Né en 1960 à Lyon, Eric-Emmanuel Schmitt est l'un des auteurs francophones les plus lus. On lui doit notamment "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", "Oscar et la dame rose", "La rêveuse d'Ostende" et "Le libertin". Il habite depuis plusieurs années en Belgique, où il a tourné son film "Odette Toulemonde", et a obtenu la nationalité belge en 2008.
Durant la deuxième guerre mondiale, Joseph Bernstein, un juif de 7 ans vivant en Belgique, est confié par ses parents au comte et à la comtesse de Sully afin de le préserver des raffles nazies. Muni de faux papiers, il devient ensuite pensionnaire dans l'école du père Pons et confie : "Etre juif, pour l'instant, signifiait avoir des parents incapables de m'élever, posséder un nom qu'il fallait mieux remplacer, contrôler en permanence mes émotions et mentir. Alors, quel intérêt? J'avais très envie de devenir un petit orphelin catholique".
Malgré son jeune âge, Joseph devient très vite le confident du père Pons qui lui apprend l'hébreu et lui parle de ses doutes : "La religion juive insiste sur le respect, la chrétienne sur l'amour. Or, je m'interroge : le respect n'est-il pas plus fondamental que l'amour? Et plus réalisable aussi... Aimer mon ennemi, comme le propose Jésus, et tendre l'autre joue, je trouve çà admirable mais impraticable. Surtout en ce moment. Tu tendrais ton autre joue à Hitler, toi?".
Avec son ami juif Rudy, Joseph raconte leur quotidien au pensionnat, la peur lors des visites de la Gestapo, leurs interrogations, les dénonciations et la libération de la Belgique. A la fin de la guerre, il a la chance de revoir ses parents, mais les retrouvailles sont loin d'être faciles : "On ne retrouve pas ses parents juste en les embrassant. En trois ans, ils m'étaient devenus étrangers, sans doute parce que j'avais changé. Ils avaient quitté un enfant et récupéré un adolescent. L'appétit de réussite matérielle qui habitait mon père l'avait tellement transformé qu'il m'était difficile de reconnaître l'humble tailleur plaintif de Schaerbeek sous le récent nabab prospère de l'import-export".
Cinquante ans plus tard, Joseph est en Israël. Il nous montre que l'Histoire est un éternel recommencement et nous incite à être tolérants : "Etre pour Israël ne revient pas à approuver tout ce que décide Israël. Il faut faire la paix avec les Palestiniens. Ils ont autant de droits que toi à vivre ici. C'est leur territoire aussi. Ils y vivaient avant qu'on y établisse Israël. L'histoire même de notre persécution devrait nous conduire à leur adresser les paroles que nous-mêmes, nous avons attendues pendant des siècles". Félicitations à Eric-Emmanuel Schmitt pour son humanisme et ce roman très bien écrit, dédié à tous les Justes de la Nation qui ont sauvé des juifs durant la deuxième guerre mondiale.
dimanche 19 avril 2009
jeudi 9 avril 2009
En bref...
1° Né en 1941 à Bruxelles, l'écrivain belge François Weyergans (Prix Goncourt 2005 pour "Trois jours chez ma mère") a été élu au 3ème tour à l'Académie Française avec 12 voix contre 6 à Didier Van Cauwelaert (écrivain français d'origine belge).
2° Les clubs Richelieu de Belgique et du Luxembourg ont remis le Prix Richelieu 2009 à Colette Nys-Mazure pour sa contribution à la promotion de la langue et de la culture françaises. Le jeudi 23 avril à 12h30, elle présentera son roman "Perdre pied" (éditions Desclée de Brouwer) lors d'une rencontre littéraire au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L'autre invité de cette rencontre est Nicolas Marchal, dont je vous ai déjà parlé, pour son roman "Les conquêtes véritables" (Prix Première 2009) paru aux Editions Namuroises.
3°Le Service de Promotion des Lettres Belges de langue française publie, tous les deux mois, une revue bimensuelle très intéressante et intitulée "Le Carnet et les Instants". Vous y trouverez des articles de fonds sur le marché du livre, des interviews, l'agenda des rencontres littéraires, la liste des dernières parutions, les bourses et prix littéraires, et des comptes-rendus de livres. Vous pouvez recevoir GRATUITEMENT cette revue sur simple demande (carnet.instants@cfwb.be).
4° Ancien vice-recteur de l'Université Catholique de Louvain, auteur de nombreux ouvrages, Gabriel Ringlet a été élu membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Il remplace Roger Foulon, décédé l'an dernier.
5° L'Apa-Bel (Association pour la conservation du patrimoine autobiographique de Belgique) récolte, conserve et archive les autobiographies non publiées. Ce fonds contient déjà 160 dépôts à la bibliothèque Montjoie à Uccle. Un groupe de lecteurs lit les textes et en rend compte dans sa revue "De temps en temps". Prochaine réunion de ce groupe : le 20 avril à 18h (plus d'infos : apabel@hiware.be).
6° La ville de Liège honorera prochainement le poète belge Maurice Carême dans la chapelle Saint-Maur de Cointe. Une exposition y aura lieu les 31 mai et 1er juin (de 14h à 19h), en collaboration avec les écoles du quartier. Jeannine Burny, la compagne du poète, y donnera une conférence intitulée "Maurice Carême : une vie et une oeuvre", et dédicacera son livre de souvenirs (6 mai à 18h).
7° Du 4 avril au 14 juin, le Musée Emile Verhaeren à Sint-Amands accueille l'exposition "Emile Verhaeren : entr'amis" qui présente les amis du poète : l'éditeur Edmond Deman, l'écrivain-avocat Edmond Picard, l'écrivain Stefan Zweig, et les peintres Théo Van Rysselberghe, Dario de Regoyos, William Degouve de Nuncques et Constant Montald. Par contre, on attend toujours la réouverture du Musée Emile Verhaeren à Roisin...
2° Les clubs Richelieu de Belgique et du Luxembourg ont remis le Prix Richelieu 2009 à Colette Nys-Mazure pour sa contribution à la promotion de la langue et de la culture françaises. Le jeudi 23 avril à 12h30, elle présentera son roman "Perdre pied" (éditions Desclée de Brouwer) lors d'une rencontre littéraire au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L'autre invité de cette rencontre est Nicolas Marchal, dont je vous ai déjà parlé, pour son roman "Les conquêtes véritables" (Prix Première 2009) paru aux Editions Namuroises.
3°Le Service de Promotion des Lettres Belges de langue française publie, tous les deux mois, une revue bimensuelle très intéressante et intitulée "Le Carnet et les Instants". Vous y trouverez des articles de fonds sur le marché du livre, des interviews, l'agenda des rencontres littéraires, la liste des dernières parutions, les bourses et prix littéraires, et des comptes-rendus de livres. Vous pouvez recevoir GRATUITEMENT cette revue sur simple demande (carnet.instants@cfwb.be).
4° Ancien vice-recteur de l'Université Catholique de Louvain, auteur de nombreux ouvrages, Gabriel Ringlet a été élu membre de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Il remplace Roger Foulon, décédé l'an dernier.
5° L'Apa-Bel (Association pour la conservation du patrimoine autobiographique de Belgique) récolte, conserve et archive les autobiographies non publiées. Ce fonds contient déjà 160 dépôts à la bibliothèque Montjoie à Uccle. Un groupe de lecteurs lit les textes et en rend compte dans sa revue "De temps en temps". Prochaine réunion de ce groupe : le 20 avril à 18h (plus d'infos : apabel@hiware.be).
6° La ville de Liège honorera prochainement le poète belge Maurice Carême dans la chapelle Saint-Maur de Cointe. Une exposition y aura lieu les 31 mai et 1er juin (de 14h à 19h), en collaboration avec les écoles du quartier. Jeannine Burny, la compagne du poète, y donnera une conférence intitulée "Maurice Carême : une vie et une oeuvre", et dédicacera son livre de souvenirs (6 mai à 18h).
7° Du 4 avril au 14 juin, le Musée Emile Verhaeren à Sint-Amands accueille l'exposition "Emile Verhaeren : entr'amis" qui présente les amis du poète : l'éditeur Edmond Deman, l'écrivain-avocat Edmond Picard, l'écrivain Stefan Zweig, et les peintres Théo Van Rysselberghe, Dario de Regoyos, William Degouve de Nuncques et Constant Montald. Par contre, on attend toujours la réouverture du Musée Emile Verhaeren à Roisin...
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lundi 6 avril 2009
"Helena Vannek" (Armel Job)
Né en 1948, l'écrivain belge Armel Job a effectué sa carrière dans l'enseignement et a commencé à être publié en 1995. Son roman "Helena Vannek" a obtenu le Prix Rossel des Jeunes 2002, le Grand Prix Littéraire France/Wallonie-Bruxelles 2002 et le Prix des Lycéens 2003.
Dans la première partie, Helena Vannek ("une accidentée de la vie" selon Armel Job) nous raconte sa jeunesse dans un village de Flandre, peu de temps avant la deuxième guerre mondiale. Après le décès de leur mère, Helena, son frère Tobie et sa soeur Mieke restent avec leur père Théo, un marchand de chevaux de trait discret, autoritaire et respecté. Helena est institutrice. Afin de distraire son fils qui ne parvient pas à faire le deuil de sa maman, Théo engage Guido, un mystérieux apprenti n'aimant pas parler de sa famille et de son passé. Les deux jeunes hommes deviennent vite inséparables. Helena nous raconte son amour pour Guido et nous montre l'influence des Jeunesses Hitlériennes dans notre pays à cette époque. Suite à l'accident de Tobie dont il se sent responsable, Guido quitte la famille Vannek et rejoint le port d'Anvers, où il souhaite être engagé sur un bateau. Helena l'accompagne et tente en vain de l'en dissuader. Une lettre de Guido laissée à Théo, remplie de sous-entendus ambigus, fait croire à la jeune femme que Guido est le fils caché de son père et est amoureux d'elle...
La deuxième partie de ce roman a été écrite, trente ans plus tard à Liège, par Raoul, le fils d'Helena Vannek. Après le décès de sa mère, il est bouleversé par le récit autobiographique qu'elle avait confié à son médecin et que nous avons pu lire dans la première partie. Raoul découvre l'histoire de sa famille maternelle : "Je ressassai les révélations du cahier L'Ecolier. J'avais maintenant un oncle Tobie mort avant que j'en ai appris l'existence, un autre Guido encore en vie peut-être. Ma tante Mieke, dont mes soeurs et moi nous étions promis de rechercher l'adresse, m'apparaissait si vivante, si séduisante, malgré l'animosité de ma mère, que j'en avais presque un faible pour elle. Mis à part ses funérailles en Flandre, je n'avais pratiquement aucun souvenir de mon grand-père Théo ; et voilà qu'il surgissait d'entre les morts sous le masque hiératique d'un patriarche redoutable. Evidemment, ma mère, surtout, me fascinnait : l'exaltation à fleur de peau, donnant tête baissée dans la fatalité. Elle n'avait pas épousé l'homme qu'elle aimait mais mon père".
Afin de connaître toute la vérité, Raoul rencontre sa tante Mieke au Canada. Les rebondissements inattendus se multiplient et rendent la fin du roman passionnante. En écho à la dernière phrase du récit d'Helena ("A quoi bon se fatiguer à retenir une vie inutile?"), Raoul écrit : "La tristesse absurde de son existence entière me submergea (...) Sa vie, faute d'être heureuse, aurait été tragique, ce qui lui laissait grandeur et beauté". Au terme de ce roman très bien rédigé, je garderai d'Helena Vannek le souvenir d'une vie gâchée par les ambiguïtés d'une lettre.
Dans la première partie, Helena Vannek ("une accidentée de la vie" selon Armel Job) nous raconte sa jeunesse dans un village de Flandre, peu de temps avant la deuxième guerre mondiale. Après le décès de leur mère, Helena, son frère Tobie et sa soeur Mieke restent avec leur père Théo, un marchand de chevaux de trait discret, autoritaire et respecté. Helena est institutrice. Afin de distraire son fils qui ne parvient pas à faire le deuil de sa maman, Théo engage Guido, un mystérieux apprenti n'aimant pas parler de sa famille et de son passé. Les deux jeunes hommes deviennent vite inséparables. Helena nous raconte son amour pour Guido et nous montre l'influence des Jeunesses Hitlériennes dans notre pays à cette époque. Suite à l'accident de Tobie dont il se sent responsable, Guido quitte la famille Vannek et rejoint le port d'Anvers, où il souhaite être engagé sur un bateau. Helena l'accompagne et tente en vain de l'en dissuader. Une lettre de Guido laissée à Théo, remplie de sous-entendus ambigus, fait croire à la jeune femme que Guido est le fils caché de son père et est amoureux d'elle...
La deuxième partie de ce roman a été écrite, trente ans plus tard à Liège, par Raoul, le fils d'Helena Vannek. Après le décès de sa mère, il est bouleversé par le récit autobiographique qu'elle avait confié à son médecin et que nous avons pu lire dans la première partie. Raoul découvre l'histoire de sa famille maternelle : "Je ressassai les révélations du cahier L'Ecolier. J'avais maintenant un oncle Tobie mort avant que j'en ai appris l'existence, un autre Guido encore en vie peut-être. Ma tante Mieke, dont mes soeurs et moi nous étions promis de rechercher l'adresse, m'apparaissait si vivante, si séduisante, malgré l'animosité de ma mère, que j'en avais presque un faible pour elle. Mis à part ses funérailles en Flandre, je n'avais pratiquement aucun souvenir de mon grand-père Théo ; et voilà qu'il surgissait d'entre les morts sous le masque hiératique d'un patriarche redoutable. Evidemment, ma mère, surtout, me fascinnait : l'exaltation à fleur de peau, donnant tête baissée dans la fatalité. Elle n'avait pas épousé l'homme qu'elle aimait mais mon père".
Afin de connaître toute la vérité, Raoul rencontre sa tante Mieke au Canada. Les rebondissements inattendus se multiplient et rendent la fin du roman passionnante. En écho à la dernière phrase du récit d'Helena ("A quoi bon se fatiguer à retenir une vie inutile?"), Raoul écrit : "La tristesse absurde de son existence entière me submergea (...) Sa vie, faute d'être heureuse, aurait été tragique, ce qui lui laissait grandeur et beauté". Au terme de ce roman très bien rédigé, je garderai d'Helena Vannek le souvenir d'une vie gâchée par les ambiguïtés d'une lettre.
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