La revue "Le Carnet et les Instants" a interrogé Pierre et Béatrice Cerfontaine, les fondateurs de cette librairie en 1985.
Pierre Cerfontaine : "En 1985, nous n'avions pas de prêts à rembourser, pas d'enfants. Nous ne risquions pas grand chose. Nous n'imaginions pas que plus de trente ans plus tard, nous serions toujours là, qu'onze personnes travailleraient avec nous dans la librairie, que nous passerions d'un tout petit espace de 34 m2 de l'autre côté de la rue aux 350 m2 d'aujourd'hui avec 32 pièces, et qu'on serait connus jusqu'en France via les auteurs qui viennent chez nous et qui racontent l'accueil qu'on leur réserve. Nous devons être les derniers libraires en activité à avoir encore envoyé nos commandes par la poste ou par téléphone. Avant le fax ! Il y a bien sûr des librairies qui existaient avant la nôtre, mais plus avec les mêmes personnes qu'à leur création, comme "Tropismes" avec la regrettée Brigitte de Meeûs, "Pax" de Philippe Mailleux qui l'a remise, etc.
La littérature de jeunesse était à ses balbutiements. Nous étions peut-être une dizaine de librairies jeunesse à l'époque avec "La parenthèse" à Liège ou "L'ïle ouverte" à Verviers, qui n'existe plus, "Am Stram Gram" et "Le Rat Conteur" à Bruxelles. En librairies généralistes, "Molière" à Charleroi et "La dérive" à Huy étaient des précurseurs, mais beaucoup de libraires ne voyaient pas l'intérêt de se lancer dans la littérature de jeunesse. Aujourd'hui, c'est devenu une branche rentable. Pour l'édition, il y avait essentiellement L'école des loisirs et le Père Castor. Beaucoup d'éditeurs ne s'étaient pas encore lancés en jeunesse.
On ne se camoufle pas : c'est un commerce. On ne vend pas n'importe quoi, n'importe comment, mais on est soumis aux lois du commerce. Certains libraires ont parfois tendance à l'oublier ou n'osent pas le reconnaître. Nous proposons aussi des ouvrages qui ont du succès. On a vendu presque 400 fois le dernier roman de Joël Dicker. D'une part, cela dégage des liquidités pour faire vivre la librairie. D'autre part, de quel droit peut-on juger ce que les gens lisent ? Personne ici ne s'accorde ce droit.
On a envie d'aller chercher l'enfant de l'école, de lui donner l'envie de pousser la porte, qu'il n'ait pas peur et qu'il se sente chez lui. Si on ne propose que du pointu, c'est impossible. Bien sûr, nous proposons aussi nos sélections plus personnelles. Notre rôle, c'est de proposer au public non pas ce qu'il aime, mais ce qu'il pourrait aimer. Notre objectif est de mettre à la portée des enfants et des adultes des livres dont la qualité est telle qu'elle les aidera dans leurs choix, dans le sens du bien commun, qu'elle les aidera à vivre.
D'emblée, je me suis tournée vers les enseignants : ils ont tout de suite accepté qu'une personne extérieure à l'école entre dans leur classe. Au début, je présentais tout un panel de livres depuis la maternelle jusqu'à la fin des humanités, avec l'idée de susciter le plaisir de la lecture et que chaque élève puisse choisir un livre qu'il aimait. Toutes les six semaines, un vendredi car il n'y a pas école le lendemain, de 19h à 21h, la librairie est au club de lecture des ados. Chacun vient raconter ses coups de coeur ou....écouter, sans obligation de prendre la parole".
Plus d'infos : www.loiseaulire.be
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