mercredi 7 août 2019

Enlivrons-nous à Uccle

Veuve du ministre d'Etat Armand De Decker et belle-soeur de l'écrivain Jacques De Decker,  Jacqueline Rousseaux est également active dans le milieu culturel de sa commune, où elle s'occupe du Centre Culturel d'Uccle (depuis 2001), de la Foire du livre belge (de 2003 à 2017) et des soirées "Enlivrons-nous" (depuis 2004).

Jacqueline Rousseaux s'est confiée à la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Déjà, à l'école, nos institutrices nous encourageaient à lire. C'est très important. Dans ma famille, la lecture était appréciée. J'ai toujours aimé cela aussi. La littérature est un merveilleux médium pour découvrir le monde et l'humain, voyager dans le temps, l'espace, l'histoire, les mentalités, et donner envie de découvertes plus concrètes ensuite. C'est magique. Je ne puis que féliciter ceux qui ont créé et encouragent le prix des lycéens. C'est important pour les auteurs qu'ils contribuent à faire connaître, et pour les jeunes qu'ils conduisent vers la lecture.

Le néologisme "Enlivrons-nous" fait allusion au livre, bien entendu, mais aussi au fait que l'invité "se livre" au fil de l'entretien, tout comme le public est susceptible de le faire lors des questions-réponses qui le suivent. Il n'y a pas nécessairement de livre sous-jacent à la rencontre. J'ai trop de magnifiques souvenirs que pour faire une sélection. Je suis très reconnaissante à Jacques Franck, alors rédacteur en chef de "La Libre Belgique", d'avoir inauguré cette tribune en 2004 pour parler de son ouvrage "Des lieux, des écrivains", livre magnifique où il décrit le cadre et les conditions de la naissance d'œuvres d'écrivains célèbres. Un petit bijou, fort bien écrit, où l'on voyage et où l'on apprend beaucoup.

L'entretien avec Maurice Béjart m'a particulièrement marquée. Le seul entretien "public" (hormis ses nombreuses interviews) que Béjart ait donné en Belgique, malgré ses longues années passées à Bruxelles, celles où il fit l'essentiel de sa carrière. C'était l'année précédant celle de son décès. J'ai compris que c'était pour lui une forme de remerciement et d'adieu au public bruxellois, auquel ce créateur de génie a montré ce soir-là son attachement. Y participaient Jacques Franck, qui a suivi l'œuvre de Béjart toute sa vie, et Michel Robert qui avait publié un livre d'entretiens avec lui.

La plus surprenante remarque qui me fut faite est :  "Vous avez lu mon livre! C'est formidable!". Vous comprenez ma surprise devant cette réaction étonnante. Si je prépare bien entendu l'entretien et mes questions, mon invité découvre celles-ci en même temps que le public. Je tiens à ce que la conversation et les réponses soient aussi spontanées que possible. Je vise généralement à présenter l'invité dans un contexte plus global que l'objet précis de la rencontre :  un livre, une pièce de théâtre, son parcours, sa personnalité, son "moteur culturel". J'essaie de communiquer une émotion ressentie, l'intérêt pour un talent, un domaine, un sujet. Donner au public l'envie, après l'entretien, d'aller plus loin, de découvrir l'œuvre de l'auteur ou de l'artiste, s'intéresser davantage à telle ou telle question abordée, à une forme d'art mise en évidence, à un pan de l'histoire.

Les caractéristiques de la littérature belge?  Plus d'un ont tenté de répondre à cette difficile question, et il y a autant de réponses que de personnes interrogées. Et sans doute les réponses sont-elles aussi fonction des genres auxquels on s'intéresse. Pour ma part, il me semble que la manière de s'exprimer des Belges est plus directe, moins formaliste, à l'image du cinéma belge, qu'ils font preuve d'une imagination fertile, originale, d'un humour particulier, l'autodérision étant fréquente chez nous, ce qui nous distingue de nos voisins. J'ai aussi constaté avec plaisir que désormais nos auteurs n'hésitent plus à situer leur action dans des villes, des quartiers de notre pays, et ainsi affirmer leur identité, leur nationalité, alors que cela ne se faisait quasiment pas auparavant. Nos écrivains ont chacun leur style et pourtant une forme d'identité commune en arrière-plan.

La Foire du Livre Belge est née d'un constat :  le fait que les auteurs belges n'étaient pas mis en avant ou très insuffisamment, et la tendance de nos compatriotes à se diriger quasi systématiquement, dans les foires comme lors de leurs achats en librairie, vers les grands noms français largement soutenus par les médias. Cette initiative a donc été prise pour tenter de changer le regard des lecteurs, d'attirer leur attention sur nos auteurs. Seuls des éditeurs belges pouvaient y avoir un stand. Car le travail de nos maisons d'édition est à soutenir également. Cette Foire a, du moins je le crois, permis au public de se rendre compte de l'existence de nombreuses maisons d'édition belges. A part quelques-unes, elles sont souvent petites, mais chacune a son style, sa spécificité, sa raison d'être. Ce qui est belge est devenu "tendance" pour nos grands voisins et on constate même que certains éditeurs français cherchent à racheter ou à développer une antenne en Belgique. Il me semble qu'après quinze ans d'efforts, le message selon lequel nous avons de nombreux auteurs de qualité, et qu'ils méritent que l'on s'y intéresse, est dorénavant bien mieux reçu, et que la presse et les libraires les soutiennent davantage. les distributeurs aussi doivent aider à cela".

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire