vendredi 14 mars 2014

"Dans la gueule de la bête" (Armel Job)

                                   
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Hannah est une petite fille aimée de ses parents, vive et joyeuse. Elle vit à Liège, où la famille s'est installée, à la recherche de travail et fuyant la peste qui gangrène l'Europe dans les années 30. Quand la guerre éclate, les rafles commencent, Hannah devient Annette et, dans l'orphelinat où elle est placée, elle ne voit plus que ses parents épisodiquement et doit faire comme s'ils étaient de lointains parents. Mais que comprend-elle au drame qui se joue, aux trahisons, au jeu de dupes des adultes et à ce monde devenu fou? Armel Job reconstruit le décor de l'Occupation et nous incite à nous poser cette question : et moi, qu'aurais-je fait?

A l'occasion de la sortie de ce livre, il s'est confié à la journaliste Isabelle Monnart pour "La Dernière Heure" :

"Pour que je me mette à écrire, il faut que quelque chose me touche. Ce livre n'est en rien un cri d'alerte, une sonnette d'arlarme. Mais en étudiant cette époque, on s'aperçoit qu'il y a des choses assez troublantes par rapport à aujourd'hui. Par exemple, tous ces gens qui ont traqué les Juifs, qui les ont arrêtés, n'avaient aucune idée de ce qui allait arriver à ces personnes. On pensait qu'ils seraient renvoyés d'où ils venaient. La plupart étaient arrivés après les années 30 parce qu'on avait besoin d'eux, parce qu'il y avait du travail. Quand les difficultés se sont présentées, on leur a dit qu'on n'avait plus besoin d'eux. Le climat n'était pas spécialement antisémite, mais il y avait un racisme latent envers ceux qu'on appelait les métèques. C'était un des aspects qui m'intéressaient dans ce livre : comment la situation des Juifs avait été perçue par la population.

- Faut-il être plus préparé et plus armé (sans mauvais jeu de mots) pour écrire un livre sur un sujet comme celui-là?
- Oui, je pense. Il faut être très documenté et, en même temps, faire un travail de romancier. Ce n'est pas un roman historique. Ce qui m'intéressait, c'était de rendre vie à ces gens. Près de 70 ans nous séparent de cette guerre, la plupart des témoins ont disparu ou vont disparaître. Ce moment de l'histoire devient véritablement l'Histoire. On va rationnaliser tout çà, schématiser, en faire une page dans un livre, mais derrière tout cela, il y a des vies. Et c'est là que le romancier est essentiel.

- Pourquoi?
- Parce qu'il peut mettre le doigt sur la situation de ces personnes angoissées, mortes de peur. Mettre le doigt sur ceux qui appartenaient à la Résistance, qui n'étaient pas des héros, qui étaient des gens ordinaires, qui ont du courage mais aussi des faiblesses. Dans mon roman, il y a des délations, des gens qui fléchissent. Trop souvent, on schématise, mais la réalité était drôlement plus complexe. Quand on se replonge dans cette période, on se pose forcément cette question : et moi, qu'aurai-je fait?

- Vous avez construit ce livre presque comme un thriller parce qu'on se demande qui va trahir, qui manigance quoi?
- Je n'ai pas voulu être machiavélique. Il y a une part de technique parce que quand on écrit, on espère quand même capter l'intérêt du lecteur. J'avais le souci de maintenir un certain suspense, mais j'ai çà en moi, parce que j'hésite beaucoup et surtout je regarde vivre mes personnages.

- Vous disiez que ce sujet résonnait en vous. Quelque chose vous lie particulièrement à ce pan de l'histoire?
- Non. Mais si vous parlez avec un Liégeois d'aujourd'hui, si vous lui dites qu'on a traqué des Juifs dans sa ville, il ne vous croira pas. J'ai été étudiant à Liège dans les années 60 et jamais personne n'a fait allusion à çà. J'ai habité dans un quartier où il y avait plein de Juifs pendant la guerre, je parlais avec les commerçants qui avaient connu cette époque. Je pense que les Liégeois peuvent être fiers de leur attitude pendant ces années, ils ont refusé d'aider l'occupant. Quand les gens ont constaté les rafles, ils ont vraiment été solidaires. On a sauvé 80% des enfants et 67% des adultes. C'est énorme, même si tous les morts sont des morts de trop".

Armel Job, "Dans la gueule de la bête", éditions Robert Laffont.

5 commentaires :

  1. Pas encore découvert cet auteur. Ca viendra.
    Bon weekend.

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  2. Et un livre de plus à mettre dans ma PAL. Belle présentation pleine de finesse. Merci PB. Bonne soirée,

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  3. un auteur découvert avec "tu ne jugeras point", une magnifique plume qui m'a tenue en haleine

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  4. Il semble que l'approche soit différente pour ce sujet tellement utilisé par les romanciers. Je le mettrai dans ma PAL moi aussi

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  5. Après "Loin des mosquées", je viens de lire "Dans la gueule de la bête" : un roman déchirant, haletant, très bien écrit. Un coup de coeur pour moi.

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