mercredi 23 septembre 2015
"La nuit de feu" (Eric-Emmanuel Schmitt)
A l'occasion de la sortie de son nouveau livre, "La nuit de feu", l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions de la journaliste Catherine Ernens pour les quotidiens du groupe Vers l'Avenir :
"Dans un contexte ultrasensible au niveau des religions, vous osez un livre sur votre rencontre avec Dieu lorsque vous aviez 28 ans?
- C'est mon récit. Je rentre dans le désert. Je suis philosophe. Je m'étais résolu à ce que Dieu soit une question qui n'obtienne jamais de réponse parce que j'étais purement dans le champ de la raison. Et puis, ce que j'ignorais, c'est qu'il y avait l'épreuve, l'expérience, le vécu. Ce que nous dit Pascal : Dieu ne se prouve pas, il s'éprouve. Et Dieu que j'étais résolu à ne pas rejoindre, tout d'un coup, je l'ai touché, il m'a touché.
- Dans votre voyage, vous cheminez avec Ségolène, très croyante. Mais elle ne va pas vous convertir.
- Sa foi n'est pas la mienne. Elle voit Dieu partout. Moi, je ne le vois nulle part. Et puis, elle veut tout récupérer. Ce n'est pas ma façon de croire. Il y a d'ailleurs autant de façons d'habiter le mystère que de personnes sur terre. Deux personnes qui disent avoir la foi : elles ne vous parlent pas de la même chose. Deux personnes athées : pareil.
- Pourquoi avez-vous mis vingt ans à écrire cette expérience?
- Je suis très pudique. Je suis arrivé à quarante volumes sans dire "je". Ca veut dire aussi que j'ai beaucoup d'imagination. Et puis, j'ai longtemps cru que cette expérience, elle n'était que pour moi. Plus tard, je me suis rendu compte que la force que j'avais reçue, je devais en témoigner. Pour dire aux gens que la vie de l'esprit est toujours en chemin. Il y a toujours des rencontres : amicales, amoureuses, de Dieu. Tout peut changer. Après, je sais bien que je ne peux pas communiquer ma foi. Je voudrais bien à des amis que je vois dans une détresse existentielle, dans des angoisses. J'aimerais leur donner cette confiance, cette lumière qui ne me quitte pas. Mais je ne peux pas parce que ce n'est pas partageable comme argument philosophique.
- En racontant votre nuit de feu, vous n'avez pas peur d'être moqué?
- C'est fragile. C'est juste un témoignage et il peut être refusé, de manière complètement légitime. D'ailleurs, moi-même dans le livre, je dis "Qu'est-ce qui me prouve que ce n'était pas une expérience complètement inventée, une réaction chimique de mon corps, une idée psychanalytique d'un petit enfant perdu qui se cherchait un père tout puissant?". Il y a plein de réductions matérialistes possibles de cette expérience. Le confort aurait pu me pousser à mettre cette expérience dans ma poche. Parce qu'une révélation, c'est une révolution. Toutes les cartes tombent. Il faut tout reconstruire. On peut se refuser à ce travail. Et le discours dominant y incite parce qu'il est matérialiste.
- Justement. Vous ne parlez pas de ce que çà a changé après : vous êtes devenu croyant et pratiquant?
- A ce moment-là, non. Ce sera peut-être l'objet d'un autre livre. Après, je me suis intéressé à tous les mystiques parce qu'ils étaient des frères et des sœurs. C'est par la porte des mystiques que je suis entré dans les jardins de toutes les religions. Parce que je me sentais en vibration fraternelle avec eux. Bien après, il se trouve que je me suis rapproché du christianisme. Mais c'est une autre histoire.
- Pourquoi le christianisme?
- Parce qu'il y avait dans le christianisme une notion qui n'existait nulle part ailleurs : la notion d'amour comme valeur première. Mais çà n'était pas dans ma nuit au désert. Ma nuit de feu, c'était la confiance.
- Vous ne savez pas si Dieu existe mais vous croyez que oui?
- L'agnosticisme, le fait de ne pas savoir, est la base. Personne ne sait. Je suis un agnostique croyant, et il y a des agnostiques athées. Et puis, il y a l'indifférent qui ne sait pas et s'en fout. Tout est infiniment respectable. Ce que je dénonce, c'est celui qui dit "je sais", celui qui confond croire et savoir. Ca donne l'intégrisme et le fanatisme qui ont produit toutes ces horreurs au cours de l'histoire. Le fanatisme, c'est celui qui ne veut pas douter. Et je dénonce aussi ceux qui disent qu'ils savent que Dieu n'existe pas. Ils ont une intolérance totale. Le racine de la tolérance, c'est que nous sommes tous frères en ignorance. On est tous ignorants".
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Je l'ai reçu en cadeau. Je compte le lire sous peu.
RépondreSupprimerBonne semaine.
c est volu de l ecrivain tunisien mahmoud el messadi
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