A l'occasion de la sortie de son roman "Le meurtre du docteur Vanloo" (aux éditions Robert Laffont), l'auteur belge Armel Job s'est confié à la revue catholique "Dimanche" :
"Ce qui m'intéressait, ce n'est pas ce meurtre, qui est plutôt une manière d'accrocher l'attention du lecteur. Il importe de voir les réactions des personnes confrontées à cet événement. Pratiquement tous le font en couple. Je pars dans les mêmes conditions que mon lecteur. Je soupçonne même plusieurs de mes personnages d'être responsables de cet assassinat ! J'ai différentes issues possibles mais, au fur et à mesure que je fais agir les personnages du roman, ils prennent une certaine consistance. Et il arrive un moment où je suis obligé de m'incliner devant leur personnalité ! Les responsabilités s'établissent vraiment de cette manière. Je m'impose toujours de ne pas modifier ce qui a déjà été rédigé. L'enquête policière ne constitue pas le fil conducteur de mon roman, puisqu'il y a beaucoup d'épisodes indépendants de l'enquête elle-même.
Je ne vois pas pourquoi mes romans se dérouleraient ailleurs qu'en Belgique. La bourgeoisie est la même partout. Dans la mesure où vous mettez en scène des personnes qui appartiennent à tel univers social ou à telle profession, c'est universel ! Mes romans sont ancrés en Belgique, et dans de petites localités ou villes, mais cela peut être transporté n'importe où.
Un auteur doit travailler avec sa totale subjectivité. Selon la définition de Jean Giono, un romancier est un raconteur d'histoires. Quelquefois, je tombe sur un fait divers et je l'utilise comme point de départ, mais je n'en fais pas la chronique. C'est une opportunité. En réalité, j'ai peu utilisé les faits divers. J'écris pour le lecteur. J'aime bien le traiter avec une certaine élégance et parsemer des remarques qui le feront sourire. C'est un signe de complicité. Il est très important qu'un auteur fasse comprendre à son lecteur qu'il le considère comme une personne intelligente. Le roman n'est pas l'occasion de lui asséner des vérités, mais de réfléchir ensemble.
Il y a des personnages que je préfère. Mais j'essaie de me montrer le plus juste possible, même avec celui dont les actions ne sont pas correctes. Je n'aime pas mettre en scène des personnages trop tranchés : uniquement bons ou mauvais. Tous les êtres humains sont complexes. Et le propre du roman, c'est de permettre au lecteur d'aller à la rencontre de ce qui fait un être humain. C'est une occasion de l'inviter à la prudence, à ne pas juger trop vite.
C'est un roman sur la société telle que je la perçois, sur un monde qui serait en danger de disparition dans la littérature. De nos jours, celle-ci s'intéresse beaucoup à des situations très particulières et à tout ce qui tourne autour de minorités tout à fait respectables. Mais peut-être qu'elles sont en train d'expulser de la littérature ce qui fait le commun des mortels... Le plus gros de la société est composé de gens ordinaires qui ont besoin, eux aussi, de se retrouver dans la littérature. Or la littérature française est souvent bourgeoise : elle s'adresse à une certaine classe de la société. Un très grand nombre de romansse déroule souvent dans des milieux intellectuels, aisés, avec des gens qui ont le temps de se triturer l'esprit à propos de leur vie... Vous pouvez lire beaucoup de romans avant d'y trouver un vétérinaire et un fermier ! Moi, ce sont pourtant des gens que je vois à la campagne ! J'aime bien de leur donner une existence.
L'auteur a un rôle dans la société. Il est là pour donner matière à réfléchir, poser des questions. Asséner ses opinions serait détestable. A l'inverse, on referme un bon roman en restant perplexe. Sa lecture peut nous inciter à poser un autre regard sur la société, à chasser nos préjugés, à nous éloigner des stéréotypes de représentation. J'ai de la sympathie pour les gens que je connais le mieux et avec lesquels j'ai eu une relation plus sentimentale. Mais je ne fais quand même pas une littérature de classe".
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