A l'occasion de la sortie de son 20ème livre, l'auteur belge Armel Job s'est confié à la revue "Le Carnet et les Instants".
Sur son début de carrière littéraire : "J'ai commencé à écrire en vue de la publication relativement tard puisque je ne suis publié que depuis 1995. J'avais 47 ans. Jusqu'alors, la plume me démangeait, mais je n'avais jamais pensé qu'un jour, je pourrais être édité. Comme professeur, j'avais l'impression d'être productif dans la sphère des idées, de la création, de l'écrit. Comme directeur, quelque chose me manquait et, dès lors, j'ai tenté ma chance chez des éditeurs. Je ne me suis pas mis à écrire tout à coup à 40 ans, j'avais déjà une passion pour l'écriture, mais quand j'ai entamé "La reine des Spagnes", c'était avec le projet de présenter le manuscrit à un éditeur. Denys Pryen, le directeur des éditions L'Harmattan, était séduit par les références au monde rural wallon, il y trouvait une touche originale. Mon travail lui évoquait son enfance".
Sur l'Ardenne au centre de son oeuvre : "C'est une drôle de question ; on la pose rarement à un auteur français qui situe ses livres à Paris. Ce choix est simplement lié au fait que je suis un auteur belge qui vit en Ardenne. Je trouve naturel de situer mes romans dans des lieux que je connais le moins mal. Cette question est peut-être typiquement belge car très longtemps, nos auteurs ont répugné à situer l'action de leurs livres en Belgique, comme si elle n'était pas digne d'accueillir leur narration, avec la crainte d'être catalogués comme auteurs régionalistes. Du fait que nous utilisons la langue du voisin, il y a comme une gêne ou une pudeur à situer nos romans en Belgique. A une époque pas si lointaine, nos auteurs pensaient devoir s'établir à Paris pour connaître le succès. Pour moi, la notion d'auteur belge n'a pas d'importance. Je suis né, je vis et j'écris en Belgique. C'est ma réalité. Au Québec, il n'y a pas cette espèce de gêne qu'ont les Belges vis-à-vis de leur pays. Ils n'hésitent pas à introduire des expressions typiquement québécoises dans leurs livres. Lors d'un entretien sur Radio Canada, l'animateur a montré un intérêt pour ce reflet que mes romans offrent de la Belgique. Et jamais mon éditeur français ne m'a demandé que mes livres se passent ailleurs qu'en Belgique. Au contraire, cela l'intéresse que je parle de la réalité belge. La littérature belge, cela devrait être la littérature qui se passe en Belgique".
Sur ses études et sa carrière d'enseignant des langues anciennes : "J'ai suivi des études classiques parce qu'elles étaient plus conformes à mes goûts littéraires, et classiques car plus scientifiques. L'influence se marque à deux niveaux : comme romancier, j'utilise une méthode philologique, l'étude des textes en allant au-delà de leurs apparences, car ces textes appartiennent à un monde éloigné de nous, ce qui nous oblige à une interprétation. Le romancier que je suis adopte une approche similaire. Ensuite, du point de vue de la langue, être obligé de traduire le génie d'une autre langue dans sa propre langue apporte énormément à l'écriture, tant sur le fond que sur la forme. Pendant des années, je me suis creusé la cervelle pour rendre de la haute littérature classique en français, par exemple la brièveté des effets littéraires de Tacite. Chaque année, je m'astreignais à traduire de nouveaux textes avec mes élèves".
Sur le monde rural : "Plus que rural, le contexte de mes livres est provincial, évoque le monde des petites villes ou des gros villages de province. Je suis intéressé par cet univers car on peut y délimiter plus facilement un microcosme qui se prête mieux à l'observation. Une unité de lieu sur une société délimitée permet plus facilement de l'ausculter sous le microscope, de la disséquer. Encore une fois, j'essaie d'écrire sur ce que je connais le moins mal. Je ne suis pas un homme de la ville. Je me méfie un peu des intellectuels dans un roman car ils risquent d'y introduire un débat d'idées qui ne concerne qu'une infime partie des lecteurs. Si le romancier observe la société, ce qui est son rôle pour moi, il doit se pencher sur les gens ordinaires qui sont majoritaires. Une tendance des écrivains est d'évoquer leur monde, le microcosme auquel ils appartiennent, avec leurs problèmes spécifiques. Je préfère observer le monde des gens simples, souvent négligé, qui mérite pourtant de figurer en littérature comme n'importe quel autre".
Romans historiques? : "Non. Je n'écris pas de roman historique comme a pu le faire Alexandre Dumas. Je ne veux pas que le lecteur ait des personnages célèbres comme références. Dans mes romans, l'Histoire est un décor et j'essaie d'aller voir comment des êtres particuliers vont se situer et réagir par rapport à des circonstances historiques. Ainsi, dans "Le conseiller du Roi", je m'intéresse principalement à la vie du personnage central, ses relations avec sa femme, avec sa maîtresse. Quand l'Histoire me sert de référent, je veille néanmoins à ce que les événements soient véridiques. En écrivant "Dans la gueule de la bête", je me suis focalisé sur ces trous de l'Histoire, par le biais de personnages fictifs, pour en reconstituer l'épaisseur humaine. Celle-ci n'a pas de place dans les études historiques, car c'est une science qui ne s'embarrasse pas des individualités".
Sur son dernier livre, "Histoires pas très catholiques" : "J'ai écrit pas mal de nouvelles dont la plupart sont déjà parues en revues ou en ouvrages collectifs. Celles de ce recueil se situent évidemment en Ardennes et ont toutes un lien avec la religion catholique. Après les avoir un peu retravaillées, j'ai également fait en sorte qu'au moins un personnage croisé dans une nouvelle se retrouve dans une autre. Je viens d'une époque marquée par une éducation religieuse, rigide, et je suis resté très intéressé par les questions religieuses et éthiques. J'ai écrit une pièce de théâtre intitulée "Le concile de Jérusalem", qui relate la rencontre entre Paul, Pierre et Jacques, le frère du Christ. Elle vient d'être montée par Jean-Claude Idée au Théâtre du Gai Savoir à Liège, à celui de la place des Martyrs à Bruxelles et au Théâtre 14 à Paris. Je voulais montrer des gens vraiment modernes, avec des dialogues musclés".
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J'aime bien Armel Job, en tout cas les livres que j'ai lus jusqu'à présent. J'en ai encore un dans ma PAL.
RépondreSupprimerSituer ses histoires en Belgique, et pourquoi pas?
Bon dimanche.