mardi 15 juillet 2014

"L'Eté sous un chapeau de paille" (Alain Bertrand)

                                          Photo : Rendez-vous ce soir, 20h, à la salle des 3 Ours.


Voici le dernier livre de l'écrivain et professeur belge Alain Bertrand, né à Gand en 1958 et décédé à Bastogne en 2014. Dans sa bibliographie, on trouve des romans ("Massacre en Ardenne", "Le lait de la terre", p.ex.), trois essais (sur Georges Simenon, Maigret et Jean-Claude Pirotte), de la prose et des récits. C'est aussi le 20ème ouvrage de la collection "Plumes du Coq" qu'il dirigeait avec Christian Libens au sein des éditions Weyrich.


"L'Eté sous un chapeau de paille", ce sont 37 chroniques de vacances qui nous rappellent des anecdotes, des histoires drôles et des mésaventures qu'on a parfois également rencontrées. Voici quelques extraits :


"Alors que Dieu crie dans le désert, le GPS susurre dans les embouteillages. Sa diction est celle d'une conseillère conjugale. Il ne lui manque que la boîte à mouchoirs à côté du volant pour jouir de toute son efficacité. Les papas agacés par leur progéniture ceinturée à l'arrière du véhicule feraient bien de s'en inspirer. Le GPS articule les mêmes répliques sur un ton modéré autant de fois que nécessaire. Il contribue à rectifier les erreurs de trajectoire avec une patience de confesseur. Un sang-froid mâtiné d'un zeste de douceur lui tient de pédagogie".


"Tout va pour le mieux dans le meilleur de la Provence :  il faut le proclamer urbi et orbi, le griffonner au dos des cartes postales, le communiquer par SMS à ses potes, le jeter à la gueule des collègues dès son retour au boulot. Même ma femme était super, comme au premier jour, surtout quand elle s'est mise à ressembler à une olive de Nyons. Au point qu'on a fait l'amour, si, si, l'amour à la provençale, au cours de la sieste, et si bourrés au pastis que j'ai cru que c'était une partouze, avec sa sœur jumelle. Et après? Disons que je suis rentré dans le ciment frais, comme un coureur de fond de classement, au Tour de France. Plus je m'épongeais à l'eau, moins je voyais la route".


"Le bronzage n'est rien s'il est accompagné de ces gloussements de plaisir qui font le sel des vacances. Au contraire du sédentaire, qui a si peu de chose à raconter, l'estivant porte l'adjectif et l'adverbe au pavois. Dès son retour d'Espagne, le bureau, l'atelier résonnent de cent feux d'artifice, de mille points d'exclamation, de cent mille clichés qui bruissent du chant des grillons, des vagues, des guitares et des voluptés. C'est pour ces minutes de gloire qu'on part se ruiner à l'étranger, pour ces secondes où les autres nous écoutent répandre des bonheurs qu'ils n'ont pas connus et que la vie leur refusera. Les congés payés sont un rite, comme allumer sa télévision ou pousser un caddie au supermarché. Avant de réenfiler ses habits d'esclave et de s'en retourner, voûté comme un fouet, au comptoir, à l'usine, dans la salle des profs".


"A peine réveillé par des cloches ou des coqs en crise de nerfs, l'homme s'arrache de sa nuit blanche et s'en vient risquer une congestion au-dessus d'un évier jauni et crevassé. Barbe naissante et gros pull, il enfume la salle à manger avec du bois mort et des bûches éclatées à la cognée dans l'air glacial de novembre. Car rien ne fonctionne, c'est l'apanage de la seconde résidence. Le robinet crache une eau rouillée, les fusibles grésillent et çà sent le brûlé, çà empeste la fumée, çà épluche une à une les diverses couches de papier peint".

2 commentaires :

  1. Oh que c'est savoureux!!! Quel esprit... je partage immédiatement!

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  2. C'est dommage qu'il soit parti, car ces extraits me plaisent bien !
    C'est toujours pareil, ce sont les biens qui s'en vont en 1er !
    Florence

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