Destinées aux publics amateur et professionnel, les Rencontres de la Sabam en Avignon sont un jeune événement culturel franco-belge, qui a déjà connu trois éditions. Ce sont trois jours de lectures vivantes de textes d'auteurs belges théâtralisées par l'équipe du Théâtre Transversal. La prochaine édition est prévue en octobre 2021.
L'auteure belge Sylvie Godefroid est conseillère des affaires culturelles de la Sabam. Elle a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" :
"Comment est née l'idée de ce projet franco-belge ?
- Les Rencontres de la Sabam en Avignon sont elles-mêmes nées de rencontres en Belgique et en France. Tout démarre à Bruxelles à l'issue de discussions avec Jacques De Decker et Pascal Vrebos sur la nécessité de dynamiser le théâtre en Belgique. Peu après, je lie connaissance avec Jean-Claude Idée (fondateur de l'Université populaire du théâtre), figure majeure de la démocratisation du théâtre, de sa gratuité, de sa qualité et de sa promotion en francophonie. Il me propose de l'accompagner à Avignon et d'assister à des lectures vivantes de textes d'auteurs belges aux alentours de mai 2017. De mes échanges culturels sur place avec les responsables culturels émerge un constat commun sur la situation du théâtre en France et en Belgique : manque de volonté politique pour soutenir les efforts de la création, et manque de moyens et de lieux de diffusion. D'où une question-clé : dans quelle mesure la Sabam peut-elle jouer un rôle de partenaire et contribuer à changer les choses ? Jean-Claude me présente à Marie et Lola Pagès, responsables du théâtre Le Nouveau Ring, qui me racontent leur projet de lectures vivantes : un comédien, après une semaine de préparation, lit un texte sur scène ; un metteur en scène, qui a découvert le texte 48h à l'avance, l'interrompt et propose une direction d'acteur. Le concept me plaît ! Du coup, on convient d'une formule : la Sabam lance un appel à textes parmi les auteurs de son répertoire, tandis qu'elles se chargent de l'événement sur place. La même année, la Sabam crée une édition pilote et lance un appel à textes. Parmi les textes récoltés, Le Nouveau Ring en retient six. C'est alors que Laetitia Mazzoleni, la directrice du Théâtre Transversal, entre dans la boucle. Comme Le Nouveau Ring, de taille trop modeste, n'est plus en mesure d'accueillir la deuxième édition, Marie et Lola, de manière élégante, passent le flambeau à Laetitia ! Pour l'édition 2019, six lectures publiques sont sélectionnées à partir d'un échantillon de 70 textes, et le public est deux fois plus nombreux. Mission accomplie !
- Quels sont les critères pour participer à l'appel de textes ?
- Etre membre de la Sabam. Notre société finance le projet et dépasse ainsi son image institutionnelle en adressant un message fort à ses auteurs : la Sabam croit en vous et développe des moyens pour vous faire connaître. Nous voulons être un réel partenaire pour votre carrière. Il faut aussi faire valoir au moins une publication professionnelle (dans l'édition littéraire) ou une création (dans le théâtre). La sélection des six textes a été confiée au Théâtre Transversal pour des raisons déontologiques : notre rôle consiste à promouvoir nos auteurs, et pas à les hiérarchiser. Par ailleurs, la lecture publique ne fait pas partie de la culture belge alors que la France l'élève au rang de tradition. Je souhaite donc opérer un double mouvement : de la Belgique à la France (exportation de notre création) et de la France à la Belgique (importation de la lecture publique).
- Quel regard portez-vous sur l'identité belge ?
- Je n'engage ici que mon opinion d'artiste, de femme et de Belge. Pour moi, le Belge est quelqu'un qui fait sérieusement les choses, mais sans se prendre au sérieux lui-même. Il attache plus d'importance à ce qu'il fait qu'à ce qu'il est. Le Belge n'a pas peur d'entreprendre et a l'art de transformer ses faiblesses en forces. Notre identité est marquée par le surréalisme, le décalage, l'ironie, l'humour et le second degré. Notre projet a d'ailleurs bénéficié d'un excellent accueil en France, d'une curiosité intelligente. Les Français apprécient le parfum d'authenticité et de liberté qui habite les créations belges. Cependant, cette ouverture et cette humilité comportent un revers : le manque de fierté et de confiance en soi. Les Belges francophones ne se donnent pas le droit d'exister. Ce projet vise donc aussi à contribuer au sentiment de fierté des artistes belges.
- Le Belge francophone est donc à la fois complexé et décomplexé ?
- Oui, il a une parole décomplexée quand il s'agit de s'engager pour une cause ou une idée mais, une fois le projecteur braqué sur lui, il complexe souvent ou, plus exactement, fait preuve d'une modestie mal utilisée. Ce sentiment est dû en partie à la dépendance envers la France et Paris, symboles de la réussite. C'est pourquoi j'admire le modèle, l'approche de nos voisins flamands en matière de culture. Ils n'ont pas peur d'en faire un produit commercial. Sans pour autant la brader ou la niveler par le bas. Simplement, une création, une fois achevée, est envisagée comme un produit à promouvoir. Grâce à leur efficacité, ils n'éprouvent pas le besoin d'être reconnus à l'étranger pour se sentir légitimes. lls ne s'excusent pas d'exister".
Vous pouvez recevoir la revue "Le Carnet et les Instants" gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.