chez Ramsay ou chez Denoël, plutôt qu'avec "La salle de bain" chez Minuit. 

Accepter un texte à un stade intermédiaire de maturité n'est pas un bon service à rendre à son auteur. C'est le jeter sur le marché alors qu'il n'est pas au meilleur de sa forme. Après, il doit se débrouiller pour convaincre et subsister. C'est ce qu'on pourrait d'ailleurs reprocher à l'autoédition et au compte d'auteur. Il n'y a aucun filtre. Hormis quelques surprises, les auteurs apparaissent comme des diamants bruts, un peu à l'abandon.

Nous avons fait le pari de donner de notre temps et de notre énergie pour les auteurs d'un premier roman, qu'ils se trouvent, à notre estime, à deux doigts de la ligne de maturité ou qu'ils aient encore beaucoup de chemin à faire. Nous avons envie de nourrir, d'instruire et d'intervenir à cette étape-là de la création littéraire par une proposition éditoriale particulière. Etre un interlocuteur professionnel privilégié pour des nouveaux auteurs. 

Ainsi, pour les manuscrits présentant beaucoup de difficultés, nous avons jusqu'à présent envoyé une fiche de lecture documentée aux auteurs. Bien sûr, celle-ci est à prendre avec une certaine réserve : ce n'est là qu'un avis parmi d'autres. L'idéal serait d'en avoir plusieurs. Quant aux manuscrits qui nous semblent publiables, nous avons engagé, avec l'accord de l'auteur, un travail de perfectionnement. C'est ce qui est arrivé au roman "Quand les ânes de la colline sont devenus barbus" de John Henry, ou "Le modèle" de Manuel Capouet. Etre un éditeur de petite taille nous donne cette flexibilité.

- Quelles particularités trouvez-vous aux premiers romans?
- Souvent, dans un premier roman, l'auteur donne beaucoup de lui-même, de son histoire. Il y a une vraie fraicheur. Stylistique aussi.

- Comme vous avez souvent affaire à des auteurs débutants, est-ce que cela nécessite un gros travail d'accompagnement de votre part?
- La plupart des manuscrits que nous recevons ne permettent pas un travail d'accompagnement. Tout simplement, la matière n'est pas là. Il faudrait tout reprendre et, pour le style, ce n'est pas vraiment possible. Par contre, pour les 1 à 2% restants, nous proposons à leurs auteurs de les pousser le plus loin possible. Quitte à couper, p.ex., un chapitre ou parfois certaines parties, dans les dialogues s'ils sont trop bavards. 

- Est-ce que cela n'est pas frustrant de lancer de nouveaux écrivains et de ne pas les suivre au cours de leur carrière?
- L'idée est bien de les suivre après la parution du premier livre. Il est vrai qu'au début, nous pensions nous contenter des seuls premiers romans, mais on nous a rapidement conseillé de suivre nos auteurs. Il ne suffit pas de semer horizontalement, il faut également voir la forêt pousser. Il serait également dommage de renoncer à la confiance qui s'est installée lors d'un premier travail éditorial. Même si aujourd'hui, nous n'en sommes pas encore là. Le seul deuxième roman que nous avons publié est "Autour de la flamme" de Daniel Charlez d'Autreppe, dont le premier roman avait été publié, il y a quelques années maintenant, dans la collection Baleine (appartenant à ce moment au Seuil), sous un pseudonyme".

La suite de cette interview se trouve dans la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Prix Première 2018

Lors de la Foire du Livre de Bruxelles sera remis le Prix Première 2018. Porté par la RTBF, il est décerné depuis 2007 par des auditeurs qui se prononcent sur une présélection de dix premiers romans venus de toute la francophonie. En une décennie, trois Belges se sont illustrés :

- Nicolas Marchal :   Prix Première 2009 pour "Les conquêtes véritables"

- Nicole Roland :   Prix Première 2011 pour "Kosaburo, 1945"

- Antoine Wauters :    Prix Première 2014 pour "Nos mères"

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