mercredi 3 avril 2024

"Le mystère de la femme sans tête" (Myriam Leroy)

                           


A l'occasion de la sortie de son roman "Le mystère de la femme sans tête", l'auteure belge Myriam Leroy a répondu aux questions du magazine Flair :

"Comment est né ce projet de roman ?
- Nous étions en décembre 2020. Je venais de perdre un procès qui était impossible à perdre, c'était inattendu. Quelques jours plus tard, je me balade au cimetière d'Ixelles et je découvre la tombe d'une femme. Sous son nom, il est marqué "Décapitée". Je m'engouffre dans son histoire qui me permet d'affronter l'échec que je venais de vivre en justice. Paradoxalement, cette rencontre tragique m'a sauvée, m'a appelée. Tout au long de la rédaction de ce bouquin, à chaque fois que j'allais au cimetière d'Ixelles, je tombais immédiatement sur elle. Aujourd'hui, je ne la vois plus si je ne la cherche pas. Comme si elle n'avait plus rien à me dire, que je pouvais continuer mon chemin.

- Marina Chafroff était-elle réellement derrière ce coup de couteau à un officier allemand dans le but de sauver soixante otages ? Aucune source n'a pu le confirmer. Frustrant ?
- Non car l'enjeu du projet n'était plus tellement de reconstituer la vérité, mais de montrer ce que l'histoire de Marina pouvait dire de nous. Au départ, je voulais écrire une enquête journalistique avec un point final. Mais je suis repartie de zéro en assumant aussi le pouvoir de l'imagination. Mine de rien, cela reste un livre sur la vérité puisque j'y dévoile mon processus d'écriture.

- Défendre une idée justifie-t-il le fait d'abandonner ses propres enfants ?  

- C'est l'angle mort de cette histoire. Personne ne comprend, surtout pas ses enfants. Mais nous étions en 1942 et Marina était russe. Elle n'avait pas exactement le même rapport à la violence, à la mort, à l'au-delà. Elle était extrêmement pieuse, hyper religieuse. Tout cela a dû jouer. 

- Dans cette histoire, personne n'est tout blanc ou tout noir. Vous arrivez à vous dire que chacun a ses raisons ?

- Pas du tout. J'ai même plutôt tendance à devoir me réfréner. Dans la vie, je pense que ne pas juger est une faute morale. Dans les livres, par contre, juger est une faute esthétique. Juger ses personnages, c'est insupportable. Je ne sais pas pourquoi je suis à ce point contradictoire. J'ai un peu de mal avec les donneurs de leçons. Et puis, ici, j'étais aussi dans l'obligation de ne pas juger mes personnages puisque la plupart d'entre eux ont encore de la descendance. On pourrait croire, à tort, qu'on peut s'emparer de cette histoire comme si de rien n'était car elle a eu lieu il y a 80 ans... Mais non, il faut encore faire preuve de précaution. 

- C'était la première fois que vous écrivez un roman historique. L'exercice vous a plu ?

- Oui. Même si au départ, je me disais que ce n'était pas pour moi. A ce moment-là, je ne pensais pas que ce quelqu'un pouvait être moi. Je ne suis pas historienne, je ne savais pas comment chercher mes sources. J'étais assez démunie, désorientée mais heureusement, les portes se sont ouvertes. J'ai toujours aimé les vieux journaux, les archives, la désuétude du passé...mais ce n'est pas une motivation suffisante. Je crois que le sujet d'un roman doit être profondément vital, sans qu'on ne sache toujours l'expliquer. Qu'on doit avoir l'impression qu'on va s'effondrer si l'on ne continue pas à creuser". 

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