mercredi 27 mars 2019

"Une drôle de fille" (Armel Job)

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A l'occasion de la sortie de son nouveau roman "Une drôle de fille",  l'auteur belge Armel Job a répondu aux questions des journaux du groupe L'Avenir :

"Votre histoire débute dans une famille quasi idéale. Tout paraît simple et soudain tout se complique...
- J'adopte un peu le vieux principe de Simenon. Mon histoire se déroule chez des gens ordinaires et soudain, un événement extraordinaire va provoquer de la passion, des choses enfouies vont refaire surface. Chez Simenon, cet événement extraordinaire est tragique, souvent un meurtre. Le paradoxe, dans "Une drôle de fille", c'est que cet événement, c'est juste une jeune fille qui est l'innocence même. Mais cette présence anodine va être le grain de sable dans l'engrenage. Et ça va détruire toute une famille. 

- Mais le mal était déjà dans le fruit?
- Je pense que la tranquilité d'une société repose toujours, d'une certaine manière, sur le silence concernant certains éléments ou événements. Tous, dans notre vie, il nous est arrivé de dire "on va écraser, on n'en parle plus". Mais parfois, certaines circonstances font que des "cadavres" qu'on avait mis sagement dans le placard ressuscitent.

- Sans dévoiler le fond de l'histoire, c'est aussi le harcèlement féminin qui est abordé?
- Mon histoire se déroule à la fin des années 50 mais trouve son origine durant la guerre. J'y traite du problème du harcèlement et je pense qu'il n'a pas évolué. Aujourd'hui, simplement, les femmes réagissent d'une façon plus déterminée. Surtout depuis qu'existent des mouvements comme MeToo et autres. Avant, on taisait beaucoup de choses mais les problèmes étaient vraiment les mêmes. C'est vraiment au centre de mon roman. Gilda, la mère, voit en Josée, la jeune fille qu'elle a été. Elle a peur et s'interroge :  que va-t-il se passer?

- Puis vient la rumeur qui va faire basculer les choses?
- De nos jours, on appellerait ça des fake news. C'est vraiment ce que nous vivons aujourd'hui. Une masse silencieuse veut exercer un contrôle social sur les autres. Dans la petite ville, tout est lisse jusqu'à l'arrivée de Josée, mais lorsque des problèmes surviennent, on se souvient que Gilda n'était finalement qu'une petite servante avant d'épouser Ruben. Les vieux griefs ressurgissent...

- Vous terminez votre roman par un post-scriptum écrit en 2018 : c'était nécessaire?
- Ce n'est pas la première fois que je le fais, mais ici, c'était important de le faire. Il était intéressant de rappeler le destin de chaque personnage. Parce que ça montre que Josée, personnage central du roman, disparaît complètement. Personne ne sait ce qu'elle est devenue. Elle n'a finalement aucune importance, et c'est cette indifférence qui me touchait". 

Cliquez ci-dessous sur "Job Armel" pour retrouver mes autres articles sur cet auteur belge.

mercredi 20 mars 2019

"Trouble" (Jeroen Olyslaegers)

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Né à Mortsel (province d'Anvers) en 1967, Jeroen Olyslaegers est un auteur belge néerlandophone. Son roman "Wil" s'est vendu à plus de 50.000 exemplaires en Flandre et aux Pays-Bas, et vient d'être traduit en français par les éditions Stock, grâce au soutien de Flanders Literature.

Son roman "Wil" / "Trouble" se passe durant la deuxième guerre mondiale. Il raconte l'histoire d'un Monsieur Tout-le-monde qui devient policier pour échapper au travail obligatoire, puis participe avec ses collègues à des rafles de juifs pour les Allemands, tout en cachant en même temps un Juif.

Jeroen Olyslaegers a confié à la presse :   "Je me suis inspiré d'un véritable procès-verbal rédigé par un policier anversois qui a participé à une rafle en août 1942 et qui raconte que lorsqu'il a frappé à la porte d'une famille juive, le père a ouvert la porte et s'est suicidé sur le seuil en se tranchant la gorge. A l'intérieur, toute la famille était morte, empoisonnée. Un suicide collectif pour échapper à la rafle. Un rapport neutre mais en même temps teinté de culpabilité. Il m'a marqué comme un coup de poing. Cela s'est passé là, dans un quartier où ma famille a vécu. Je me suis inspiré de l'histoire de ma famille pour le reste, comme d'une tante qui travaillait comme bonne dans une famille juive et a vécu par la suite dans la demeure vidée de ses occupants avec son amant allemand. Mon grand-père fut également un collaborateur. Il avait fait de sa maison un hommage à cette époque, à sa haine de la Belgique. Quand j'ai commencé à lui poser des questions embarrassantes, il m'a répondu qu'il fallait avoir vécu cette époque pour comprendre...  Mais il reste qu'il n'y a pas de pardon pour ce qu'ils ont fait, lui et d'autres. Et il ne faut jamais oublier que le jugement moral vient après. Ce sont les générations suivantes qui jugent, qui diront si ce que tu as fait est mal. C'est toutes ces choses que j'aborde dans mon roman. A une époque où on constate à nouveau la montée du populisme et des nationalismes, j'ai voulu montrer le rôle que la bureaucratie a joué, sa responsabilité, et expliquer comment elle peut devenir un monstre cannibale, tel qu'elle le fut alors à l'encontre des Juifs et des communistes". 

mercredi 13 mars 2019

Deuxième roman pour Jean-Louis Aerts

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Professeur de latin et de français en région bruxelloise,  Jean-Louis Aerts a répondu aux questions du "Soir Mag" à l'occasion de la sortie de son deuxième roman :

"Après "Un siècle de mensonges", vous revenez avec un deuxième livre qui poursuit les aventures de Marylou et de sa famille, et qui peut se lire sans avoir eu le premier bouquin en main. Pourquoi prendre ce risque de faire une saga?
- Le premier roman était un tout. Il se terminait. J'estime que c'est le devoir de l'auteur de donner les réponses aux questions que les gens se posent. Mais les personnages me manquaient, j'avais vécu avec eux pendant plus d'un an. Et d'un coup, plus rien. J'avais envie de les retrouver, donc j'ai trouvé un moyen de replonger dans leur histoire via un nouveau drame. Et ça a donné ce deuxième opus dont je suis très fier.

- On peut parler d'un thriller historique. En plus de l'intrigue, vous mêlez d'innombrables anecdotes issues du passé. Ca vous demande énormément de recherches?
- Evidemment, mais c'est un passage obligé. Je suis historien de formation, je ne supporterais pas d'inventer des faits qui ne sont pas historiquement corrects. Dans le livre, j'évoque diverses catastrophes du siècle passé :  les circonstances décrites sont rigoureusement exactes. Si une personne veut vérifier l'authenticité de ce que je raconte, elle peut, je ne serai pas pris en défaut. Le seul endroit où j'ai été, c'est le cimetière de Bruxelles pour m'imprégner des lieux. Pour le reste, c'est grâce à Internet. Il y a par exemple un moment dans le bouquin où ils sont dans un restaurant de New York en 2006. J'ai été sur Tripadvisor pour voir les commentaires des clients, pour savoir ce qu'on voit de la terrasse du bistrot. J'ai aussi écrit sur le mémorial du 11 septembre. Je devais faire attention à l'état d'avancement des travaux à ce moment-là. A Couvin, le café "Le Tribunal" existait vraiment pendant la guerre. Maintenant plus, mais j'ai fait mes recherches.

- Justement, il y a un personnage principal  :  la Belgique ?
- Si les auteurs belges ne parlent pas de leur pays, personne d'autre ne le fera. C'est chouette de retrouver des lieux qu'on connaît, non? Il y a une identité de la littérature belge qu'il faut appuyer. Et puis, il y a deux éléments historiques et belges que je voulais incorporer :  le bunker d'Hitler à Brûly-de-Pesche, que j'estime trop méconnu, et le Lebensborn de Wégimont. Mon postulat, c'est d'apprendre des choses en se divertissant. 

- Trois histoires s'entremêlent dans votre livre. A chaque fois, une femme au centre et avec un caractère fort. C'est si facile de se mettre à la place d'un personnage féminin?
- Les femmes ont un univers beaucoup plus riche qu'un homme, souvent plus carré et prévisible. Elles ont mille et une facettes. Je pense bien les connaître. Je trouve plus intéressant de faire évoluer des femmes, même si je n'oublie pas d'insérer un pendant masculin pour leur répondre. J'ai fait beaucoup d'improvisation théâtrale et on a toujours appris à jouer sur les oppositions". 

mercredi 6 mars 2019

"Félix et la source invisible" (Eric-Emmanuel Schmitt)

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Nouveau roman en 2019 pour Eric-Emmanuel Schmitt :  "Félix et la source invisible", paru aux éditions Albin Michel. Beaucoup de chroniqueurs et journalistes l'ont associé à "Oscar et la dame en rose" et "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", deux anciens ouvrages de l'écrivain franco-belge.

Eric-Emmanuel Schmitt a confié au groupe "Vers l'Avenir" :   "Ce roman m'est tombé dessus cet été. Je cherchais depuis des années à aborder le thème de l'animisme. J'essayais de le comprendre avec la raison. Or, on ne peut y avoir accès qu'avec l'imagination. Et c'est en relisant la poésie africaine, particulièrement Léopold Sédar Senghor, qu'il y a eu comme un déblocage. Et que j'ai pu enfin écrire ce roman. Enfants, nous sommes tous animistes. Quand nous tapons sur une porte parce que nous nous sommes cognés dessus, nous lui donnons une certaine personnalité. Mais c'est surtout une façon de voir plus loin que ce que le monde nous montre. C'est donner une âme à l'arbre, au vent, au fleuve. C'est considérer que les morts ne sont pas partis puisque leurs âmes restent là. Je voulais raconter l'histoire d'une déracinée qui a choisi de se couper de son passé. Même si on comprend très bien pourquoi, on constate qu'elle s'est perdue en renonçant aux mots et au monde de son enfance. Mais c'est aussi l'histoire d'un amour fusionnel entre une maman et son fils. Jusqu'au moment où Félix se rend compte qu'il a aussi des responsabilités à assumer vis-à-vis de sa mère. Et surtout, qu'il comprend qu'il ne peut pas être tous les hommes pour elle, mais uniquement un fils... Papa Loum apprend aussi une chose fondamentale à Félix :   l'Afrique, c'est l'imagination et l'Europe, c'est la raison. Je pense vraiment que notre monde occidental manque d'espace, de poésie et d'imaginaire".

Il a aussi répondu aux questions de "Maxx", le supplément des quotidiens du groupe Sud Presse : 

"Est-ce important de garder contact avec ses racines?
- Je pense qu'on ne peut pas se couper de ses racines. Et c'est encore plus important aujourd'hui où les gens bougent beaucoup, où il y a une migration énorme, des gens qui resteront toujours dans un pays mais qui sont d'ascendance étrangère. Vraiment, la question de l'identité ne se pose plus comme dans le passé. Quand Homère raconte le destin d'Ulysse, pour Ulysse, redevenir lui-même, c'est rentrer à Ithaque. Mais maintenant Ulysse, il va quelque part ailleurs et ne rentrera peut-être plus jamais à Ithaque. Mais il faut quand même qu'il soit lui. Notre époque nous montre que nous avons plusieurs couches identitaires :  il y a la famille, l'endroit où on est né, la langue dans laquelle on a prononcé nos premiers mots. Si on se coupe de ça, on dérive. On peut ajouter des tas de couches identitaires, mais pas en nier certaines. Les gens qui disent "je ne suis pas l'enfant de", qui coupent avec leur passé, ils vont avoir un retour du refoulé. Et la plupart des dépressions que je vois autour de moi, c'est un retour du refoulé....

- Vous parlez de dépression. Est-ce une maladie que vous avez connue?
- J'ai connu l'espace de quelques heures parfois ce que ça pouvait être, mais personnellement, je ne l'ai pas vécue. Par contre, je l'ai beaucoup vue autour de moi, j'ai beaucoup soutenu des gens qui en souffraient. Je connais très bien les hôpitaux psychiatriques, mais en visiteur. J'ai eu une quasi-dépression pendant mon adolescence, la mort du désir. Je ne voulais plus grandir, plus vivre, je me sentais inapte et j'étais suicidaire. C'est quelque chose d'horrible.

- On voit dans le livre ces gens dont le seul lien est le bistrot de Fatou. Des lieux qui disparaissent aujourd'hui. Que deviennent ces gens sans ce point de rencontre?
- Vous voyez aujourd'hui les Gilets Jaunes? C'est le bistrot :  ce sont des solitudes fracassées qui viennent là et qui échappent ainsi à la solitude. C'est le nouveau bistrot. Ce sont des gens seuls et tout à coup, ils forment une famille, une communauté humaine. C'est d'ailleurs la force de Fatou : elle est la mère de tout le monde. Elle a ce truc de la mère qui est de créer du lien. Moi, ma mère, elle a été capable de faire en sorte que ma sœur et moi, on s'entende. On n'aurait pas été frère et sœur, ma sœur et moi, on ne se serait jamais parlé car on est complètement différent. On s'adore, en étant différent, et c'est le résultat de la bienveillance et de la générosité de ma mère. Il y a cela chez Fatou : elle crée du lien, et ces gens qui n'ont rien en commun, elle les met ensemble.

- Et Fatou, elle n'a que son fils qui joue tous les rôles pour elle. C'est dur pour un enfant, non?
- C'est un rôle que de plus en plus d'enfants jouent dans les familles monoparentales. Félix, il est le fils, mais aussi le père et l'ami. Et celui qui va la sauver".