mercredi 19 avril 2023

"Le meurtre du docteur Vanloo" (Armel Job)

                                    


A l'occasion de la sortie de son roman "Le meurtre du docteur Vanloo" (aux éditions Robert Laffont),  l'auteur belge Armel Job s'est confié à la revue catholique "Dimanche" :

"Ce qui m'intéressait, ce n'est pas ce meurtre, qui est plutôt une manière d'accrocher l'attention du lecteur. Il importe de voir les réactions des personnes confrontées à cet événement. Pratiquement tous le font en couple. Je pars dans les mêmes conditions que mon lecteur. Je soupçonne même plusieurs de mes personnages d'être responsables de cet assassinat ! J'ai différentes issues possibles mais, au fur et à mesure que je fais agir les personnages du roman, ils prennent une certaine consistance. Et il arrive un moment où je suis obligé de m'incliner devant leur personnalité ! Les responsabilités s'établissent vraiment de cette manière. Je m'impose toujours de ne pas modifier ce qui a déjà été rédigé. L'enquête policière ne constitue pas le fil conducteur de mon roman, puisqu'il y a beaucoup d'épisodes indépendants de l'enquête elle-même.

Je ne vois pas pourquoi mes romans se dérouleraient ailleurs qu'en Belgique. La bourgeoisie est la même partout. Dans la mesure où vous mettez en scène des personnes qui appartiennent à tel univers social ou à telle profession, c'est universel ! Mes romans sont ancrés en Belgique, et dans de petites localités ou villes, mais cela peut être transporté n'importe où.

Un auteur doit travailler avec sa totale subjectivité. Selon la définition de Jean Giono, un romancier est un raconteur d'histoires. Quelquefois, je tombe sur un fait divers et je l'utilise comme point de départ, mais je n'en fais pas la chronique. C'est une opportunité. En réalité, j'ai peu utilisé les faits divers. J'écris pour le lecteur. J'aime bien le traiter avec une certaine élégance et parsemer des remarques qui le feront sourire. C'est un signe de complicité. Il est très important qu'un auteur fasse comprendre à son lecteur qu'il le considère comme une personne intelligente. Le roman n'est pas l'occasion de lui asséner des vérités, mais de réfléchir ensemble. 

Il y a des personnages que je préfère. Mais j'essaie de me montrer le plus juste possible, même avec celui dont les actions ne sont pas correctes. Je n'aime pas mettre en scène des personnages trop tranchés : uniquement bons ou mauvais. Tous les êtres humains sont complexes. Et le propre du roman, c'est de permettre au lecteur d'aller à la rencontre de ce qui fait un être humain. C'est une occasion de l'inviter à la prudence, à ne pas juger trop vite. 

C'est un roman sur la société telle que je la perçois, sur un monde qui serait en danger de disparition dans la littérature. De nos jours, celle-ci s'intéresse beaucoup à des situations très particulières et à tout ce qui tourne autour de minorités tout à fait respectables. Mais peut-être qu'elles sont en train d'expulser de la littérature ce qui fait le commun des mortels... Le plus gros de la société est composé de gens ordinaires qui ont besoin, eux aussi, de se retrouver dans la littérature. Or la littérature française est souvent bourgeoise : elle s'adresse à une certaine classe de la société. Un très grand nombre de romansse déroule souvent dans des milieux intellectuels, aisés, avec des gens qui ont le temps de se triturer l'esprit à propos de leur vie... Vous pouvez lire beaucoup de romans avant d'y trouver un vétérinaire et un fermier !  Moi, ce sont pourtant des gens que je vois à la campagne ! J'aime bien de leur donner une existence. 

L'auteur a un rôle dans la société. Il est là pour donner matière à réfléchir, poser des questions. Asséner ses opinions serait détestable. A l'inverse, on referme un bon roman en restant perplexe. Sa lecture peut nous inciter à poser un autre regard sur la société, à chasser nos préjugés, à nous éloigner des stéréotypes de représentation. J'ai de la sympathie pour les gens que je connais le mieux et avec lesquels j'ai eu une relation plus sentimentale. Mais je ne fais quand même pas une littérature de classe".

Cliquez ci-dessous sur "Job Armel" pour retrouver mes autres articles consacrés à cet écrivain belge. 

mercredi 5 avril 2023

Interview d'Ariane Le Fort

                                    


Ariane Le Fort a répondu aux questions de la revue "Le Carnet et les Instants" de janvier 2023 :

"De quel milieu social êtes-vous issue ?
- Je proviens d'une famille plutôt bourgeoise. Mon père a étudié la théologie. Suisse, il s'est installé en Belgique comme pasteur. Il est devenu professeur à la Faculté universitaire de théologie protestante de Bruxelles. Ma mère, institutrice à la base, est d'un milieu industriel verviétois. Mes parents adoraient lire. La littérature faisait partie de notre vie, nous en parlions beaucoup.

- Que lisiez-vous quand vous étiez enfant ?
- Je dévorais tout ce qui me tombait sous la main, surtout les livres de la Bibliothèque rose et de la Bibliothèque verte, que j'empruntais à la bibliothèque communale. En ce qui concerne les grands auteurs entre guillemets, j'ai d'abord lu les romans historiques d'Henri Troyat. Grâce à lui, j'ai découvert la Russie. Ensuite, je suis passée à Romain Gary. J'adorais cette littérature populaire, ces grands noms accessibles, de véritables épopées. Je ne crois pas que je pourrais encore en lire. On évolue. Petit à petit, et de plus en plus, grâce à la rencontre de certains auteurs, je suis allée vers l'intime. Maupassant, Colette, je les ai énormément aimés. Et aussi des romancières, les Anglaises, les Américaines, Anita Brookner, Edith Wharton... Elles ont dû un peu m'influencer. J'ai aussi lu Marguerite Duras, sans en être fanatique. Quand on parle ainsi de littérature, il faudrait que je retourne dans ma bibliothèque, je ne me rappelle pas bien de tout. Aujourd'hui, Ian McEwan est mon écrivain préféré.

- Petite, écriviez-vous ?
- Oui. J'ai essayé d'écrire mon journal mais j'ai vite réalisé qu'en l'écrivant, je mentais. Je n'arrivais pas écrire les choses telles qu'elles étaient, mais plutôt telles que je voulais qu'on les lise, telles que je voulais les faire croire. Je me regardais écrire. Cela ne me faisait aucun bien. Je me suis dit : écris plutôt un roman. J'avais 12 ans. Ma soeur s'étant moquée de moi, je l'ai jeté à la poubelle. Nous n'en avons plus parlé. L'envie d'écrire me chipotait mais je n'osais pas m'y remettre. Vers 20 ou 23 ans, je ne sais plus, j'ai recommencé.

- Etait-ce "L'eau froide efface les rêves" ?
- Non. Avant ce titre, j'ai écrit "Léon", l'histoire d'une jeune femme qui rencontre un vieux type dans le tram. Elle se lie d'amitié avec lui, puis cela chavire. Elle a envie de le voir nu. Dans mes romans, toujours, à un moment, les choses basculent... Il n'a pas été publié, mais j'avais déjà eu un très bon contact avec Le Seuil". 

Retrouvez la suite de cette longue et intéressante interview dans la revue "Le Carnet et les Instants" que vous pouvez recevoir gratuitement par courrier sur simple demande auprès du Service de Promotion des Lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.