mercredi 23 août 2023

"Les Dragons" (Jérôme Colin)

                                         


Après "Eviter les péages" et "Le champ de Bataille",  l'auteur belge Jérôme Colin sort un troisième roman consacré à l'adolescence et publié par les éditions Allary. A cette occasion, il a accordé une interview aux quotidiens du groupe L'Avenir :

"C'est une fiction et en même temps, le héros a le même prénom que vous. Vous n'avez pas peur qu'on vous psychanalyse ?
- Ce n'est pas ma vie. Que les gens puissent le croire, je n'en ai rien à faire. Il n'y a aucune honte à parler de santé mentale, il n'y a rien de honteux à craquer, rien de honteux à dire qu'on a besoin des autres.

- Mais pourquoi c'était le moment ?
- Le Covid a empiré les choses. Il a coupé les jeunes du monde dans un moment où ils avaient un besoin vital des autres. Les dégâts sont immenses et très mal évalués. Un tiers des 12-18 ans déclarent avoir des troubles anxieux. Un sur dix a déjà pensé au suicide. Ca veut dire que sur une classe de 30 ados, trois ont déjà eu envie de mourir ! C'est effrayant ! Et depuis le Covid, les tentatives de suicide ont augmenté de 50% chez les filles, les automutilations aussi. On ne peut reprendre vie qu'avec les autres. On entend souvent :  "Prends soin de toi". Je n' y crois pas. Il n'y a que l'échange qui guérit. On devrait plutôt dire "Qu'est-ce qu'on peut s'apporter l'un l'autre?".

- Vous avez passé du temps dans un centre pour ados ?
- Je voulais raconter une histoire d'amour entre ados. Je savais dans les grandes lignes ce que je voulais raconter. Mais je devais rencontrer des encadrants, des enfants, les entendre pour essayer de comprendre pourquoi ils vont si mal et raconter leur quotidien. Je me suis présenté, j'ai expliqué ce que j'écrivais, un roman. J'ai dit que je serais là et qu'ils pouvaient venir me voir. Je suis resté trois jours seul à ma table. Ils me disaient bonjour mais aucun ne s'est assis. Et puis dès qu'un a osé venir me parler, ils sont tous venus.

- Qu'est-ce qu'ils ont en commun ?
- Ils sont très différents. Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils sont là, ils souffrent tous.

- Comment on rentre de journées comme ça ?
- En pleurant ! Il y avait des jours très joyeux aussi, mais je rentrais toujours bouleversé. J'ai été soufflé de leur honnêteté, je me demandais comment c'est possible d'être si jeune et d'avoir traversé tant de choses....

- Ils ont lu le livre ?
- J'ai envoyé le manuscrit au psychiatre du centre avant que cela parte à l'impression. C'est une fiction : je suis libre d'écrire ce que je veux, mais je ne voulais pas raconter de bêtises. Et surtout, c'était important de donner une image juste de ce qu'il s'y passe. C'est mon métier de journaliste qui ressort".