Le journaliste et écrivain belge René Henoumont (1922-2009) nous a quittés en ce début de septembre. Engagé dans la résistance durant la deuxième guerre mondiale, il a ensuite commencé sa carrière de journaliste et rédigeait toujours actuellement une chronique dans l'hebdomadaire "Le Soir Magazine". Il a également écrit de nombreux romans et essais. La bibliothèque d'Herstal (sa commune natale) porte son nom et dispose de toutes ses archives. Il s'est éteint chez lui à Steenkerque, un petit village entre Enghien et Soignies où il s'était retiré.
Afin de lui rendre hommage, "Le Soir Magazine" a eu la bonne idée de republier ses meilleures chroniques. En voici une intitulée "Un jour de septembre" :
"Le 7 septembre 1944, peu avant 15h, je traversais la rue Léopold à Liège, à hauteur de la maison natale de Simenon. Depuis la rive droite, des snipers allemands faisaient des cartons sur les passants circulant dans les rues perpendiculaires à la Meuse. Une volée de balles ricocha sur les façades, à deux pas du drapeau belge, ex-magasin de confection, local de la Légion Wallonie réquisitionné le jour même par le parti socialiste sorti de la clandestinité. Elles n'étaient pas pour moi, ces balles folles ; j'avais rendez-vous au drapeau belge. Je me retrouvais au cinquième étage, devant un homme jeune aux yeux bleus intimidants, un revolver 7.65 était posé sur la table près de feuillets couverts d'une petite écriture nette. Par les fenêtres, j'apercevais les pigeons de la place Saint-Lambert, tournoyants. J'entendais des hauts-parleurs diffuser le "Chant des Partisans", l' "Internationale" et la "Marseillaise". Le canon grondait encore quelque part. Une armée haïe était partie, une armée amie prenait possession de la ville. Une foule en délire se jetait au devant des tanks à l'étoile blanche, d'où des soldats rieurs distribuaient chocolats, cigarettes et chewing-gums comme du pain aux moineaux. L'homme aux yeux bleus leva la tête : "Camarade, il paraît que tu es fou de cinéma. Va faire un tour en ville, reviens, et en 30 lignes, dis-moi ce que les cinémas programment". Je titrais ma bafouille : "Le retour de Mickey". Disney avait appelé Oswald un lapin dont il rogna les oreilles et lui ajouta une longue et mince queue : une immense vedette était née, Mickey. Pour le reste, les exploitants avaient sorti des caves Popeye, Donald, Laurel et Hardy et un Charlot soldat. L'heure n'était plus au cinéma allemand mais américain. Un music-hall, le Walhala, changeait son enseigne, il devenait l'Eden. L'homme aux yeux bleus lut ma copie : "Je ne connaissais pas cette histoire de lapin, c'est une information. Je t'engage, tu assumeras entre autres la critique de cinéma dans le "Monde du Travail". Notre premier numéro tombe demain à 5h. Sois-là à 8h pour le suivant". Mon article (?) était signé R.H. sur papier-sachet bistre réquisitionné dans un grand magasin. C'est comme çà que je suis entré en journalisme...".
dimanche 27 septembre 2009
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Savoureux comme toujours!
RépondreSupprimerEt ça paraît si simple!
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