Romaniste et animatrice d'ateliers d'écriture, Nicole Versailles se met à écrire sur le tard. Elle se fait connaître à partir de 2004 grâce à son blog (http://coumarine.blogspot.com/). Cette expérience lui inspire son livre "Tout d'un blog", un essai-témoignage paru aux Editions Couleurs Livres. Elle a écrit un roman autobiographique très émouvant, "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers", dont je vous avais parlé (http://ecrivainsbelges.blogspot.com/2010/04/lenfant-lendroit-lenfant-lenvers-nicole.html). Et j'ai eu la joie de la rencontrer par hasard en mars dernier à la Foire du Livre de Bruxelles.
Nicole Versailles vient de sortir un nouveau livre, intitulé "Les dessous de table". Comme je n'ai malheureusement pas encore eu le temps de le lire, j'ai sollicité l'aide de l'auteur belge Evelyne Wilwerth qui a gentiment accepté de m'en faire un (très beau) compte-rendu :
"Nicole Versailles possède vraiment le sens de la nouvelle, celui de la densité et de la chute. Ce genre littéraire lui va comme un gant. Elle affiche une belle maîtrise narrative. Ces courts textes me paraissent bien circonscrits, bien cadrés. Pas de graisse, pas de frioritures. Elle a l'art de jouer avec le lecteur (elle nous mène sur une fausse piste, elle propose des devinettes). Son regard est humain, imprégné de tendresse. Même si elle met en scène la cruauté, la malhonnêteté, la vilenie et une foule de petites horreurs. Regard humain donc, et aigu, fourrageur d'âmes. Ce qui est le boulot des écrivains... Elle sait faire passer la souffrance. Puis elle a l'art de personnifier les objets. Une caractéristique de son univers. En outre, il s'agit d'un vrai ensemble de nouvelles, avec ces éléments rassembleurs que sont la table et la couleur rouge. Quelques thèmes récurrents m'ont frappée : la vieillesse, la maladie, la perte de mémoire. Et je noterais aussi une dimension historique et politique qui donne une puissance supplémentaire au livre. Bref, un véritable contenu. Moulé dans une écriture vive et juste".
lundi 27 septembre 2010
mardi 21 septembre 2010
"Le mariage de Dominique Hardenne" (Vincent Engel)
Rescapé d'une armée en déroute, Dominique Hardenne veut retrouver son village, ses proches et Nathalie dont il est amoureux. Mais une bombe a tué tous les habitants, figés pour l'éternité. Dominique choisit d'y rester avec ses souvenirs et de travailler la terre, avant de sombrer dans la folie et d'imaginer les morts redevenus vivants.
Ce roman est bien écrit, mais je ne l'ai pas aimé. Il donne le cafard et est triste de la première à la dernière page. Aucun rebondissement dans l'histoire. Je n'ai peut-être pas tout compris mais à part que se retrouver seul au monde n'est pas très gai, je ne vois pas pourquoi ce roman est un "livre visionnaire" ou une "allégorie de notre siècle", comme l'affirme la quatrième de couverture.
Ce roman est bien écrit, mais je ne l'ai pas aimé. Il donne le cafard et est triste de la première à la dernière page. Aucun rebondissement dans l'histoire. Je n'ai peut-être pas tout compris mais à part que se retrouver seul au monde n'est pas très gai, je ne vois pas pourquoi ce roman est un "livre visionnaire" ou une "allégorie de notre siècle", comme l'affirme la quatrième de couverture.
mercredi 15 septembre 2010
Chroniques de René Henoumont
L'écrivain belge René Henoumont nous quittait il y a un an, mais "Le Soir Magazine" a la très bonne idée de continuer à publier ses meilleures chroniques chaque semaine. En voici quatre :
"Paradoxe. Plus de 16.000 espèces animales sont en danger. En Wallonie, il y aurait 40.000 sangliers et les populations de cerfs et de chevreuils sont en constante augmentation. Ces prédateurs occasionnent des dégâts aux cultures. La colère des fermiers gronde. Au vrai, les titulaires de territoires de chasse produisent du gros gibier en région boisée comme on élève du faisan en plaine. Il s'agit de satisfaire les actionnaires en leur offrant un maximum de cibles à la journée. C'est du tir à la pipe. C'est de la boutique. Tuer n'est pas chasser. Nous avons connu une chasse où, pédestrement, l'on poussait le gibier devant soi. C'était la chasse joyeuse, découverte de la nature lors de la passée des canards sauvages et de la bécasse, affût nocturne du sanglier. Nous y voilà. Dernière semaine d'août 1939, je me partage entre l'Expo internationale de l'Eau, à la ville, et le village de mon père. Un été inoubliable, celui de l'adolescence et des premiers amours. Par une belle soirée, le grand Arthur Périlleux me convie à l'affût des sangliers. Je l'accompagne, non sans appréhension. Parvenu en lisière d'une terre d'avoine, au coeur des bois sombres, Arthur me confie un lourd calibre 12 et dit qu'il va pousser vers moi les sangliers dont on entend les cris d'une sauvagerie qui me fait battre le coeur. Je n'avais pas prévu çà! Me voilà seul, fusil au poing sous les étoiles devant les blondes avoines. Du côté de Liège, une lueur dans le ciel, c'est l'Expo qui va fermer ses portes dans quelques jours (qui le sait?). Nous sommes à la veille de la guerre, plutôt entre guerre et paix en attendant le 10 mai 1940. J'écoute la nuit, tressaillant au moindre bruit, apeuré par les oiseaux de nuit. Le temps passe. Toujours pas d'Arthur. Il me semble entendre un galop, des grognements et les sangliers débouchent de l'avoine. Les doigts crispés sur la gâchette, je tire mes deux coups. Un silence seul troublé par l'écho des deux détonations. Sorti de la nuit, je devine Arthur penché sur une masse sombre à vingt pas. "C'est un beau cochon, vous l'avez eu!". J'ai les jambes qui tremblent et je n'ose y croire. Et pourtant, il est bien là, mon premier sanglier. Si je me souviens bien, à cette époque, les fermiers avaient le droit de tirer les sangliers sur leurs terres. La chasse aujourd'hui est le privilège des nantis au détriment des cultures et des plantations. Les grands herbivores sectionnent le bourgeon terminal des sapins et le sanglier est omnivore. Il faut les réduire. Pas si simple".
"Lors de mes étés buissonniers, j'ai connu des sanctuaires naturels. Mon premier sanctuaire fut la Montagne Saint-Pierre au-delà de Visé, ultimes collines du val de Meuse avant la Hollande. J'étais encore au lycée et c'est en compagnie de notre professeur de sciences que nous parcourions les prés calcaires où l'on trouvait des gentianes, des orchis et des genévriers nains. Que sont-ils devenus? Classés? J'en doute. Le canal Albert et le fort d'Eben-Emael ont bouleversé le paysage. Autre sanctuaire : entre Filot (Hamoir) et Sy, les Marnières, un plateau où l'on extrayait la marne. On y trouvait des colonies de gentianes, mais aussi de profondes excavations où l'on jetait les bestiaux malades. Ce qui n'empêchait pas le cantonnier, un personnage surnommé "Tchofil Treus", de récupérer un cochon crevé et de s'en régaler. Il est mort nonagénaire... Autres sanctuaires, les boucles de l'Ourthe et de l'Amblève : Fêchereux et Raborive. Fêchereux était dominé par la Roche aux Faucons au pied de laquelle truites de belle taille, brochets et perches abondaient. Il fallait emprunter un passage d'eau, aujourd'hui supprimé et remplacé par un vilain pont, de manière à permettre aux motos d'accéder au chemin de halage le long de la rivière. J'appelle çà un crime. Près de La Roche, une maison abandonnée servit de refuge aux partisans durant l'Occupation. Je me souviens. Des familles juives se cachaient dans le hameau proche. Raborive, près de Martinrive sur l'Amblève, était encore plus secret. Là, Charles Martel décima les troupes de Rabot le Neustrien. La rivière coule sous un dôme de saules pleureurs, véritable allée verte jusqu'au donjon en ruines du château d'Amblève prêté aux quatre fils Aymon où l'on crut que les bandits Magonette et Géna avaient caché leur trésor. Au flanc de la roche se dressait, dans les années 50, la Mohinette, célèbre par un conte de Marcellin la Garde. Là se seraient cachés un proche de Louis XVI et sa compagne tentant de passer le Rhin. Des sbires du Directoire assassinèrent les proscrits. Le certain est que, durant les années noires, des membres du PS clandestin y trouvèrent refuge sous la protection des ouvriers carriers de la Belle-Roche, résistants armés. Je me souviens aussi. A Raborive, les poissons atteignaient une taille exceptionnelle. On trouvait aussi d'énormes couleuvres. C'était un paradis. En pêchant, l'Histoire me rattrapait, j'avais de quoi rêver... Aujourd'hui, c'est un camping...".
"L'enfance vous marque-t-elle à jamais? Ainsi, j'ai toujours éprouvé en août une certaine mélancolie. Les jours filaient, la fin des vacances était proche. Au village de mon père, les fêtes de la mi-août, corso fleuri, jeux de plein air, annonçaient le retour à l'école. Encore quinze jours... Ce que j'ai préféré à l'école, ce sont les vacances... La promesse des cahiers neufs, du plumier garni, n'était qu'une mince consolation. Alors je comptais les jours, pieds dans l'eau, canne à pêche au poing, regardant couler la grande rivière. Comment était-elle durant la mauvaise saison? Je l'imaginais bleue sous la glace et les arbres dénudés où les oiseaux s'étaient tus. Rentré à la ferme de mon oncle, je me réfugiais dans la grange, où la paille sentait l'été, blonde et crissante. "Où est le gamin?" demandait ma tante. "I tchoûle et grogne" disait mon oncle, têtant sa pipe sur le banc devant la maison où les hirondelles s'alignaient déjà sur les fils électriques comme un pépiant boulier. Aujourd'hui, il ne pleut plus, mais le soleil rechigne dans la cour. Près de la source, les colchiques aux grandes feuilles lancéolées fleuriront bientôt. Je me demande si dans les prés fangeux en Haute Ardenne, il y a encore des colchiques que broutaient les vaches aux lèvres bleues. C'est un ami qui, à ma demande, il y a bien longtemps, m'a envoyé six pieds de colchiques. Chaque automne, ils sont là, mais mon ami n'est plus. Fou de botanique et de champignons des bois, il pouvait vous offrir un dîner complet, du potage au dessert, aux champignons, le tout arrosé du meilleur vin. Il savait vivre... Le brouillard matinal fume encore comme une lessive au-dessus de la rivière dans la vallée aux étangs perdus, une lessive comme il n'y en a plus non plus. La machine à laver bourdonne, inodore, pareille à des milliers d'autres. Au village, il y avait deux grosses dames qui lessivaient à longueur de journée de grands draps blancs qu'elles mettaient à sécher dans leur verger. Je les vois encore claquer au vent et je me perdais dedans en cueillant des pommes. J'hésite à tailler les haies, les ramiers y ont des nids (beau prétexte!). Lorsque je lève le courrier près de la haie de charmes, il y en a un qui part en claquant des ailes. Je sais qu'il a des jeunes, et je me hâte vers la maison, la gazette sous le bras, de quoi m'occuper en attendant le Maigret du dimanche".
"Procédant à un peu de rangement dans le garage en bas du chemin pentu, où une trombe d'eau avait accumulé 60 cm de boue, j'ai mis la main sur mon sac de pêche que je croyais perdu depuis 20 ans. La petite épuisette à manche court, la bouteille au cul percé où s'accumulaient les vairons friands de mie de pain, la boîte à vairons, des montures, tout est bien là. En ce dernier jour de l'été, où la Belgique est à la traîne, où l'Iran fait peur, on n'a pas envie de pavoiser. Je me suis souvenu des jours anciens de pêche à la truite dans l'Ourthe. Et je me suis surpris à jouer du poignet comme si je pêchais le lancer léger entre les grandes roches de Sy où la rivière cascadait... Tout autre chose en ce dernier jour de l'été, fin d'une saison pourrie, ciel gris et soleil furtif, je me suis préparé mon quatre-heures. Le cube de fromage de Herve à la cave était à point, double crème d'Aubel, doux. Le tartinant avec du sirop de Liège, j'ai retrouvé l'odeur de la maison de mon grand-père, au numéro 6 de la rue Charlemagne, à la Préalle-Herstal. J'ai revu le gendarme à la retraite, tout de velours vêtu, son fusil de chasse toujours à la portée. Il se tenait accoudé à la table couverte d'un lino vert hachuré où voisinaient les paquets de tabac de la Semois éventrés, de grosses bouffardes, des boîtes de cartouches, le grand pain roux, le fromage de Herve, le pot de sirop et les poires du jardin. Je le revis comme je vous vois en train de me lire, tandis que je feuilletais les pages bleues du catalogue de la fabrique d'armes et de cycles de Saint-Etienne qui était la bible de mon grand-père. L'hiver, la grosse plate-buse bourdonnait au rouge et l'unique pièce du rez-de-chaussée sentait le charbon comme tout à la Préalle. J'ai encore dans l'oreille le bruit des wagonnets basculant au sommet du terril à deux pas de la maison. J'entends le tchouf-tchouf de la locomotive de la ligne Liège-Tongres passant devant la maison, au ralenti à hauteur du passage à niveau devant lequel se tenait la vieille Dadite vendant du foie piqué aux mineurs de la Bacnure qui n'avaient point de beurre sur leurs tartines. Dadite avait connu ma mère enfant et l'appelait "ma binamée" et moi, un petit rien du tout, à qui elle offrait une tranche de son foie piqué comme je n'en ai jamais trouvé depuis en charcuterie. En ce jour de l'été finissant, je me suis préparé un café brûlant pour faire passer le Herve, le meilleur fromage au monde. Du moins me reste-t-il cela...".
"Paradoxe. Plus de 16.000 espèces animales sont en danger. En Wallonie, il y aurait 40.000 sangliers et les populations de cerfs et de chevreuils sont en constante augmentation. Ces prédateurs occasionnent des dégâts aux cultures. La colère des fermiers gronde. Au vrai, les titulaires de territoires de chasse produisent du gros gibier en région boisée comme on élève du faisan en plaine. Il s'agit de satisfaire les actionnaires en leur offrant un maximum de cibles à la journée. C'est du tir à la pipe. C'est de la boutique. Tuer n'est pas chasser. Nous avons connu une chasse où, pédestrement, l'on poussait le gibier devant soi. C'était la chasse joyeuse, découverte de la nature lors de la passée des canards sauvages et de la bécasse, affût nocturne du sanglier. Nous y voilà. Dernière semaine d'août 1939, je me partage entre l'Expo internationale de l'Eau, à la ville, et le village de mon père. Un été inoubliable, celui de l'adolescence et des premiers amours. Par une belle soirée, le grand Arthur Périlleux me convie à l'affût des sangliers. Je l'accompagne, non sans appréhension. Parvenu en lisière d'une terre d'avoine, au coeur des bois sombres, Arthur me confie un lourd calibre 12 et dit qu'il va pousser vers moi les sangliers dont on entend les cris d'une sauvagerie qui me fait battre le coeur. Je n'avais pas prévu çà! Me voilà seul, fusil au poing sous les étoiles devant les blondes avoines. Du côté de Liège, une lueur dans le ciel, c'est l'Expo qui va fermer ses portes dans quelques jours (qui le sait?). Nous sommes à la veille de la guerre, plutôt entre guerre et paix en attendant le 10 mai 1940. J'écoute la nuit, tressaillant au moindre bruit, apeuré par les oiseaux de nuit. Le temps passe. Toujours pas d'Arthur. Il me semble entendre un galop, des grognements et les sangliers débouchent de l'avoine. Les doigts crispés sur la gâchette, je tire mes deux coups. Un silence seul troublé par l'écho des deux détonations. Sorti de la nuit, je devine Arthur penché sur une masse sombre à vingt pas. "C'est un beau cochon, vous l'avez eu!". J'ai les jambes qui tremblent et je n'ose y croire. Et pourtant, il est bien là, mon premier sanglier. Si je me souviens bien, à cette époque, les fermiers avaient le droit de tirer les sangliers sur leurs terres. La chasse aujourd'hui est le privilège des nantis au détriment des cultures et des plantations. Les grands herbivores sectionnent le bourgeon terminal des sapins et le sanglier est omnivore. Il faut les réduire. Pas si simple".
"Lors de mes étés buissonniers, j'ai connu des sanctuaires naturels. Mon premier sanctuaire fut la Montagne Saint-Pierre au-delà de Visé, ultimes collines du val de Meuse avant la Hollande. J'étais encore au lycée et c'est en compagnie de notre professeur de sciences que nous parcourions les prés calcaires où l'on trouvait des gentianes, des orchis et des genévriers nains. Que sont-ils devenus? Classés? J'en doute. Le canal Albert et le fort d'Eben-Emael ont bouleversé le paysage. Autre sanctuaire : entre Filot (Hamoir) et Sy, les Marnières, un plateau où l'on extrayait la marne. On y trouvait des colonies de gentianes, mais aussi de profondes excavations où l'on jetait les bestiaux malades. Ce qui n'empêchait pas le cantonnier, un personnage surnommé "Tchofil Treus", de récupérer un cochon crevé et de s'en régaler. Il est mort nonagénaire... Autres sanctuaires, les boucles de l'Ourthe et de l'Amblève : Fêchereux et Raborive. Fêchereux était dominé par la Roche aux Faucons au pied de laquelle truites de belle taille, brochets et perches abondaient. Il fallait emprunter un passage d'eau, aujourd'hui supprimé et remplacé par un vilain pont, de manière à permettre aux motos d'accéder au chemin de halage le long de la rivière. J'appelle çà un crime. Près de La Roche, une maison abandonnée servit de refuge aux partisans durant l'Occupation. Je me souviens. Des familles juives se cachaient dans le hameau proche. Raborive, près de Martinrive sur l'Amblève, était encore plus secret. Là, Charles Martel décima les troupes de Rabot le Neustrien. La rivière coule sous un dôme de saules pleureurs, véritable allée verte jusqu'au donjon en ruines du château d'Amblève prêté aux quatre fils Aymon où l'on crut que les bandits Magonette et Géna avaient caché leur trésor. Au flanc de la roche se dressait, dans les années 50, la Mohinette, célèbre par un conte de Marcellin la Garde. Là se seraient cachés un proche de Louis XVI et sa compagne tentant de passer le Rhin. Des sbires du Directoire assassinèrent les proscrits. Le certain est que, durant les années noires, des membres du PS clandestin y trouvèrent refuge sous la protection des ouvriers carriers de la Belle-Roche, résistants armés. Je me souviens aussi. A Raborive, les poissons atteignaient une taille exceptionnelle. On trouvait aussi d'énormes couleuvres. C'était un paradis. En pêchant, l'Histoire me rattrapait, j'avais de quoi rêver... Aujourd'hui, c'est un camping...".
"L'enfance vous marque-t-elle à jamais? Ainsi, j'ai toujours éprouvé en août une certaine mélancolie. Les jours filaient, la fin des vacances était proche. Au village de mon père, les fêtes de la mi-août, corso fleuri, jeux de plein air, annonçaient le retour à l'école. Encore quinze jours... Ce que j'ai préféré à l'école, ce sont les vacances... La promesse des cahiers neufs, du plumier garni, n'était qu'une mince consolation. Alors je comptais les jours, pieds dans l'eau, canne à pêche au poing, regardant couler la grande rivière. Comment était-elle durant la mauvaise saison? Je l'imaginais bleue sous la glace et les arbres dénudés où les oiseaux s'étaient tus. Rentré à la ferme de mon oncle, je me réfugiais dans la grange, où la paille sentait l'été, blonde et crissante. "Où est le gamin?" demandait ma tante. "I tchoûle et grogne" disait mon oncle, têtant sa pipe sur le banc devant la maison où les hirondelles s'alignaient déjà sur les fils électriques comme un pépiant boulier. Aujourd'hui, il ne pleut plus, mais le soleil rechigne dans la cour. Près de la source, les colchiques aux grandes feuilles lancéolées fleuriront bientôt. Je me demande si dans les prés fangeux en Haute Ardenne, il y a encore des colchiques que broutaient les vaches aux lèvres bleues. C'est un ami qui, à ma demande, il y a bien longtemps, m'a envoyé six pieds de colchiques. Chaque automne, ils sont là, mais mon ami n'est plus. Fou de botanique et de champignons des bois, il pouvait vous offrir un dîner complet, du potage au dessert, aux champignons, le tout arrosé du meilleur vin. Il savait vivre... Le brouillard matinal fume encore comme une lessive au-dessus de la rivière dans la vallée aux étangs perdus, une lessive comme il n'y en a plus non plus. La machine à laver bourdonne, inodore, pareille à des milliers d'autres. Au village, il y avait deux grosses dames qui lessivaient à longueur de journée de grands draps blancs qu'elles mettaient à sécher dans leur verger. Je les vois encore claquer au vent et je me perdais dedans en cueillant des pommes. J'hésite à tailler les haies, les ramiers y ont des nids (beau prétexte!). Lorsque je lève le courrier près de la haie de charmes, il y en a un qui part en claquant des ailes. Je sais qu'il a des jeunes, et je me hâte vers la maison, la gazette sous le bras, de quoi m'occuper en attendant le Maigret du dimanche".
"Procédant à un peu de rangement dans le garage en bas du chemin pentu, où une trombe d'eau avait accumulé 60 cm de boue, j'ai mis la main sur mon sac de pêche que je croyais perdu depuis 20 ans. La petite épuisette à manche court, la bouteille au cul percé où s'accumulaient les vairons friands de mie de pain, la boîte à vairons, des montures, tout est bien là. En ce dernier jour de l'été, où la Belgique est à la traîne, où l'Iran fait peur, on n'a pas envie de pavoiser. Je me suis souvenu des jours anciens de pêche à la truite dans l'Ourthe. Et je me suis surpris à jouer du poignet comme si je pêchais le lancer léger entre les grandes roches de Sy où la rivière cascadait... Tout autre chose en ce dernier jour de l'été, fin d'une saison pourrie, ciel gris et soleil furtif, je me suis préparé mon quatre-heures. Le cube de fromage de Herve à la cave était à point, double crème d'Aubel, doux. Le tartinant avec du sirop de Liège, j'ai retrouvé l'odeur de la maison de mon grand-père, au numéro 6 de la rue Charlemagne, à la Préalle-Herstal. J'ai revu le gendarme à la retraite, tout de velours vêtu, son fusil de chasse toujours à la portée. Il se tenait accoudé à la table couverte d'un lino vert hachuré où voisinaient les paquets de tabac de la Semois éventrés, de grosses bouffardes, des boîtes de cartouches, le grand pain roux, le fromage de Herve, le pot de sirop et les poires du jardin. Je le revis comme je vous vois en train de me lire, tandis que je feuilletais les pages bleues du catalogue de la fabrique d'armes et de cycles de Saint-Etienne qui était la bible de mon grand-père. L'hiver, la grosse plate-buse bourdonnait au rouge et l'unique pièce du rez-de-chaussée sentait le charbon comme tout à la Préalle. J'ai encore dans l'oreille le bruit des wagonnets basculant au sommet du terril à deux pas de la maison. J'entends le tchouf-tchouf de la locomotive de la ligne Liège-Tongres passant devant la maison, au ralenti à hauteur du passage à niveau devant lequel se tenait la vieille Dadite vendant du foie piqué aux mineurs de la Bacnure qui n'avaient point de beurre sur leurs tartines. Dadite avait connu ma mère enfant et l'appelait "ma binamée" et moi, un petit rien du tout, à qui elle offrait une tranche de son foie piqué comme je n'en ai jamais trouvé depuis en charcuterie. En ce jour de l'été finissant, je me suis préparé un café brûlant pour faire passer le Herve, le meilleur fromage au monde. Du moins me reste-t-il cela...".
vendredi 10 septembre 2010
La rentrée de nos auteurs (3ème partie)
Philippe Leuckx : "Deux livres sont sortis au printemps : "Selon le fleuve et la lumière" (éditions Le Coudrier) et "Le beau livre des visages" (éditions Maelström, coll. Bookleg, n°67). Le premier sera présenté à l'Association des Ecrivains Belges par Jacques Vandenschrick le mercredi 20 octobre 2010 à 18h. Je lirai des fragments du deuxième le 23 septembre 2010 dans le cadre de l'opération "Mort au pilon" à Bruxelles. Le 13 novembre 2010, à Tournai la Page, je signerai à deux stands : celui du Coudrier et celui des "Déjeuners sur l'herbe" où paraît à cette occasion le livre "Le coeur se hausse jusqu'au fruit". Au printemps 2011, deux collaborations à des ouvrages anthologiques : "Piqués des vers" (éditions La Renaissance du Livre), une anthologie de 300 poèmes belges, n°300 de la collection Espace/Nord, et chez Devillez, une anthologie des écrivains des 20 ans de résidence à Rome à l'Academia Belgica".
Kate Milie : "Mes activités pour la rentrée? Mon roman "Une Belle Epoque" paru à la fin de l'année 2009 mène tranquillement sa petite vie. Je vais participer à la soirée des auteurs Chloé des Lys organisée à l'Espace Art Gallery (Ixelles) le samedi 23 octobre à 20h. Je serai également présente à la 8ème Foire du Livre Belge qui se tiendra à Uccle (26-27-28 novembre). Depuis le début septembre, je donne un p'tit coup de main à l'équipe d'Actu-TV (Bob Boutique et Daniel Plasschaert), je gère le blog de cette fantastique télé culturelle pas comme les autres : http://actu-tv-web.over-blog.com/ . Je viens de terminer un deuxième roman, l'histoire se passe de nos jours à Bruxelles dans des lieux Art Déco. Un projet de théâtre "à quatre mains" en lien avec la deuxième guerre mondiale m'attend...".
Alexandre Millon : "Je rentre de Toscane ; j'ai terminé un roman".
Françoise Pirart : "Mon dernier ouvrage, "Un acte de faiblesse", un recueil de nouvelles qui vient d'être publié aux Editions Luce Wilquin, a déjà suscité quelques réactions dans la presse, notamment dans le Soir et la Libre Belgique. Les 17, 18 et 19 septembre, je serai présente à la manifestation littéraire de Nancy, "Le livre sur la place". Comme pour toute nouvelle parution, j'attends sans impatience que les choses suivent leur cours : d'autres articles de presse, des rencontres littéraires (l'une est notamment prévue le 20 octobre à Inforfamille), des courriers de lecteurs,...".
Georges Roland : "La rentrée 2010 représente pour moi un tournant. Jusque là, j'avais à mon actif trois romans ("C'est le Broll aux Marolles", "Cartache" et "Le Pantin de l'Impasse") et un recueil de poèmes, "Chansons de Roland", en autoédition. J'accède aujourd'hui à la grande et belle famille des auteurs de Chloé des Lys avec un quatrième roman, "Le Coup du Clerc François", qui doit sortir incessamment. Je mets actuellement la dernière main à un recueil de nouvelles qui s'appellera "Les Démonomanes", dont certains extraits ont été forts appréciés lors de différentes lectures. De plus, j'entame l'écriture d'un cinquième roman, consacré à la vie rurale au début du 20ème siècle, et qui a pour titre "Louis Blanc-Biquet" ".
Nicole Versailles : "Un recueil de nouvelles, "Les dessous des tables", vient de sortir chez Memory Press. Ce sont dix-huit nouvelles dont le fil rouge est la table, les repas de famille ou en tête à tête, les repas de fête ici ou ailleurs, ce qui se dit et ce qui se tait, bref ce qui se passe "en dessous des tables". J'ai aimé écrire ces nouvelles, elles brassent l'éternel humain, que j'ai approché parfois avec émotion, parfois avec humour... Je participe aussi à un projet en collaboration : ce sera un essai sur l'écriture de l'intime, ses aléas, ses difficultés, son approche, ses dangers à savoir l'exhibitionnisme, le nombrilisme, mais aussi sa richesse qui fait que les lecteurs sont touchés par un récit de vie, un journal, un blog...quand ils sont sincères et authentiques... Le chapitre dont je suis chargée porte sur l'autocensure qui m'intéresse en particulier en tant que blogueuse depuis bientôt six ans... En même temps, un nouveau projet se met en route mais dont je ne peux dire davantage".
Evelyne Wilwerth : "Ma rentrée des classes à moi, c'est le redémarrage de mes mini groupes d'écriture (apprentissage sur un an). Avec un tout nouveau cartable, bien entendu. Puis la promotion de mon roman "Papillon mortel" (sorti fin avril chez Luce Wilquin) va se poursuivre. Notamment au "Livre sur la place", le salon du livre de Nancy où je suis invitée (les 17, 18 et 19 septembre). Puis en octobre, je vais me jeter dans les flammes de la Fureur de Lire. Avec l'édition d'une plaquette, "Six morts", dont le tirage est de 20.000 exemplaires. Puis la participation à "Voyages de lecteurs" où j'irai dans différentes bibliothèques pour parler de mon travail et représenter le Danemark littéraire, à travers Karen Blixen. Le 20 octobre, "Papillon mortel" sera à l'affiche de la séance de l'Association des Ecrivains Belges".
Kate Milie : "Mes activités pour la rentrée? Mon roman "Une Belle Epoque" paru à la fin de l'année 2009 mène tranquillement sa petite vie. Je vais participer à la soirée des auteurs Chloé des Lys organisée à l'Espace Art Gallery (Ixelles) le samedi 23 octobre à 20h. Je serai également présente à la 8ème Foire du Livre Belge qui se tiendra à Uccle (26-27-28 novembre). Depuis le début septembre, je donne un p'tit coup de main à l'équipe d'Actu-TV (Bob Boutique et Daniel Plasschaert), je gère le blog de cette fantastique télé culturelle pas comme les autres : http://actu-tv-web.over-blog.com/ . Je viens de terminer un deuxième roman, l'histoire se passe de nos jours à Bruxelles dans des lieux Art Déco. Un projet de théâtre "à quatre mains" en lien avec la deuxième guerre mondiale m'attend...".
Alexandre Millon : "Je rentre de Toscane ; j'ai terminé un roman".
Françoise Pirart : "Mon dernier ouvrage, "Un acte de faiblesse", un recueil de nouvelles qui vient d'être publié aux Editions Luce Wilquin, a déjà suscité quelques réactions dans la presse, notamment dans le Soir et la Libre Belgique. Les 17, 18 et 19 septembre, je serai présente à la manifestation littéraire de Nancy, "Le livre sur la place". Comme pour toute nouvelle parution, j'attends sans impatience que les choses suivent leur cours : d'autres articles de presse, des rencontres littéraires (l'une est notamment prévue le 20 octobre à Inforfamille), des courriers de lecteurs,...".
Georges Roland : "La rentrée 2010 représente pour moi un tournant. Jusque là, j'avais à mon actif trois romans ("C'est le Broll aux Marolles", "Cartache" et "Le Pantin de l'Impasse") et un recueil de poèmes, "Chansons de Roland", en autoédition. J'accède aujourd'hui à la grande et belle famille des auteurs de Chloé des Lys avec un quatrième roman, "Le Coup du Clerc François", qui doit sortir incessamment. Je mets actuellement la dernière main à un recueil de nouvelles qui s'appellera "Les Démonomanes", dont certains extraits ont été forts appréciés lors de différentes lectures. De plus, j'entame l'écriture d'un cinquième roman, consacré à la vie rurale au début du 20ème siècle, et qui a pour titre "Louis Blanc-Biquet" ".
Nicole Versailles : "Un recueil de nouvelles, "Les dessous des tables", vient de sortir chez Memory Press. Ce sont dix-huit nouvelles dont le fil rouge est la table, les repas de famille ou en tête à tête, les repas de fête ici ou ailleurs, ce qui se dit et ce qui se tait, bref ce qui se passe "en dessous des tables". J'ai aimé écrire ces nouvelles, elles brassent l'éternel humain, que j'ai approché parfois avec émotion, parfois avec humour... Je participe aussi à un projet en collaboration : ce sera un essai sur l'écriture de l'intime, ses aléas, ses difficultés, son approche, ses dangers à savoir l'exhibitionnisme, le nombrilisme, mais aussi sa richesse qui fait que les lecteurs sont touchés par un récit de vie, un journal, un blog...quand ils sont sincères et authentiques... Le chapitre dont je suis chargée porte sur l'autocensure qui m'intéresse en particulier en tant que blogueuse depuis bientôt six ans... En même temps, un nouveau projet se met en route mais dont je ne peux dire davantage".
Evelyne Wilwerth : "Ma rentrée des classes à moi, c'est le redémarrage de mes mini groupes d'écriture (apprentissage sur un an). Avec un tout nouveau cartable, bien entendu. Puis la promotion de mon roman "Papillon mortel" (sorti fin avril chez Luce Wilquin) va se poursuivre. Notamment au "Livre sur la place", le salon du livre de Nancy où je suis invitée (les 17, 18 et 19 septembre). Puis en octobre, je vais me jeter dans les flammes de la Fureur de Lire. Avec l'édition d'une plaquette, "Six morts", dont le tirage est de 20.000 exemplaires. Puis la participation à "Voyages de lecteurs" où j'irai dans différentes bibliothèques pour parler de mon travail et représenter le Danemark littéraire, à travers Karen Blixen. Le 20 octobre, "Papillon mortel" sera à l'affiche de la séance de l'Association des Ecrivains Belges".
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