mercredi 12 janvier 2022

La librairie "Le temps de lire" (Libramont-Chevigny)

 A l'occasion des 25 ans de sa librairie,  Pierre Bodson s'est confié à la revue "Le Carnet et les Instants" :

"C'est un rêve un peu fou qui s'est réalisé. Originaire de Paliseul dans le Luxembourg belge, j'ai grandi dans la boucherie familiale. Ce n'est pas anodin car j'y ai compris que j'aimerais le contact avec les gens. De plus, les parents de mon meilleur ami d'enfance tenaient une imprimerie et une librairie. Quand ils étaient absents, je prenais la place de cet ami qui n'était pas du tout lecteur. Je craignais le côté gestion et comptabilité. En plus, à l'époque, je me projetais dans l'univers de la chanson, j'étais reconnu pour ma voix remarquée par un professionnel, j'ai participé à des concours de chants, mais mes parents me voyaient plutôt comme instituteur.

Financièrement, c'était un risque et mes parents ont paniqué. D'abord, le projet a été mûri pendant un an avec une étude de marché préliminaire. J'avais l'avantage de ne pas avoir de surface commerciale à louer, et d'être aidé par le salaire de mon épouse. Il faut toujours avancer l'argent pour les livres, parfois des sommes importantes, avant d'en voir le bénéfice. Et la marge bénéficiaire est très faible. Beaucoup s'imaginent que nous gagnons très bien notre vie...mais ils ne prennent pas conscience de la prise de risque ! Le plus gros poste, ce sont les frais de transports. Tout se paie, y compris les retours. Heureusement, nous sommes soutenus par le Syndicat des libraires francophones de Belgique qui fait un travail formidable. Il porte nos revendications et nous soutient sur plusieurs fronts, comme le combat gagné pour le prix unique du livre, la création de Librel pour contrer Amazon, des formations, les relations avec certains partenaires comme les maisons de distribution, etc. Seuls, nous aurions plus de difficultés pour obtenir des résultats.

Il faut concilier la passion de la lecture, la gestion et le feeling avec la clientèle. Les gens sont venus car il y avait un réel manque à l'époque pour les amoureux de littérature et les curieux de culture à Libramont, mais aussi à Saint-Hubert, Neufchâteau et Bertrix. Très vite, ils ont aussi pris l'habitude de commander. Depuis 25 ans, il n'y a pas un seul jour sans une commande. Notre succès est aussi lié à la qualité de la clientèle qui est conciliante et accepte d'attendre ses livres.

Comme petit libraire, on n'a pas beaucoup le temps de lire, c'est le cas de le dire, en particulier tout ce qui paraît aux rentrées littéraires. Heureusement, les représentants ont vite compris le style de la maison, son identité, sa cohérence. Par exemple, nous vendons aussi des cartes postales mais nous privilégions celles avec des textes qui ont du sens. Pour nous aider, il y a aussi tout ce qui tourne autour de notre passion pour la littérature :  les grandes émissions comme "La grande librairie", "Sous couverture", en radio "La librairie francophone" que je n'ai pas ratée une seule fois d'autant que des libraires y interviennent, les journaux et les revues dont une qui me tient particulièrement à coeur : "Page".

Si ce sont surtout des dames qui participent à nos animations, je constate qu'il y a maintenant beaucoup de jeunes papas qui s'intéressent à la littérature jeunesse. Sinon, les hommes viennent plus pour les BD et les romans policiers ainsi que pour les livres régionaux ou traitant de la guerre, la nature, le jardinage. Les apéro-lectures, c'est un lieu où l'on partage ses propres expériences, son vécu, ses émotions, où l'on se dévoile parfois à partir d'une fiction. Peut-être les hommes ont-ils plus de mal à se confier ?".

Plus d'infos :   letempsdelire.be

Privilégions nos libraires au lieu de commander sur Amazon ! 

mercredi 5 janvier 2022

Meilleurs voeux pour 2022 !

Le monde littéraire belge se porte-t-il bien ? Malgré les difficultés, je voudrais partager ces deux éditoriaux différents mais plutôt optimistes :

1° Editorial de Marc Pasteger dans "Le Soir Mag" :

Au sein du monde culturel malmené par la crise sanitaire et ceux qui la gèrent, il n'y a pas que des victimes. Le livre se porte très bien, de façon même inespérée en comparaison d'une époque récente. On sait qu'en Belgique et plus encore en France, les librairies ont été un temps fermées. En cette fin 2021, le secteur affiche une santé exceptionnelle. Comparés à ceux de 2020, les chiffres sont excellents, mais face à une période atypique, évidemment non représentatifs. En revanche, selon Vincent Montagne, président du Syndicat national de l'édition (français), le secteur devrait croître de 19% en 2021 par rapport à ses niveaux de 2019, du jamais vu depuis des années. Ceux qui relativisaient les statistiques en expliquant que le livre avait bénéficié momentanément d'un report d'activités culturelles en rade se sont trompés sur le caractère du phénomène :  il dure. Le Covid aura permis à de nombreux acheteurs de (re)découvrir un plaisir infini :  la lecture. Dans le même temps, "Le Monde" notait l'ouverture de librairies indépendantes ayant la cote, plus que les rayons spécialisés de certaines grandes surfaces. En papier (toujours très majoritaire), en digital, en audio, vendu en ligne ou en magasin, le livre ne se contente plus d'un glorieux passé : il s'autorise un avenir prometteur !  La diversité de la production permet à tout un chacun de trouver son bonheur. De l'essai polémique aux conseils pour ados d'une "youtubeuse" en passant par le thriller faisant frémir ou les recettes de cuisine faisant saliver, la librairie constitue une sorte de caverne d'Ali Baba où les trésors attendent les clients les plus différents. On vous souhaite, dès maintenant et au long de 2022, de dénicher ceux qui vous sont destinés....

2° Editiorial de Nausicaa Dewez dans "Le Carnet et les Instants" :

En 2005, Jean-Luc Outers donnait à l'édito un titre enthousiaste :  "Ils nous donnent des ailes". "Ils", c'étaient François Weyergans et Jean-Philippe Toussaint, lauréats cet automne-là respectivement du Prix Goncourt (pour "Trois jours chez ma mère")  et du Médicis (pour "Fuir"). Seize ans plus tard, une autrice belge inscrit à nouveau son nom au palmarès de ce que l'on a coutume de désigner comme les grands prix littéraires d'automne (Goncourt, Renaudot, Médicis, Femina, Interallié, Académie française) qui allient prestige et garantie de vente substantielles. Amélie Nothomb a reçu le prix Renaudot le 3 novembre 2021 pour "Premier sang", paru chez son éditeur historique Albin Michel.

Cette récompense-là nous donne-t-elle des ailes ? D'aucuns pourront bien sûr argüer que le Goncourt est supérieur au Renaudot et qu'en 2021, Amélie Nothomb est seule face au doublé qui faisait le sel du millésime 2005. On aurait pourtant tort de bouder un événement rare à plus d'un titre. Outre les seize ans d'attente déjà évoqués, l'autrice d' "Hygiène de l'assassin" est en effet la troisième lauréate belge du Renaudot seulement : depuis sa création en 1926, celui-ci n'avait en effet récompensé jusqu'à présent que Conrad Dettez et François Weyergans, encore lui. Par ailleurs, cette distinction hexagonale souligne en creux l'absence de l'autrice au palmarès des plus grands prix belges consacrés au roman.

Le Renaudot est arrivé aux premiers jours de la campagne "Lisez-vous le belge ?", deuxième édition de l'opération de mise à l'honneur du livre belge dans les librairies, les bibliothèques, les classes, les médias,... Coïncidence à double tranchant. Un prix de cette importance a placé de facto un livre belge au centre des attentions. Mais il a aussi conforté le déséquilibre, que ne cessent a raison de déplorer maisons d'édition, auteurs et autrices concernés, entre l'intérêt réservé aux ouvrages estampillés par les grandes maisons parisiennes et la portion congrue laissée aux livres publiés en Wallonie ou à Bruxelles, quelle que soit, dans les deux cas, la nationalité des auteurs.

Face à ce déséquilibre, "Lisez-vous le belge ?" met en exergue dans un même élan livres d'auteurs belges publiés à l'étranger et livres publiés en Belgique, la curiosité pour les uns menant à s'intéresser aux autres et vice-versa. Des opérations similaires sont menés par les Québecois ("Le 12 août, j'achète un livre québécois!") et les Suisses ("la Quinzaine du livre suisse"). Dans un espace francophone dont Paris reste le centre littéraire et culturel indiscuté, les Francophonies périphériques ont ainsi conçu des dispositifs pour braquer les projecteurs sur le dynamisme de la création littéraire en français hors de France. Ces campagnes de promotion ont aussi une vertu informative :  avec le déficit de reconnaissance vient très souvent le défaut de connaissance.