mercredi 12 juillet 2017

Laurent Demoulin à Passa Porta

A l'occasion d'une soirée "Read and Meet", l'écrivain belge Laurent Demoulin était l'invité d'Adrienne Nizet, la vice-directrice de Passa Porta (Maison internationale des littératures de Bruxelles). Ils se sont ensuite confiés à la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Adrienne Nizet :  "Qui pourrait mieux que l'auteur parler de son livre? L'idée est que les participants puissent poser directement leurs questions à l'auteur, lors d'une soirée en comité restreint. Ils sont invités à lire le livre choisi avant la soirée, afin de pouvoir aller en profondeur dans les thématiques, le style, les développements de l'intrigue. Comme les autres auteurs, traducteurs littéraires, acteurs du secteur, les auteurs belges francophones sont chez eux à Passa Porta. Ils sont présents dans les toutes les facettes de la maison".

Laurent Demoulin :   "Chaque rencontre est particulière, en fonction des différents lieux, du nombre de personnes présentes, et de la personnalité individuelle des participants ayant pris la parole. Je me suis rendu dans des librairies, dans une bibliothèque, dans des institutions communales liées à la problématique de la littérature et de la santé, dans des écoles supérieures, au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, Toutes ces rencontres m'ont nourri et m'ont fait réfléchir, en fonction des questions qui m'ont été posées et des réactions du public. De manière générale, j'aime rencontrer les lecteurs et les lectrices. Qu'ils aient un visage, une voix, une histoire, des pensées, etc. J'aime les petits échanges au moment des dédicaces. L'écrivain est seul quand il écrit : cela fait du bien de sortir de la solitude grâce aux fruits de celle-ci. La rencontre à Passa Porta présente plusieurs particularités intéressantes. D'une part, un aspect convivial. J'étais assis autour d'une table avec une dizaine de personnes, et non pas devant un public, ce qui favorise l'échange, l'intervention spontanée des participants (et de telles interventions ont d'ailleurs eu lieu). La disposition des personnes ainsi que leur petit nombre jouent tous deux le même rôle incitatif. Ensuite, les personnes sont censées avoir déjà lu le livre, même si ce n'était pas tout à fait le cas. Mais on a fonctionné comme si tous connaissaient le livre, ce qui fait gagner du temps et qui va aussi dans le sens de la liberté de parole (pas de peur de spoiler, comme disent les jeunes, c'est-à-dire de déflorer l'intrigue). Autre implication : il ne s'agit pas de vendre le livre puisque je suis en principe devant des lecteurs déjà conquis. Sans doute cela change-t-il aussi quelque chose dans le contact (voire dans mon propos) mais je ne m'en rends pas bien compte, car en librairie non plus je n'avais pas l'impression d'être là pour vendre mon livre. Mais peut-être ai-je refoulé cet aspect inavouable, qui sait? Partout, il s'est agi d'une conversation. Dernière spécificité de Passa Porta : la présence de lecteurs néerlandophones, ce qui fait vraiment très plaisir. Ces lecteurs portent un regard particulier sur la langue du texte.

Je me suis déjà rendu à plusieurs reprises à des rencontres de Passa Porta avec d'autres auteurs. C'étaient des rencontres plus traditionnelles, dans la librairie, les auteurs étant sur une estrade. Chaque fois, j'ai été très intéressé, mais comme je le suis lors de la plupart des rencontres en librairie. Il me semble que les rencontres stimulent mon désir de lire l'auteur, sauf exception. Ou en tout cas, telle est la question qui sous-tend ma présence :  la recherche d'indications pour savoir si tel livre me plaira ou m'intéressera. Notez qu'il m'arrive aussi d'aller à des rencontres alors que j'ai déjà lu le livre qui est présenté (dans ce cas, il s'agit toujours d'auteurs que j'apprécie). Peut-être y vais-je alors pour approfondir ma lecture. Ou pour remercier l'auteur du plaisir qu'il m'a procuré. En même temps, il y a un juste plaisir propre à la rencontre, qui est presque indépendant de la lecture.

Les questions très variées qui m'ont été posées m'ont fait réfléchir et m'ont permis d'approfondir ma vision de la littérature, notamment parce que Robinson a un statut ambigu à cet égard. Mais il m'est difficile d'isoler le phénomène des rencontres de l'ensemble de mon expérience. J'aimerais pouvoir vous dire que cela ne change rien à rien, que je suis seul face à la Littérature comme face au ciel étoilé, que seul compte le texte, la divine inspiration, etc. Mais si je suis honnête, je dois bien dire que le fait de publier chez Gallimard ou chez un petit éditeur belge, même de très grande qualité, cela change beaucoup de choses. J'avoue que, depuis lors, j'assume le fait d'être écrivain, ce qui est neuf (jusque là, je me récriais si on m'attribuait ce titre). Il s'agit à la fois d'une forme de libération et de soulagement profond (comme si j'étais enfin en paix avec moi-même) et de nouvelles responsabilités, assez intimidantes quant à la suite éventuelle. Les rencontres participent vivement de ce double sentiment. Je m'y sens heureux, comme un poisson dans l'eau. La sensation la plus forte, je l'ai ressentie lors de la première présentation, à Liège, dans la librairie que je fréquente, "Livre aux trésors", chez mes amis Olivier et Philippe. J'étais interrogé par Gérald Purnelle, un autre ami. Le public était nombreux, attentif, bienveillant. Je me sentais délicieusement entouré par cette bienveillance. Une expérience vraiment inoubliable. Les soirs de doute et d'angoisse, je pourrais y songer pour m'apaiser".

Plus d'infos :  www.passaporta.be

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire